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AGRAFER, verbe trans.
Attacher, fixer au moyen d'une ou de plusieurs agrafes.
A.− Lang. cour.
1. Emploi trans.
a) [L'obj. est un nom de chose désignant un vêt., un bijou, etc.] :
1. Maître Huylten agrafa le fermail de sa Bible, rangea ses lunettes dans leur étui, et tira le rideau de la fenêtre, qui laissa voir au soleil une fleur de la passion avec sa couronne d'épines, son éponge, son fouet, ses clous et les cinq plaies de Notre-Seigneur. A. Bertrand, Gaspard de la nuit,1841, p. 80.
2. Pendant qu'Amélie, sur un signe de la femme de chambre, agrafait la robe par derrière et aidait la duchesse, la soubrette alla prendre des bas en fil d'Écosse, des brodequins de velours, un châle et un chapeau. H. de Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, pp. 589-590.
3. Elle ne répondit rien, mais posa sur la cheminée le collier qu'elle ne parvenait pas à agrafer. A. Gide, La Porte étroite,1909, p. 521.
Agrafer qqc. à :
4. Le vieux voisin avait un costume d'il y a soixante ans : c'était un habit complet de paysan endimanché. La veste en surcot marron, culotte en velours olive, gilet de basin, − laissant voir une chemise à petits plis, agrafée au col par un anneau d'argent; ... H. Murger, Scènes de la vie de jeunesse,1851, p. 127.
5. Lui, pour qui jadis les deux questions irritantes, à des moindres degrés, étaient celle de la rive gauche du Rhin et celle des bretelles, il consolida son matelassage d'épingles de nourrice, de chaînettes-supports, relia ses boutons de plastron par un fil de faux argent qu'il agrafa à une chaîne centrale. J. Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 98.
b) P. méton., fam. [L'obj. désigne la pers. qui porte un vêt. à agrafer] :
6. Il déboutonne violemment son pourpoint. − Tu m'agrafes toujours comme on agrafe un prêtre, tu serres mon pourpoint, et j'étouffe, mon cher! − V. Hugo, Ruy Blas,1838, I, 1, p. 338.
7. Attendez que je vous agrafe dans le dos, vous ne pouvez pas y arriver... Colette, L'Envers du music-hall,1913, p. 184.
2. Emploi pronom. à sens passif. S'agrafer à.Être agrafé :
8. La salle dans laquelle pénétrèrent Sigognac et les comédiens n'était pas aussi magnifique que Chirriguirri l'assurait : le plancher consistait en terre battue, et, au milieu de la chambre, une espèce d'estrade formée de grosses pierres composait le foyer. Une ouverture pratiquée au plafond, et barrée d'une tringle de fer d'où pendait une chaîne s'agrafant à la crémaillère, remplaçait la hotte et le tuyau de cheminée, de sorte que tout le haut de la pièce disparaissait à demi dans le brouillard de fumée... T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 58.
9. Il est vrai que l'humanité entière, puisqu'il avait su lui résister, en s'immunisant contre elle, n'était plus pour M. Godeau une maladie bien dangereuse ni bien profonde, aussi se plaisait-il à s'imaginer lui-même comme le chêne dans la vallée et il se représentait l'humanité sous l'aspect très négligeable du lichen qui par endroit s'agrafait à sa ceinture. M. Jouhandeau, Monsieur Godeau intime,1926, p. 143.
B.− Emplois techn.
1. ARCHIT., CONSTR. (cf. agrafe B 1) :
10. ... [les pattes à tesseaux] agrafent la feuille [de zinc] de chaque côté, une patte servant à deux feuilles contiguës. E. Robinot, Vérification, métré et pratique des travaux du bâtiment,t. 4, 1928, p. 55.
11. Les murs ont disparu, ne jouant plus aucun rôle de soutien; ces briques creuses dont la construction est si rapide qu'on peut monter d'un étage par jour, ne sont qu'un abri contre le vent et ces granits, ces marbres qui garnissent la base des édifices n'ont que quelques millimètres d'épaisseur et ne constituent plus qu'un ornement; les plafonds en lattis sont simplement agrafés aux charpentes, le toit est fait de feuilles d'acier. Tout bois est interdit, même en décoration; tout l'effort, accru par l'altitude, est troué par ces cages ignifugées que traversent une vingtaine d'ascenseurs en tant de faisceaux de fils électriques qu'on dirait des chevelures... P. Morand, New-York,1930, p. 37.
2. ARTILLERIE :
12. Les systèmes percutants [des fusées à double effet] ... se différencient par les dispositions prises pour agrafer la masselotte et le porte-amorce... Capitaine Alvin, Leçons d'artillerie,Matériel, 1908, p. 234.
3. THÉÂTRE :
13. Agraffer ou attraper : siffler, huer un acteur. On dit qu'un acteur a été agraffé ou attrapé quand le public a donné des marques visibles de son antipathie pour lui. Ch. de Bussy, L'Art dramatique,dict. à l'usage des gens du monde, 1866, p. 20.
C.− Argot
1. Agrafer qqn.L'aborder, s'attacher à ses pas ou le retenir d'une manière importune :
14. « Il m'a agrafé, quel crampon! il ne me lâchait plus! » G. Delesalle, Dict. argot-français et français-argot,1896, p. 7.
15. − À quoi que l'caporal pense de nous faire claquer du bec? Le v'là. J'vais l'agrafer. Eh! caporal, à quoi qu'tu penses d'pas nous faire croûter? H. Barbusse, Le Feu,1916, p. 256.
16. Quand on pouvait agrafer la jeune femme au sortir de l'église, on ne manquait pas de la féliciter. Cette naissance serait une bien grande joie! M. Grange et M. Robert seraient-ils ici pour le baptême? Anne-Marie s'excusait, se dégageait vite; ... H. Pourrat, Gaspard des montagnes,À la belle bergère, 1925, p. 90.
2. Agrafer qqn ou qqc.Empoigner, s'accrocher à :
17. Mais la pleureuse elle m'agrafe, elle se pend vachement à mon cou, elle me souffle son désespoir. L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 14.
18. Je suis accroupi... Je m'enfonce plein dans la bidoche... C'est mou... C'est la bave... Je tire... J'arrache un grand bout de bacchante... Il me mord, l'ordure!... Je lui trifouille dans les trous... J'ai tout gluant... Mes mains dérapent... Il se convulse... Il me glisse des doigts. Il m'agrafe dur autour du cou... Il m'attaque la glotte... L.-F. Céline, Mort à crédit,1936pp. 388-389.
19. Arrivé au quai Voltaire je repère bien l'endroit... Je vois personne du tout... Sur la berge en bas des marches... J'attrape un pavé, un gros... Je l'amarre à mon truc... Je regarde bien encore autour... J'agrafe tout le fourbi à deux poignes et je le balance en plein jus... Le plus loin que je peux... Ça a pas beaucoup fait de bruit... J'ai fait ça automatique... L.-F. Céline, Mort à crédit,1936p. 504.
Rem. Besch. 1845 note un emploi pronom. : ,,s'agrafer à quelqu'un. S'attacher, se suspendre pour ainsi dire à lui. Extrêmement vulgaire.`` Cf. aussi infra styl. rem.
3. Arrêter, consigner :
20. Est-ce qu'on vous a déjà agrafé [vous, sergent,] pour avoir reçu une femme dans votre poste? − Un an de prison seulement. L. Vidal, J. Delmart, La Caserne, mœurs militaires,1833, p. 197.
21. Ils se jettent dans le tas comme des fardeaux, et c'est des colosses et ça rebondit... Ils agrafent les plus truculents, les mieux hurleurs, les plus chlass... Ils les basculent dans le fourgon, complètement retournés... Ça s'empile, ça s'agglomère... La mêlée s'effrite... L'émeute est dissoute dans la nuit... L.-F. Céline, Mort à crédit,1936, p. 252.
4. Voler (qqn) :
22. « C'est clair et net, vois-tu, comme les jaunets que tu as négligé d'agrafer cette nuit-là. » G. Fustier, Suppl. au dict. de la langue verte d'A. Delvau,1889, p. 506.
Stylistique − 1. Agrafer est except. appliqué à des abstr. : 23. Déjà elle ne cherchait plus, comme elle l'avait imaginé, à faire que ces deux mains s'unissent, que les dix doigts de Rebendart pénétrassent les dix doigts de Dubardeau. Il semblait qu'elle n'eût plus d'autre espoir que d'arriver à effleurer l'une par l'autre, d'obtenir non plus un courant, mais une étincelle de conciliation. Elle sentait l'une docile et fraîche, l'autre ennemie et brûlante. Dix secondes elle tenta encore, maintenant désespérée, d'agrafer les deux honneurs, les deux courages, les deux générosités du caractère français. Tâche impossible. J. Giraudoux, Bella, 1926, p. 212. 24. « Pensées terrestres, erreurs charnelles », ce sont leur « positivisme », leur « historicisme » à eux. Indifférent que l'âme soit agrafée aux parties de la pensée d'où Dieu est absent, par l'appât des biens temporels ou par les procédés des sciences de la matière : deux formes du royaume terrestre, illégitimes hors du terrestre. J. Malègue, Augustin ou le Maître est là, t. 2, 1933, p. 496. 2. Il est parfois un synon. expr. et qqf. précieux de accrocher : 25. Chacun d'eux portait sur son dos une énorme chimère, aussi lourde qu'un sac de farine ou de charbon, ou le fourniment d'un fantassin romain. Mais la monstrueuse bête n'était pas un poids inerte; au contraire, elle enveloppait et opprimait l'homme de ses muscles élastiques et puissants; elle s'agrafait avec ses deux vastes griffes à la poitrine de sa monture; et sa tête fabuleuse surmontait le front de l'homme, comme un de ces casques horribles par lesquels les anciens guerriers espéraient ajouter à la terreur de l'ennemi. Ch. Baudelaire, Petits poèmes en prose, Chacun sa chimère, 1867, p. 31. 26. J'ai votre promesse, ajouta-t-elle en lui passant les bras autour du cou. − Pour cela, dit rudement M. Coignard en dénouant les jolies mains agrafées à son épaule, je refuse net. A. France, Les Opinions de Monsieur Jérôme Coignard, 1893, p. 56. Rem. Cf. aussi, dans un autre cont., supra C 2.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [agʀafe], j'agrafe [ʒagʀaf]. Enq. : /agʀaf/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés : agrafage, agrafe, agrafeuse (cf. Lar. encyclop.), agrafure. − Rem. Littré : ,,Agrafer et agraper sont deux formes d'un même mot, l'f et le p permutant facilement.``
Étymol. ET HIST. − 1. 1542 aggraffer « déchirer comme avec une griffe » (A. Sevin, trad. de Boccace, Le Philocope, L. I, 16 rods Hug. : Elle commença à battre son clair visaige avec les sanguineuses mains, et aggraffer ses delicates joues), attest. isolée (avec contamination de graffer et de griffer?); 2. 1546 agraffer « saisir, s'emparer (d'un navire avec un grappin d'abordage) » (Palmerin d'Olive, 202 b selon Vaganay ds Rom. Forsch. XXXII, 6 : Le Turcq... ayant fait agraffer le navire de Palmerin, le mena droit à Olimaël); 1562 s'agraffer, emploi pronom. « s'accrocher » (Du Pinet, Hist. nat. de Pline, XVI, 34 ds Gdf. Compl. : Le lyerre blanc fait mourir les arbres auxquels il s'agraffe); le sens de « s'attacher à » est qualifié de vieux et populaire par Boiste 1823 et Land. 1834, de vulgaire par Besch. 1845, trivial et populaire par Lar. 19e, 1866; demeuré dans l'arg. (supra); 3. 1594 agrafer « attacher avec une agrafe » (Sat. Mén., Abrégé des Estats, p. 18 ds Gdf. Compl. : Tous couverts avec leurs capuchons et habits agrafez). 3 hyp. : 1. Soit dér. (préf. a-1*) du m. fr. grafer « attacher avec un crampon », xive-xves. (1364, Compte de J. Dou Four, Arch. KK 3b, fo44 vods Gdf. : Faire .VI. graffez de fer pour graffer le bort du puis du chastel qui estoit depeciez); (1490, Arch. K 272 ibid. : Graffes de fer pour graffer les entablemens de la viz d'icelle chappelle), lui-même dér. de grafe « crochet », xiiie-xves. : fin xiiies., a. pic. graffe (Ellebaut, Trad. de l'« Anticlaudianus » de Alain de Lille, éd. A. J. Creighton, 3226 d'apr. Långfors ds Neuphilol. Mitt., XLVII, 186 : A une aguille ou une graffe); 1313 grafe (Trav. aux chât. d'Artois, Arch. KK 393, fo38 ds Gdf s.v. grape : Grafes et chevilles de fer qui sont mis es galeries); 1490 graffe (Arch. K 272 ds Gdf loc. cit. : Pour .XIII. graffes de fer d'un pié et demi de long). Fr. grafe empr. à l'a. h. all. chrapfo (nomin. sing.) ixes., crapfun (acc. sing.) « uncinus » ds Graff t. 4, 1838, p. 596 s.v. krapho, m. h. all. krapfe « crochet » etc. (Lexer 1963), c-à-d. apr. la deuxième mutation consonantique, alors que les formes fr. graper et grape, c.-à-d. en -p- ou -pp-, remontent au germ. *krappa « crochet » passé sans doute en lat. vulg. av. la 2emutation consonantique (grappe* et grappin*). 2. Soit du m. fr. agraper avec influence de graffe « crochet » (voir ci-dessus). Fr. agraper « s'accrocher à, saisir » du xiieau début xviies. : 1184 (Thib. d. Marly Vers s. la Mort, XXX ds T.-L. s.v. : Mors est le mains qui tot agrape), dér. (préf. a-1*) de l'a. fr. graper « saisir », 1218-1225, (Les Miracles de la sainte Vierge, trad. et mis en vers par Gautier de Coincy, éd. Poquet, 118, 342 ibid. s.v. : Bien pëussiens aler graper, Sade virge, douce et piteuse, Se tu ne fusses retournee), lui-même dér. du fr. grape « crampon, agrafe, grappin », xiiie-xvies. (1213 L.-F. Flutre, Faits des Romains, 421, 16 ds Romania 65 [1939], p. 513 : Li vosoir en furent bien lié a dur ciment et a grosses grapes de fer bien seelees a plom). Cet a. fr. grape, remonte au germ. *krappa « crochet » entré en lat. vulg. av. la 2emutation consonantique. Le passage du groupe initial germ. kr- au fr. gr- s'explique par la faiblesse particulière des occlusives sourdes du germ., Fouché 1966, pp. 687-688. De ces deux hyp., toutes deux recevables, la première semble préférable, la seconde présentant quelque difficulté du point de vue chronol. 3. Soit, dans le cas de l'hyp. 1 de agrafe* : agrafer dér. de agrafe*, évolution parallèle à grafer dér. de graffe et à graper dér. de grape. Voir aussi agrapper, agriffer, agripper.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 66.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Barb.-Cad. 1963. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Canada 1930. − Caput 1969. − Chabat t. 1 1875. − Dup. 1961. − Esn. 1966. − Guiraud (P.). Mélanges d'étymologies argotiques et populaires. Cah. Lexicol. 1967, t. 10, no1, p. 17. − Hanse 1949. − Jal 1848. − Jossier 1881. − Larch. 1880. − La Rue 1954. − Le Breton 1960. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 134, 265. − Sandry-Carr. 1963. − Timm. 1892.