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ABSTINENCE, subst. fém.
[En parlant d'une pers.] Action de se priver de certains biens matériels (aliments, boissons) ou de certains plaisirs (notamment de la chair) :
1. ... il est également vrai de dire que, toutes choses égales, ceux qui savent manger, sont comparativement de dix ans plus jeunes que ceux à qui cette science est étrangère. Les peintres et les sculpteurs sont bien pénétrés de cette vérité, car jamais ils ne représentent ceux qui font abstinence par choix ou par devoir, comme les avares et les anachorètes, sans leur donner la pâleur de la maladie, la maigreur de la misère et les rides de la décrépitude. J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 146.
2. Sans fléchir ses genoux en écartant les jambes, elle se courba si bien que son menton frôlait le plancher; et les nomades habitués à l'abstinence, les soldats de Rome experts en débauches, les avares publicains, les vieux prêtes aigris par les disputes, tous, dilatant leurs narines, palpitaient de convoitise. G. Flaubert, Trois contes,Hérodias, 1877, p. 197.
3. Après dix bouteilles, il buvait un coup de tisane. Il absorbait un litre par heure, huit litres dans sa tâche; il les rendait en transpiration. Son abstinence de bière et d'alcool lui valait un renom d'avarice... P. Hamp, Vin de Champagne,1909, p. 83.
A.− Dans le domaine de la mor. ou de la relig.Action ou disposition permanente de la volonté consistant à se priver de certains biens ou plaisirs (cf. sup.) dans une intention de perfection mor. ou spirituelle :
4. Mais la loi chrétienne, qui n'est que la volonté révélée de celui qui sait tout et qui peut tout, ne se borne pas à de vains conseils : elle fait de l'abstinence en général, ou de la victoire habituelle remportée sur nos désirs, un précepte capital qui doit régler toute la vie de l'homme;... J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg,t. 1, 1821, p. 57.
5. Ils ont cru qu'en macérant leur corps quand leur âme était désolée, ils pouvaient émouvoir la miséricorde des dieux; et cette idée saisissant tous les peuples leur a inspiré le deuil, les vœux, les prières, les sacrifices, les mortifications et l'abstinence. J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 245.
6. C'est que ces philosophes chrétiens ne recelèrent point en eux le divorce, devenu depuis si fréquent, de l'intelligence et de la volonté; c'est que leur vie fut tout entière une laborieuse application de leurs doctrines. Ils réalisèrent dans sa plénitude cette sagesse pratique, tant rêvée des anciens : l'abstinence des disciples de Pythagore, la constance des stoïciens, l'humilité, la charité que nul de ceux-là n'avait connues. F. Ozanam, Essai sur la philosophie de Dante,1838, p. 50.
7. C'était ici qu'il trouvait la plus belle justification de l'ascétisme chrétien, de l'abstinence et de la solitude monastiques : renoncer au plaisir, parce qu'il est le prix du sang de quelqu'un. M. Jouhandeau, Monsieur Godeau intime,1926, p. 120.
8. Au surplus j'ai pris garde de ne laisser point s'endormir mes désirs, écoutant en ceci les conseils de Montaigne qui se montre particulièrement sage en cette matière : il savait, et je sais aussi, que la sagesse n'est pas dans le renoncement, dans l'abstinence, et prend soin de ne pas laisser tarir trop vite cette source secrète, allant même jusqu'à s'encourager vers la volupté,... A. Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1169.
Spéc. [Dans la lang. de l'Église catholique] Privation de viande à certains jours déterminés :
9. On devait s'abstenir d'assister aux fêtes, aux danses, à toute réjouissance profane; outre les abstinences et les jeûnes prescrits par l'église, ne pas manger de chair le lundi ni le mercredi, et jeûner depuis la Saint-Martin jusqu'à Noël, ... Ch. de Montalembert, Hist. de Sainte Élisabeth de Hongrie,1836, p. 76.
10. Jamais Vasile n'a manqué à ses devoirs religieux. Il donnait aux églises, il donnait aux pauvres. Le jour de Pâques, il allumait un cierge plus gros que tous les autres. Il se serait fait tuer plutôt que de violer la loi du jeûne, ou de manger gras un jour d'abstinence. E. About, Le Roi des montagnes,1857, p. 224.
11. Il suivait, autant qu'il pouvait, la règle de sa communauté et se levait de sa paillasse pour réciter, agenouillé sur le carreau, les offices de nuit. Bien qu'ils n'eussent tous deux à manger que de misérables rogatons, il observait le jeûne et l'abstinence. A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 187.
B.− MÉD. Privations consenties dans une intention thérapeutique :
12. Un membre luxé ou fracturé peut-il être rétabli sans douleur? Une plaie, une maladie interne peuvent-elles être guéries sans abstinence, sans privation de tout genre, sans régime plus ou moins fatigant? J. de Maistre, Les Soirées de Saint-Pétersbourg,t. 2, 1821, p. 177.
13. ... après une saignée copieuse ou une longue abstinence, l'appétit du convalescent s'aiguise, et les aliments s'assimilent en proportion plus forte. A. Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 80.
14. Les états de digestion, d'abstinence, de veille, de sommeil, d'âge, de sexe peuvent aussi apporter des modifications dans cette sensibilité organique spéciale qui fera le véritable désespoir du médecin et du biologue, tant qu'on n'aura pas rattaché toutes ces variétés aux causes prochaines qui les déterminent ou les règlent. C. Bernard, Principes de médecine expérimentale,1878, p. 157.
15. ... j'ai les symptômes classiques de l'abstinence subite : de l'insomnie, des fourmillements, du froid, une hyperesthésie extraordinaire. P. Bourget, Le Sens de la mort,1915, p. 98.
Spéc., PSYCHANAL. Règle d'abstinence, principe d'abstinence. Principe selon lequel la cure faite par le patient doit être menée de telle façon que ce dernier trouve le moins possible de satisfactions pouvant se substituer à ses symptômes :
16. On ne s'étonnera pas que ce soit à propos d'une demande particulièrement pressante, celle inhérente à l'amour de transfert, que Freud aborde explicitement, en 1915, la question de l'abstinence : « Je veux poser ce principe qu'il faut chez les malades maintenir besoins et aspirations comme des forces poussant au travail et au changement et se garder de les faire taire par des succédanés ». Lapl.-Pont.1967.
C.− ZOOL. ,,Faculté qu'ont les animaux hibernants, c'est-à-dire qui passent l'hiver dans le sommeil, de ne prendre aucun aliment pendant toute cette saison; telle est, en particulier, la marmotte.`` (Besch. 1845).
P. ext. Abstinence hivernale. Se dit d'un animal qui ne peut manger à sa faim à cause de l'hiver :
17. La terre fraîche attire les bêtes : celles qui grattent et fouissent, les rats, les taupes, les renards avides de vers blancs; celles qui piétinent et aiment le sol gras; celles qui labourent comme le sanglier cherchant pâture après l'abstinence hivernale; ... J. de Pesquidoux, Le Livre de raison,t. 2, 1928, p. 32.
Rem. Abstinence/abstention. Ces 2 subst. dér. du verbe s'abstenir sont gén. distincts dans la lang. cour. mod. Abstinence désigne l'action de s'abstenir d'user de qqc. Cependant, dans l'anc. lang., les 2 termes ont pu être concurrents. Abstinence a signifié autrefois « l'action de s'interdire un acte » (cf. DG). De même abstention a pu être empl. comme synon. de abstinence et désigner « l'action de s'interdire l'usage, la jouissance de qqc. ». Dans la lang. mod. on retrouve cet emploi dans qq. ex. rares (cf. abstention, sém., ex. 14, 16). Pour plus de détails, cf. hist.
Stylistique − On note parfois des emplois arch. de abstinence au sens de « abstention »; on peut se demander s'il s'agit d'arch. voulus ou de survivances : 18. Abstiens-toi de faire de la peine aux animaux. L'abstinence du mal envers les bêtes est le premier exercice du bien envers les hommes. J.-H. Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature, 1814, p. 108. 19. ... j'ai besoin d'être encouragé par l'amitié dans le sens de mes secrètes aspirations. Mes longues abstinences d'ambition et de volonté ne m'ont que trop guéri de tout élan. Je suis devenu en quelque sorte eunuque à l'égard de toute possession, et j'ai plus peur du bonheur que je n'en ai envie. Il me semble toujours que je serais au-dessous de chaque situation, et c'est pourquoi je m'abstiens, je me cache, je me tais avec passion. Ce défaut de courage et de tempérament croît naturellement avec les années. H.-F. Amiel, Journal intime, 10 févr. 1866, p. 125. Dans des ex. comme les suiv. il semble s'agir d'une intention d'effet de style (l'abstinence de paroles est assimilée à celle de la chair, l'abstinence des lectures à celle de la nourriture) : 20. Si j'avais épousé un prêtre, vivrais-je dans une plus rigoureuse abstinence de paroles? Au moins les prêtres ont eu le bon sens de s'interdire le mariage. L. Gozlan, Le Notaire de Chantilly, 1836, p. 40. 21. ... remarquons d'abord cette extrême abstinence dans les lectures. Port-Royal en son premier esprit la poussa très-loin. M. de Saint-Cyran avait réfuté Garasse sur Charron; mais il n'avait lu Charron qu'à cette occasion et ne paraît pas s'être informé, au préalable, de Montaigne, qui est pourtant la vraie clef pour pénétrer le théologal. Ch.-A. Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p. 381.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [ab̭stinɑ ̃:s]. Enq. : /apstinãs/. 2. Hist. − Le mot entre dans la lang. sous sa forme actuelle au xiies. (cf. étymol.) et il est régulièrement attesté ds les dict. dep. Cotgr. 1611. En a. fr. et m. fr., on relève les formes : abstinance, abstenance, astinenche, astinence, astinnence, aptinance, austinence, austinance, atenance, estenance, estinance (cf. Gdf. Compl.).
Étymol. − Corresp. rom. : prov. abstinensa; ital. astinénza; esp., cat., port. abstinencia. 1. xiies. « action de s'interdire l'usage de qqc., la participation à qqc. » (Rois, p. 58 ds Gdf. Compl. : Seintefiad Ysai et ses fiz, car il les fist estre en abstinence encuntre le sacrefise); 2. début xiiies. « action de se priver de nourriture et en partic. de viande » terme relig. (Guiot, Bible, 1404 ibid.; de char abstinance); emploi absolu : Poème Moral, éd. Cloetta, 119 a, ibid. : jors est d'abstinence; 3. xiiies. « suspension d'arme » (emploi absolu), terme jur. (Beaumanoir, éd. Beugnot, 60, 3 ds T.-L. : A ce respondit Pierres qu'il nel voloit pas (les trèves) doner, car por le fet que il proposoit il estoit en astenanche vers li par amis). Empr. au lat. abstinentia (dér. de abstinere « non frui », voir s'abstenir) au sens 1, dep. Varron (TLL s.v., 191, 4) et en lat. médiév. (cf. 983-993 Gerhardus, Vita Udalrici I, 9, p. 396, 22 ds Mittellat, W. s.v., 58, 65); empl. au sens 2, dep. Celse, De Medic. 1, 2 (ds TLL s.v., 191, 64) mais spécialisé dans cet emploi par le lat. chrét. (Tertullien, passim; TLL s.v., 192, 15-21; cf. C. 866 Rimbertus, Vita Anscarii, 30, p. 62, 32 ds Mittellat. W. s.v., 59, 3, 3, ne semble pas avoir d'équivalent en lat. médiév. av. le xives. (Du Cange). HIST. − À l'orig. abstinence possède 2 sens 1. « Action de s'interdire un acte ». Le mot dans ce sens n'a pas survécu au-delà du xviies. et a été supplanté par abstention. 2. « Action de s'interdire l'usage de qqc. ». Dans ce sens qui s'est maintenu jusqu'à nos jours, le mot apparaît d'abord appliqué au domaine de la mor. ou de la relig.; il s'étend ensuite à d'autres domaines partic., comme la méd. et l'hist. nat. et se trouve également empl. comme terme gén. I.− Disparition av. 1789. − « Action de s'interdire un acte ». 1. Dans le domaine de la guerre. 1reattest. xiiies., cf. étymol. 3, ne survit pas apr. le xviies. xvies. : La feste et solennité d'Apollo Tymbree approcha. Et furent donnees treves et abstinence de guerre d'un costé et d'autre, pour vaquer à icelle. Lemaire de Belges, Illustrations de Gaule et singularités de Troie, [1513], II, 20 (Hug.). xviies. : Ce sera une simple abstinence d'hostilités. Louis XIV, Au duc de Chaulnes, Négociations relatives à la succession d'Espagne, [22 déc. 1667], II, 580 (DG). 2. Domaine gén. 1reattest. 1507, ne subsiste guère au-delà du xviies. (cf. cependant styl.). xvies. : Homme de grand intégrité et non hay des Flamengz à cause de sa preud'hommie et abstenence de pillaige. Lemaire de Belges, Chronique annale, [1507], IV, 491 (Hug.). xviies. : Dans cette abstinence et ce silence que j'ai tant souhaité. Mmede Sévigné, Lettres, 14 août 1680, 842 (DG). II.− Hist. du sens attesté apr. 1789. − La classification ci-dessous a été déterminée par l'ordre d'apparition des différents emplois. A.− Terme de mor. et de relig., cf. sém. A. 1reattest. xiies., cf. étymol. 1. xives. : Mainte estenance fist et penance porta. Le chevalier au cygne et Godefroid de Bouillon, 3024 (Gdf. Compl.). xvies. : Le plus grand los que l'on donne aux Gracques, d'abstinence de ne point prendre argent, est qu'en tous leurs magistrats et en toutes leurs entremises des affaires publiques, ilz eurent tousjours les mains nettes. Amyot, Comparaison de Tibérius et Caius Gracchus avec Agis et Cléomène, 1, [av. 1593], (Hug.). xviies. : Employant à la charité les restes de sa pauvreté et les fruits de ses abstinences. Fléchier, Panégyriques et autres sermons, [1696], II, 392 (Littré). xviiies. : Vertu morale par laquelle on s'abstient de certaines choses, en vertu d'un précepte moral, ou d'une institution cérémonielle. (...) C'est une espèce de la tempérance, et elle se confond quelquefois avec la sobriété. Trév. 1771. − Rem. Le sens spécial que possède le mot dans la lang. relig. (Église cath.) est attesté dès le début du xiiies. (cf. étymol. 2) et manifeste une grande contin. : xives. : De jeunes et d'austinance. Vie de Saint Alexi, 656 (Gdf. Compl.). xviies. : L'abstinence des viandes assaisonnée de devotion, et accompagnée de la priere est un des moyens les plus efficaces pour avancer nôtre sanctification. Bossuet (Fur. 1701). xviiies. : Il n'est pas jeûne aujourd'hui, il n'est que jour d'abstinence. Ac. 1762. B.− Emploi dans le domaine méd., cf. sém. B 1reattest. 1595 : Or ayant choisi de se tuer par abstinence, voylà sa maladie guérie par accident : ce remède qu'il avait employé pour se deffaire, le remet en santé. Montaigne, Essais, II, 13 (Pléiade). xviies. : On luy a ordonné une grande abstinence. Ac. 1694. xviiies. : La diète et l'abstinence sont nécessaires, pour rétablir l'estomac affoibli par la débauche. Trév. 1752. − Rem. Dans le vocab. techn. de la psychanal. le mot est attesté pour la 1refois en 1915 (cf. sém. B in fine). C.− Terme gén., cf. ex. 1 à 3 1reattest. xviies. : Donnons à ce grand œuvre une heure d'abstinence Et qu'en retour tantost un ample déjeûner Long-temps nous tienne à table. Boileau, Le Lutrin, [1683], IV, v. 210-122 (Ed. Soc. des Belles-Lettres, Paris, 1952). xviiies. : Il se dit (...) de la modération dans l'usage des alimens. Trév. 1771. − Rem. On note chez Marivaux l'expr. métaph. abstinence de paroles (ds Brunot t. 6, 2, 1 p. 1058). D.− Terme d'hist. nat. (cf. sém. C). L'emploi du mot dans ce domaine n'est signalé que par Besch. 1845.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 182.
BBG. − Ac. Gastr. 1962. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − Franck 1875. − Lafon 1963. − Lal. 1968. − Lapl.-Pont. 1967. − Littré-Robin 1865. − Marcel 1938. − Mont. 1967. − Nysten 1814-20. − Privat-foc. 1870. − Rey-Cottez 1968, t. 36, no2, p. 139. − Romeuf t. 1 1956. − St-Edme t. 1 1824. − Théol. cath. t. 1, 1 1909.