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ABDICATION, subst. fém.
I.− Sens propre
DR. Renonciation à de hautes fonctions, à l'autorité souveraine. [Se dit aussi en parlant de situations moins importantes, d'une charge d'une qualité, d'un titre, d'un droit] Cf. abdiquer I :
1. Le dernier recueil en deux volumes contient une suite de pamphlets, la plupart dirigés contre Buonaparte aux jours de sa chute, de son abdication et de son exil. E.-J. Delécluze, Journal,1827, p. 375.
2. Il s'agissait bien de quelques phrases diplomatiques sur la déchéance, sur l'abdication, sur le traité du 11 avril et du 30 mai, pour arrêter Napoléon! F.-R. de Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 2, 1848, p. 594.
Anciennement. Abdication des droits de cité ou de patrie. Abandon volontaire de ses droits :
3. Il était Rousseau de Genève. Il y tenait. « Citoyen de Genève », ç'avait été sa signature chaque fois qu'il avait voulu donner aux hommes l'idée de ce que pouvaient la vertu et la liberté. Genève, par lui, était en train de changer le monde. Et Genève le méprisait. Eh bien! Entre sa patrie et lui-même, le monde choisirait. Cette lettre d'abdication ferait la honte éternelle de Genève. J. Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 130.
Rem. J. Guéhenno emploie ce mot à propos de J.-J. Rousseau, qui abdiqua ses droits de citoyen de Genève. Il ne semble pas que cet usage appartienne aujourd'hui à la lang. commune.
P. ext. Aliénation des volontés particulières au profit d'une volonté supérieure de type jur. (monarchie, suprématie, usurpation) ou mor. (ambitions, vanités, prétentions, amour-propre) (cf. II) :
4. La monarchie n'est point une préférence accordée à un homme aux dépens des autres; c'est une suprématie consacrée d'avance : elle décourage les ambitions, mais n'offense point les vanités. L'usurpation exige de la part de tous une abdication immédiate en faveur d'un seul : elle soulève toutes les prétentions : elle met en fermentation tous les amours-propres. B. Constant, De l'Esprit de conquête et de l'usurpation,1813, p. 187.
5. Au point de vue politique, il n'y a qu'un seul principe : la souveraineté de l'homme sur lui-même. Cette souveraineté de moi sur moi s'appelle liberté. Là où deux ou plusieurs de ces souverainetés s'associent commence l'état. Mais dans cette association il n'y a nulle abdication. V. Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 314.
II.− Au fig. Action de renoncer à une valeur ou à un sentiment considérés comme étant de grand prix. Cf. abdiquer II :
6. ... quand les nuages s'amoncellent, quand toute la fureur de la nature se manifeste, l'homme se sent une énergie intérieure qui peut s'affranchir de toutes les craintes, par la volonté ou par la résignation, par l'exercice ou par l'abdication de sa liberté morale; et cette conscience de lui-même le ranime et l'encourage. G. de Staël, De l'Allemagne,t. 4, 1810, p. 138.
7. Balzac pensait sans doute qu'il n'est pas pour l'homme de plus grande honte ni de plus vive souffrance que l'abdication de sa volonté. Ch. Baudelaire, Paradis artificiels,le Poème du haschisch, 1860, p. 384.
8. Mon appréhension de la vie me ressaisit à la gorge. Mon besoin d'étourdissement, d'oubli, d'abstention, d'abdication reparaît plus puissant que jamais. Je ne me sens aucune volonté, aucune espérance, aucun talent, aucun avenir, aucune audace. H.-F. Amiel, Journal intime,1866, p. 399.
9. Ce qu'elle [Manette] avait obtenu de lui [Coriolis], ce n'avait point été une entière et brusque abdication de ses goûts, de ses instincts, de ses attaches de cœur, ... E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 399.
10. ... dans les conceptions les plus admirables de Haendel et de Bach, il n'y avait pas la renonciation d'un succès public, le sacrifice d'un effet d'art, l'abdication d'un orgueil humain s'écoutant prier; ... J.-K. Huysmans, À rebours,1884, p. 269.
11. Il faut que cette conscience recréée par les mekhitaristes de San-Lazzaro prouve sa force par des sacrifices, par des abdications individuelles au profit de la communauté. M. Barrès, Scènes et doctrines de nationalisme,1902, p. 117.
12. ... mais il y a, dans le renoncement à la joie, de la faillite et comme une sorte d'abdication, de lâcheté. A. Gide, Les Nouvelles Nourritures,1935, p. 284.
Rem. Le mot est gén. suivi d'un compl. de n. introd. par la prép. de; empl. sans compl. (ex. 8, 12), il prend une valeur plus gén. corresp. à l'emploi absolu du verbe (cf. abdiquer II B).
Stylistique − 1. Stable dep. le lat. médiév., le mot, en tant que terme de la lang. du dr. (sens I), connaît une grande vitalité au xixes., en raison des événements hist. de l'époque (on le rencontre souvent chez des auteurs comme Chateaubriand, Las Cases, etc.). Dans son sens II, le mot appartient à la lang. de la psychol. ou de la mor., d'où sa fréquence dans les romans d'analyse, les journaux intimes (Amiel, Bourget, Gide, etc.). Pris dans ce sens fig., le mot n'a pas obligatoirement la nuance péj. que lui attribuent certains lexicographes (cf. déf. ds Rob. « abandon qui manifeste de la faiblesse ou de la lâcheté »). Si celle-ci apparaît effectivement dans certains cont. (cf. ex. 7, 12), le mot a une coloration laudative dans les ex. 6, 10 et 11. 2. Emplois partic. relevés dans la docum. : . Lorsque J. Sandeau applique abdication à un bien matériel (cf. abdiquer, ex. 20), il retrouve un emploi vieilli au xixes. (cf. hist. I B). . Emplois iron. lorsque p. ex. abdication est construit avec un mot désignant une partie du corps : 13. Les distances avaient été calculées de manière à ce que tout le monde fût rendu à Valombreuse à huit heures du matin. Les électeurs de la ville, plus voisins du château, devaient s'y rendre dans une promenade matinale. Il s'agissait d'un gala : les convives furent ponctuels. : A neuf heures, je tenais soixante-seize électeurs dans ma salle à manger; j'allais nourrir et désaltérer la majorité. (...) du gibier de toute espèce, des truites, (...) accompagnaient les pièces apportées de Paris, les pâtés de foies, les terrines, (...) enfin tous les hors-d'œuvres qui ont une célébrité gastronomique. A l'aspect de cette table chargée de mets, il se fit un silence général : l'admiration domina l'appétit. Mais cette abdication de l'estomac ne dura qu'un moment, et bientôt on put voir la majorité à l'œuvre. L. Reybaud, Jérome Paturot, 1842, p. 331. 14. Il allait hériter de nos maîtres avides, De ceux qui nous font dire : une science est à nous. Seigneur, nous n'avons rien que nos cartables vides Et l'abdication de nos roides genoux. Ch. Péguy, Ève, 1913, p. 868.
Prononc. : [abdikasjɔ ̃]. Enq. : /abdikasiõ/.
ÉTYMOL. − Corresp. rom. : prov. abdicacioun; ital. abdicazione; esp. abdicación; port. abdicação; cat. abdicació. 1. av. 1406 « action de renoncer à qqc. » (l'obj. désigne une valeur) (Internele consolacion, 165, Pereire ds Quem. : abdication de toute convoitise) et 1470 (Le Livre de la discipline d'amour divine, fol. 152b, éd. 1537 ds R. Et. rabel., 9, 1911, p. 298 : Quant aux biens corporelz, par renunciation et abdication); 2. 1584 « action de renoncer à une dignité, à une charge » terme jur. (Thevet, Vies des hommes illustres, 541 vo, Delboulle ds Quem. : Mais pour son abdication volontaire [de la dignité de chancelier] ne peut-il adoucir le cœur ulcéré du roy); 3. 1605 « action d'exclure un fils de la famille; exhérédation » terme jur. (Lomineau, Jurisprudence françoise, 74, Delboulle ds Quem. : Et estoit l'abdication une privation ou exclusion des hommes de la parenté et succession des père, mère, frères et sœurs et autres parens). Empr. au lat. abdicatio (comme dīcere et abdīcere à l'orig. terme techn.) attesté au sens 2 dep. Tite-Live 6, 16, 8 (TLL s.v., 53, 25 : abdicatione dictaturae; cf. lat.. médiév. archiepiscopi abdicatio, Conc. Rem., 47, Mittellat. W. s.v., 16, 35), au sens 3 dep. Pline (Nat. hist. 7, TLL s.v., 53, 30 : abdicatio Post. Agrippae post adoptionem); lat. médiév. fréquemment attesté au sens de « action de renoncer à un droit » (cf. 1125-37 Dipl. Loth. III, 11, Mittellat. W. s.v., 16, 41 : decimationis abdicationem accepit). Élargissement de sens en lat. chrét. « action de renoncer à » (notion de renoncement volontaire) (TLL s.v., 53, 48 sq) : d'où 1 (cont. relig.). HISTORIQUE I.− Sens et accept. disparus av. 1789. − A.− « Exhérédation » (cf. étymol. 3), sens attesté pour la 1refois en 1605; ne survit pas au-delà de la fin du xviiies. : L'abdication d'un fils rebelle et désobéissant. Trév. 1771. − Rem. 1. Aux xviieet xviiies., ce sens techn. est mentionné ds les éd. successives de Fur. et Trév., mais manque ds les dict. de l'Ac. (cf. abdiquer, hist. I, rem. 2). 2. Certains dict. des xixeet xxes. en font état, mais en précisant qu'il s'agit d'un terme anc. : Il signifiait aussi, dans notre ancienne jurisprudence, Acte par lequel un père privait son fils des droits que celui-ci avait, à ce titre, dans sa succession. L'abdication était une exhérédation prononcée pendant la vie et susceptible de révocation. Ac. 1932-1935. B.− Abdication de biens, terme de dr. attesté dès 1470 (cf. étymol. 1), mentionné par Fur. et Trév. jusqu'en 1771 : On dit (...) au Palais, Faire une abdication de biens, quand on fait un abandonnement entier. Trév. 1771. − Rem. A l'époque contemp., seuls Besch. et le DG rappellent l'expr. faire l'abdication de ses biens, qui ne semble plus usitée dans la lang. jur. issue du Code civil. C.− En parlant des droits de cité ou de patrie. Cet emploi, rare, est signalé par Trév. 1771 comme terme de dr. en partic. de dr. romain : Harris, dans son Dictionnaire Anglois des Arts, dit qu'on trouve qu'abdication s'est dit encore d'un homme libre qui renonce à sa condition pour se faire esclave, ou d'un citoyen romain qui renonce à cette qualité et aux privilèges qui y sont attachés. − Rem. 1. Dans l'Antiquité, cette abdication des droits de cité équivalait à une abdication de la liberté (cf. Ac. Compl. 1842 et Besch.). 2. Au xviiies. on retrouve ce terme à propos de Rousseau qui abdiqua ses droits de citoyen de Genève (cf. sém. I, rem.). II.− Hist. des sens attestés apr. 1789. − A.− Sém. sens I. − Terme de dr., en parlant de hautes fonctions, attesté de 1584 (cf. étymol. 2) jusqu'à nos jours, cf. par ex. au xviies. : Abdication de Charles Quint. Rich. 1680. Renonciation volontaire à une charge, à une magistrature. Fur. 1690. (Cf. encore Ac. 1718 à 1798, Trév. 1771 et sém. I). − Rem. ,,[Le mot] se prend aussi passivement et se dit par rapport à la chose abdiquée. L'abdication de l'Empire.`` (Ac. 1694). Cette constr., attestée ds Littré, semble sortie de l'usage. B. − Sém. sens II (en parlant de valeurs abstr.). − Anciennement attesté (cf. étymol. 1), il ne figure ni ds les dict. du xviies. ni ds ceux du xviiie. Le DG cite cependant un ex. : L'abdication que j'ai faite de tout ce qui peut être douteux. Descartes, Réponse aux sept objections.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 271. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 553, b) 166; xxes. : a) 445, b) 323.
BBG. − Barr. 1967. − Bouillet 1859. − Bouyer 1963. − J. Dubois Pol. 1962. − Dupin-Lab. 1846. − Gramm. 1789. − Lavedan 1964. − Lep. 1948. − Pol. 1868. − St-Edme 1824-28. − Théol. cath. 1909.