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PHILANTHROPIE, subst. fém.
A. − [Corresp. à philanthrope A]
1. Cour. Activité du philanthrope; exercice de la bienfaisance. Se livrer à la philanthropie. Elle avait pris l'initiative de la charité, de la philanthropie dans le pays, où quelques établissements de bienfaisance se fondèrent par ses soins (Duranty, Malh. H. Gérard, 1860, p.2).[Le bourgeois] est conseiller et il est protecteur. Il incline à la philanthropie. Il fonde des dispensaires, des crèches. Noblesse obligeait. Bourgeoisie oblige (Nizan, Chiens garde, 1932, p.95):
1. Tout acte de philanthropie auquel nous nous livrons; tout système que nous rêvons dans l'intérêt de l'humanité, n'est que l'idée chrétienne retournée, changée de nom et trop souvent défigurée: c'est toujours le verbe qui se fait chair! Chateaubr., Mém., t.4, 1848, p.596.
2. Qualité de coeur et de générosité du philanthrope; ensemble des nobles sentiments qui l'animent. La compassion de David était tout instinctive. La faim, le froid, la misère, le bouleversaient. Il ne se piquait pas de philanthropie. Il écrasait brutalement sur son passage les adversaires gênants, mais la vue d'une infortune matérielle le prenait au ventre, le faisait véritablement souffrir physiologiquement (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.305).V. anti-politique ex. 1:
2. ... pour que la sécurité qui résulterait dans l'esprit des ouvriers de la certitude d'un entretien suffisant et d'eux-mêmes et de leurs enfans, ne les multipliât pas outre mesure, il [M. de Sismondi dans l'un de ses ouvrages] accorde aux entrepreneurs qui en auraient la charge, le droit de permettre et d'empêcher leurs mariages. Ces propositions, dictées par une louable philanthropie, ne me semblent pas admissibles dans la pratique. Say, Écon. pol., 1832, p.379.
3. P. méton. Ensemble des personnes qui pratiquent la bienfaisance; oeuvres de bienfaisance. Au besoin, pour peu que la sécurité le commande, on les massacre [les prisonniers]. La philanthropie gémit ensuite de ces extrémités, mais elle n'ose les flétrir (Proudhon, Guerre et paix, 1861, p.272).Il ne faut (...) pas s'étonner si la franc-maçonnerie a pu rendre au gouvernement radical des services identiques à ceux que la philanthropie catholique avait rendus aux gouvernements antérieurs (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.294).
4. P. ext. Désintéressement, absence de calcul dans les actes, le comportement. Ce n'est pas par philanthropie, mais par intérêt, qu'il les aide dans les travaux (Dub.).
B. − [Corresp. à philanthrope B] Vieilli. Amour qu'une personne a naturellement pour ses semblables; qualité de celui/celle qui est animé(e) de cet amour. Ascanio était le plus heureux des hommes; rien ne le choquait, tout le monde l'aimait, il aimait tout le monde. Lélia, qui savait le secret de sa philanthropie, ne le voyait qu'avec horreur (Sand, Lélia, 1833, p.143).Un ton grincheux propre à vous persuader immédiatement que la philantropie et la sociabilité ne sont pas ses qualités dominantes (Fr. Dorin, Les Lits à une place, 1982 [1980], p.265):
3. C'est par leurs immortels ouvrages [de nos gens de lettres] que la langue française est devenue universelle dans toutes les cours de l'Europe, et c'est par la douce philanthropie qu'ils inspirent, que les peuples de cette partie du monde se rapprochent insensiblement les uns des autres. Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.294.
P. méton. Entreprise, comportement philanthropique. Tant qu'il absorbe ou paraît absorber la personne, le collectif tue l'amour qui voudrait naître. En tant que tel, le collectif est essentiellement in-aimable. Et voilà où échouent les philanthropies (Teilhard de Ch., Phénom. hum., 1955, p.297).
REM.
Philanthropisme, subst. masc.,rare, synon. (supra A).Inviter un pauvre chez soi, (...) être parrain d'un petit pauvre le jour qu'on fait baptiser son enfant. Cela se faisait dans les familles riches chrétiennes. Ce vagabond que vous avez reçu, ce pauvre que vous avez aimé, c'était moi-même. Même chez un Vincent de Paul, c'est mysticisme, et pas du tout philanthropisme. Le philanthrope a pitié de la misère. Le mystique veut honorer le pauvre. Le pauvre lui est très supérieur: il représente le Christ (Barrès, Cahiers, t.13, 1921, p.77).
Prononc. et Orth.: [filɑ ̃tʀ ɔpi]. Ac. 1762 et 1798: -tropie; dep. 1835: -thropie. Étymol. et Hist.1. 1551 «amour de l'humanité» (Des Autels, Suite du repos, p.94 ds Hug.); 2. a) 1844-50 «exercice de bienfaisance» (Balzac, Paysans, p.279); b) 1962 «désintéressement» (Rob.). Empr. au gr. φ ι λ α ν θ ρ ω π ι ́ α «sentiments d'humanité, de bonté; amour pour les hommes; affabilité, clémence», de φ ι λ α ́ ν θ ρ ω π ο ς v. philanthrope. Fréq. abs. littér.: 137. Bbg. Vardar Soc. pol. 1973 [1970], pp.285-286.