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OUATE, subst. fém.
A. − Bourre de matière textile (surtout de coton) préparée pour garnir les doublures de vêtement, la literie, pour rembourrer les sièges. Ouate de chanvre, de laine, de soie; couverture d'ouate; jupe doublée d'ouate. Une vieille robe de chambre en calicot imprimé, dont la ouate prenait la liberté de sortir par plusieurs déchirures (Balzac, Cous. Pons, 1847, p.178).Un tailleur bulgare avait voulu avantager ma vareuse en la matelassant de ouate à la poitrine et aux épaules (Vercel, Cap. Conan, 1934, p.167).
Spécialement
1. Coton traité pour absorber aisément les liquides, purifié et blanchi, utilisé pour les pansements ou les soins d'hygiène. Ouate chirurgicale, un paquet d'ouate hydrophile; tampon d'ouate. Il se contenta d'envelopper le pied et le genou dans de la ouate, qu'il maintint ensuite avec de la toile cirée (Zola, Joie de vivre, 1884, p.837).Il tamponnait (...) à petits coups, d'un morceau d'ouate imbibé d'éther, sa cuisse nue (Bernanos, Joie, 1929, p.635).
2. Ouate de cellulose. Succédané du coton composé de minces couches superposées de cellulose, utilisé en particulier en puériculture pour confectionner des couches. L'usage de l'ouate date du Moyen Âge et est toujours général. De nos jours on utilise comme produit de remplacement l'ouate de cellulose (Leloir1961).
B. − P. anal., littér. Matière qui rappelle la ouate par son aspect, sa consistance. Les traînées de blanche ouate que les neigistes officiels disposent si gentiment (Huysmans, Art mod., 1883, p.266).Un large papillon, fait d'ouate noire, entre par la fenêtre (Toulet, Nane, 1905, p.172).Un excellent petit vieillard propret, aux favoris d'ouate (Jammes, Mém., 1922, p.88):
. Les joncs piqués et tachés d'iris jaunes, les arbres, les feuilles, le ciel bleu, les nuages d'ouate, qui nagent comme des ventres de cygnes, tout cela se mire et tremble en reflets dérangés par une moire de lumière. Goncourt, Journal, 1864, p.53.
En partic. Brume épaisse, brouillard. L'automne déjà sur sa fin agonisait dans des brouillards d'hiver, dans une ouate où, de loin en loin, s'élargissait l'étoile d'un bec de gaz (Courteline, Gaîtés Esc., Bourse, 1895, ii, p.280).Le premier soleil achevait de dissiper au fond des vallées les ouates laissées par la nuit (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.229).
C. − Au fig., fam. Dans (de) la ouate. Confortablement, douillettement; très délicatement, dans un milieu très protégé. Vivre dans de la ouate. Figurez-vous une jeune miss élevée dans la ouate, habituée à marcher sur les tapis des salons ou sur la ray-grass des plus beaux parcs (About, Roi mont., 1857, p.78).
Rem. Sur l'élision de l'art. ou de la prép. devant ouate, v. infra prononc. et orth.
Prononc. et Orth.: [wat]. Homon. watt, ouat(te). Ac. dep. 1718: ouate; mais 1740: ,,quelques-uns pourtant disent et écrivent ouette``, 1798: ,,on dit plus communément ouète``, 1835: ,,on prononce ouète``. Cette prononc. est jugée tout à fait surannée ds Littré. Ac. dep. 1878 uniquement ouate [wat]. [wε] = prononc. prise au xviiies. par hypercorrection à la suite de l'évolution [we] &gt: [wɑ] et répandue surtout dans le milieu des tailleurs et des couturières (v. G. Straka, Formation de la prononc. fr. ds Trav. Ling. Litt. Strasbourg, t.19, no1, 1981, p.187. L'élision de l'art. ou de la prép. est facultative: de l'ouate ou de la ouate, mais l'élision semble l'emporter aujourd'hui. Étymol. et Hist. 1. 1493 «coton, laine ou soie effilée et cardée qui sert à doubler une sangle» (doc. 14 août ds R. de Lespinasse, Les Métiers et corporations de la ville de Paris, t.3, p.389); 1661 ouatte «coton très fin ou bourre de soie cardée dont on se sert pour faire des couvertures ou pour doubler une autre étoffe» (Inventaire du surintendant Fouquet ds Havard); 1865 «coton cardé dont on se sert pour les pansements (Littré-Robin); 1894 coton ou ouate hydrophile (Bouchardat, Nouv. formulaire, p.53); 2. 1797 au fig. (Chateaubr., Essai Révol., t.2, p.424: partout se formoient dans les cieux de grands bancs d'une ouate éblouissante de blancheur). Orig. inc. L'ar. tn «ventre», proposé comme étymon par Seybold (ds Z. f. deutsche Wortforschung, t.10, pp.222-223) ne convient pas du point de vue phon. C. Nigra (ds Z. rom. Philol. t.28, pp.645-646) voit dans ouate un empr. à l'ital. ovatta (qui serait dér. de uovo «oeuf» parce que le blanc d'oeuf a été utilisé dans la fabrication de l'ouate) mais ovatta ne semble pas att. av. 1667 (Magalotti) et est donc plutôt empr. au fr. (v. DEI). L. Sainéan (Sources t.3, pp.42-44 et Autour Sources, pp.254-256) voit dans ouate le résultat de la prononc. parisienne du région. ouette «petite oie, oison» qui aurait servi à désigner le duvet d'oie, puis l'ouate, mais on ne trouve pas le sens «duvet d'oie» dans les plus anc. attest. G. Baist (ds Z. rom. Philol. t.32, pp.47-49), suivi par EWFS2, s'appuyant sur certains dict. et ouvrages sc. des xviieet xviiies. qui mentionnent que l'ouate était à l'orig. issue d'une plante orientale appelée Apocynum ou Asclepia syriacum ou aegyptiacum, croit le mot issu de l'ar. d'Égypte (sans préciser la forme de l'étymon) mais cette hyp. est également contredite par les 1resattest. V. FEW t.21, pp.443-444. Cor.-Pasc. (s.v. bata) propose l'ar. wáḍḍa proprement «mettre», wáḍḍa (ṯaṷban) «ouater (un habit)», hyp. encore mal fondée car les mots esp. qui seraient issus de wáḍḍa (bata «robe de chambre» et guata «ouate») ne sont pas att. anciennement. Fréq. abs. littér.: 190.
DÉR.
Ouateux, -euse, adj.a) Qui est garni, doublé d'ouate. Mon costume (...) matelassé ça et là de petits sachets ouateux (Courteline, Ah! Jeun., Chev. Hanneton, 1895, II, p.64).b) Qui ressemble à de la ouate. Duvet ouateux. Pendant les soirs d'hiver, la nuit venue (...) du croissant une ouateuse nue emmaillotte la corne en un flot de vapeur (Gautier, Albertus, 1833, p.127).En partic. Brumeux, voilé par le brouillard. Jour au printemps non flou, non ouateux, non baignant les choses, mais un jour aigu clair, pas étoffé, tulle avare de l'or de la lumière (Goncourt, Journal, 1855, p.223). [watø], fém. [-ø:z]. V. ouate. 1reattest. 1803 (Boiste); de ouate, suff. -eux*.