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LIBERTIN, -INE, adj. et subst.
A. − Adj. et subst.
1. Cour. (Celui, celle) qui a une conduite, des mœurs très libre(s); qui s'adonne sans retenue aux plaisirs de la chair. Femme libertine; vieillard libertin; un jeune, un fieffé libertin; un libertin repentant. Ils [les peuples latins] deviennent aisément rhétoriciens, dilettantes, épicuriens, voluptueux, libertins, galants et mondains (Taine, Philos. art, t. 1, 1865, p. 234).Ce cupidon, la marquise de Trinquetailles, libertine supérieure (...). Elle a eu plus d'hommes qu'une fille (Péladan, Vice supr.,1884, p. 141).Marat avait l'habitude des femmes, il connaissait toutes les ficelles du jeu d'amour, c'était un « vieux libertin », un « séducteur » (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 242).V. avoir ex. 15, accusation ex. 13 et conséquemment ex. 3 :
1. Les libertins, ces gens que la nature a doués de la faculté précieuse d'aimer au delà des limites qu'elle fixe à l'amour, n'ont presque jamais leur âge. Balzac, Cous. Bette,1846, p. 261.
Emploi subst. masc. sing. à valeur de neutre. Il y a toujours de l'Opéra dans tout ce que font les Français, (...) il y a la décoration, et aussi les coulisses; du solennel, et un peu de libertin (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 4, 1862, p. 61).
2. Vx, souvent péj. Qui refuse les contraintes, les sujétions; qui manifeste une grand esprit d'indépendance, qui fait preuve de non conformisme. Sainte-Beuve (...) très hardi dans la chasse aux talents inédits, mais trop traditionnel, trop voisin de la grande école de la prose française pour n'être pas choqué des audaces révolutionnaires de ses « jeunes amis libertins ». C'est ainsi qu'il appelait souvent Baudelaire et sans doute les deux Goncourt, − prenant le mot dans son vieux sens d'indépendance révoltée et un peu sacrilège (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 181).
En partic., vx. [En parlant d'un écolier] ,,Dissipé, qui néglige ses devoirs pour le jeu. Cet enfant est fort libertin (...) C'est un petit libertin`` (Littré).
FAUCONN. [En parlant d'un oiseau de proie] Qui s'écarte et qui ne revient pas (d'apr. Littré). Où le navire était hérissé de houlettes, Où le berger suivant les aigles libertins (Cocteau, Poèmes,1916, p. 204).
3. Vieilli ou littér. Qui refuse le dogmatisme des croyances établies ou officielles et en particulier celui de la religion et la contrainte de sa pratique. Synon. libre-penseur.Mais voici qu'enfin, par des gradations insensibles, Nane avait glissé à la libre pensée; devenue libertine, et pour tout dire, anticléricale (Toulet, Nane,1905, p. 208).Ce libertin [Benjamin Constant] n'a jamais été indifférent à Dieu, (...) il ne s'est jamais interrompu de le chercher (Mauriac, Mém. intér.,1959, p. 90):
2. ... le grand reproche que les prédicateurs du xviiesiècle adressent aux libertins? C'est d'avoir embrassé ce qu'ils désiraient, c'est d'être arrivés aux opinions irréligieuses parce qu'ils avaient envie qu'elles fussent vraies. Renan, Souv. enf.,1883, p. 297.
B. − Adjectif
1. Cour. Qui est propre au libertin [au sens A 1]; qui est inspiré, motivé par le dérèglement des mœurs. Un monsieur surprenant un album libertin dans les mains de deux jeunes filles rougissantes (Baudel., Salon,1846, p. 174).L'art coquet, libertin et spirituel du dix-huitième siècle (Gautier, Guide Louvre,1872, p. 184).La conduite la plus sage, avec les pensées les plus libertines (Léautaud, Journal littér., t. 3, 1920, p. 304):
3. Dîné longtemps et copieusement, et couronné le tout d'une bouteille de Graves et des plus joyeux propos, avec une légère nuance libertine qui est à la conversation d'un dîner de garçons ce que le rouge est à une femme... Barb. d'Aurev., Memor. 1,1836, p. 38.
SYNT. Amour, coquetterie, curiosité, humeur, imagination, plaisir, regard, ton, vie libertin(e); mœurs libertines; allusion, commentaire, couplet, conte, illustration, image, propos, roman libertin(e).
2. Vx. Qui manifeste ou dénote le refus des contraintes, l'absence de gêne, du goût pour la fantaisie. Son imagination libertine l'écarte sans cesse de son sujet (Littré).Notre gaîté libertine et imprudente, notre esprit français, seront-ils écrasés et anéantis par la nécessité de faire la cour à de petits artisans grossiers et fanatiques, comme à Philadelphie? (Stendhal, Mém. touriste, t. 1, 1838, p. 21).
VERSIF. Il [Th. Gautier] me fit remarquer que les poëtes (...) se permettaient trop souvent des sonnets libertins c'est-à-dire non orthodoxes et s'affranchissant volontiers de la règle de la quadruple rime (Baudel., Art romant., Th. Gautier, 1859, p. 461).Son vers [à Rimbaud], solidement campé, use rarement d'artifices. Peu de césures libertines, moins encore de rejets (Verlaine, Œuvres compl., t. 4, Poètes maud., 1884, p. 17).
3. Vieilli ou littér. Qui appartient à ou qui concerne les libertins [au sens A 3], les libre-penseurs. Courant, morale, mouvement, tradition libertin(e); les œuvres libertines de Cyrano de Bergerac. J'avais écrit qu'Éveline s'était plu à semer dans l'esprit de sa fille les germes de la libre pensée. À y bien réfléchir il me semble aujourd'hui que c'est l'esprit libertin de Geneviève, si enfant qu'elle fût encore, qui contamina l'âme de sa mère (Gide, Robert,1930, p. 1331):
4. ... il [le Theophrastus redivivus] rassemble les thèses de la littérature libertine. Le monde est éternel, et les astres règlent notre destin. L'homme est un animal comme les autres, et qui ne leur est pas supérieur. L'immortalité est une chimère. Le sage aborde la destruction finale sans terreur. Toutes les religions sont des inventions politiques. A. Adam, Les Libertins au xviies., Paris, Buchet-Chastel, 1964, p. 17.
REM. 1.
Libertinement, adv.a) À la manière d'un libertin. Œil (Faire de l') (...) regarder langoureusement ou libertinement les femmes (Delvau1866, p. 272).b) D'une manière inspirée par le dérèglement des mœurs. Il se cantonna dans l'établissement de textes libertins, illustrés non moins libertinement (Arts-Loisirs,21 sept. 1966, p. 24, col. 2).
2.
Libertiner, verbe intrans.,peu usité. a) Vivre dans la débauche, d'une manière scandaleuse. Depuis qu'il ne voit plus mauvaise compagnie, il a cessé de libertiner (Ac. 1835, 1878; ds Littré).Quant à vot' femme (...) on dit qu'elle libertine dans les guinches et aux barrières (Raban, Marco Saint-Hilaire, Mém. forçat, t. 4, 1828-29, p. 184).b) Vx. [Le suj. désigne un enfant, un écolier] Se dissiper; négliger ses devoirs pour le jeu. Cet enfant ne fait que libertiner (Raymond1832, Ac. 1835, 1878, Littré, Guérin 1892).
3.
Libertiser (se), verbe pronom.,hapax. Devenir libertin. Il y a l'argot des duchesses, témoin cette phrase écrite dans un billet doux par une très grande dame et très jolie femme de la Restauration : « Vous trouverez dans ces potains-là une foultitude de raisons pour que je me libertise » (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 190).
Prononc. et Orth. : [libε ʀtε ̃], fém. [-in]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. 1468 subst. hist. et dr. romains « affranchi » (Jean Miélot, Trad. de Cicéron, Lettre à Quintus ds Bibl. Éc. Chartes, t. 99, 1938, p. 113); 2. a) 1525 subst. masc. plur. « membres d'une secte juive au temps des apôtres » (Actes, VI, 9, Nouv. Test., éd. Lefebvre d'Étaples ds Littré Suppl.); 1544 « membres d'une secte politico-religieuse qui se dressa contre l'autorité de Calvin, à Genève » (Calvin, Brieve Instruction... contre les erreurs... des Anabaptistes, Corp. Ref., t. VII, col. 55, 139 d'apr. J.-Cl. Margolin ds Colloque international de Sommière, p. 4, note 21); d'où b) av. 1555 subst. « celui qui s'affranchit de toute religion » (Tahureau, Sec. Dialogue du Democritic, p. 180 ds Hug.); puis 3. 1568 adj. « épris d'indépendance, qui va en toute liberté » (Philibert Bugnyon, Des lois inusitées, 26 ds Delb., Notes mss); 1575 subst. (Thevet, Cosmogr., II, 3 ds Hug.); 4. 1662 « qui est déréglé dans ses mœurs, sa conduite » (Molière, École des femmes, III, 2, 698). Empr. au lat.libertinus « affranchi », dimin. de libertus « id. » de liberatus part. passé de liberare « libérer ». Le sens 2a est prob. dû à une mauvaise interprétation des Actes des Apôtres (VI, 9) où le mot, traduit par Lefèvre libertin désigne les adeptes d'une secte juive. Le mot fut ensuite appliqué à des sectes religieuses, notamment à Genève, et l'on a dû alors le rapprocher de liberté (cf. FEW t. 5, pp. 305-306). Au sens 1 l'angl. libertine est attesté dep. 1382 ds NED Libertyn. Fréq. abs. littér. : 428. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 991, b) 579; xxes. a) 586, b) 310. Bbg. Darm. Vie 1932, p. 94. - Lemke (W.H.). Libertin : From Calvin to Cyrano. St. fr. 1976, t. 20, pp. 58-60. - Quem. DDL t. 18 (s.v. libertinement). - Seguin (J.P.). Le Mot libertin... Fr. mod. 1981, t. 49, pp. 193-205.