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DEUIL, subst. masc.
A.− [À propos de la mort d'une pers.]
1. Douleur, affliction, profonde tristesse que l'on éprouve à la suite de la mort de quelqu'un. Un deuil inconsolable; jour de deuil national. Elle [Fanny] marcha vers la salle de bains (...) raidie d'attention, sourdement infatuée de son deuil tout neuf (Colette, Seconde,1929, p. 109).De tout temps, les femmes se sont reconnues dans le deuil (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 284):
1. ... tout un peuple agité par la souffrance, assombri par des deuils domestiques (...) les Orléanais faisaient dans les sorties des pertes fréquentes et cruelles. France, Vie de Jeanne d'Arc,t. 1, 1908, p. 272.
2. En partic. Marques extérieures de cette douleur, réglées par l'usage.
a) Ensemble des signes extérieures (notamment le vêtement) liés à la mort d'un proche. Cérémonies du deuil; habits de deuil (noirs, sombres dans nos cultures); maison, salle tendue de deuil. Habillée de deuil, mais pauvrement, sans gants, sans chapeau (Mérimée, A. Guillot,1847, p. 90).
Porter le deuil :
2. Tandis que Miss Mabel l'habillait, Jean-Noël se mit à danser autour de sa sœur en criant : − Elle n'est pas en noir! Elle n'est pas en noir! − Et puis après? répliqua Marie-Ange acide. Le deuil se porte aussi bien en blanc, n'est-ce pas Miss Mabel? Druon, Les Grandes familles,t. 1, 1948, p. 87.
Au fig. D'avance, je portais le deuil de mon passé (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 106).
En deuil. Habillé pour un deuil. Synon. endeuillé.Elle a eu l'air très surprise de me voir avec une cravate noire et elle m'a demandé si j'étais en deuil (Camus, Étranger,1942, p. 1137).
Grand deuil, petit deuil, demi-deuil. Vêtements qui sont portés traditionnellement aux différents moments du deuil et dont l'aspect devient moins sévère à mesure qu'on s'éloigne de l'époque du décès. Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse, Une femme passa (Baudel., Fl. du Mal,1857-61, p. 161).
Fam. Avoir les ongles en deuil. Avoir les ongles bordés de noir. En agitant au-dessus de sa tête des mains gonflées, aux ongles en deuil (Druon, Les Grandes familles,t. 2, 1948, p. 26).
P. ext. Frais nécessaires pour prendre le deuil. La veuve a le droit de prélever son deuil sur la communauté (Quillet, 1965).
b) Couleur de deuil. Le deuil est noir pour les particuliers. Le violet est le deuil des rois (Littré).
P. métaph. Aux yeux en grand deuil violet comme des pensées (Laforgue, Poés.,1887, p. 207).Ces poussières de charbon, elles avaient noirci de leur deuil la gorge entière, elles ruisselaient en flaques sur l'amas lépreux des bâtiments de l'usine, elles semblaient salir jusqu'à ces nuages sombres qui passaient sans fin (Zola, Travail,t. 1, 1901, p. 2).
c) Temps pendant lequel doivent apparaître certains signes du deuil. Le deuil des veuves ne dure plus qu'un an (Ac.1835-1932).Les coutumes du deuil chassent de l'activité collective, les parents du mort : ils ne vivent plus qu'au présent (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 179).
3. P. méton.
a) Fait de perdre un parent ou un proche; situation consécutive à cette perte. Une épreuve ou un deuil; être atteint par un deuil. Trois deuils en trois ans, un dur lot à supporter pour une famille (Guèvremont, Survenant,1945, p. 158).Le deuil général ne peut être fait que de la mise en commun de tous les deuils particuliers (Gide, Journal,1940, p. 39).
b) Cortège funèbre. À onze heures, le convoi se met en marche. Les fils de la défunte conduisent le deuil (Zola, Cap. Burle,1883, p. 83):
3. Mais bientôt je prendrai, comme on fait au village, Alors qu'on mène un deuil, lourde comme du plomb, La croix dont le sommet parfois touche au feuillage, La croix qui t'étonnait, ô fille d'Apollon! Jammes, De tout temps à jamais,1935, p. 11.
Au fig. :
4. Il lui semblait [au duc] qu'elle menait [cette lamentation funèbre] le deuil de tout ce qu'il avait connu et aimé, le deuil de ses enfants, le deuil de lui-même, et le deuil des rois, dont il voyait l'agonie en quelque sorte, et le crépuscule de ces dieux. Bourges, Le Crépuscule des dieux,1884, p. 338.
B.− P. ext.
1. Sentiment de profonde tristesse liée à une cause occasionnelle (départ, rupture, etc.). Il me fait deuil de ne pas connaître encore ma bien-aimée petite-fille Berthe Bovary (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 8).Et moi j'ai tout un deuil blanc et bleu dans mon cœur (Noailles, Éblouiss.,1907, p. 233).Et puis il avait bu pour ce deuil de partir [à l'armée] (Giono, Gd troupeau,1931, p. 31):
5. Et le plus beau printemps je ne saurais qu'en faire Sans toi mais le plus bel avril le plus doux mai Sans toi ne sont que deuil ne sont sans toi qu'enfer Rendez-moi rendez-moi mon ciel et ma musique Ma femme sans qui rien n'a chanson ni couleur... Aragon, Le Crève-cœur,Le Printemps, 1941, p. 37.
Au fig. et fam. Faire son deuil d'une chose. Renoncer à, admettre la perte de. Je fais mon deuil de ce qui me choque [en Michelet] (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 2, 1863-69, p. 112).Le domaine spirituel était le seul auquel nous puissions prétendre. Il faut en faire notre deuil (Cocteau, Maalesh,1949, p. 139).
2. En partic. Impression de profonde tristesse liée au spectacle de la nature, et souvent produite par des teintes sombres. Le deuil de la nature, de la tempête. Les immenses rideaux de pluie qui couvraient la campagne d'un deuil plus sombre que les frimas (Fromentin, Dominique,1863, p. 61).Je sens monter vers moi Le deuil d'une vallée où j'eusse été le roi (Jammes, De tout temps à jamais,1935p. 57):
6. Sous le ciel couleur d'ardoise, sous ce deuil d'hiver si rare, la ville prenait une sorte de majesté... Zola, Rome,1896, p. 470.
C.− Emplois spéc. (BOT., ENTOMOL.). Êtres qui dans leur coloration sont noirs et blancs.
Grand(-)deuil, petit(-)deuil (vulg.). ,,Papillons du genre nymphé`` (Besch. 1845).
Rem. Attesté aussi ds Ac. Compl. 1842, Lar. 19e-20e, Littré.
Prononc. et Orth. : [dœj]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 2emoitié xes. dol « affliction » (Saint-Léger, éd. J. Linskill, 63); 1467 doeil [Exec. test. de Catherine Dattre, A. Tournai ds Gdf. Compl.], qualifié de ,,vieux`` par Ac. 1718-40; surtout employé dans la lang. littér. av. 1742 « aspect lugubre » (Mass., Car. Passion ds Littré); spéc. 2. ca 1050 duel « affliction causée par la mort de quelqu'un » (Alexis, éd. Chr. Storey, 462), graphie attestée jusqu'au xvies. ds Hug., deuil − 1611, Cotgr.; xves. deuil « perte d'un être cher » d'apr. FEW t. 3, p. 121a 1595 fig. passer son deuil « prendre son parti de » (21 mars, D'Ossat, Lett. à M. de Villev. ds Gdf. Compl.); 1823 (Boiste : faire son deuil de, se consoler de); 3. ca 1050 dols « lamentations, signes extérieurs d'affliction » (Alexis, 104); ca 1170 guarnemenz de dol (Rois, éd. E. R. Curtius, IV, XXII, 11, p. 220); ca 1450 deuil (Myst. Vieil Testament, éd. J. de Rothschild, 44, 46869); 1680 deuil (Rich.); 4. 1549 (Est. : Achever son deuil. Elugere); 1559 deuz « temps durant lequel on porte le deuil » (Péronne, ap. La Fons. ds Guérin); 1670 deuil (Racine, Bérénice, I, 4); 5. 1606 dueil « cortège funèbre » (Nicot); 1658 deuil (Bordeaux à Brienne, 9 déc., Arch. aff. étrang. ds Guérin). Du b. lat. dolus « douleur » (v. Ern-Meillet, p. 181a), la forme deuil étant due à une réfection de l'a. fr. duel, plur. dueus sur le modèle d' œil/yeux*. L'hyp. d'un rattachement au b. lat. dŏlium « chagrin » [attesté en lat. class. sous la forme composée cordolium] (DG) ne rend pas compte des formes de l'a. fr. (FEW, loc. cit., note 2). Fréq. abs. littér. : 2 577. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 677, b) 4 556; xxes. : a) 4 728, b) 2 535.
DÉR.
Deuilleur, euse, subst.a) Deuilleur, subst. masc. Homme ayant pour tâche de chanter et pleurer aux funérailles chez les peuples primitifs. Le 3 [l'observateur no3] sera mêlé au groupe tumultueux des porteurs de torches, sans cesse accru par les apports des deuilleurs venus de la maison mortuaire (Griaule, Méth. ethnogr.,1957, p. 49).b) Deuilleuse, subst. fém. Deuilleuse à la main. ,,Ouvrière réalisant à la main, avec précision, les bordures de deuil sur les papiers à lettres et enveloppes`` (Mét. 1955, p. 98), p. oppos. à deuilliste machine ,,ouvrière réalisant à la machine les bordures noires des enveloppes et papiers à lettres`` (Mét. 1955, p. 98, p. 49). 1reattest. 1936 (Lowie, Anthropol. cult., p. 346); de deuil, suff. -eur2*.
BBG. − Darm. Vie 1932, p. 191. − Gottsch. Redens. 1930, p. 274, 404.