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RÊVEUR, -EUSE, subst. et adj.
I. − Substantif
A. − Celui, celle qui rêve en dormant. L'impression est si nette qu'elle pousse le rêveur à tenter l'expérience quand il est éveillé (...). Pour certaines âmes, ivres d'onirisme, les jours sont faits pour expliquer les nuits (Bachelard,L'Air et les songes, 1943, p. 37).C'est bien au rêveur que j'ai été cette nuit que je demande le récit du rêve (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p. 338).
P. anal. Rêveur éveillé. Une partie des songes de Jean-Paul est ainsi « rêvée d'après » un rêve (...). Ce sont les extases d'un rêveur éveillé (Béguin,Âme romant., 1939, p. 183).
B. −
1. Vieilli. Personne qui fait ou dit des choses extravagantes. C'est un rêveur, c'est un vieux rêveur (Ac.).
2. Personne qui se met à l'écart, qui est absorbé dans des pensées profondes. Synon. songeur.J'ai toujours été un solitaire, un rêveur, une sorte de philosophe isolé, bienveillant, content de peu, sans aigreur contre les hommes (Maupass.,Contes et nouv., t. 2, Qui sait? 1890, p. 1186).Le rêveur est heureux d'être triste, content d'être seul et d'attendre. Dans ce coin on y médite sur la vie et la mort (Bachelard,Poét. espace, 1957, p. 133).
P. anal. C'était le rêveur des marais, l'oiseau contemplateur qui, en toutes saisons, seul devant les eaux grises, semble, avec son image, plonger dans leur miroir sa pensée monotone (Michelet,Oiseau, 1856, p. 57).
C. − Celui, celle qui a un tempérament porté à la rêverie, au rêve.
1. Celui, celle qui vit ailleurs, décalé par rapport au réel. Synon. lunaire (v. ce mot C).Mon frère enfant était déjà ce rêveur, toujours absent, toujours ailleurs (...). Je le revois sans cesse en retard d'une leçon, d'un devoir (Mauriac,Nouv. Bloc-Notes, 1961, p. 355):
Le poète et le rêveur (...) écoutent le langage d'une voix qui leur est intérieure et pourtant étrangère, qui s'élève dans les profondeurs d'eux-mêmes sans qu'ils puissent faire autre chose que de saluer là l'écho d'un discours divin. Béguin,Âme romant., 1939, p. 190.
En partic. Celui, celle qui s'égare dans l'utopie. Synon. songe-creux.Vaillant est un rêveur, qui ne voit pas la réalité du monde, qui se grise avec les chimères d'une insurrection devenue impossible (Sorel,Réflex. violence, 1908, p. 107).Péj. L'on s'est plu à le considérer [Malebranche] dans le dix-huitième siècle comme un rêveur, et l'on est perdu en France quand on a la réputation de rêveur (Staël,Allemagne, t. 4, 1810, p. 61).
2. Celui, celle qui se laisse aller à la rêverie, qui se laisse absorber par la beauté, le charme, la profondeur de quelque chose. La rêverie d'un rêveur suffit à faire rêver tout un univers. Le repos du rêveur suffit à mettre au repos les eaux, les nuages, le vent fin (Bachelard,La Poétique de la rêverie, 1960, p. 54).Le temps est englouti dans la double profondeur du rêveur et du monde (...). Le rêveur est tranquille devant une Eau tranquille. La rêverie ne peut s'approfondir qu'en rêvant devant un monde tranquille (Bachelard,La Poétique de la rêverie, 1960, p. 148).
Rêveur de qqc.Rêveur de ciel, de feu, de mer. Je suis (...) un rêveur de mots, un rêveur de mots écrits. Je crois lire. Un mot m'arrête. Je quitte la page (Bachelard,La Poétique de la rêverie, 1960, p. 15).
3. Celui, celle qui dépasse la réalité, qui transforme le réel par son imaginaire propre, qui crée, invente un monde. Synon. poète.Oui, je suis le rêveur; je suis le camarade Des petites fleurs d'or du mur qui se dégrade, Et l'interlocuteur des arbres et du vent (Hugo,Contempl., t. 1, 1856, p. 159).D'une larme naît une vague, qui engendre un navire. Des êtres deviennent pure musique. Les pensées du rêveur suffisent à changer tout le paysage, à ouvrir des portes closes (Béguin,Âme romant., 1939, p. 170).
En partic. Celui, celle qui a une vision idéale, globale, grandiose. Proust est le plus mystique des grands rêveurs modernes: le désir de transcender la durée n'engendre pas chez lui la dispersion, mais la recherche passionnée d'un centre, d'une unité intérieure (Béguin,Âme romant., 1939, p. 354).J'ai toujours prétendu que les Anglais sont les plus grands rêveurs du monde et que la constitution de leur Empire, par exemple, n'aurait jamais pu se réaliser ni dans le temps ni dans l'espace sans une intense pratique du rêve (Cendrars,Lotiss. ciel, 1949, p. 34).
II. − Adj. Qui se laisse absorber par des représentations imaginaires.
A. − Qui réfléchit d'une manière détendue et tranquille, qui songe. M. de Coantré, dans le jardin, restait rêveur, et comme sous l'influence d'un enchantement tel qu'en laissent sur leur passage certains religieux: elle lui avait révélé, ou plutôt rappelé, qu'il existait un ordre plus haut. (...) Il songeait qu'après tout il aurait pu faire sa vie autrement (Montherl.,Célibataires, 1934, p. 871).
Expr. Cela me laisse rêveur. Cela me donne à réfléchir. Payer vingt mille francs pour signer des poèmes qu'on n'a pas écrits, ça me laisse rêveur, dit Robert (Beauvoir,Mandarins, 1954, p. 170).
B. − Qui s'évade de la réalité.
1. [Dans une attitude de repli sur soi] C'est tout le monde qu'il va inconsciemment jeter par-dessus bord pour se faire, loin de lui, une vie repliée et suffisante. Il devient sauvage, rêveur, « dans la lune »; distrait, il sursaute à l'appel; il s'irrite et boude pour un rien, délaisse l'initiative et le combat (Mounier,Traité caract., 1946, p. 352).
2. [Par compensation inconsciente, en vivant dans un monde idéal, idéalisé, romanesque] Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course Des rimes. Mon auberge était à la grande-ourse (Rimbaud,Poés., 1871, p. 81).
C. − Qui éprouve une émotion, une mélancolie propre aux poètes, en particulier romantiques. Je viens, triste et rêveur, m'asseoir sur le rivage, Et gémir à l'aspect du funeste rocher (Baour-Lormian,Ossian, 1827, p. 124).
Genre rêveur. Le pathos obligé de cet essaim de jeunes poètes qui exploitent le genre rêveur, les mystères de l'âme (Stendhal,Racine et Shakspeare, 1825, p. 72).
[P. méton.] Qui exprime la rêverie. Regard, sourire rêveur; voix rêveuse. Salut, derniers beaux jours! Le deuil de la nature Convient à la douleur et plaît à mes regards! Je suis d'un pas rêveur le sentier solitaire (Lamart.,Médit., 1820, p. 250).Mmede Villeparisis me demandait pourquoi j'avais l'air rêveur, j'étais triste comme si je venais de perdre un ami, de mourir à moi-même, de renier un mort ou de méconnaître un dieu (Proust,J. filles en fleurs, 1918, p. 719).
P. anal. Arbre, bois, ruisseau rêveur. Les nuages rêveurs font la cour aux étoiles (Banville,Stalactites, 1846, p. 353).
Prononc. et Orth.: [ʀ εvœ:ʀ], fém. [-ø:z]. Ac. 1694, 1718: resveur; dep. 1740: rê-. Étymol. et Hist. 1. Subst. a) 1260 reveur « rôdeur, vagabond » (Etienne Boileau, Métiers, 189 ds T.-L.); b) 1481 ravour « celui qui se promenait déguisé en temps de carnaval » (J. Aubrion, Journ. ds Gdf.); c) 1532 « quelqu'un qui délire, qui radote » (Rabelais, Pantagruel, IX bis, éd. V. L. Saulnier, p. 59); d) 1651 « personne distraite » (Retz, Œuvres, éd. A. Feillet, t. 8, p. 54); e) 1656-57 « créateur de chimères » (Pascal, Provinciales, IV ds Littré); 2. adj. a) 1534 « fou, sot, radoteur » (Rabelais, Gargantua, XIV, éd. R. Carder, M. A. Screech et V.-L. Saulnier, p. 100); b) 1632 « plein de rêveries (en parlant d'un entretien) » (Corneille, Clitandre, I, 2); c) av. 1654 resveur « qui rêve en lui-même, qui entretient ses imaginations » (G. Guillaumie, J.-L. Guez de Balzac, p. 372). Dér. de rêver*; suff. -eur2*. Cf. la var. resveux « fou, sot » (xvies., Hug.). Fréq. abs. littér.: 1 740. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 2 237, b) 3 619; xxes.: a) 1 901, b) 2 407.
DÉR.
Rêveusement, adv.Sans fixer son attention, en pensant à autre chose. La couverture tirée jusqu'aux yeux, les mains sous les aisselles, je regarde rêveusement sautiller la flamme de la bougie qui meurt (Dorgelès,Croix de bois, 1919, p. 90). [ʀ εvøzmɑ ̃]. 1reattest. 1833 (Balzac, Marana, p. 62); de rêveur, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér.: 72.
BBG.Dub. Pol. 1962, p. 406. − Darm. 1877, p. 123 (s.v. rêveusement).