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PORTER1, verbe
1reSection. Empl. trans. Porter qqc./qqn
I. − [Le procès n'implique pas, par lui-même, le déplacement d'un lieu à un autre des entités désignées par le suj. et par le compl. d'obj. dir.]
A. − [Le suj. désigne essentiellement un être animé]
1. [Le compl. d'obj. dir. désigne une entité extérieure et indépendante ou conçue comme telle]
a) Qqn porte qqn/qqc.[Le verbe exprime un procès considéré dans une durée finie, où la volonté de l'agent est plus ou moins engagée]
α) [Le compl. d'obj. dir. désigne un être ou une chose concr.; le procès implique une préhension] Être, pour un temps déterminé, le seul point d'appui ou de soutien (plus ou moins direct) de quelqu'un ou de quelque chose, le plus souvent en tenant cette personne ou cette chose; tenir, soutenir, être chargé de. Porter une amphore, un ballot, un enfant, un sac. Cette courtisane [l'Olympia, par Manet] couchée nue sur un lit, avec une négresse portant un bouquet, et un chat noir, fit émeute (Mauclair, Maîtres impressionn., 1923, p.44).V. bouclier ex. 1, brancard ex. 3, civière ex. 8, écuyer ex. 1:
1. ... sur un brancard porté par quatre bergers, baigné dans son sang, mort, tué de plusieurs coups d'épée... Mais on le porte sous tes yeux. Ne le regarde pas! Camus, Dév. croix, 1953, 1rejournée, p.544.
SYNT. Porter une assiette, des bagages, une bannière, un blessé, une bouteille, un cadavre, une caisse, un canot, un cercueil, une chandelle, une civière, un coffre, une corbeille, une croix, une cuvette, un dais, un drapeau, un flambeau, une hotte, une lanterne, un livre, un panier, un paquet, une pierre, des provisions, une valise.
[Avec expr. de la manière de porter] Porter aisément, dévotement, avec difficulté, avec solennité. Il portait avec effort un objet pesant qu'il posa à deux reprises, comme pour reprendre haleine (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p.194).Les académiciens arrivaient, poussifs ou voûtés, ou trottinant comme des rats sur les gros pavés ronds, ou bien accrochés au bras d'un serviteur qui les portait à moitié (Druon, Gdes fam., t.2, 1948, p.25).Son compagnon, le cheval parfait et fort, qui le portait sans broncher, poursuivra le chemin, sans que ni la mort ni le diable puissent le détourner (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p.210).
[Le compl. d'obj. dir. désigne un poids] Comparons la charge −mettons 100 kilogrammes −que peut porter un animal de bât (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p.28).
[Au part. prés. accompagnant un verbe de mouvement] Un chien entra portant à la gueule la main coupée d'un homme (Flaub., Tentation, 1849, p.298).Christine parut, portant un bébé d'un peu plus d'un an (Malègue, Augustin, t.2, 1933, p.20).
En constr. factitive. J'étais paresseuse à marcher et voulais toujours me faire porter par notre ami Pierret (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.163).On jugeait plus commode et plus profitable de faire porter les ballots de marchandise par des hommes ou des bêtes de bât (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p.86).
[Avec compl. d'obj. dir. sans art.] Une quantité de mulets portant bagages, tentes, provisions (Lamart., Corresp., 1832, p.300).Vers le soir, [hommes et femmes] portent valises, couffins, matelas et couvertures pour le campement de la nuit (Gide, Journal, 1943, p.167).
[Avec expr. à valeur adv. ou avec adj. attribut évoquant la position de l'entité désignée par le compl. d'obj. dir.] Porter qqc. en bandoulière; porter qqn/qqc. en croupe, en triomphe. Jeanne (...) portait la lampe bien haut (Reider, MlleVallantin, 1862, p.112).Les dossiers qu'il portait horizontaux comme des coussins avec des clefs de ville (Giraudoux, Bella, 1926, p.94).
[Avec compl. prép. désignant la partie du corps qui est le point d'appui direct] Porter qqc./qqn à bout de bras, dans ses bras, sous le bras, sur les bras, entre les dents, derrière/sur le dos, en travers des/sur les épaules, sur la hanche, dans la/les main(s), entre ses mains, sur le ventre; porter un bébé au/à son cou. Portant l'été sur le bras un mince pardessus de nuance claire (Zola, Argent, 1891, p.186).Elles portent en équilibre sur leur tête ou appuient sur leur hanche une auge de bois destinée à recevoir la récolte (Page, Dern. peuples primit., 1941, p.46).Point d'ombre, point de niche, point de paille, de gauche à droite de droite à gauche, sans repos, elle [la tigresse] portait entre ses mâchoires son petit, aveugle encore, qui a fini par en mourir (Colette, Pays connu, 1949, p.43).Porter à bras. On releva les malades; on les porta à bras (Boylesve, Leçon d'amour, 1902, p.138).
[Avec compl. prép. désignant un objet indépendant que l'on tient et qui est le point d'appui direct] Porter qqc./qqn sur deux bâtons, sur un brancard, sur une charrette, sur une civière, dans un panier, sur le pavois, au bout d'une perche, dans un sac. La tête de la princesse de Lamballe, qu'on portait au bout d'une pique (Goncourt, Journal, 1853, p.119).Albin portait Monsieur Pancrace tout endormi dans le couffin (Giono, Baumugnes, 1929, p.194).V. litière B ex. de Gide:
2. Le jeune écolier (...) porte dans son cartable les cahiers ou les livres dont il aura besoin dans la journée. Dans les écoles rurales, il porte souvent, en outre, soit le repas de midi, soit un goûter. Encyclop. éduc., 1960, p.120.
[Le compl. d'obj. dir. désignant un objet spécifique est empl. p.métaph., souvent avec un adj. poss.] Porter sa/ses chaîne(s), sa croix. Après avoir porté son boulet pendant cinquante ans, il ne voulait pas, dit-il, le garder une heure de plus (Balzac, Illus. perdues, 1837, p.10).
[Avec insistance sur la not. de pesanteur]
[Le compl. d'obj. dir. est un mot du type charge, fardeau, poids] Les méthodes adoptées par les individus pour porter des charges (Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p.174).Quand il doit porter quelque fardeau, voilà qu'il souffre des épaules (Duhamel, Combat ombres, 1939, p.65).
[Le compl. d'obj. dir. est empl. au fig. avec un compl. déterminatif] Porter le poids d'un péché, de la réprobation, d'un souhait, de sa vie. Pour longtemps, il allait porter le poids de la défaite de Froeschwiller (Foch, Princ. guerre, 1911, p.103).Une classe sociale qui doit porter tous les fardeaux de la société sans jouir de ses avantages (Lacroix, Marxisme, existent., personn., 1949, p.14).V. épaule I B 1 g (porter qqc. sur ses épaules).Porter le poids du jour (vieilli). Travailler beaucoup (pendant que d'autres ne font rien). Ce paysan voué au travail de la terre, qui porte si courageusement le poids du jour, sans autre consolation que de laisser à ses enfants le champ paternel allongé d'un arpent (Gambetta, 1871ds Fondateurs 3eRépubl., p.237).
Léger/lourd à porter. Un jour que j'aurai quelque chose de lourd à porter: un poêle à pétrole, ou des lainages, ou une caisse de lait condensé (Duhamel, Combat ombres, 1939, p.81).
Au fig. [En parlant de qqc. que l'on subit ou dont on doit assumer la responsabilité] Gloire lourde à porter. [L'amitié] rend la vie légère à porter (Karr, Sous tilleuls, 1832, p.294).C'est une vérité toute simple et toute claire, un peu bête, mais difficile à découvrir et lourde à porter (Camus, Caligula, 1944, i, 4, p.16).
[En parlant d'Atlas, personnage de la myth. gr. qui soutenait les colonnes du ciel, ou p.réf.] Je crus voir Atlas portant le ciel sur ses épaules (Dusaulx, Voy. Barège, t.1, 1796, p.222).Porter le monde, comme Atlas, cela vous fait des épaules; mais le bon sens n'y gagne rien (Alain, Propos, 1922, p.404).
Spécialement
ART MILIT., vieilli. Porter l'arme/les armes. Soulever son arme, spécialement un fusil (tenu jusque-là crosse à terre), pour le tenir contre le corps, l'extrémité opposée à la garde ou à la crosse à hauteur de tête, notamment pour rendre les honneurs. Synon. mod. présenter* les armes.La voix de l'officier s'éleva pour faire porter les armes à sa troupe (Latouche, L'Héritier, Lettres amans, 1821, p.33).
Portez armes! [Ordre donné pour effectuer cette manoeuvre] Synon. mod. présentez armes! (v. présenter).J'entends le cri de: «Portez armes!» On acclame le Clos-Vougeot (Monselet, Poés., 1880, p.276).
P. anal. [Avec compl. introd. par à désignant la pers. à laquelle on rend les honneurs] Or Sully-Prudhomme a vaillamment mérité sa décoration et son fauteuil. Et il n'est que juste de saluer bien bas l'un et de porter les armes à l'autre, bien haut (Verlaine, OEuvres compl., t.5, Hommes d'auj. (Sully Prudhomme), 1885-93, p.338).
CHASSE. [En parlant de l'animal chassé] Porter la hotte*.
ÉQUITATION
[En parlant du cavalier] Porter son cheval. ,,Le soutenir de la main et des jambes quand il est fatigué`` (Lar. Lang. fr.).
[En parlant du cheval (ou du cavalier); le compl. d'obj. dir. désigne un poids précis] Avoir sur le dos un certain poids, en fonction de la qualité du cheval, dans une course à handicap. V. handicap ex. 1.
FOOTBALL
[En parlant du gardien de but] Un joueur qui commet une des 5 fautes suivantes: (...) étant gardien de but, porter le ballon, c'est-à-dire faire plus de 4 pas en tenant le ballon sans le faire rebondir au sol (J. Mercier, Football, 1966, p.26).
[En parlant d'un joueur] Abuser ,,du dribble au lieu de passer la balle à un partenaire démarqué`` (Petiot 1982). La façon dont ils s'obstinent à «porter la balle» les oblige à des efforts inutiles (L'Auto, 14 juin 1944,ds Petiot 1982).
Le fort portant le faible/l'un portant l'autre (vieilli). Une chose compensant l'autre (synon. mod. l'un dans l'autre, v. un3); une personne compensant l'autre. J'aurais fort désiré que le Marquis Paulucci eût accompagné le Maréchal [Kutusoff] en qualité d'aide de camp: l'un portant l'autre, ils auraient fait merveilles (J. de Maistre, Corresp., 1812, p.256).Nous voici loin de la nation au sens de Benda, en pleine «histoire de la société», ou des sociétés qu'aux époques diverses les Français de toutes les conditions, de tous les états, de toutes les cultures ont constituées, le fort portant le faible, comme disaient les fiscaux? −est-ce bien sûr encore? (L. Febvre, Entre Benda et Seignobos, [1933] ds Combats, 1953, p.91).
Empl. pronom. passif. Les fleurs coupées ne se portent plus qu'à la main (Jouy, Hermite, t.2, 1812, p.223).
Empl. pronom. réfl., rare. Son pauvre être fatigué, usé, épuisé par le mal, avait pu rester debout, se porter, aller toujours (Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p.302).P. métaph. L'art de grouper ses paroles et ses pensées exige que la pensée, la phrase et la période s'encadrent de leurs propres formes, subsistent de leur propre masse, et se portent de leur propre poids (Joubert, Pensées, t.2, 1824, p.66).
β) P. métaph. [Gén. avec, dans le cont., des termes faisant réf. au sens concr. α supra souvent dans une compar.]
[Le compl. d'obj. dir. désigne une partie du corps et est accompagné d'un adj. poss.] Un petit homme assez râpé, qui portait ses bras comme des poids et sa tête comme un saint sacrement (Goncourt, Ch. Demailly, 1860, p.34).Ceux-là les préfèrent [des livres] qui se cherchent une existence illusoire et qui portent leur âme comme une morte précieusement embaumée, incapables qu'ils sont de créer et de transmettre la vie (Massis, Jugements, 1923, p.285).
[Le compl. d'obj. dir. désigne une entité concr. ou abstr.; souvent avec compl. prép. désignant une partie du corps] Ici, j'ai le sentiment de porter tous les musées sur mes épaules (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.202).
[Avec une idée de responsabilité] Porter les certitudes de qqn, le destin d'un pays. Quant à M. Geoffroy, il portait toute la pièce sur ses larges épaules, avec l'aisance et la bonhomie d'un grand artiste (Zola, Bouton de rose, 1878, p.vi).C'est une idée qu'il faut porter à bras, car elle est souvent démentie et toujours menacée (Alain, Propos, 1931, p.1018).[L'acteur] peut porter les espoirs ou les doutes de tout un peuple, mais il est seul à assumer son propre destin (Serrière, T.N.P., 1959, p.143).
γ) P. anal. ou au fig.
[Le compl. d'obj. dir. désigne une chose]
Vieilli. [Le compl. d'obj. dir. désigne une boisson alcoolisée, spéc. le vin] Supporter, pouvoir boire sans devenir ivre ou malade. Porter la boisson. Vous apprenez à porter le vin, vous apprivoisez l'ivresse (Balzac, Peau chagr., 1831, p.179).L'amour m'enivre comme le vin; si je pouvais, comme toi, porter deux bouteilles de vin du Rhin sans extravaguer, j'aurais pu passer un an entre deux femmes charmantes sans être amoureux de l'une ni de l'autre (Sand, Jacques, 1834, p.256).V. infra ex. de Flaubert.
CHASSE. [En parlant de l'animal chassé] Porter la balle, le plomb. Ne pas tomber après avoir été touché par le projectile. On chasse le daim à l'approche ou en battue. Il porte mieux la balle que le cerf et il fait preuve d'une résistance extraordinaire (J.-P. Villenave, La Chasse, Paris, Larousse, 1979, p.89).
[Le compl. d'obj. dir. évoque l'âge; avec adv. de manière] Supporter l'accumulation des années. Vos fronts légèrement ont porté les années qui pèsent sur le mien (Chateaubr., Mém., t.2, 1848, p.88).Une petite rente l'avait mené jusqu'aux soixante-quinze ans qu'il portait allégrement (Camus, Peste, 1947, p.1313).
[Le compl. d'obj. dir. désigne un fait, un élément de situation]
Vieilli. Supporter, subir. Porter difficilement la vie. Aidez son coeur à porter notre absence (Desb.-Valm., Élégies, 1833, p.151).C'est ainsi que je me suis habitué à porter le vin, les veilles, la continence la plus excessive et des jeûnes très longs (Flaub., Corresp., 1846, p.383).Je suis tranquille, je suis un homme, j'ai vu la mort de Louis XVI, je sais porter les événements (Hugo, Misér., t.2, 1862, p.573).
[Gén. avec l'idée d'une participation engagée] Assumer, prendre en charge. Il reçut l'espèce de consécration universelle, si rarement donnée aux artistes vivants, et il sut porter avec esprit sa renommée (Bernanos, Imposture, 1927, p.427).J'ai trop à faire pour porter mon amour! Je ne vais pas encore me charger de la douleur du monde! (Camus, État de siège, 1948, 2epart., p.262).Empl. pronom. passif. Que de fois j'ai essayé de découvrir que je haïssais chacun d'une haine spéciale. Deux petites haines, cela peut se porter encore dans la vie. C'est comme les chagrins. L'un équilibre l'autre (Giraudoux, Électre, 1937, i, 8, p.90).Porter la responsabilité de qqc. [Le suj. désigne une pers., parfois une chose] Être responsable de quelque chose. Les clivages idéologiques entre les partis (comme aussi les ambitions et rivalités personnelles) portent probablement la responsabilité majeure dans le déclenchement des crises (Meynaud, Groupes pression Fr., 1958, p.313).Dom Luc d'Achery, un de ceux qui portent l'honorable responsabilité d'avoir orienté la nouvelle congrégation dans les voies de l'érudition (L'Hist. et ses méth., 1961, p.640).Porter le rôle de. [En parlant d'un acteur] Il faut à Coquelin toute sa dextérité, toute sa souplesse pour porter avec aisance le rôle de Léopold évidemment taillé à la mesure de Delaunay (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p.98).
[Le compl. d'obj. dir. désigne une pers.]
Vieilli ou littér. Soutenir dans une entreprise, favoriser. Tel est le fond de cette société humaine qui porta Alexandre et qui portait Napoléon (Chateaubr., Mém., t.2, 1848, p.16).
[Le suj. désigne un public] Il vient tôt ou tard un moment où le monde vous quitte, où le public qui vous avait porté se désenchante de vous, se retire de vous (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t.9, 1865, p.359).La foule me porterait; je lui donnerais des formules; elle frémirait à ma voix (Valéry, Tel quel I, 1941, p.104).Dès la première minute [à New-York, sur la scène], je n'avais plus l'ombre de gêne. La salle me portait et me transportait. Elle devinait si curieusement les phrases que ses applaudissements rendaient le traducteur inutile (Cocteau, Lettre Amér., 1949, p.36).
En partic. Soutenir, appuyer la candidature (de quelqu'un). Le ministre serait à nous, il nous seconderait, porterait notre candidat, la nomination serait sûre (Scribe, Camaraderie, 1837, iii, 8, p.306).Lucien a dû vous dire pour combien de raisons très vraies et très logiques j'aurais désiré qu'il ne fût pas question de moi [pour le prix Gobert]. Je n'ai pas voulu désavouer les amis qui m'avaient portée (Sand, Corresp., t.4, 1861, p.251):
3. Le roi ne voulait point de M. d'Aiguillon pour ministre des affaires étrangères; M. le prince de Condé portait M. de Vergennes, qu'il avait connu en Bourgogne; madame Dubarry portait le cardinal de Rohan, qui s'était attaché à elle... Chamfort, Caract. et anecd., 1794, p.92.
b) Porter qqc. (sur/avec soi).[Le verbe exprime une relation (spatiale) étroite, souvent habituelle, entre l'entité désignée par le suj. et celle désignée par le compl. d'obj. dir.]
α) [Le compl. d'obj. dir. désigne un objet gén. peu encombrant, souvent utilitaire mais dont l'utilisation est surtout considérée comme potentielle et dont l'être désigné par le suj. est le support gén. indir.; éventuellement accompagné de sur/avec soi] Avoir avec soi (de façon plus ou moins habituelle). Porter une arme, un parapluie. On l'arrêta, car porter de petits pistolets est un grand crime! (Stendhal, Chartreuse, 1839, p.224).Elle lui tendit la lettre de sa soeur, qu'elle portait constamment et qu'elle relisait sans cesse (Champfl., Souffr. profess. Delteil, 1853, p.234):
4. ... mais je me souviens d'avoir entendu dire à Rilke que la plupart de ses vers étaient écrits au courant de la plume ou, plus exactement, du crayon, sur un petit carnet qu'il portait en promenade; puis recopiés le plus souvent sans aucune retouche. Il me montra le carnet qu'il avait sur lui... Gide, Journal, 1933, p.1176.
[Avec compl. renvoyant à la pers. (avec/sur soi) ou à un point précis] Porter une bible avec soi, des clés, de la drogue sur soi; porter sur soi une carte d'identité, un permis de chasse, un passeport; porter une épée au côté, un crayon sur l'oreille, des clés attachées à sa ceinture. Il offrit tout l'argent qu'il portait avec lui (Staël, Corinne, t.2, 1807, p.346).Nore portait sur lui une lettre d'Harriet où celle-ci annonçait son arrivée (Gobineau, Pléiades, 1874, p.256).Antoine touchait machinalement la poche où il portait son carnet de chèques (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.120):
5. −Tu as ton cyanure? lui demande Kyo au moment où il se retournait. −Oui. Tous deux, et plusieurs autres chefs révolutionnaires, portaient du cyanure dans la boucle plate de leur ceinture... Malraux, Cond. hum., 1933, p.330.
[Le compl. d'obj. dir. est accompagné d'un art. déf. qui a pour effet de souligner le caractère de fait habituel, ou de symb. d'une fonction ou d'un rang (le syntagme ayant alors une valeur méton.)] Porter l'épée*, le mousquet*; porter le fusil. Aurait-on pu penser que Charles X atteint d'une sorte de folie, las tout à coup de porter le sceptre, le briserait de ses propres mains? (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.583).Supérieur général et abbé triennal de la congrégation de Sainte-Geneviève, il avait porté la crosse et la mitre, et même tenu tête à l'archevêque de Paris (Mauriac, Vie Racine, 1928, p.39).
Porter les armes. Être soldat, faire la guerre, combattre. Apte à, en âge de porter les armes. Soldats, d'ailleurs, ils ne l'étaient pas tous: il y avait parmi eux des vieillards et des enfants de dix à douze ans, hors d'état de porter les armes (Ambrière, Gdes vac., 1946, p.166).
Porter les armes contre. Nous avions porté les armes contre le gouvernement français d'alors (Chateaubr., Mém., t.2, 1848, p.174).Il réussit à s'enfuir et porta désormais les armes contre la France (Bainville, Hist. Fr., t.1, 1924, p.147).
Porter les armes pour (vieilli). La France appuya le parti protestant en Allemagne, et soudoya tous les princes et tous les Condottieri qui portaient les armes pour ce parti (Constant, Wallstein, 1809, notes hist., p.184).
β) [Le compl. d'obj. dir. désigne un objet gén. de peu de poids dont l'être désigné par le suj. (ou une partie de lui-même) est le support gén. dir. (le plus souvent un vêtement, un élément de parure ou de toilette); éventuellement accompagné de sur soi] Porter des bottes, une décoration, des sabots, une veste; porter un joug. Cet ancien commis-voyageur ne possédait pas un cheveu sur la tête, et portait une perruque frisée en tire-bouchons (Balzac, C. Birotteau, 1837, p.167).Christine portait encore la toilette qu'elle mettait le matin pour la messe (Malègue, Augustin, t.2, 1933, p.394).Elle avait renoncé à porter une belle broche de famille, qui d'ordinaire faisait partie de cette toilette (Montherl., Démon bien, 1937, p.1242).
SYNT. Porter une bague, une blouse, un bonnet, un brassard, un carcan, un casque, une casquette, une ceinture, un chapeau, une chemise, un col, un collier, un complet, un corset, un costume, une couronne, une cravate, une cuirasse, une culotte, un diadème, des gants, un habit, une jupe, un képi, un manteau, un masque, une montre, un pantalon, une robe, un ruban, des souliers, un tablier, un uniforme, des vêtements, un voile.
[Avec expr. adv. évoquant une manière] Vêtu de molleton gros bleu, il avait des chaussons fourrés et une calotte ecclésiastique, qu'il portait dignement, en gaillard dont la vie s'était passée dans des fonctions délicates, remplies avec autorité (Zola, Terre, 1887, p.47).Il portait à l'ancienne mode des culottes et un ample habit noir (Pourrat, Gaspard, 1925, p.91).[Sans adv. apr. savoir] L'aristocratie suprême pour notre eunuque, c'est d'avoir beaucoup d'argent et de savoir porter un habit (Bloy, Journal, 1900, p.36).
[Avec compl. introd. par comme, en (guise de), pour] Il avait dépouillé son caban de marin, portant pour tout vêtement une chemise de laine, un pantalon de toile et sa casquette d'officier en petite tenue (Ponson du Terr., Rocambole, t.4, 1859, p.15).C'était un grand et maigre corps, toujours vêtu de noir, portant, en guise de cravate, une ganse noire (L. Daudet, Brév. journ., 1936, p.134).Albert Le Grand préconise aux épileptiques de la porter en pendentif [une émeraude] (Metta, Pierres préc., 1960, p.99).
P. métaph. (gén. accompagné d'une compar.). Le vrai bourgeois complet et un peu hautain du dix-huitième siècle, portant sa bonne vieille bourgeoisie de l'air dont les marquis portaient leur marquisat (Hugo, Misér., t.1, 1862, p.713).Pour dissimuler leur misère, ne pas la porter comme un joug, ils la portent comme une fantaisie (Vallès, Réfract., 1865, p.7).Il portait son éducation occidentale comme ses décorations (Larbaud, Barnabooth, 1913, p.306).
[Avec compl. renvoyant à la pers. (sur soi) ou à un point précis] Porter un anneau au doigt, une fleur à la boutonnière, une montre au poignet. Il était habillé de drap bleu, avait du linge blanc, et portait sous son gilet le sautoir rouge des grands-officiers de la légion d'honneur (Balzac, Chabert, 1832, p.100).Il tiqua lorsqu'il apprit qu'un de ces trois portait un bandeau noir sur l'oeil (Pourrat, Gaspard, 1922, p.136).Les caravaniers n'ont rien d'autre que les vêtements qu'ils portent sur eux (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p.189).
Porter le chapeau*.
[À propos d'armoiries, le compl. d'obj. dir. désigne la/les figure(s)] Nous portons un aigle d'or en champ de sable, couronné d'argent, becqué et onglé de gueules (Balzac, Peau chagr., 1831, p.53).
HÉRALD. Porter de + désignation d'un émail.Un diplomate Haut, sec, raide, pompeux, monté dans sa cravate, Droit comme un lys, couvert de croix, éblouissant, Et portant de sinople au griffon d'or yssant[issant] Du chef (Banville, Cariat., 1842, p.55).Les Arrachepel (jadis Pelvilain, dit-on) portaient d'or à cinq pieux épointés de gueules (Proust, Sodome, 1922, p.963).
[Le compl. d'obj. dir. est un subst. accompagné de l'art. déf. qui ajoute un caractère de généralité]
[Avec attribut du compl. d'obj. dir.] L'élégant de province portait les éperons plus longs et les moustaches plus farouches (Hugo, Misér., t.1, 1862, p.234).Les hommes portaient le vêtement lâche, le quittaient aisément, allaient aux bains, s'exerçaient nus (Taine, Philos. art, t.1, 1865, p.19).Tous portaient le veston bien plus court qu'Armand ne se fût permis (Aragon, Beaux quart., 1936, p.317).
[Avec expr. adv. exprimant une manière, souvent bien/mal] Bien porter l'uniforme. Comme beaucoup d'officiers, le capitaine Épivent portait mal le costume civil (Maupass., Contes et nouv., t.2, Lit, 1884, p.254).Le blanc est terriblement difficile à bien porter au jour (Gyp, Coeur Ariane, 1895, p.53).Elle portait crânement le petit bonnet de police de sa fonction (Queneau, Loin Rueil, 1944, p.75).
[Sans adv. apr. savoir] Savoir porter l'habit. Apprenez que ce qui manque à M. Cherbuliez, c'est de savoir porter la toilette (A. France, Vie littér., 1891, p.334).
[Le compl. d'obj. dir. est ou non accompagné d'un déterm. particularisant; l'art. déf. a pour effet de souligner le caractère de généralité ou le fait que l'élément désigné par le compl. d'obj. dir. est symbolique d'une fonction, d'un rang, d'une catégorie] Il portait la blouse et les guêtres d'un campagnard chasseur (Fromentin, Dominique, 1863, p.7).Un ami de collège, qui m'était resté fidèle depuis que je portais la blouse d'employé (Guéhenno, Journal homme 40 ans, 1934, p.105).Comme ceux-ci [les onagres] étaient incapables de porter le joug, les Sumériens les attelèrent par l'intermédiaire d'une bande de cuir qui s'appuyait sur la gorge (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p.21):
6. Il n'y avait point pour l'exercer [la médecine] de conditions formelles. Aussi rencontre-t-on des médecins de tous ordres. À côté de ceux qui portent la robe longue, signe des grades acquis à l'école, et peut-être moins sûrement signe d'une compétence salutaire, on voit intervenir dans le traitement des malades et des blessés des personnes dont le savoir et le bon sens n'inspirent qu'une confiance trompeuse. Faral, Vie temps st Louis, 1942, p.87.
[P. méton. du compl. d'obj. dir.] Porter les couleurs de, le deuil de, la pourpre. Des élégantes portant la mode du Tréport, c'est-à-dire des vestes rouge-écarlate (Delacroix, Journal, 1854, p.271).
[Le compl. d'obj. dir. est gén. empl. sans déterm. particularisant; le syntagme exprime le fait d'être le représentant d'une catégorie distinguée par sa fonction, son comportement, son rang] Porter le chapeau*, la/les culotte(s)*, la livrée*, la robe*, la soutane*. Porter la couronne. Être roi. V. héréditaire A ex. de Gobineau.
Vieilli. [Le compl. d'obj. dir. est un subst. sans art.] Porter binocle, bonnet, habit, perruque, soutane, toilette. Au pas lent de six chevaux pommelés, conduits par un gars en blouse portant cocarde à sa casquette (Maupass., Contes et nouv., t.1, 25 francs, 1888, p.252).Sa femme portait chapeau, lui ne sortait qu'en redingote (Zola, Vérité, 1902, p.70).Des frères, apprentis charrons, qui «portaient cravate», à quatorze ans (Colette, Mais. Cl., 1922, p.139).
[Parfois avec valeur méton.] Porter chapeau*.
Empl. pronom. passif
[Avec compl. renvoyant à un point précis] Des plaques de métal qui se portent au nombril (Flaub., Tentation, 1849, p.219):
7. Je n'ai du moins retrouvé nulle part une robe de réseau de laine rouge à grandes mailles, un véritable filet à prendre le poisson, que Félicie avait, et qui me paraissait fantastique. Cela se portait sur une robe de dessous en satin blanc, et se terminait en bas par une frange de houppes de laine tombant de chaque maille. Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.329.
Synon. de se faire, être à la mode.Maintenant cela ne se porterait plus du tout. C'était des robes qui se portaient dans ce temps-là. −Mais est-ce que ce n'était pas joli? (Proust, Temps retr., 1922, p.1011).V. capulet ex.
[Avec attribut] Les cols marins se portent beaucoup plus ouverts (Gide, Porte étr., 1909, p.500).
P. anal. ou au fig. Être conforme aux goûts du jour. Synon. se faire, être à la mode.On doit me considérer dans votre groupe comme un vieux troupier; j'ai le tort de mettre du coeur dans ce que j'écris, cela ne se porte plus (Proust, Guermantes 1, 1920, p.154).Le mépris de l'amour va beaucoup se porter cet hiver (Montherl., Exil, 1929, i, 2, p.24).Ce doute-là est un état d'âme à la mode du temps. Entre Montaigne et Hamlet, cela se portait (Valéry, Variété IV, 1938, p.228).
[Avec attribut] Quand MmePlessis eut déclaré que la femme se porterait potelée l'hiver suivant et qu'on aurait enfin la taille à sa place (Nizan, Conspir., 1938, p.148).Cette année-là, les automobiles se portaient hautes et légèrement évasées (Colette, Gigi, 1944, p.14).
γ) P. métaph., p.anal. ou au fig. [Le suj. désigne une pers. ou une chose; le compl. d'obj. dir. désigne une chose concr. ou abstr.]
[Suivi de avec soi] Il entretenait largement sa basse-cour (...) aux dépens du parc; mais le fumier de son écurie servait aux jardiniers du château. Chacune de ces petites voleries portait son excuse avec elle (Balzac, Début vie, 1842, p.395).Ce quelque chose de tendre et de languissant que le printemps porte avec lui (Green, Autre sommeil, 1931, p.123).Des maraîchers buvaient et cassaient la croûte, fleuris, portant avec eux une odeur de carotte, de salade, de planche d'oseille arrosée, de melon de couche, de champignon, de piquette (Arnoux, Nuit St-Avertin, 1942, p.59).
[Suivi de sur soi ou avec compl. renvoyant à un élément en rapport étroit avec la pers. désignée par le suj.] Cette âpre senteur de verdure qu'elle portait sur elle (Zola, Faute Abbé Mouret, 1875, p.1254).Même dans ses vêtements «de dimanche», elle portait une odeur de purin et de lait suri (Druon, Gdes fam., t.1, 1948, p.29).
2. [Le compl. d'obj. dir. désigne une entité conçue comme inséparable ou très dépendante de l'être désigné par le suj.]
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne un élément anatomique externe ou interne, ou assimilable]
α) [Chez l'homme]
[L'élément est un membre ou un organe naturel (ou un élément assimilable) sur lequel aucune modification n'est couramment pratiquée]
[Sans attribut ou expr. à valeur adv. évoquant une manière] Avoir comme partie intégrante de sa personne.
[Le subst. désignant l'élément est seulement accompagné d'un art. indéf. ou d'un adj. numéral si l'on souligne une évidence ou une anomalie ou si ce subst. est empl. p.méton. ou au fig.] Comme je triomphai de vous voir atteinte et convaincue du crime d'insensibilité! Vous portez un coeur et vous souriez en parlant d'un presque inconnu, trépassé, qui fut votre cousin par alliance! (M. de Guérin, Corresp., 1837, p.261).Un Dieu Noir portant un oeil sur le front (...); il a l'air triste, il se prend la tête dans les mains en pleurant (Flaub., Tentation, 1849, p.448):
8. L'éloquence un peu gesticulante, née d'une troisième bouteille de vin tyrolien, dissimulait mal leur contrainte [des trois amis]; c'était pire qu'un repas traîné, c'était un repas faux. Porter double visage n'est pas donné à tout le monde. Morand, Fin siècle, 1957, p.33.
[Le subst. désignant cet élément est accompagné d'un art. indéf. et d'un déterm. particularisant] Synon. usuel avoir.Porter des oreilles fendues, une tête énorme, un ventre de joyeux garçon, un visage brûlé par le soleil. La vieille, qui était sèche et grande portait une peau bistrée, plissée comme du parchemin (Flaub., Champs et grèves, 1848, p.308).Sa physionomie était beaucoup plus douce depuis qu'il portait un nez droit (About, Nez notaire, 1862, p.127).Tous portaient des mains qui m'avaient déchirée, des bouches qui m'avaient blessée, d'affreuses poitrines (Giraudoux, Lucrèce, 1944, iii, 3, p.165).
Usuel. [Avec attribut ou expr. à valeur adv. évoquant une manière; le subst. désignant l'élément est accompagné d'un art. déf., d'un adj. poss. ou d'un numéral, parfois d'un art. indéf. et d'un déterm. particularisant] Synon. tenir.Porter bas, droit, haut la tête. Sur une taille courte et forte, elle portait raide et le menton rengorgé, une tête carrée (Vigny, Mém. inéd., 1863, p.106).Je devrais boiter ou porter un bras en écharpe (Renard, Journal, 1902, p.792).Il portait légèrement inclinée sur l'épaule sa tête qui est fine et agréable à voir (Duhamel, Confess. min., 1920, p.64).
Vieilli [P. ell. de tête] Porter haut. Tenir la tête haute dans une attitude fière. Le porter haut. Manifester de la fierté. V. haut1II A 3 a.Porter beau. V. beau IV C 1.
[L'élément est une production pileuse ou cornée sur laquelle des modifications peuvent être pratiquées] Avoir comme partie intégrante de sa personne.
[Élément dont la suppression totale n'est pas habituelle]
[Sans attribut ou expr. à valeur adv.; le subst. désignant l'élément est accompagné d'un art. indéf. (ou sans art.) et d'un déterm. particularisant] Porter des cheveux blancs, courts. Il porte des ongles sales et une barbe de trois jours (Flaub., MmeBovary, t.1, 1857, p.149).Jusqu'à ce jour j'avais porté toute ma barbe, avec les cheveux presque ras. Il ne me venait pas à l'idée qu'aussi bien j'aurais pu porter une coiffure différente (Gide, Immor., 1902, p.402).Il portait de longs cheveux, qui lui tombaient dans le cou (Maran, Batouala, 1921, p.162).
[Sans attribut ou expr. à valeur adv.; le subst. désignant une forme spécifique que prend l'élément est accompagné d'un art. indéf., d'un art. déf., ou sans art., avec ou sans déterm. particularisant] Porter une frange, des tresses; porter chignon. Je n'ai jamais porté de nattes ni de chignon (Colette, Cl. école, 1900, p.33).
[Avec attribut ou expr. à valeur adv. évoquant l'aspect spécifique de l'élément; le subst. désignant l'élément est accompagné d'un art. déf. ou d'un adj. poss.] Porter les/ses cheveux relevés, roulés sur les oreilles, en bandeaux, en brosse, à la chien. La mode était venue de porter les chignons flottants, la reine Marie Leczinska, fort pieuse, s'opposait à cette dangereuse innovation (Chateaubr., Mém., t.2, 1848, p.189).Julius grattait du bout de l'ongle de son petit doigt, qu'il portait en pointe et fort long, une petite tache de bougie (Gide, Caves, 1914, p.867).Elle secouait ses magnifiques cheveux, qu'elle portait toujours très longs, très ondulés, retombant sur ses épaules (Abellio, Pacifiques, 1946, p.298).
[Élément dont la suppression totale est courante: barbe, moustache, favoris et leurs formes spécifiques]
[Sans attribut ou expr. à valeur adv.; le subst. désignant l'élément est accompagné d'un art. indéf., avec ou sans déterm. particularisant] Le percepteur Respellière, ancien sous-officier de la coloniale, portait une moustache de chat (Aragon, Beaux quart., 1936, p.33).M.Barrault portait une barbiche et un pince-nez (Sartre, Mots, 1964, p.62).
[Sans attribut ou expr. à valeur adv.; le subst. désignant l'élément est accompagné d'un art. déf. ou sans art., avec ou sans déterm. particularisant] Un vieux concierge portant moustache grise (Ponson du Terr., Rocambole, t.2, 1859, p.334).C'était un homme mince, flexible, portant collier de barbe (Jouve, Scène capit., 1935, p.90).Il n'a jamais porté la barbe (Guéhenno, Jean-Jacques, 1950, p.52).
[Sans attribut ou expr. à valeur adv.; le subst. désignant l'élément est accompagné d'un adj. poss. (renforcé ou non par tout)] Maître Jean, qui pouvait enfin porter ses grosses moustaches et ses favoris pour de bon (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.1, 1870, p.275).Un garçon de vingt-sept ans environ, timide, indécis, portant toute sa barbe (Aragon, Beaux quart., 1936, p.279).
[Avec attribut ou expr. à valeur adv. évoquant l'aspect spécifique de l'élément; le subst. désignant cet élément est accompagné d'un art. déf. ou d'un adj. poss.] Porter sa barbe entière. Sa barbe, qu'il portait en collier (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.306).Il portait la moustache plus longue que dans les derniers temps (Green, Journal, 1936, p.49).
[Élément dont l'existence naturelle est variable; avec spécification de l'endroit du corps] Porter des poils sur tout le corps, sur les jambes.
[L'élément est artificiel et remplace un élément naturel ou pallie un fonctionnement défectueux]
[Cet élément n'est pas absol. nécessaire] Porter des faux cils. Du temps de De Brosses, les Romaines portaient de faux cheveux (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.427).
Rem. À mettre en rapport avec supra I A 1 b β (en partic., porter une perruque).
[Cet élément est important ou fonctionnellement nécessaire] Synon. usuel être porteur de.Porter un coeur artificiel, une main artificielle, une pompe, un stimulateur cardiaque. Il existe déjà des prothèses tellement perfectionnées qu'elles se font oublier de ceux qui les portent (Sc. et Avenir, 1979, nospéc. hors série 28, pp.4-5).
β) [Chez les animaux]
[Sans attribut ou expr. à valeur adv.]
[Le subst. désignant l'élément est seulement accompagné d'un adj. numéral ou d'un art. indéf. lorsque cet élément ne constitue pas une caractéristique commune à tous les animaux] Porter des ailes. Les coffres (ostracion), qui ont d'ailleurs peu de rapport avec les balistes pour le squelette, portent aussi huit dents à chaque mâchoire (Cuvier, Anat. comp., t.3, 1805, p.181).V. andouiller ex. 2.
Porter des cornes. Au fig. V. corne I A 3 b.
CHASSE. [En parlant d'un cerf] Porter + chiffre.Avoir tant d'andouillers sur ses merrains. Le nombre d'andouillers se compte toujours en chiffres pairs −c'est-à-dire qu'un cerf qui porte six à gauche et cinq à droite sera un douze-cors (J.-P. Villenave, La Chasse, Paris, Larousse, 1979, p.86).
[Le subst. désignant l'élément est accompagné d'un art. indéf. ou d'un numéral et d'un déterm. particularisant] Porter de longues antennes. Les lapins à pelage court qui portent une plaque de poil angora (Cuénot, J. Rostand, Introd. génét., 1936, p.58).Littér. [Sans art.] Des oies passaient à la file indienne, portant cou raide et tête sifflante (Malègue, Augustin, t.1, 1933, p.34).
[Avec attribut ou expr. à valeur adv. évoquant une manière, un aspect; le subst. désignant l'élément est accompagné d'un art. déf. ou d'un adj. poss.] Une troisième famille naturelle de Coléoptères (...) a pour caractère de porter sa bouche au bout d'un long museau (Cuvier, Anat. comp., t.3, 1805, p.319).
[Des chiots] portent la queue en trompe de chasse et les oreilles en feuilles de salade (Colette, Mais. Cl., 1922, p.222).
Tenir d'une certaine manière. [Un petit chat] se jouait à lui-même une comédie majestueuse, mesurait son pas et portait la queue en cierge, à l'imitation des seigneurs matous (Colette, Mais. Cl., 1922, p.199).[Un rouge-gorge] haut sur pattes, et portant ses ailes pendantes comme les basques d'un habit (Alain, Propos, 1923, p.539).
[P. ell. du compl. d'obj. dir.]
Porter beau. V. beau IV C 1.
Porter haut. [En parlant d'un cheval] V. haut1II A 3 a.
Porter au vent. [En parlant d'un cheval] Tenir la tête horizontale en courant. Lorsqu'un cheval porte au vent, il ne faut jamais baisser les mains pour tenter de lui faire baisser la tête (TondraCheval1979).[En parlant d'un chien de chasse] Porter au vent. Suivre une voie le nez haut parce que le vent lui apporte l'odeur de l'animal chassé. À la croisée d'une voie chaude, le limier porte au vent et se rabat (J.-P. Villenave, La Chasse, Paris, Larousse, 1979, p.180).
γ) [Chez l'homme ou l'animal; en parlant d'éléments biol. ou d'organismes introduits dans le corps] Synon. usuel être porteur de.Porter un gène, un microbe, un virus. La maladie est originaire des pays chauds, littoral africain, Amérique du Sud, Asie (75 % des Hindous portent ce parasite) (Macaigne, Précis hyg., 1911, p.322).Ces mutants [de drosophiles] qui portent un chromosome rond au lieu de deux, ont le corps plus pâle, la surface des yeux plus rugueuse, les ailes et les antennes plus courtes, les soies plus longues que celles des mouches normales (Cuénot, J. Rostand, Introd. génét., 1936, p.51).
b) [Le compl. d'obj. dir. désigne une entité contenue par celle désignée par le suj., mais qui peut être considérée comme ayant une existence propre; le contenant est très souvent spécifié]
α) [En parlant d'une femme ou d'un animal femelle; le compl. d'obj. dir. désigne l'être produit par la fécondation] Avoir en soi, dans son corps pendant la gestation.
[Le suj. désigne l'être femelle; avec ou sans indication de durée]
[Sans compl. locatif renvoyant à la partie du corps] Tout agneau que la brebis porte (Nouveau, Valentines, 1886, p.121).J'ai les yeux bleus, disait parfois Saint-Cyr (...) je suis venu au monde deux mois avant terme... N'ayant pu le porter assez longtemps, sa mère le couva si bien qu'il vécut (A. France, Vie littér., 1890, p.107):
9. ... l'autre hiver, quand elle était enceinte, elle avait volé aux Galeries Lafayette. Une histoire imbécile. Elle n'avait plus d'argent, et une envie épouvantable d'un sac à main. L'idée que ça serait nuisible au gosse qu'elle portait de ne pas satisfaire cette envie. Aragon, Beaux quart., 1936, p.441.
[Avec compl. locatif renvoyant à la partie du corps] Porter dans ses entrailles, dans ses flancs. Les autres mères ne portent que neuf mois leur enfant dans leur sein; je puis dire que la mienne m'a porté douze ans dans le sien, et que j'ai vécu de sa vie morale comme j'avais vécu de sa vie physique dans ses flancs, jusqu'au moment où j'en fus arraché pour aller vivre de la vie putride ou tout au moins glaciale des colléges (Lamart., Confid., 1849, p.73).Seul donc désormais, sans famille, sans même l'espoir d'un bâton de vieillesse, car elle était partie (...) portant au flanc l'enfant qui eût dû leur fermer les yeux (Verlaine, OEuvres compl., t.4, L. Leclercq, 1886, p.152):
10. Et nous, les mères, nous ne les avons pas eu [les garçons] dans la peau? Et ils ne nous ont pas jusque dans les veines? Je l'ai porté dans mon ventre et chassé de mon ventre, ma petite. Cocteau, Parents, 1938, I, 6, pp.212-213.
[Avec compl. locatif renvoyant à la pers.] Les émotions de la mère pendant la grossesse n'avaient pas été sans influer sur l'enfant qu'elle portait en elle (Bourget, Actes suivent, 1926, p.83).
Empl. abs. Elle porta dans les flancs, le ventre s'élargit sans trop avancer (Zola, Pot-Bouille, 1882, p.367).
Porter + compl. de temps.[En parlant d'un animal femelle] Les cavales portent onze mois (Ac.1798-1935).La louve porte 9 semaines, mettant au monde en mars-avril, dans le liteau, de 4 à 9 petits (J.-P. Villenave, La Chasse, Paris, Larousse, 1979, p.131).
[Le suj. désigne la partie du corps] La mère Félix, cette patriarchesse, dont le flanc de juive a porté quatorze enfants (Goncourt, Journal, 1861, p.932).Empl. abs. Riche ventre qui n'a jamais porté, Seins opulents qui n'ont pas allaité (Verlaine, Odes en son honn., 1893, p.26).
β) P. métaph. ou au fig. [Souvent avec des éléments de cont. faisant réf. au sens α supra] Elle la portait en elle [sa passion], comme la femme porte l'enfant futur, dans sa chair vive, contre son coeur (Noailles, Nouv. espér., 1903, p.118).La république, comme Agrippine, portait dans ses flancs son meurtrier (A. France, Île ping., 1908, p.184).Christophe ne fut pas troublé dans le colloque muet qu'il eut pendant des jours avec celle qu'il portait maintenant dans son âme, comme la femme enceinte porte son cher fardeau (Rolland, J.-Chr., Nouv. journée, 1912, p.1556).V. allaiter ex. 7.
[Le compl. d'obj. dir. désigne un produit de l'esprit dont la mise au point nécessite du temps] Porter un livre, un sujet. Jamais personne ne se douta de mon projet, bien que je l'aie porté quatre ans dans mon coeur avec toutes les émotions de la crainte et de l'espérance (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.426).Je flânerais, je porterais bien plus longtemps mes romans en moi, et ils seraient meilleurs (Green, Journal, 1932, p.104).Sans doute ai-je obéi d'instinct à l'exigence de l'oeuvre que je portais (Mauriac, Bloc-Notes, 1958, p.89).
[Avec des éléments de cont. faisant réf. au sens supra] Sa passion de l'oeuvre qu'il portait, qu'il engendrait de toute sa bravoure intelligente, dussent les couches durer des années, quand il l'avait conçue (Zola, Travail, t.1, 1901, p.142).Je veux me libérer des deux, trois gros bouquins que je porte en moi et que je nourris depuis toujours (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.327):
11. Par ce temps de production hâtive et de parturitions étranglées je persuaderai difficilement, je le sais, que j'aie pu porter si longtemps ce livre en tête avant de m'efforcer d'en accoucher. Gide, Caves, 1914, p.679.
[Le compl. d'obj. dir. désigne une action en projet] Maintenant, au lieu d'une femme qui a conçu matériellement, imaginons un coupable qui porte dans le fond de son âme une bonne action, une grande action, un conseil salutaire, une invention utile (J. de Maistre, OEuvres compl., t.5, Sur les délais de la justice divine, Paris, Vitte, 1824 [1815], p.389).[Une amante criminelle] aimait mieux son forfait au temps où elle le portait en elle, houleux et vivant (Colette, Ces plais., 1932, p.235).
Porter en germe. [Le suj. désigne une pers. ou une chose] Avoir en soi, comporter à l'état latent. La tête qui reposa sur la poitrine du Seigneur, durant la dernière Cène, rayonnait de génie et portait en germe l'Évangile du Verbe (Mauriac, Journal 3, 1940, p.270).Encore ne faut-il pas pousser jusqu'à l'excès l'emploi des simplifications comptables, qui portent en germe le danger d'ôter toute signification aux résultats du calcul des prix de revient (Villemer, Organ. industr., 1947, p.115).
γ) P. anal. ou au fig. [Sans réf. nette au sens α supra]
[Le suj. désigne une pers.]
[Le compl. d'obj. dir. désigne un élément concr. faisant partie de la pers., un état de santé] Malheureusement nous portons en nous ce petit organe que nous appelons coeur, lequel est sujet à certaines maladies au cours desquelles il est infiniment impressionnable pour tout ce qui concerne la vie d'une certaine personne (Proust, Prisonn., 1922, p.223).Le mal qu'il portait en lui s'aggravait avec l'âge (Guéhenno, Jean-Jacques, 1948, p.260).
[Le compl. d'obj. dir. désigne un sentiment, un état d'esprit ou une attitude, une idée, qqc. qui affecte la pers., une caractéristique propre à la pers.]
[Avec compl. locatif désignant une partie de la pers.] Richard, honteux d'avoir osé l'élever [un soupçon], mais trop irrité pour s'en repentir, passa dans l'appartement de Mathilde, portant dans son ame le regret d'un tort qui étoit pour lui un nouveau sujet de haïr Malek Adhel (Cottin, Mathilde, t.2, 1805, p.64).Il lui semblait que jusqu'à sa mort elle porterait dans son coeur le souvenir de ces choses familières (Green, Journal, 1934, p.295).
[Avec compl. locatif désignant une action de la pers.] [MmeSaint-Alban] ressemblait à George Sand, et portait en tous ses mouvements une majesté romanichelle (Colette, Mais. Cl., 1922, p.188).
[Suivi de en soi] Il est donc beaucoup plus important pour l'artiste de se rapprocher de l'idéal qu'il porte en lui, et qui lui est particulier, que de laisser, même avec force, l'idéal passager que peut présenter la nature (Delacroix, Journal, 1853, p.87).Les femmes portent en elles un monde de sentiments plus riche que le nôtre, mais le don de les interpréter, de les exprimer leur manque (Mauriac, Myst. Frontenac, 1933, p.195).Comment peut-on dormir comme une brute engluée quand on porte en soi un si véloce, un si brillant avenir? (Arnoux, Zulma, 1960, p.168).
[Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou une chose concr., p.méton. pour l'image qu'on en a] Depuis la veille je portais dans ma mémoire deux yeux de feu dans des joues pleines et brillantes (Proust, Swann, 1913, p.401).Jamais il n'avait vécu ainsi près d'elle. Il la portait en lui. Elle était devenue son témoin, son arbitre (Estaunié, Ascension M. Baslèvre, 1919, p.258).
[Le compl. d'obj. dir. désigne un type d'être] Le juge en robe rouge que je porte en moi et qui me condamne à mort (Cocteau, Appogiatures, 1953, p.97):
12. Il n'y a point de doute que la foi existe; mais on se demande avec quoi elle coexiste dans ceux chez qui elle existe. Un incrédule y voit une singularité, quoique contagieuse, estime qu'un croyant d'esprit distingué ou supérieur, un homme comme Faraday, chef de la secte des Sandemaniens, ou Pasteur, porte véritablement deux hommes en lui. Valéry, Variété II, 1929, p.116.
[Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. partic.; surtout à la forme négative] (Ne pas) porter qqn dans son coeur. (Ne pas) éprouver de la sympathie, (ne pas) être bien disposé à l'égard de qqn. Elle avait donc fourni un point d'appui au curé, qui naturellement la portait dans son coeur (Balzac, Curé vill., 1839, p.56):
13. Tancogne? Celui-là, sûrement, ne le portait pas dans son coeur. À cause de Raboliot, le soupçon avait frôlé sa tête; il avait vu emmener Malcourtois, et peut-être senti, contre sa propre peau, le froid de la chaînette qui liait les mains du prisonnier; il n'était pas homme à l'oublier de sitôt. Genevoix, Raboliot, 1925, p.213.
[Le suj. désigne une chose concr. ou abstr.; le compl. d'obj. dir. désigne une caractéristique propre à cette chose ou un élément indissolublement lié à cette chose; avec compl. locatif] Il est vrai que toute musique porte en elle son esprit, ses nuances et ses mouvements (Lalo, Mus., 1899, p.316).Mais la ville gardera, au-dessus d'eux [des passants], comme un secret, la garantie de durée qu'elle porte dans ses pierres (Larbaud, Amants, 1923, p.180).Proposition, qui ainsi formulée, paraît toute simple et porter en soi sa justification, son évidence (Du Bos, Journal, 1927, p.235).
B. − [Le suj. désigne essentiellement un élément inanimé]
1. [Le verbe exprime un contact, une position rel.]
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne un inanimé, parfois une pers.]
α) [L'élément désigné par le suj. se trouve sous l'élément désigné par le compl. d'obj. dir. et sert à en soutenir le poids ou la poussée] Constituer l'élément de soutien de quelque chose; supporter, soutenir quelque chose. Toit porté par des colonnes. Ces galeries, pareilles à de gigantesques catacombes à jour portant l'amphithéâtre colosse sur ces arceaux (Goncourt, MmeGervaisais, 1869, p.24).Des piliers prodigieux portent des arcs de marbre noir et blanc, qui enjambent d'incroyables vides (Farrère, Homme qui assass., 1907, p.141).Une charpente qui porte l'écubier (Romanovsky, Mer, source én., 1950, p.54).
Empl. pronom. réfl., rare:
14. ... le cintre ne supporte ainsi que le poids du premier rouleau, qui doit être assez résistant pour se porter lui-même et pour porter ensuite le deuxième rouleau, l'ensemble de ces deux rouleaux devant ensuite supporter le troisième. Arts et litt., 1935, p.20-7.
[Le suj. désigne les membres (inférieurs le plus souvent) d'un être animé] Le pied «pique», dressé complètement, verticalement, sur les orteils, qui portent tout le poids du corps (Arts et litt., 1935, p.46-1).Ses jambes le portent à peine. Il vit couché (J. Bousquet, Trad. du sil., 1935, p.21).
[Le suj. désigne la mer ou une voie navigable] La géographie lui a déjà imposé son nom de fleuve, l'illustre nom qu'il gardera pour porter les imposants bateaux de mer (Coppée, Bonne souffr., 1898, p.51).À Marseille aboutiraient avec une voie capable de porter les chalands de 1300 tonnes, les houilles de la Ruhr, la potasse d'Alsace (Navig. intér. Fr., 1952, p.70).
[Le suj. désigne la glace, la neige, un sol] Soutenir, sans céder, le poids de quelque chose. L'eau pouvait quelquefois devenir solide et porter un éléphant (Alain, Propos, 1934, p.1212).
Empl. abs., usuel. Le sol ne porte plus. Jour louche, brouillard, on n'y voyait qu'à cinq ou six mètres. La neige gelée portait bien (Giono, Roi sans divertiss., 1947, p.58).
[Le suj. désigne une matière, le compl. d'obj. dir. un poids précisé] Supporter telle charge. Les liais et calcaires, très homogènes et finement grenus, pèsent 2400 à 2600 kilos et portent 600 à 800 kilos par centimètre carré (Bourde, Trav. publ., 1928, p.116).
MAR., empl. abs. [En parlant d'une voile] ,,Fonctionner pour faire avancer le navire (...), recevoir le vent sur sa face postérieure`` (Jal1). Nous roulons et tanguons ferme, les voiles ne portent pas et nous faisons un maximum de trois noeuds (H.-Ph. D'Orléans, À travers banquise, 1907, p.18).
Porter bien; porter mal. Gonfler régulièrement et être bien tendue par le vent; faséyer (d'apr. Le Clère 1960). Porter plein. Être frappée par le vent sur toute sa surface et enfler partout également (d'apr. Jal1). Porter à culer. Être ,,disposée ou frappée par le vent, de manière à faire marcher le navire dans le sens de la poupe`` (Bonn.-Paris 1859).
Faire porter (la voile). ,,Orienter les voiles ou le bateau de manière à ce que le vent les gonfle mieux`` (Barber. 1969).
P. anal., vieilli. [En parlant du vin] Porter l'eau. Supporter, sans perdre ses qualités, qu'on y ajoute de l'eau. Les convives le trouvèrent [le vin] un peu chaud à la seconde bouteille, mais, après essai, ils déclarèrent qu'il ne portait pas l'eau (Sand, Hist. vie, t.2, 1855, p.352).
Au fig.
[Le suj. désigne un sentiment, un fait, le compl. d'obj. dir. une pers.] Le sujet, j'en ai peur, ne me portera guère (Bloy, Journal, 1906, p.316).Innovant avec une inconsciente hardiesse, grâce à la foi qui les portait sans se faire sentir (Gilson, Espr. philos. médiév., 1931, p.43).
[Le suj. et le compl. d'obj. dir. désignent des éléments abstr.] Si Arbor est appelé signe, ce n'est qu'en tant qu'il porte le concept «arbre» (Sauss.1916, p.99).Le latin, l'allemand, l'anglais peuvent porter une culture, un style, une recherche (Alain, Propos, 1932, p.1069).Les syllabes susceptibles de porter l'accent forment le (...) champ accentuel du mot (Ch. Bally, Manuel d'accentuation gr., Berne, Francke, 1945, p.18).
β) [L'élément désigné par le suj. n'est pas conçu comme un soutien et la position rel. des deux éléments peut être variable]
[L'élément désigné par le compl. d'obj. dir. est considéré comme ajouté et autonome]
[Sans spécification de la position rel.]
[Avec réf. à un axe vertical] Être le lieu où est posé quelque chose. Table portant des assiettes, une nappe. Meubles fins portant des bibelots inestimables (Maupass., Contes et nouv., t.1, Parure, 1884, p.454).Après coloration, la lame portant les cellules est recouverte d'une lamelle après montage dans le baume ou le liquide d'Apathy (J. Verne, Vie cellul., 1937, p.39).Les toits, les capotes, les traverses des voitures portaient une épaisseur de neige (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p.130).
[Sans cette réf.] Être le lieu où est placé ou accroché quelque chose. Mur portant des tableaux. Une auberge portait pour enseigne une vache rouge (Michelet, Journal, 1834, p.153).L'aiguille qui la blesse ainsi porte une petite bannière avec une M (Dumas père, Reine Margot, 1847, iv, 7, p.144).Un pan de mur portait un cadran solaire (Romains, Hommes bonne vol., 1939, p.12).Contenir. Les piles sont dans une sacoche fixée sur le sac de cuir portant l'appareil (A. Leclerc, Télégr. et téléph., 1924, p.252).Il s'agit de la châsse-reliquaire de vermeil portant la sainte ampoule (Grandjean, Orfèvr. XIXes., 1962, p.98).
[Avec spécification de la position rel.] Sous les arbres touffus portant des échelles, des gaules ou des faux accrochées dans leur branchage (Flaub., MmeBovary, t.1, 1857, p.80).C'était un vaste édifice, portant à son faîte le pavillon national (Verne, Enf. cap. Grant, t.2, 1868, p.150).Les raisins de plein air, au mois d'octobre, portent à leur surface des germes de levure (J. Rostand, Genèse vie, 1943, p.179).
[Les éléments désignés par le suj. et le compl. d'obj. dir. forment un tout fonctionnel ou font partie d'un tout]
Être l'élément en contact direct duquel se trouve l'autre, auquel l'autre est directement attaché, avec lequel l'autre fait corps. Ce pli de la peau commence à trois ou quatre millimètres au-dessus du bord libre de la paupière supérieure qui porte les cils (Haddon, Races hum., trad. par A. Van Gennep, 1930, p.25).À la bride, qui porte le mors, aboutissent les guides ou les rênes (P. Rousseau, Hist. transp., 1961, p.169).
[Avec spécification de la position rel.] En arrière des trous dans lesquels tournent les cylindres des gonds, est fixée avec deux vis une petite plaque en fer portant latéralement une forte cheville en fer (Nosban, Manuel menuisier, t.2, 1857, p.95).Les moteurs triphasés (...) se composent tous d'une carcasse ronde en fonte portant à l'intérieur l'enroulement destiné à recevoir les courants triphasés (Soulier, Gdes applic. électr., 1916, p.90).Cette tige est traversée dans son axe par un fil de laiton de 2 millimètres portant une borne à l'extrémité intérieure et une tête sphérique à l'extrémité opposée (A. Leclerc, Télégr. et téléph., 1924, p.201).
Comporter comme élément constitutif d'un ensemble composite. Bateau portant tant de bouches à feu. [L'église] est petite, quoique portant nef et bas côtés, comme une grande dame d'église de ville (Flaub., Champs et grèves, 1848, p.237).Le bateau cloche est un bateau qui porte un compresseur d'air avec son moteur (Bourde, Trav. publ., 1929, p.259).Film standard de 35 mm de large, qu'on utilise d'ordinaire (Leica) par bandes de 1 m portant 36 vues (Prinet, Phot., 1945, p.37).
MAR. [En parlant d'un navire] Porter de la voile (toile)/des voiles. Avoir un certain nombre de voiles déployées. Ils continuèrent cette route pendant dix ou douze jours, ne pouvant porter que peu de voiles (Voy. La Pérouse, t.1, 1797, p.82).Le Green-Star venait d'appareiller. Il portait de la toile pour s'éloigner au plus vite de cette terre de désolation (Cendrars, Dan Yack, Plan de l'Aiguille, 1929, p.51).Porter bien/mal la voile (la toile). Résister bien/mal à l'inclinaison que tend à lui donner l'effort de la voilure (d'apr. Le Clère 1960). Ce bateau (...) était célèbre sur toute la côte pour bien porter la toile par n'importe quel temps (Malot, R. Kalbris, 1869, p.18).
b) [Le suj. désigne la terre ou une étendue de sol]
[Le compl. d'obj. dir. désigne une construction ou un élément naturel] Avoir sur sa surface, être couvert par quelque chose. Les collines, qui se dressent à pic, portent des bois de sapins (Lamart., Voy. Orient, t.2, 1835, p.324).L'île de Rhoda, couverte de jardins et portant à sa pointe la tour ronde, massive et rose du nilomètre (Fromentin, Voy. Égypte, 1869, p.138).Le roc de Namur porte une vieille forteresse historique (Vidal de La Bl., Tabl. géogr. Fr., 1908, p.68).
[Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou les manifestations d'une civilisation] Être le lieu où existe quelqu'un ou quelque chose. Le même pays a donc très bien pu porter, à quelques siècles de distance, Abélard et Descartes (Cousin, Fragm. philos., 1840, p.6).Ces sables stériles ont porté en effet une civilisation riche, au temps où les Arabes envahirent la région (Gracq, Syrtes, 1951, p.11).
[Le compl. d'obj. dir. désigne une production végétale gén. exploitée par l'homme] Avoir à sa surface. Le champ portera des moissons encore l'année prochaine et dans dix et cent ans (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.1, 1870, p.490).Les terrasses construites portent des cultures sèches en d'immenses régions de Chine (Meynier, Paysages agraires, 1958, p.63).
Empl. abs. Produire. Une terre capable de porter beaucoup (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.1, 1840, p.282).
c) [Le suj. désigne un végétal (ou une de ses parties), le compl. d'obj. dir. un élément constitutif]
α) Avoir en tant que partie. Porter des fleurs; branche portant de longues aiguilles. La pivoine femelle, qui porte des feuilles étroites, vertes pâles, et des fleurs rouges foncées (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t.2, 1821, p.550).Le bois, quel que soit son âge, peut porter des bourgeons, qui apparaissent groupés en petits cônes (Levadoux, Vigne, 1961, p.12).
[Avec compl. spécifiant le point précis où se trouve l'élément constitutif] Le maïs écimé, effeuillé, ne portant plus que des épis nus sur des tiges dépouillées de couleur de bistre (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p.248):
15. ... il trouva un jour une plante de froment d'une seule tige, qui portait à son extrémité un épi médiocre de véritable froment, et sur un de ses noeuds un second tuyau terminé par un bel épi d'ivraie. Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.58.
[Le compl. d'obj. dir. est le mot fruits (ou mot du même parad.) accompagné de l'adj. poss.] Nombre de plantes portent encore leurs graines (Gide, Retour Tchad, 1928, p.977).Les espèces à fruits à noyau ne supportent aucune compétition pour l'eau lorsque les arbres portent leur récolte (Boulay, Arboric. et prod. fruit., 1961, p.62).
β) En partic. [Le compl. d'obj. dir. désigne le fruit de la plante]
[Le suj. désigne le végétal; le compl. d'obj. dir. est au plur., accompagné de l'art. indéf., ou, plus rarement, au sing. avec art. partitif ou sans art.] Produire. Porter du fruit. Le pauvre arbre se consumait dans les désirs de la stérilité. Enfin, une fois, il conçut et porta des fruits (Du Camp, Nil, 1854, p.183).Environ 18 mois après l'ensemencement, les arbrisseaux commencent à porter des fruits narcotiques qu'ils produiront pendant trente ou quarante ans (Page, Dern. peuples primit., 1941, p.167).
Au fig. [Le compl. d'obj. dir. est accompagné d'un art. indéf. ou du partitif ou d'un adj. poss.] V. fruit II A 1.
Vieilli ou littér. [Sans art.] Les mots de la portière avaient porté fruit (Champfl., Avent. MlleMariette, 1853, p.251).Que les valeurs de la vocation, du travail, de l'adaptation à la vie d'homme (...) puissent naître et s'épanouir avant de porter fruit au bénéfice de tous (Antoine, Passeron, Réforme Univ., 1966, p.136).
[Constr. anal., au fig.]
Porter ses conséquences/porter conséquence (rare). Avoir des conséquences. Brisson ayant blâmé Zurlinden (...) laisse l'acte par lequel Zurlinden est blâmé porter ses conséquences (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p.272):
16. ... depuis son entrée au séminaire, il n'y avait pas eu une heure, surtout pendant les récréations, qui n'eût porté conséquence pour ou contre lui, qui n'eût augmenté le nombre de ses ennemis, ou ne lui eût concilié la bienveillance de quelque séminariste sincèrement vertueux ou un peu moins grossier que les autres. Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.179.
Porter intérêt. [En parlant d'un capital] Produire des intérêts. La somme à laquelle s'élevera le reliquat dû par le tuteur, portera intérêt, sans demande, à compter de la clôture du compte (Code civil, 1804, art. 474, p.88).Ce prêt portait intérêt à six pour cent et cet intérêt était payable par trimestre (Duhamel, Jard. bêtes sauv., 1934, p.87).
2. [Avec une idée de contenance; le suj. désigne un moyen de transp., le compl. d'obj. dir. ce qui est transporté] Avoir, transporter à son bord.
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne les choses qui constituent le chargement ou un poids] Ce bâtiment aurait pu porter des bombardiers lourds à grand rayon d'action (Le Masson, Mar., 1951, p.23).Un camion portant huit bouteilles de gaz comprimé (Tinard, Automob., 1951, p.362).Un camion donné pour 3 t 5 ne doit pas en porter 5. En aucun cas, ne dépasser la charge utile prévue (Chapelain, Techn. automob., 1956, p.328).
b) [Le compl. d'obj. dir. désigne des pers.] Le char qui portait Tahoser et Nofré (Gautier, Rom. momie, 1858, p.213).Les galères au beau nom − la Reine, la Demoiselle, la Montjoie −qui portaient Louis IX et son armée, jetèrent l'ancre à Limassol (Grousset, Croisades, 1939, p.349).
3. [Le compl. d'obj. dir. désigne une mesure de longueur] Avoir telles dimensions. Dans un lit de bois dont la largeur extérieure est de 1 m 40, le sommier et le matelas ne porteront que 1 m 30 (Lar. mén.1926, p.767).
C. − [Le suj. désigne une entité animée ou inanimée essentiellement concr.; le compl. d'obj. dir. désigne ce qui constitue une caractéristique de surface]
1. [Dans le domaine concr.] Avoir, présenter à sa surface.
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne un élément, gén. de faible épaisseur, qui fait corps avec la surface de l'entité désignée par le suj.] Porter une couche de qqc., du crépi, un sceau; porter un kyste, une verrue. Il faut construire le meuble en entier avant de le plaquer, et polir à sec toutes les surfaces qui doivent porter le plaqué (Nosban, Manuel menuisier, t.2, 1857, p.159).Une liasse de lettres sur parchemin timbrées de Leyde ou d'Amsterdam, de 1702 à 1710, et portant de larges cachets de cire dont le chiffre était surmonté d'une couronne de comte (Loti, Rom. enf., 1890, p.120):
17. ... les parois sont enduites d'une peinture laquée très résistante ou portent un revêtement en céramique, et le plafond est recouvert de peinture laquée... Lar. mén.1926, p.135.
b) [Le compl. d'obj. dir. désigne une caractéristique de forme ou d'aspect se révélant à la surface de l'entité désignée par le suj.]
[Cette caractéristique constitue une modification, une altération] Porter une blessure, une cicatrice, une crevasse, une écorchure, une fissure, une lésion. V. knickers rem. s.v. knickerbockers ex. de Peyré.
[Cette caractéristique est propre à l'entité] Porter un biseau, des dentelures, une gorge, une rainure, des stries, des trous. Ces plaques sont de formes diverses, excavées extérieurement par des trous nombreux, et portant une arête saillante et longitudinale (Cuvier, Anat. comp., t.2, 1805, p.622).Les deux formes cristallines portent des facettes de même signe (Pasteurds Ann. chim. et phys., t.23, 1848, p.278).Si (...) la carte est relative aux femmes, elle porte une perforation X (ou II), dans la colonne 79 (Berkeley, Cerveaux géants, 1957, p.66).
[Avec compl. introd. par en précisant la manière dont cette caractéristique se révèle dans l'épaisseur de la surface] Porter en relief qqc. Le moulage se fait par laminage entre des cylindres portant en creux les sujets à imiter (Brunerie, Industr. alim., 1949, p.31).
c) [Le compl. d'obj. dir. désigne ce qui constitue une marque, une trace concr. visible à la surface de l'entité désignée par le suj.] Porter une empreinte, une marque, une trace; porter un bleu, des cernes; porter un dessin, une estampille, la figure de qqc., une flèche, une graduation, une image, une tache, des tatouages. Les princes troyens, armés de toutes pièces, portant leur blason sur leurs bannières (Barante, Hist. ducs Bourg., t.1, 1821-24, p.410).Une feuille de carton portant le tracé préalable de mise en place (Civilis. écr., 1939, p.10-6).
[Le compl. d'obj. dir. évoque la représentation d'un être ou d'une chose] Écu portant un glaive. Un plat à barbe du musée de Bâle (...) porte au marli deux fleurs et un écusson qui remplace la troisième fleur (G. Fontaine, Céram. fr., 1965, p.58).
Porter qqc. brodé, dessiné. Ces petits mouchoirs (...) qui portaient de beaux navires imprimés au milieu dans des cadres rouges (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.67).
[Le compl. d'obj. dir. désigne une marque (gén. lettres ou chiffres), ayant une valeur informative; le suj. désigne ce qui est le support matériel de cette marque] Porter une adresse, une date, l'écriture de qqn, une inscription, des lettres, des mots, le nom de qqn/qqc., un numéro, une signature, un signe, un symbole. Un écriteau suspendu sur sa poitrine de poitrinaire porte, hélas! Aveugle depuis deux ans par suite de maladie (Verlaine, OEuvres compl., t.4, Mém. veuf, 1886, p.190).Chaque paquet en éventail était désigné par une fiche de carton qui portait une mention manuscrite (Romains, Hommes bonne vol., 1938, p.191):
18. ... une photo qui représentait la muraille de la Santé, avec un petit homme en pardessus et en haut de forme au pied du rempart de meulière, et qui portait cette dédicace: «Q. Massart, ce puissant raccourci, Deibler». Nizan, Conspir., 1938, p.241.
[Avec compl. précisant l'endroit sur le support] Porter qqc. dans le coin gauche, en manchette, en marge/dans la marge, en tête. L'invitation portait en exergue un petit texte de Serge Moreux (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p.69).
[Avec compl. précisant l'aspect] Porter qqc. en lettres d'or, en noir. Des cadres comme les mendiants s'en pendent sur la poitrine, portant en écriture moulée des récits de miracles (Pourrat, Gaspard, 1931, p.126).
[Avec compl. précisant le type d'écrit] Porter en guise de/pour devise, pour légende. Je reçus le surlendemain l'étrange lettre que voici, portant en guise d'épigraphe ces quelques vers de Shakespeare (Gide, Porte étr., 1909, p.564).
Porter qqc. écrit, gravé, inscrit. C'était intitulé Le Trouble inconnu et ça portait écrit dessous en magnifique anglaise, d'après Greuze par Henri Legrand (Verlaine, OEuvres compl., t.4, Mém. veuf, 1886, p.279).Un aérolithe portant gravé notre nom que nous croyions inconnu dans Vénus ou Cassiopée (Proust, Guermantes 2, 1921, p.378).
[Le subst. désigne le contenu informatif] Contenir telle information.
[Le compl. d'obj. dir. est un subst. avec art. ou une prop. introd. par que] Porter un avis, des indications, une information. La dépêche portait simplement l'annonce du débarquement et de la route prise par l'usurpateur (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.121).L'homme vendit son garçon, par un papier signé, portant que le petit appartiendrait au malin le jour de ses vingt et un ans (Pourrat, Gaspard, 1925, p.22).V. ajournement ex. 12.
[Le compl. d'obj. dir. est un subst. sans art. (accompagné d'un compl. subst.) ou un inf. introd. par de; l'information a un caractère de décision officielle] Arrêt, circulaire, décret, ordonnance portant abolition de, application de, approbation de, création de, établissement de, organisation de qqc.; instructions portant de faire qqc. Un billet portant remboursement dans cinq ans avec intérêts (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.159).Les ordres portent de n'admettre autre personne que calviniste (Morand, New-York, 1930, p.12).V. circulaire2A 2 ex. de Joffre.
P. anal. [En parlant d'une pers.]
[Le compl. d'obj. dir. désigne une attitude, un sentiment, un comportement qui se révèle extérieurement dans la pers. ou sur son visage] C'est une figure pâle, à large front, cheveux noirs, beaux yeux, portant une expression de tristesse et de souffrance habituelle (M. de Guérin, Corresp., 1833, p.81).Mon père était avocat général, ce qui est une situation. Pourtant, il n'en portait pas l'air (Camus, Peste, 1947, p.1418).Voilà ce que c'est que de porter le crime sur sa figure (Sartre, Mains sales, 1948, 3etabl., 4, p.113).
Porter écrit sur son visage, dans ses yeux. Personnages qui portaient tous écrit sur le front que Maximilien d'Autriche avait eu raison de se confier à plain, comme disait son manifeste, en leur sens, vaillance, expérience, loyaultez et bonnes preudomies (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p.46).
[Le compl. d'obj. dir. désigne un âge] Donner, par son aspect extérieur, l'impression qu'on a tel âge. Synon. faire (v. faire1III F 1).Je vous dis, madame, elle me démonte, cette enfant-là, pour ses treize ans. Oh! elle ne les porte pas, et puis on l'habille en plus jeune pour la scène (Colette, Music-hall, 1913, p.185).Il portait bien ses trente ans, car il était à demi chauve et ses traits étaient vraiment creusés (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p.19).Le docteur Lobel était un homme qui portait la cinquantaine (Montherl., Lépreuses, 1939, p.1452).
2. Au fig. Posséder en propre comme caractéristique distinctive.
a) [En parlant de caractéristiques abstr. de qqc.] Sa narration portait tout le caractère de la sincérité (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.230).Le mouvement pris en lui-même porte comme le temps et l'espace (...) le caractère de la continuité (Hamelin, Élém. princ. représ., 1907, p.133).Ces divagations datées de 1897 portent le signe de l'époque (Thibaudet, Réflex. litt., 1936, p.109).
b) [Le compl. d'obj. dir. est le mot nom ou un mot de même parad.] Être appelé, désigné de telle façon. Porter telle appellation, telle dénomination; porter un sobriquet, un surnom. Les poëtes portent aussi en latin le nom de vates, qui veut dire prophète (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.347).À sa majorité, s'il est digne de porter votre nom, je lui remettrai un acte de naissance in extremis que vous me donnerez tout à l'heure (Péladan, Vice supr., 1884, p.303).Un petit livre vient de paraître. Il porte un beau titre −ou plutôt il en porte deux: Apologie pour l'histoire ou Métier d'historien (L. Febvre, Vers une autre histoire, [1949] ds Combats, 1953, p.419).
Porter comme/pour nom, titre. L'album relié en cuir, colorié d'écarlate aux tranches, et portant pour titre: Portraits et emblèmes des sages francs-maçons (Adam, Enf. Aust., 1902, p.119).
[Avec expr. à valeur adv.]
[En parlant d'une pers.; l'expr. adv. évoque une attitude] Manifester telle attitude en ayant tel nom. Porter fièrement tel nom. Napoléon: (...) Ah! si mon fils ne portait pas bien le nom de son père!... si ces Autrichiens qui l'entourent allaient lui inspirer de l'horreur pour moi! (Dumas père, Napoléon, 1831, vi, 1, p.156).Elle était veuve et s'appelait MmeCharlemagne. Elle portait avec humilité ce patronyme extravagant (Duhamel, Suzanne, 1941, p.15).
Porter bien son nom. [En parlant d'une pers. ou d'une chose] Avoir un nom qui convient parfaitement. Lachance, fit-il avec un ressentiment qu'augmentait cette brusque deviation donnée à sa pensée. Il porte bien son nom ce gros numéro-là (Roy, Bonheur occas., 1945, p.187).Manger de savoureuses omelettes aux champignons et des écrevisses pimentées à point, avec ce vin blanc capiteux qui porte si bien son nom de Diamante (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p.322).
II. − [Le procès implique, par lui-même, un déplacement d'un point à un autre de l'espace, ou une notion abstr. corresp.]
A. − [Avec déplacement dans l'espace]
1. [L'entité désignée par le suj. est l'agent du procès en même temps que le support plus ou moins volontaire de l'entité désignée par le compl. d'obj. dir., ou conçue comme telle]
a) Qqn porte qqc./qqn (de + un lieu) à/chez + un lieu.[Le suj. désigne gén. un animé ou un inanimé concr. doué de mobilité; le compl. d'obj. dir. désigne gén. un inanimé concr. ou un animé; le terme du déplacement est un lieu; avec expr. possible du lieu de départ] Déplacer quelque chose ou quelqu'un, en étant son support, d'un lieu en un autre.
α) [Avec expr. du lieu de destination et parfois aussi du lieu de départ]
[Le suj. désigne un être animé] Porter une boîte à la cuisine; porter un enfant chez qqn, à la clinique; porter des épreuves à l'imprimerie; porter qqc. à domicile. Ils portent à dos de mulets des châtaignes de Nantes jusqu'à Brest (Michelet, Journal, 1831, p.98).Devant la porte de l'imprimerie Dupont, je rencontrai Ranc qui venait de porter son article au Radical (Clemenceau, Iniquité, 1899, p.iv).Elle repensa au petit, à la ferme là-bas, où elle l'avait porté l'année précédente (Aragon, Beaux quart., 1936, p.232).
Porter en terre*.
En constr. factitive. Henriette organisa la chambre, y fit porter Jean, que l'on coucha dans un lit tout frais (Zola, Débâcle, 1892, p.483).Faire porter ses paquets, comme madame une telle ou madame une autre telle, ce n'était pas bien dans sa position (Malègue, Augustin, t.2, 1933, p.115).V. léger II ex. de Joffre.
[À l'inf. compl. d'un verbe de mouvement] Nous n'allâmes que chez les dames Gareau porter le petit chat (Michelet, Journal, 1858, p.434).On l'envoie porter une lettre chez des amis qui sont absents, et on lui dit d'attendre la réponse (Renard, Journal, 1895, p.291).Suppose qu'il s'en allait peinard dans son boyau, porter son pli (Vercel, Cap. Conan, 1934, p.206).
Vieilli ou littér. [Le compl. d'obj. dir. désigne un instrument, évoquant indirectement une action] Lorsqu'il avait fallu porter le marteau sur cette argenterie, c'était devenu le sujet d'une grande émotion et d'une véritable douleur pour les gens (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.2, 1823, p.100).L'homme apprenait à choisir l'endroit où, sur le gibier, il devait porter son couteau pour le dépecer (Encyclop. éduc., 1960, p.240):
19. Tout à coup comme atteints d'une rage insensée, Ces hommes, se levant à la même pensée, Portent la hache aux troncs, font crouler à leurs pieds Ces dômes où les nids s'étaient multipliés. Lamart., Jocelyn, 1836, p.724.
[Le lieu de destination est une partie du corps]
[de l'être désigné par le suj.] Porter une fourchette, un verre à sa bouche; porter un mouchoir à ses yeux. Parfois, il leur semblait apercevoir une lueur, ils portaient leurs jumelles à leurs yeux, mais ce n'était rien (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p.57).Dès qu'il a porté l'écouteur à son oreille (Camus, Cas intéress., 1955, 2etemps, 8etabl., p.688).
[d'un être différent de celui désigné par le suj.] Porter une lame à la gorge de qqn. Il lui portait le flacon de sels aux narines (Gide, Caves, 1914, p.754).Porter le fer* dans la plaie.
[Le suj. désigne un élément inanimé doué de mobilité ou conçu comme tel] J'examinais les grandes machines qui portent l'eau dans les jardins (Flaub., Tentation, 1856, p.542).Un ascenseur porta les Français jusqu'à l'entrée d'un long corridor (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p.61).
[En parlant d'une arme à feu; avec compl. évoquant une distance] Porter la balle, le plomb. Être capable de lancer la balle, le plomb (à une certaine distance):
20. Vous avez là un beau fusil; il doit porter loin. Sang de la Madone! Quel calibre! On peut tuer avec cela mieux que des sangliers. Orso répondit froidement que son fusil était anglais, et portait le plomb très loin. Mérimée, Colomba, 1840, p.64.
[Sans compl. évoquant une distance, mais avec expr. d'une modalité] Bien porter la balle. Ce fusil se trouva par hasard être un excellent canon de Brescia, portant la balle comme une carabine anglaise (Dumas père, Monte-Cristo, t.1, 1846, p.435).
P. anal.
[Le compl. d'obj. dir. désigne un son] Le son de sa voix que le vent portait au loin (Lacretelle, Hts ponts, t.1, 1932, p.255).Mais ce cri, porté jour après jour par les vents, abordera enfin à l'un des bouts aplatis de la terre (Camus, Été, 1954, p.179).
[En parlant de l'ombre projetée] Ces statues, maculées par l'humidité, ne portant pas leur ombre sur ce mur éloigné (Viollet-Le-Duc, Archit., 1872, p.249).[Sans expr. du lieu] Le moderne jardin espagnol, aux arbres dont on compterait les feuilles, toujours portant une ombre clairsemée (Montherl., Pte Inf. Castille, 1929, p.610).
β) [Dans des expr. où porter est toujours accompagné d'un compl. locatif désignant un lieu ayant une valeur symbolique évoquant métonymiquement ou métaphoriquement un état ou une action (le compl. locatif désigne parfois directement cet état ou cette action); le suj. désigne gén. une pers.]
[Valeur symbolique p.méton.]
[Le compl. locatif évoque une fonction] Faire en sorte (ou être la cause) que quelqu'un occupe telle fonction, ait telles attributions. Porter qqn au consulat, au parlement, au pouvoir. Mais Anselme n'a pas une femme qui soit au moment d'être la maîtresse de mon fils, mais en portant Anselme au ministère de l'Intérieur, tout le monde ne verrait pas que c'est Lucien que je fais ministre en sa personne (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.313).Le mouvement d'énergie nationale qui porta M. Poincaré à la présidence de la République (Péguy, Argent, 1913, p.1204).Les ancêtres de Charlemagne se sont élevés par les mêmes procédés qui, de notre temps, ont porté les électeurs de Brandebourg au trône impérial d'Allemagne et les ducs de Savoie au trône d'Italie (Bainville, Hist. Fr., t.1, 1924, p.30).
[Le compl. locatif désigne un lieu exposé au public] Porter qqc. sur le devant de la scène, sur la place publique. Faire connaître, révéler. Malgré le silence d'une presse vénale, malgré la complicité de la droite et de la gauche qui s'entendent fraternellement pour ne pas porter ces faits à la tribune, tout cela se sait, se raconte entre Français, circule de bouche en bouche (Drumont, 1892ds Doc. hist. contemp., p.55).
DR. [Le compl. d'obj. dir. désigne un litige, le compl. locatif une pers. ou une instance] Présenter (une affaire) à (une ou des personne(s) chargée(s) d'en juger). Je porterai l'affaire devant la Justice de paix (Erckm.-Chatr., Ami Fritz, 1864, p.76).C'était l'anéantissement de tout ce qu'(Ignace) avait déjà fait, si en l'absence du pape, qui était alors à Nice, il ne portait l'affaire devant le légat et le gouverneur de Rome, et s'il n'obtenait, à sa décharge, une sentence solennelle (Bremond, Hist. sent. relig., t.3, 1921, p.204).Porter toute l'affaire d'Orient devant les Nations Unies qui venaient d'être constituées (De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p.198).
P. anal. Si jamais question mérita l'attention passionnée de tout le prolétariat, c'est celle que ce soir (...) je veux porter devant vous (Jaurès, Paix menacée, 1914, p.63).La responsabilité de la défense nationale incombait aux pouvoirs publics. Je décidai de porter le débat devant eux (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.12).
[Le compl. d'obj. dir. désigne un événement, une histoire, une oeuvre] Porter à l'écran*; porter sur les planches, à la scène*.
[Valeur symbolique p.métaph.]
Porter qqn/qqc. trop haut. Avoir une trop grande estime pour quelqu'un/quelque chose:
21. Déjà Pia, que je transfigurais. Irène, que j'ai portée trop haut. Ma pauvre fille, quand te décideras-tu à prendre les êtres pour ce qu'ils sont, et non pour ce que tu les voudrais? Daniel-Rops, Mort, 1934, p.70.
Porter qqn/qqc. aux nues. V. nue.
Porter qqc. en paradis*.
γ) [Sans expr. du lieu de destination ni du point de départ, en relation syntaxique dir.] Ne sortant plus depuis sa maladie, la veuve correspondait avec ses fournisseurs par lettres qu'écrivait Anna et que portait Wallner, de temps en temps (Reider, MlleVallantin, 1862, p.152).
[À l'inf. après verbe de mouvement] Je m'attendais, en allant porter mon article, à trouver un bâtiment magnifique (Duhamel, Combat ombres, 1939, p.125).
[Avec à + inf. évoquant indirectement un lieu de destination] Porter son linge à laver, porter du pain à cuire.
Vieilli. Synon. de apporter.De retour à l'auberge de Gavarnie, nous étions de bon appétit, et nous avons fait un fort bon déjeuner avec nos provisions et du vin excellent qu'avait porté M. de Cassand (Maine de Biran, Journal, 1816, p.175).
[P. méton.] Porter une santé*, un toast*.
b) Qqn porte qqc.(/qqn) à qqn (+ compl. de lieu).[Le suj. désigne une pers. (ou un animal ou un inanimé doué de mobilité et plus ou moins personnifié); le terme du déplacement est une pers. destinataire (à qqn); sans expr. du point de départ, mais parfois avec expr. d'un lieu de destination; le compl. d'obj. dir. désigne un inanimé concr. extérieur à la pers. désignée par le suj. ou conçu comme tel, un animal ou un enfant] Se déplacer pour transmettre à quelqu'un. Porter un chat, un enfant, un livre à qqn. Elle dut aller à Montauban porter un état civil à un déserteur allemand (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p.105).On porte en cadeau à l'heureuse mère, une poule, du sucre et autres denrées alimentaires (Menon, Lecotté, Vill. Fr., 1, 1954, p.77).V. couturier ex. 1.
[Le compl. d'obj. dir. est un inf. introd. par à] Je n'avais qu'une idée: comment porter à boire à l'homme, sans éveiller la curiosité de Geneviève? (Bosco, Mas Théot., 1945, p.260).
En constr. factitive. Je me fis porter une consommation sur la terrasse (Proust, Fugit., 1922, p.652).J'aurais dû me débrouiller pour lui faire porter cet argent dont elle avait besoin (Daniel-Rops, Mort, 1934, p.272).
c) Qqn porte qqc. (une information) à qqn + (compl. de lieu).[Le suj. désigne une pers.; le compl. d'obj. dir. désigne un contenu d'information; le terme du déplacement est une pers. destinataire ou, parfois, un lieu] Se déplacer chez quelqu'un pour lui faire savoir quelque chose. Porter à qqn une demande, une information, un message, un ordre, une réponse, une requête, une supplique; porter à qqn les amitiés, les excuses, les salutations de qqn. Il me portait l'assurance que, malgré les contre-ordres de ce matin, il y a quarante-neuf légitimistes et onze partisans du préfet gagnés en faveur de M. de Crémieux dans la salle des Ursulines (Stendhal, L. Leuwen, t.3, 1835, p.187).Sur des renseignements que lui porta Mmede Bondy à Neuilly dans la nuit du mardi 27, Louis-Philippe se leva à trois heures du matin, et se retira en un lieu connu de sa seule famille (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.627).V. matrimonial A ex. de Larbaud:
22. Thérèse s'informe. Elle bavarde dans les cuisines à la Chevrette, revient en courant porter la nouvelle à l'Ermitage: Mmed'Épinay n'est pas malade, mais elle est enceinte, enceinte de Grimm; elle le tient de Teissier, le maître d'hôtel, qui le savait de la femme de chambre. Guéhenno, Jean-Jacques, 1950, p.226.
Porter la parole*. Porter la bonne parole*.
Au fig. Porter qqc. à l'attention, à la connaissance, à la conscience (rare) de qqn. Faire savoir ou connaître quelque chose à quelqu'un, faire prendre conscience de quelque chose à quelqu'un. Il avait pouvoir de porter à l'attention de ce conseil toute affaire qui, à son avis, pouvait menacer la paix et la sécurité internationales (Charte Nations Unies, 1946, p.12):
23. L'envoi en Grande-Bretagne d'une division d'infanterie composée exclusivement d'Européens, comme le suggère le général Eisenhower, n'est pas retenu (...). Nous sommes prêts à envoyer en Angleterre une division nord-africaine et, surtout, une division blindée (...). Le général Mathenet portera cette décision à la connaissance du général Eisenhower. De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p.679.
d) P. anal., vieilli. [Le suj. désigne une pers., le compl. d'obj. dir. un attribut de la pers. ou une abstraction] Quelqu'un horriblement balafré, qui va porter sa blessure à un chirurgien et sa plainte à un commissaire (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.128).Ces principes de tolérance que porta Penn en Amérique (Courier, Pamphlets pol., Pamphlet des pamphlets, 1824, p.217).Le soir, Monseigneur porta son admiration chez la marquise de Rubempré (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.209).
e) Au fig., vieilli ou littér. [Avec compl. attributif (à qqn) ou compl. locatif (ou de type locatif)]
α) Être la cause de quelque chose.
[Le suj. désigne une pers.] Par-tout j'ai porté l'épouvante aux méchans (La Martelière, Robert, 1793, iv, 9, p.50).Vous portez le désordre et la confusion dans les rangs ennemis (Napoléon Ier, Proclamation Austerlitz, 1805ds Rec. textes hist., p.152).Napoléon, victorieux dans tous ses combats, avait porté l'épouvante jusque dans Vienne (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.701).
[Le suj. désigne une chose] Cette disposition a porté l'alarme dans plus d'un esprit ombrageux (Constant, Princ. pol., 1815, p.80).Ce spectacle ne me portait ni plaisir ni sentiment (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.403).La candeur de la matinée, l'odeur de la pluie et cette jeunesse du sol, qui s'épanouit délicieusement après l'orage, s'accordaient peut-être à porter quelque amollissement au plus dur de mon âme rétive (Bosco, Mas Théot., 1945, p.67).
β) [Le suj. désigne une pers., le compl. d'obj. dir. une attitude, un comportement; le compl. de type locatif désigne un domaine où se manifeste cette attitude ou ce comportement] Manifester, faire preuve de (telle caractéristique) dans (tel domaine). J'étais loin cependant de pouvoir soutenir la conversation avec une femme qui y portait un si grand éclat d'idées et une parole si vive et si ardente et une rapidité d'élocution vraiment foudroyante (Chênedollé, Journal, 1824, p.130).Mais Athénaïs y portait [à danser] encore plus de charme et de coquetterie (Sand, Valentine, 1832, p.35):
24. Quand on voit, dit-il [Barrès], la longue suite de mensonges dans tous les degrés de culture venus d'un critérium défectueux de la vérité d'ordre métaphysique, on voit bien que ce serait faire oeuvre bonne que de porter là un esprit de discernement. Massis, Jugements, 1923, p.181.
2. [L'entité désignée par le suj. (gén. un être animé) est l'agent (ou la cause) du procès sans être le support de l'entité désignée par le compl. d'obj. dir.]
a) Porter qqc. (partie du corps) /qqn + lieu ou direction.[Avec déplacement effectif de l'entité désignée par le compl. d'obj. dir.; le lieu de destination ou la direction du mouvement est exprimé(e)] Faire se déplacer dans telle direction ou vers tel point de l'espace.
α) [Le compl. d'obj. dir. désigne une partie mobile du corps (ou son mouvement); le suj. désigne gén. une pers.] Porter le corps en avant, la main à son front, son oreille contre le thorax; porter la main* sur qqn/qqc. Il falloit donc qu'en se tenant sur leurs pieds de derrière, ils [les oiseaux] pussent néanmoins porter le bec à terre (Cuvier, Anat. comp., t.1, 1805, p.479).Porter la jambe droite de côté en tendant complètement les genoux (Bourgat, Techn. danse, 1959, p.97).Le malade étant couché, on lui demande de réaliser certains gestes, tels que porter le talon sur le genou opposé, de mettre le doigt sur le bout du nez ou sur le lobule de l'oreille (Quillet Méd.1965, p.353).
Porter ses pas quelque part. Se diriger vers un endroit. V. pas2I B 3 ex. de Chateaubriand.
[Le compl. d'obj. dir. désigne les yeux ou la vision] Porter un oeil curieux sur qqc.; porter son/ses regard(s) quelque part. En portant alternativement les yeux sur une redingote jetée sur son lit et sur le billet (Murger, Scènes vie boh., 1851, p.111).Comme son regard, tout le temps qu'il parlait, tendait uniquement vers la porte, chacun, à son exemple, porta la vue dessus (Guèvremont, Survenant, 1945, p.240).
[Le suj. désigne un élément anatomique] Lorsque les deux muscles agissent ensemble, ils portent un peu les os en arrière (Cuvier, Anat. comp., t.1, 1805, p.185).
P. anal., MUS. [Sans compl. de destination] Effectuer un port de voix (v. port2B 2). La tradition a appris aux chanteurs du pape certaines manières de porter la voix qui sont du plus grand effet (Stendhal, Haydn, Mozart et Métastase, 1817, p.226).Elle roucoule son petit machin «avec âme» en portant la voix aux notes élevées et pas trop en mesure (Colette, Cl. école, 1900, p.74).
β) [Le compl. d'obj. dir. désigne un être animé]
[Le compl. d'obj. dir. désigne un groupe de pers., spéc. des forces armées; le suj. désigne une pers.] Le premier régiment renforce ce point, y porte environ un bataillon (Foch, Princ. guerre, 1911, p.118).Porter l'armée de manoeuvre en arrière de la place de Verdun renforcée (Joffre, Mém., t.1, 1931, p.24).De combien de sang et de larmes payâmes-nous l'erreur du Second Empire qui laissa faire Sadowa sans porter l'armée sur le Rhin? (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.7).
CHASSE. [Le suj. désigne les chiens, le compl. d'obj. dir. l'animal chassé, gén. un cerf] Porter bas/à terre. Renverser, faire tomber. Jadis, on tranchait un jarret du cerf (...); après quelques foulées boiteuses, il était porté bas par les chiens, et on le servait sans danger (J.-P. Villenave, La Chasse, Paris, Larousse, 1979, p.186).
[Le compl. d'obj. dir. désigne un être animé (ou un groupe); le suj. désigne un inanimé]
[Le suj. désigne les membres inférieurs d'une pers. ou son mouvement de déplacement] Où croit-on que m'avaient porté mes pas? (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p.481).Je vais à la découverte comme Robinson; je finirai par connaître les environs dans le rayon où mes jambes peuvent me porter (Delacroix, Journal, 1853, p.61).Le printemps était venu (...) les jetant chaque jour aux bras l'un de l'autre (...) sous tout abri où les portaient leurs courses (Maupass., Une vie, 1883, p.193).
[Le suj. désigne une chose ou un fait cause du déplacement] Et la ciguë, instrument de l'envie, Portant Socrate dans les cieux (Chénier, Odes, 1794, p.232).En Libye, après de beaux succès qui avaient porté les Anglais jusqu'au seuil de la Tripolitaine (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.148).
b) Porter qqc. (une marque; un coup) + support ou destination.[Avec une forme de déplacement impliqué, intéressant une partie de l'être (gén. une pers.) désigné par le suj.; le lieu de destination, gén. exprimé, est une entité gén. concr., modifiée (en surface le plus souvent) par ce qui est désigné par le compl. d'obj. dir.]
α) [Le compl. d'obj. dir. désigne une marque matérielle modifiant la surface de ce qui est son support] Mettre comme marque visible sur quelque chose, spécialement par l'écriture. Synon. inscrire, marquer.Porter un chiffre, une inscription, une marque, un numéro, sa signature sur un document, une feuille. On peut, sur la même feuille −et ceci est utile dans beaucoup de maladies infectieuses −porter la courbe du pouls et celle des urines (Quillet Méd.1965, p.194).
[Le compl. d'obj. dir. est le texte écrit] Le voyageur, furieux, fait un vacarme effroyable, et l'hôtelier impassible, lui porte sur sa carte: 6 réaux de tapage (Gautier, Tra los montes, 1843, p.15).
[Le compl. d'obj. dir. désigne un contenu informatif] Porter un avis, une correction sur un document. Aussitôt qu'une sensation se fait sentir on la porte sur le carnet à l'heure correspondante à laquelle on l'a ressentie (Tscheuschner, Prévis. temps, 1919, p.14).Les courbes de propagation obtenues en portant en abscisses les distances des stations d'émergence à l'épicentre (Rothé, Géophys., 1943, p.309).À la fin de chaque période comptable, on porte dans la colonne du mois considéré, sur les lignes des sections qui ont travaillé sur la commande, les montants des frais répartis de ces sections (Villemer, Organ. industr., 1947, p.220).
[P. méton., le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou un objet] Porter qqc. sur un compte, un registre, qqn sur son testament; porter au tableau (d'avancement, d'honneur). Frédéric demanda la note. Elle était longue; et le garçon, la serviette sous le bras, attendait son argent, quand un autre, un individu blafard qui ressemblait à Martinon, vint lui dire: −«Faites excuse, on a oublié au comptoir de porter le fiacre» (Flaub., Éduc. sent., t.2, 1869, p.16).Lacombe, par esprit de vengeance, avait jugé astucieux de porter Lise sur la liste des personnes capables de travailler aux champs (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.38).
[P. ell. de sur telle liste, avec compl. introd. par pour désignant une modalité] Je sais que mon collègue le garde des Sceaux vous a porté pour la décoration (Zola, E. Rougon, 1876, p.256).Il y avait les garçons, Louis, qui allait passer sous-chef, la perception de Frédéric, le major porté pour la croix (A. Daudet, Évangéliste, 1883, p.229):
25. Tu as très bien fait de m'inscrire, et même je veux contribuer. Porte-moi pour la somme que tu voudras et dis-le-moi pour que je te la fasse remettre. Sand, Corresp., t.6, 1872, p.193.
[P. méton. du compl. de destination] Porter une motion à l'ordre du jour. Vous ferez porter au budget, mi-partie des Affaires étrangères, mi-partie des Colonies, les fonds nécessaires au comte Bielowsky pour la réception de la délégation targui (Benoit, Atlant., 1919, p.213).Au programme de cette séance, on avait porté la discussion de ce projet d'opération (Joffre, Mém., t.2, 1931, p.154).
Porter à l'actif, au compte de. Inscrire comme faisant partie de l'actif de, comme relevant du compte de. Vallette portera la différence des deux systèmes d'envois à mon compte (Gide, Corresp.[avec Valéry], 1897, p.290).Ne pas tenir compte du prix coûtant de ces immeubles, ni de la valeur de convenance que ceux-ci offrent pour la banque; on ne doit porter à l'actif que la valeur qu'ils auraient en cas de vente publique (Baudhuin, Crédit et banque, 1945, p.168).Au fig. Imputer à. La stabilité de cette main-d'oeuvre, l'harmonie de ses rapports avec le patronat, sont autant d'avantages à porter à l'actif de ces petites entreprises (Stocker, Sel, 1949, p.60).Comparée à l'entreprise d'acculturation (...), la revendication de la «démocratie pédagogique» telle que l'a formulée pendant plusieurs années le syndicalisme étudiant (...) ne vaudrait guère qu'on la porte au compte des réflexions sur la démocratisation de l'école (Antoine, Passeron, Réforme Univ., 1966, p.210).
P. méton. [Sans expr. d'une destination]
[Le compl. d'obj. dir. désigne gén. une pers.; avec attribut du compl. d'obj. dir.] Déclarer, faire savoir officiellement que quelqu'un (parfois quelque chose) est (ce qu'exprime l'attribut). Le vieux raffiné (...) voudrait (...) s'engloutir dans le vague et l'anonymat d'un suicide comme ces soldats qu'au lendemain des grandes batailles, ni blessés, ni vivants, ni morts, on porte simplement disparus (A. Daudet, Nabab, 1877, p.191).V. déserteur A ex. de Ambrière.
Se faire, se laisser porter + attribut.Se faire porter malade*, se faire porter pâle*. Je me serais plutôt laissé porter déserteur que de rentrer en France pour être coffré dans leurs casernes! (Martin du G., Thib., Sorell., 1928, p.1224).
[Souvent au passif] Être porté absent. Son dernier mot écrit en français la veille du jour où il fut porté tué (Giraudoux, Siegfried et Lim., 1922, p.107).Hier, mauvaise journée: un courrier canadien coulé, un trois-mâts norvégien échoué, un charbonnier turc avarié, un yacht américain porté manquant (Morand, Londres, 1933, p.302).V. disparu II B 1 ex. de Bourget.
Porter un décret, une loi. Édicter, établir un décret, une loi. L'action suprême du pouvoir consiste à porter la loi, et à la faire exécuter (Bonald, Législ. primit., t.1, 1802, p.108).Après la pacification de Gand, les Espagnols laissent dormir les édits terribles qu'ils avaient portés contre l'hérésie (Taine, Philos. art, t.2, 1865, p.45).[Les démons] ont fait porter les lois persécutrices et ils poussent les magistrats à poursuivre les chrétiens (Théol. cath.t.4, 11920, p.341).
β) [Le compl. d'obj. dir. est le mot coup ou un mot du même parad.; le terme du procès, pas toujours exprimé, est souvent une pers. (à qqn)]
[Coup au sens concr.; le suj. désigne une pers.; le terme du procès peut être une partie de la pers. (ou de l'objet) destinataire] Donner (un coup) en dirigeant son action vers le but visé. Il courait derrière elle, lui portait un coup sur l'oreille, la jetait sur le mur ou par terre (Van der Meersch, Empreinte dieu, 1936, p.49).Le judoka renonce, pour porter une prise, à son propre équilibre (Comment parlent les sportifsds Vie Lang.1954, p.372).
[Le mot coup est accompagné d'un compl. subst. précisant le moyen] Porter un coup de pied; porter un coup de bâton, d'épée. Le forain (...) écrasa, de son lourd brodequin, le pied nu du Survenant et lui porta un coup de genou au bas ventre (Guèvremont, Survenant, 1945, p.225).L'un d'eux, le plus grand, saisit le soldat par le bras, le tira hors du rang et, après lui avoir porté un coup de poing en pleine figure, le jeta à terre (Aymé, Uranus, 1948, p.247):
26. Quand Bertha vit que l'enfant ne respirait plus, elle prit une paire de ciseaux dans sa jupe et en porta un petit coup à la gorge de l'enfant. Il ressort de l'instruction qu'elle n'a donné le coup de ciseaux qu'après que la petite était déjà morte étouffée. Gide, Souv. Cour d'ass., 1913, p.636.
Empl. pronom. réfl. indir. [L'enfant] sortait l'autre main de la poche, avec les ciseaux. Et, simplement, d'un grand coup, il se les enfonça dans la poitrine (...). Le petit, tombé sur les genoux, venait de se porter un second coup (Zola, Nana, 1880, p.1444).
Empl. pronom. réciproque. [Les oiseaux] s'abordent, se portent des coups d'aile et de bec (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p.43).
Empl. pronom. passif. Défends-toi jusqu'à ce soir avec le couteau que je t'ai donné. Le coup doit se porter de bas en haut, ne l'oublie pas (Gautier, Fracasse, 1863, p.399).Les coups se portent toujours le poing fermé (R. Vuillemin, Éduc. phys., 1941, p.165).
[Coup au sens fig.; le suj. désigne une pers. ou une chose] Occasionner une atteinte grave à quelqu'un/quelque chose. Porter un coup affreux, décisif, funeste, mortel, sévère à qqn/qqc. Les gens décorés qu'il rencontrait sur le boulevard lui portaient un coup au coeur (Maupass., Contes et nouv., t.1, Décoré! 1883, p.422).C'est te dire le coup que m'a porté Michel, hier, en m'apprenant la vérité (Cocteau, Parents, 1938, ii, 9, p.250).La crise a porté un assez sérieux coup à Montparnasse (Fargue, Piéton Paris, 1939, p.149).V. coup ex. 6.
Porter coup (vieilli). [Le suj. désigne une chose]
[Avec compl. désignant un destinataire] C'était déjà porter coup aux moines et à tout le bas clergé catholique que de parodier leur latin barbare (Sainte-Beuve, Tabl. poés. fr., 1828, p.265).La crise des banques américaines lui porta coup dans sa fortune (Michelet, Oiseau, 1856, p.xxxii).
[Sans ce compl.] Faire de l'effet. Les horreurs de la prise et du sac de Tirlemont par les armées combinées française et hollandaise (...) étaient vivement étalées, et par un proche témoin tout plein de son objet. Le livre porta coup; il s'en fit plusieurs éditions (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.1, 1840, p.308).À Rodin, au Juif Errant, de l'Ambigu, tout est compréhensible portant coup (Goncourt, Journal, 1862, p.1203).
c) Au fig. [Avec compl. désignant un but précis ou une orientation; le suj. désigne une pers. ou une chose]
α) [Le compl. d'obj. dir. désigne une pers. ou son esprit] Faire atteindre un certain état d'esprit; orienter de telle façon l'attitude ou le comportement de quelqu'un.
[Le suj. désigne une chose, un fait, une caractéristique de la pers.] Ses instincts le portent vers qqc. Mes conversations habituelles avec Sophie et Augustine avaient porté mon esprit sur une foule de sujets élevés et délicats (Delécluze, Journal, 1825, p.205).Son penchant décidé pour les puissances l'avait portée facilement des feuillants aux girondins et aux montagnards (A. France, Dieux ont soif, 1912, p.89).Sous l'oeil des Barbares me poussait dans le sens où déjà j'étais porté par l'examen de conscience (Mauriac, Écrits intimes, Renc. Barrès, 1945, p.76).
[Le suj. désigne la pers. à laquelle renvoie le compl. d'obj. dir.] Pourquoi donc porter mon âme vers ces objets extérieurs qui ne font que la souiller? (Michelet, Journal, 1820, p.91).Parfois, il portait son esprit ailleurs, sur des inventions qui l'exerçaient, le soulageaient, le recréaient (Pourrat, Gaspard, 1930, p.107).
β) [Le compl. d'obj. dir. désigne une manifestation active d'une pers.] Orienter de telle manière, faire prendre pour objet. Porter l'attention de qqn sur qqc./qqn; porter son effort, son étude, son examen, ses recherches, sa réflexion sur qqc.; porter sa pensée sur, jusqu'à, vers qqc.; porter le débat, la discussion, la dispute sur qqc. M. Féli voulait porter son action sur l'ordre politique (M. de Guérin, Corresp., 1834, p.143).Il se plaignit qu'on eût porté l'attaque sur un point tout métaphysique(Sainte-Beuve, Port-Royal, t.5, 1859, p.252).Je portais la conversation sur le sujet des femmes (Céline, Voyage, 1932, p.389).
[Le compl. d'obj. dir. désigne une attitude, un sentiment] Sylvinet, voyant que son frère ne revenait pas autant à lui qu'il l'aurait souhaité, et se trouvant réduit à porter sa jalousie sur le petit Jeanet et sur Cadet Caillaud (...) tomba dans un ennui mortel (Sand, Pte Fad., 1849, p.262).
B. − Qqn/qqc. porte qqn/qqc. à (un état ou un fait).[Le suj. et le compl. d'obj. dir. désignent un animé ou un inanimé; avec compl. introd. par à (parfois avec adv.) désignant un état ou un fait intéressant directement l'entité désignée par le compl. d'obj. dir.] Avoir sur (un être ou une chose) une action, plus ou moins voulue, qui a une certaine conséquence pour (cet être ou cette chose).
1. Qqn/qqc. porte qqc. à/jusqu'à (un état, un degré).[Le suj. désigne une pers., un moyen ou ce qui est une cause directe; le compl. d'obj. dir. désigne une chose concr. ou abstr.; avec compl. (subst. ou inf.) introd. par à/jusqu'à, ou avec des expr. adv., exprimant un état, souvent un degré sur une échelle de valeurs (quantité ou intensité), atteint par l'entité désignée par le compl. d'obj. dir.]
a) [Avec compl. introd. par à/jusqu'à; parfois avec un autre compl. introd. par de marquant l'état antérieur]
[À + subst. désignant un état spécifique] Porter un liquide à ébullition, porter qqc. à (l')incandescence. Il faut un certain terme pour porter les grands desseins à leur maturité (Gide, Journal, 1912, p.368).On porte l'échantillon au rouge dans un courant d'hydrogène (Barnerias, Aciéries, 1934, p.23).Les appareils Cowper qui portent l'air à haute température (Guillet, Techn. métall., 1944, p.48).
[Jusqu'à + inf.] Vieilli. On a porté l'art de sonder jusqu'à faire des cartes fort exactes des bancs et des écueils que l'on ne peut voir (Bern. de St-P., Harm. nat., 1814, p.232):
27. [Les commissaires] portent l'injustice jusqu'à lui faire un crime [à la municipalité] de ce que, parmi des cent et tant de personnes qui ont contribué à l'approvisionnement de Paris, il s'en trouve une qui avait été chargée sous l'Ancien Régime de nombreux achats. Cousin, 1792ds Rec. textes hist., p.62.
[À + expr. désignant une mesure chiffrée, un prix] Porter la longueur à 1 mètre, porter une durée à 2 ans. Il lui expliqua sa combinaison, pour porter le capital de cent à cent cinquante millions, en émettant cent mille actions nouvelles (Zola, Argent, 1891, p.259).Cet automne, il faudra porter les chambres à 30 francs la semaine (Dabit, Hôtel Nord, 1929, p.54).Les mesures allemandes prises en 1911 et 1912 portaient l'armée active à 800 000 hommes sur le pied de paix (Joffre, Mém., t.1, 1931, p.92).
Empl. pronom. passif. Le tour du globe est de 40 millions de mètres. Admettons qu'il doive effectivement se porter à 60 millions de mètres (Maizière, Nouv. archit. nav., 1853, p.31).
Porter à un (certain) degré/niveau/point. Porter l'attention au plus haut degré. Vous pouvez rester vingt ans où vous êtes et porter la France au plus haut point de prospérité (Chateaubr., Mém., t.3, 1848, p.173):
28. Étant donné que l'activité du pays dépend du charbon, du courant électrique, du gaz, du pétrole et dépendra un jour de la fission de l'atome, que pour porter l'économie française au niveau qu'exige le progrès ces sources doivent être développées dans les plus vastes proportions... De Gaulle, Mém. guerre, 1959, p.96.
Porter à l'excès, à son maximum, à son paroxysme, à la perfection. À ce moment, ce qui porta l'émotion à son comble, ce fut l'entrée brusque d'un commis de l'agent de change (Zola, Argent, 1891, p.14).[Huysmans] portait à l'extrême le mépris des gens du monde, la haine des riches, des commerçants, des militaires, des politiques et des abstracteurs (Valéry, Variété II, 1929, p.219).
b) Porter aussi/moins/(le) plus/si loin (parfois haut). Je brûlois du désir (...) d'errer encore sur ces montagnes où notre industrie a porté la culture aussi haut qu'elle pouvoit s'élever (Crèvecoeur, Voyage, t.3, 1801, p.41).Je ne puis porter aussi loin l'amour du devoir (Sand, Hist. vie, t.1, 1855, p.4).Celui qui a porté le plus loin l'imitation des empereurs de Rome (Bainville, Hist. Fr., t.1, 1924, p.28).V. enseigner ex. 1.
2. Qqc. (ou qqn) porte qqn à (un état ou un comportement).[Le suj. désigne une chose (souvent un fait), parfois une pers.; le compl. d'obj. dir., parfois sous-entendu, désigne une pers. et doit pouvoir être le suj. du prédicat dont le contenu est exprimé par le compl. introd. par à] Avoir sur une personne une action ou une influence telle que cette personne fasse nécessairement telle chose. Synon. amener à, inciter à, pousser à.
a) [Le suj. désigne une chose]
α) Porter à + subst.J'aime les églises qui font penser à Dieu, dont les voûtes élevées portent au recueillement (E. de Guérin, Lettres, 1838, p.205).Les dupés sont étourdis, éblouis, ils ont une sorte de vertige qui les porte à la panique ou à une aveugle confiance (Boyard, Bourse et spécul., 1853, p.399):
29. ... conférant une attention souveraine au choix des mots (...), aux différents effets produits par telles voyelles ou telles consonnes («les A qui portent à la mélancolie, les R qui sont les vraies lettres héroïques»). Benda, Fr. byz., 1945, p.168.
[Avec ell. du compl. d'obj. dir. type nous, on, les gens] On n'en sent que plus vivement son mal, et l'agrément, le bien-être dont on jouit, affaiblissent le courage et semblent porter au désespoir (Sénac de Meilhan, Émigré, 1797, p.1638).Cette sorte d'été mélancolique d'arrière-saison qui portait au recueillement (Loti, Mon frère Yves, 1883, p.318).
[Avec compl. introd. par à sans art.] Porter à discussion. Les parties du statut qui ne pouvaient en aucune manière porter à controverse (Charte Nations Unies, 1946, p.47).
Au passif. Elle (...) se garda de communiquer la lettre de son père à Julien; ce caractère farouche eût pu être porté à quelque folie (Stendhal, Rouge et Noir, 1830, p.444).
β) Porter à + inf.Lord Byron, membre de la Chambre haute, et qui n'a jamais laissé oublier ce qu'il était, ne trompera jamais la postérité sur les motifs secrets qui l'ont porté à sacrifier sa fortune et sa vie à la liberté de la Grèce (Delécluze, Journal, 1824, p.72).Aussi n'est-ce pas pur caprice de ma part, ou vague intuition, qui me portait à ouvrir les portes du studio de musique concrète à la fois aux poètes en rupture de langage verbal, et aux musiciens en rupture de ban mélodique (Schaeffer, Rech. mus. concr., 1952, p.163).
[Avec ell. du compl. d'obj. dir. type nous, les gens] Ces résultats portent à admettre que le sang des phtisiques renferme presque toujours des bacilles (Calmette, Infection bacill. et tubercul., 1920, p.221).Sa voix basse et son allure un peu craintive, plus encore que ses paroles, portaient à rire (Roy, Bonheur occas., 1945, p.184).
Au passif. Gertrude se réjouit moins d'avoir senti la bonté de Dieu que d'avoir été portée par cette bonté à commencer une vie sainte (Bremond, Hist. sent. relig., t.4, 1920, p.362).Prétendez-vous établir que l'individu se sent porté par une inclination profonde à vouloir cette prospérité (...)? (Massis, Jugements, 1923, p.210).
b) Vieilli. [Le suj. désigne une pers. (ou un être non-humain)]
α) Porter à + subst.Je n'osois pas l'applaudir, de peur de le porter à l'affectation (Staël, Allemagne, t.1, 1810, p.167).Il signait des traités quand ses ennemis étaient à demi terrassés, afin de ne les pas porter au désespoir (Staël, Consid. Révol. fr., t.2, 1817, p.92).
[Avec ell. du compl. d'obj. dir. type nous, les gens] Les démons sont impurs, parce qu'ils portent à toutes sortes de turpitudes (Théol. cath.t.4, 11920, p.363).
β) Porter à + inf.Les premiers signes de réclamation employés par l'enfant peuvent exprimer les résultats de ses besoins et de la volonté qu'il a de porter sa nourrice à les satisfaire (Maine de Biran, Journal, 1818, p.193).Je ne veux point vous porter à plaindre ses folies profondes (Senancour, Obermann, t.2, 1840, p.224):
30. ... ce serait un mauvais conseil que l'on donnerait à Sa Sainteté, si on la portait à condamner d'erreur les quatre articles du clergé touchant la puissance de déposer les rois, l'infaillibilité, la supériorité du concile général. Sainte-Beuve, Port-Royal, t.5, 1859, p.158.
C. − [Exprime l'idée gén. de procès actif, de manifestation active, dont la spécificité est définie par le compl. d'obj. dir. qui désigne une attitude, un comportement, une action ou un état résultatif, dont l'agent ou la cause directe (pers. ou chose) est désigné(e) par le suj. et dont l'obj. ou l'entité directement intéressé(e) est désigné(e) par un compl., parfois omis, introd. par une prép.]
1. Qqn porte qqc. (sentiment, attitude) à qqn/qqc.[Le compl. d'obj. dir. désigne un sentiment ou une attitude; le suj. désigne une pers.; le compl. introd. gén. par à désigne une pers. ou une chose et serait le compl. d'obj. dir. ou indir. du verbe corresp. au subst. compl. d'obj. dir. (lorsque ce verbe existe)] Éprouver, manifester tel sentiment ou telle attitude à l'égard de quelqu'un/quelque chose.
a) [Le compl. d'obj. dir. est accompagné d'un art.]
[Art. indéf. + déterm. particularisant] Porter une vive affection, un attachement véritable, une attention inquiète, une confiance aveugle, un dégoût extrême, une ardente dévotion, un grand/vif intérêt, un respect sincère, une grande sollicitude à qqn/qqc. Tous ces gens-là nous portaient une haine d'autant plus terrible, qu'ils n'osaient la montrer tout de suite (Erckm.-Chatr., Conscrit 1813, 1864, p.155).Les femmes aussi (...) me portent des sentiments rien moins que tendres (Verlaine, OEuvres compl., t.4, Mes hôp., 1891, p.344).Albert portait une riche curiosité aux mythes qui ont bercé l'humanité dans sa longue histoire, il en recherchait avec passion la signification intime (Gracq, Argol, 1938, p.39).V. encens ex. 2.
[Avec compl. introd. par une autre prép.] Le commandement ennemi portait une attention particulière vers son aile droite (Joffre, Mém., t.1, 1931, p.437).
[Art. déf. + déterm. particularisant] Porter l'amour le plus tendre, le même intérêt à qqn/qqc. Un énorme vieillard (...) arriva lentement et lourdement; il salua familièrement Pierrotin qui parut lui porter le respect dû, par tous pays, aux millionnaires (Balzac, Début vie, 1842, p.481).Elle paraissait vivre de ma seule présence, sans porter la moindre attention à mes paroles (Breton, Nadja, 1928, p.116).
[Porter se trouve dans une rel. déterminant le subst. accompagné seulement de l'art. déf.] [Mon coeur] ne m'a jamais trompé sur le degré d'intérêt qu'on me porte (Delacroix, Journal, 1823, p.37).Il vint donc ce Maurice que j'admirais en aveugle, sur la foi de l'amitié que lui portait mon frère (Colette, Mais. Cl., 1922, p.164).
Empl. pronom. réfl. L'amour qu'ils se portent à eux-mêmes (Benda, Trahis. clercs, 1927, p.200).
Empl. pronom. réciproque. L'affection qu'ils se portaient étouffait en eux toute idée de froissement et de lutte (Huysmans, Soeurs Vatard, 1879, p.273).
[Art. partitif] Porter du respect à qqn. M. le vicomte de Chateaubriand (...) se repentirait d'avoir plaidé la cause des prêtres et de ces jésuites qui, loin de lui porter de la reconnaissance pour ce qu'il a fait pour eux, le déclarent hautement hérésiarque (Delécluze, Journal, 1827, p.371).MmeLigneul était seule à lui porter de l'affection (Drieu La Roch., Rêv. bourg., 1937, p.219).
b) [Le compl. d'obj. dir. au sing. est sans art. ni déterm. particularisant (sauf parfois grand)]
[Avec les mots attention, envie, intérêt] Vous êtes fou de porter envie à qui que ce soit, à l'âge où vous êtes, fort et bien portant (Courier, Lettres Fr. et Ital., 1810, p.829).Ils ne portent intérêt qu'aux jeux intellectuels (Mounier, Traité caract., 1946, p.250).
[Sans compl. prép.] :
31. −Ah! oui. L'Acayenne [Acadienne] m'en a soufflé mot, mais à parler franchement, je saurais rien vous en dire, pour la bonne raison que j'ai pas porté attention. Guèvremont, Survenant, 1945, p.123.
Vieilli ou littér. [Avec d'autres mots] Ces hommes-là portaient respect aux barbes grises (Hugo, Hernani, 1830, i, 3, p.19).Plus le poète est inégal (...), moins il admet qu'on puisse porter préférence à telle ou telle partie de son oeuvre (Gide, Journal, Feuillets, 1921, p.724).
2. Qqn porte qqc. (action ou état) (à qqn/qqc.).[Le compl. d'obj. dir. désigne une action ou un état qui affecte qqn ou qqc.; le suj. désigne une pers. ou une chose; le compl. introd. gén. par à, parfois omis, désigne une pers. ou une chose et serait le compl. d'obj. dir. ou indir. du verbe corresp. au subst. compl. d'obj. dir. de porter] Être l'agent ou la cause de, entraîner par son existence ou son action, occasionner.
a) [Le compl. d'obj. dir. désigne un procès souvent considéré dans son résultat ou le moyen d'une action]
α) [Le compl. d'obj. dir. est accompagné d'un art.]
[Art. indéf. ou adj. indéf. ou numéral] Mon indiscrétion avait porté une atteinte à sa dignité, à sa liberté (Michelet, Journal, 1861, p.587).Une pauvre veuve à qui j'allais porter quelque consolation (Gide, Symph. pastor., 1919, p.900).
Empl. pronom. réciproque. On convint de jurer, par parole de prince, qu'on ne se porterait mutuellement aucun mal ni dommage (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 4, 1821-24, p.254).Il vous serait difficile de concevoir un déjeuner de garçon, madame (...) on se porte des défis, on s'embrasse ou l'on se bat (Balzac, Gobseck, 1830, p.407).
[Art. indéf. + déterm. particularisant] Porter une atteinte directe, sérieuse, un grave préjudice, un préjudice considérable, un remède radical, un secours efficace à qqn/qqc. Chaque homme qui se réunira à ses peres, lui portera un appui encore plus puissant que pendant sa vie terrestre (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p.362).C'était porter un véritable défi à l'opinion publique (Péguy, Argent, 1913, p.1148).
[Avec compl. introd. par une autre prép.] L'heure est étrangement choisie pour porter contre une seule fraction du monde musulman une politique de violence (Jaurès, Eur. incert., 1914, p.23).
[Art. déf. (+ déterm. particularisant)] Mon père m'a porté le défi de m'ouvrir les salons de Nancy, j'y suis admis (Stendhal, L. Leuwen, t. 1, 1835, p.264).Cette phrase mal trouvée, qui accrocha le livre de la Fréquente communion, porta aussi le premier échec à l'autorité de M. de Barcos au sein de Port-Royal (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 2, 1842, p.215).Quiconque vous porterait l'atteinte la plus légère, se verrait tout aussitôt arrêté dans son entreprise par un juge (Clemenceau, Vers réparation, 1899, p.289).
Rare. [Avec adj. poss. renvoyant au suj.] Le principe dont on ne doit guère s'écarter, c'est de porter ses secours aux faibles; il est rare qu'on se trompe en se dirigeant sur cette boussole (Staël, Consid. Révol. fr., t. 1, 1817, p.263).
Rare. [Avec art. partitif] Nos agiles mariniers et nos hardis plongeurs s'étaient épuisés en efforts inutiles pour porter du secours à l'équipage (Nodier, Fée Miettes, 1831, p.168).
Empl. pronom. réciproque. Ils ont dû partager les mêmes périls, se porter au besoin du secours (Cournot, Fond. connaiss., 1851, p.39).
β) [Le compl. d'obj. dir. au sing. est sans art. ni déterm. particularisant (sauf parfois grand)] Porter assistance, atteinte, obstacle, préjudice, remède, secours à qqn/qqc. Je le délivrerai, encore que, selon moi, sa délivrance doive un jour me porter grand dommage (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p.366).Vous portez tort à un artiste... si l'on apprend qu'il a accepté chez vous un salaire plus bas que le salaire, déjà obtenu ailleurs, qu'il désirera obtenir ailleurs, dès demain (Vilar, Tradition théâtr., 1963, p.116).V. atteinte ex. 8.
Empl. pronom. réciproque. Nos deux industries ne pouvaient pas se porter mutuellement ombrage (Reybaud, J. Paturot, 1842, p.212).
DR. PÉNAL. Porter atteinte* au crédit de l'État.
b) [Le compl. d'obj. dir. au sing. désigne un état]
[Sans art. et gén. sans déterm. particularisant] Porter bonheur, chance, malheur*. Elle l'accusa d'avoir «inventé ça pour la taquiner et lui porter mauvaise chance» (Zola, Ventre Paris, 1873, p.664).V. bonheur ex. 4.
[Avec art. déf.] Porter la poisse. Le «Boeuf» s'installa dans la même rue, en face de ses propres souvenirs, dans une boîte qui portait la guigne, et ne put s'y tenir (Fargue, Piéton Paris, 1939, p.54).
c) Porter conseil dans l'expr. la nuit porte conseil*. Expr. anal. Le matin semblait lui porter conseil, il arrivait à des réussites insensées (Triolet, Prem. accroc, 1945, p.166).
d) Porter (la) conviction (rare). Je ne réussirais pas, je ne suis pas propre à porter la conviction (Duranty, Malh. H. Gérard, 1860, p.283).[La théorie du transformisme] a des preuves nombreuses et des arguments très puissants, mais qui, à la rigueur, ne portent pas conviction (Maeterl., Vie abeilles, 1901, p.273).
3. Qqn porte qqc. (jugement) (sur/contre...).[Le compl. d'obj. dir. désigne l'expr. de la pensée; le suj. désigne gén. une pers.; avec un ou plusieurs compl. introd. par une prép.] Formuler, exprimer, faire savoir.
a) [Avec un compl. introd. par sur/contre désignant la pers. ou la chose à propos de quoi on exprime un jugement]
α) [Le compl. d'obj. dir. est accompagné d'un art.]
[Sans déterm. particularisant] Porter des accusations contre qqn, un avis sur qqc. Quelque jugement qu'on porte sur les effets que produisait dans l'intérieur de chaque État cette prédominance d'un homme ou d'une famille (A. de Broglie, Diplom. et dr. nouv., 1868, p.155):
32. −Il y a un palliatif. Vous l'auriez conseillé, ordonné aussitôt à un client sur qui vous auriez porté le diagnostic que vous avez porté sur vous-même. Bourget, Sens mort, 1915, p.283.
[Sans compl. prép.] Lorsque je porte un jugement, ce qui m'importe, à cause des conséquences qui en résultent, c'est de porter un jugement juste (Destutt de Tr., Idéol. 1, 1801, p.72).Avec le coup d'oeil clair dont il portait ses diagnostics (Zola, Joie de vivre, 1884, p.837).
[Avec déterm. particularisant]
[Qualificatif] Porter un jugement définitif, ferme, motivé, de valeur sur qqn/qqc. Reculer en ce moment suprême, c'était porter contre soi et contre son parti un arrêt mortel (Lefebvre, Révol. fr., 1963, p.256).
[Sans compl. prép.] Le caractère secret des tractations diplomatiques pour les époques antérieures n'autorise pas à formuler des jugements entièrement affirmatifs: des exemples récents permettent par contre de porter une appréciation beaucoup plus nette (Meynaud, Groupes pression Fr., 1958, p.298).
[Compl. subst. introd. par de exprimant le contenu du jugement] Le marquis avait porté cet arrêt de proscription contre les romans d'analyse (Bourget, Disciple, 1889, p.146).Je l'ai vu drôle, dit-elle encore en riant d'un air gourmet et connaisseur, comme si porter le jugement de drôlerie sur quelqu'un exigeait une certaine expression de gaîté (Proust, Guermantes 2, 1921, p.521).
[Sans compl. prép.] Il n'en faut pas plus pour porter le diagnostic de paraplégie spasmodique en extension (Quillet Méd.1965, p.330).
β) Rare, vieilli ou littér. [Le compl. d'obj. dir. au sing. est sans art. ni déterm. particularisant] Le pape encore nommerait des prélats français commissaires pour procéder au besoin et porter sentence contre les évêques récalcitrants (Sainte-Beuve, Port-Royal, t. 4, 1859, p.256).Il se refusait, en général, à porter jugement sur ce qu'il avait fait (Martin du G., Thib., Consult., 1928, p.1122).
[Sans compl. prép.] Que n'eussé-je donné pour entendre une voix fabuleuse porter sentence dans mon coeur (Sartre, Mots, 1964, p.75).
b) [Avec plusieurs compl. introd. par une prép. qui ne sont pas toujours tous exprimés]
α) [Le compl. d'obj. dir. est le mot plainte; contre qqn (dont on a à se plaindre), auprès de, devant, à qqn (pers. ou instance compétente pour juger), pour/de qqc. (motif de la plainte)]
Vieilli. [Avec art. ou adj. poss. renvoyant au suj., parfois au plur.] J'ai à vous porter une plainte qui intéresse moins essentiellement les bonnes moeurs (Jouy, Hermite, t. 1, 1811, p.214).Ils venaient porter leurs plaintes au roi (Scribe, Bertrand, 1833, iv, 4, p.198).Je porterai ma plainte contre vous, pour guet-apens et pour complicité avec des bandits (Mérimée, Colomba, 1840, p.117).
[Au sing. sans art. ni déterm. particularisant] Elle se jeta à genoux devant lui en pleurant, et porta plainte de la cruelle mort de son époux et seigneur (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p.7).Si la famille de Morel se décide à porter plainte contre lui, je n'ai pas envie d'être accusée de complicité (Proust, Prisonn., 1922, p.281).Le père, tout brûlant d'alcool et de zèle paternel, qui menaçait de porter plainte auprès du garde champêtre (Bernanos, Mouchette, 1937, p.1302).
β) [Le compl. d'obj. dir. est le mot témoignage; contre/en faveur, pour qqn, auprès de qqn, sur (ou de) qqc./complét. introd. par que (fait à propos duquel on témoigne)]
[Avec art. ou adj. poss. renvoyant au suj., parfois au plur.] L'impression de cette foi perdue dont ces pierres portaient le témoignage (Quinet, All. et Ital., 1836, p.184).Si les Arabes osaient porter un témoignage, je t'aurais fait coffrer depuis longtemps! (Lenormand, Simoun, 1921, 5etabl., p.58).
[Au sing., sans art. ni déterm. particularisant] Je m'offre à vous, dans l'occasion, pour porter témoignage devant les mandataires de votre cohéritier, du chiffre de la somme que nous avons comptée (Sand, Pte Fad., 1849, p.284).Je fais appel à tous les Argiens Qu'ils portent témoignage Pour moi, errant, expatrié, Vivant et mort, et laissant derrière moi cette rumeur! (Claudel, Choéphores, 1920, p.944).Les esquisses portent témoignage que Beethoven avait saisi tout le mouvement, d'un seul trait (Rolland, Beethoven, t. 2, 1937, p.449).
4. Rare. [Sans compl. prép., corresp. à un verbe intrans.] Par un sursaut de tout son être, elle porta une nouvelle enchère (Lacretelle, Hts ponts, t. 3, 1935, p.245).
2eSection. Empl. intrans.
I. − Porter sur[parfois contre, moins souvent une autre prép. introduisant un compl. de lieu]
A. − [Le suj. désigne un être ou, le plus souvent, une chose]
1. Qqc. (qqn) porte sur qqc. (qqn).[L'élément désigné par le compl. prép. de lieu est toujours situé en dessous de celui que désigne le suj. et conçu comme nécessaire pour que l'élément désigné par le suj. garde sa position dans l'espace] Être soutenu par, avoir pour point d'appui; [avec une idée de pesanteur] appuyer sur. On termine par relever la caisse sur le champ [chant] et le côté sur lequel les glaces portent par en bas (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p.221).Pendant la descente, tout le poids du corps a porté sur les jambes cassées (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p.753).
P. métaph. ou au fig. La France est une synthèse du Nord et du Midi; elle porte sur le Nord et le Midi comme un homme sur ses deux jambes (Thibaudet, Réflex. crit., 1936, p.113).Le poids des difficultés paysannes porte sur elles [les paysannes] (Traité sociol., 1968, p.383):
33. Il y avait parmi ses amis politiques [de Guizot] des hommes de grand sens et d'expérience (...) et M. Bertin de Vaux, notamment (...) témoignait alors, dans l'intimité, qu'il ne croyait guère à la stabilité et à la durée de l'édifice qui portait sur une base sociale aussi restreinte, sur un corps électoral aussi trié que le voulait M. Guizot. Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 1, 1861, p.111.
[Avec compl. ou adv. exprimant une modalité] Porter exactement, au maximum, de tout son poids sur qqc.:
34. Le coussinet (...) est l'organe qui porte directement sur la fusée. Il doit être établi de telle sorte que le frottement entre la (...) fusée et lui soit réduit le plus possible. À cet effet, il est garni, sur sa face portante, d'un alliage antifriction. Bailleul, Matér. roulant ch. de fer, 1951, p.114.
[Sans compl. prép. sur] BÂT. Porter à faux (v. faux1). Synon. usuel être en porte-à-faux.P. métaph. Le système militaire actuel porte à faux (Jaurès, Armée nouv., 1911, p.521).Porter à/de fond. [En parlant d'un mur, d'une construction] ,,Traverser plusieurs étages en partant du rez-de-chaussée`` (Chabat 1881). Porter à cru. ,,Reposer directement sur le sol même`` (Jossier 1881).
P. anal., fam. Porter sur les nerfs, sur le système (nerveux) de qqn/à qqn. Énerver, irriter. Cet immense croassement me portait sur les nerfs et remplissait mon imagination d'alarmes inexplicables (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p.339).Tu fais bien, répondit David de ce ton grave qui portait légèrement sur les nerfs de Joseph (Green, Moïra, 1950, p.138).V. nerf A 2 ex. de Dumas fils.
Porter sur la peau de qqn/à qqn, synon. plus rare. Quand je pense que j'ai un sentiment pour toi, ça m'étonne un peu. Ta dégaine de tocard, ta gueule pas bien franche, tes airs de cochonnier sournois, c'est pas que ça me porte sur la peau (...). Ce qu'il y a, c'est que je n'ai pas l'habitude d'être demandée en mariage (Aymé, Cléramb., 1950, iv, 1, pp.190-191).
2. [L'élément désigné par le compl. prép. de lieu n'est pas conçu comme nécessaire pour que l'élément désigné par le suj. garde sa position dans l'espace et la position rel. des éléments impliqués peut être quelconque]
a) [Sans corrél. avec un mouvement]
α) Porter sur.Être, se trouver sur ou par-dessus. On a fait des pieds de billard à boulons, afin de pouvoir les allonger ou les raccourcir à volonté, pour mettre la table bien de niveau; mais, la tête de ces boulons portant sur le plancher, on avait une très-grande difficulté à faire tourner la boule du pied (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p.66).C'est une aquarelle [le Vireloque de Gavarni] rehaussée et compliquée qui porte sur du fusain, et qui se fortifie de tons crayeux (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 6, 1863, p.201).
β) Porter contre (parfois sur).Être en contact avec (quelle que soit la position relative des éléments). Après le cylindre on échancre un peu la surface du bois, afin que le fer porte contre le fer (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p.95).Elle se tenait devant la glace, dévêtue, tordant ses cheveux, et la pleine lumière portait sur elle (Bourget, Physiol. amour mod., 1890, p.195).Un épaulement circulaire, le talon, qui porte contre la face extérieure de la roue et s'oppose au déplacement du bandage sous l'action des chocs qui s'exercent contre le boudin au contact du rail (Bailleul, Matér. roulant ch. de fer, 1951, p.11).
[Avec une autre prép.] V. ongle A 2 b ex. de France.
γ) [Sans compl. prép. de lieu, avec expr. de modalité] Être en contact. Lorsqu'un amaigrissement excessif a détruit les muscles pectoraux, au point de laisser entre les côtes des gouttières assez profondes pour que l'extrémité du cylindre ne puisse porter de toute sa surface, on remplit ces intervalles de charpie ou de coton recouvert d'un linge ou d'une feuille de papier (Laennec, Auscult., t. 1, 1819, p.12).
b) [Résultant d'un mouvement; souvent à un temps comp.] Porter contre/sur/dans.Entrer en contact brutal avec, souvent lors d'un accident. Synon. heurter.Dans la chute, le fusil avait porté rudement par terre (Stendhal, Lamiel, 1842, p.49).La nuque de Labriche porta contre une pierre, et le choc fut si rude que l'exécuteur des vengeances de Vallombreuse resta évanoui sur le champ de bataille, avec toutes les apparences d'un cadavre (Gautier, Fracasse, 1863, p.216).Sa tête avait porté en plein dans le fanal (Zola, Bête hum., 1890, p.236).
B. − Au fig. Porter sur[parfois contre avec nuance d'hostilité, moins souvent une autre prép.]
1. [Le suj. désigne une action volontaire ou son résultat] S'appliquer à, avoir pour objet ou pour objectif. Les impôts qui portent sur les denrées nécessaires elles-mêmes (Say, Écon. pol., 1832, p.532).Nous touchons ici à l'essence même de la connaissance historique: quand elle porte à plein sur son objet, c'est-à-dire sur toute la richesse de la réalité humaine, elle n'est pas susceptible de cette accumulation de probabilité qui, théoriquement, pourrait conduire à une quasi-certitude (Marrou, Connaiss. hist., 1954, p.133).
En constr. factitive. C'est davantage un bilan vivant que nous avons voulu dresser en faisant porter notre étude tant sur l'histoire institutionnelle de l'ordre maçonnique, que sur sa «doctrine» et l'action qui en résulte (Naudon, Fr.-maçonn., 1963, p.7).
Porter contre.Ces critiques ne portent que contre les débuts de l'analyse réflexive (Merleau-Ponty, Phénoménol. perception, 1945, p.46).
[Avec une autre prép.] Le fort de la bataille porta au lieu où il se trouvait (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 3, 1821-24, p.106).Toute l'attaque ayant porté du côté opposé (Fromentin, Été Sahara, 1857, p.110).
2. [Le suj. désigne un état, un fait de situation, un processus naturel] Avoir pour champ de manifestation ou d'effet. La fatigue, chez lui, portait sur le foie, qu'il avait un peu délicat (Gide, Faux-monn., 1925, p.938).La nouveauté porte sur trois points essentiels (Encyclop. éduc., 1960, p.130).Les nains d'origine hypophysaire sont bien proportionnés, harmonieux. La petitesse de taille porte également sur toutes les parties du corps (Quillet Méd.1965, p.494).
II. − Porter[+ expr. impliquant l'idée d'une relation avec un but visé qui est rarement exprimé]
A. − [Désigne un processus concr.]
1. [Implique une distance mesurable parcourue]
a) [Le suj. désigne un élément en propulsant un autre ou propageant un effet physique du type rayonnement, ou bien ce qui est propulsé ou propagé] Atteindre un certain point dans l'espace (qui correspond ou non au but visé).
α) [Avec compl. prép. à exprimant la distance parcourue, ou avec expr. de la limite atteinte, non atteinte ou dépassée] Porter en deçà, au delà d'un point. Vers trois heures de l'après-midi, les canons de chasse de l'ennemi commencèrent à porter dans nos agrès (Mérimée, Mosaïque, 1833, p.137).Les bouées de 11 mètres cubes éclairées au gaz fournissent 8 carcels et portent à 7 milles (Bourde, Trav. publ., 1929, p.320).Les bombes volantes allemandes V-2, portant à 300 kilomètres (Le Masson, Mar., 1951, p.65).
β) [Avec adv. évoquant une direction ou le degré de conformité de l'effet visé] Arme portant juste. Leurs armes de chasse ne portent pas assez loin, ou ils tirent mal, car nous ne recevons pas un grain de plomb (T'Serstevens, Itinér. esp., 1963, p.295).Une nouvelle classe de faisceaux hertziens portant plus loin que l'horizon (Hist. gén. sc., t.3, vol. 2, 1964, p.281).V. supra ex. 20.
[Dans un cont. métaph.] Le livre de Jansénius, comme une machine de guerre trop chargée, au lieu de porter au dehors, éclata plutôt au dedans et blessa surtout ses amis (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.2, 1842, p.123).
γ) [Sans expr. d'aucune de ces modalités, surtout en parlant d'un projectile d'arme à feu] Les obus ne portaient pas, tombaient dans les prairies, en face (Zola, Débâcle, 1892, p.273).Angélo aligna l'officier au bout de son fusil. Malgré la pluie qui brouillait la mire, il s'efforça de viser très exactement la poitrine de cet homme (...). Enfin le coup partit et il le vit porter (Giono, Bonheur fou, 1957, p.162).
b) [Le suj. désigne une action ou un phénomène impliquant l'idée d'un mouvement linéaire (bruit, voix, regard)]
α) [Avec compl. prép. à exprimant la distance parcourue, ou avec expr. de la limite atteinte ou non] Une certaine vivacité de l'air alpestre, inconnue ailleurs en France (...) y circule [au pays de Lamartine]. Le souffle léger de Laurence endormie portait jusqu'ici (Jammes, Mém., 1923, p.41).Mais nos voix ne portent pas à trente mètres (Saint-Exup., Terre hommes, 1939, p.241).Son regard de chasseur qui portait loin, bien au delà de la vision ordinaire (Guèvremont, Survenant, 1945, p.13):
35. Les détonations, espacées comme celles-ci, et qu'aucun écho ne répercutait, portaient à des distances prodigieuses; l'air lourd, visqueux, imprégné de cette buée grasse qui sort des tourbières, transmettait la vibration aussi fidèlement qu'une eau profonde. Bernanos, Mouchette, 1937, p.1279.
β) [Sans expr. d'aucune de ces modalités, surtout en parlant d'un son] L'évêque cessait de parler et se léchait les lèvres, selon l'habitude des orateurs sacrés dont la voix doit porter sous les voûtes (Giono, Angelo, 1958, p.107).
c) [Le suj. est le mot coup]
α) [Coup désigne un processus concr.; parfois avec compl. prép. sur spécifiant le point atteint] Osman-Beg avait donné l'ordre de le prendre vivant; on n'irait donc pas le frapper, et, tandis que ses coups à lui portaient dru, on se contentait de le serrer (Gobineau, Nouv. asiat., 1876, p.264).Sa tête [d'un cheval] remuait trop, les coups ne portaient plus (Zola, Débâcle, 1892, p.451).Il restait à quelques-uns la force de rire et de claquer le derrière du camarade en plongée. Le coup portait bien sur la chair suante (Hamp, Champagne, 1909, p.101).
β) [Coup pris au fig.] C'était la première fois, depuis le commencement de leur ménage, qu'elle osait critiquer un acte du maître. Le coup porta (Hugo, Misér., t.1, 1862, p.508):
36. −«Pour ça, monsieur, vous pouvez mourir tranquille: je me débrouillerai toujours, allez! (...) Toute une affaire à mettre sur pied −dès que vous ne serez plus là...» Le malade ouvrit un oeil: le coup involontaire de M. Chasle avait porté. «Dès que vous ne serez plus là...» Que voulait dire au juste cet imbécile? Martin du G., Thib., Sorell., 1928, p.1142.
2. P. anal. [À propos d'un phénomène physiol., d'une sensation physique]
Porter au coeur. Occasionner un malaise, une impression de nausée. C'était dégoûtant à respirer cet air-là, même la nuit, tellement l'air restait tiède, marine moisie. Toute cette fadasserie portait au coeur, avec l'odeur de la machine en plus (Céline, Voyage, 1932, p.187).Chaque choc me portait au coeur. J'ai vu pouce par pouce la mort (Peyré, Matterhorn, 1939, p.248).
Porter à la tête/au cerveau. Perturber les facultés mentales ou la maîtrise de soi. Synon. monter* à la tête.Il eut l'adresse de se plaindre tout bas au chapelain d'un grand mal de tête, et d'ajouter qu'étant fort sobre d'habitude, le vin de Hongrie, dont il ne s'était pas méfié au dîner, lui avait porté au cerveau (Sand, Consuelo, t.2, 1842-43, p.217).Octobre s'annonçait dans ces effluves qui portaient légèrement à la tête et rendaient heureux d'un bonheur vague et presque physique (Green, Moïra, 1950, p.62).J'ai peur que la libération ne lui ait porté à la tête (Beauvoir, Mandarins, 1954, p.39).
B. − Au fig. [Le suj. désigne le plus souvent une action (ou son produit) ou un fait, parfois une chose ou une pers.] Avoir un effet ou l'effet visé; faire son effet.
1. [Sans spécification d'un type d'effet] À travers cette confusion, pas un de mes mots ne porte, ne fait flèche. Au lieu de monter, d'emplir la salle, les voix des acteurs s'arrêtent au bord de la rampe et retombent lourdement dans le trou du souffleur (A. Daudet, Contes lundi, 1873, p.237):
37. Les rencontres internationales sont rares et se soldent par des échecs souvent cuisants. Mais ces confrontations s'avèrent utiles et instructives. La leçon porte. Le football progresse à pas de géant. J. Mercier, Football, 1966, p.15.
[Avec adv. d'intensité] Patru, moins véhément que son ami Le Maître, et dont la voix, le geste et toute l'action portaient moins, se faisait remarquer par une élégance et une correction inaccoutumées alors au Barreau (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.5, 1852, p.280).Je porte plus que Victor Hugo, parce que je suis plus près d'eux [des paysans] (Renard, Journal, 1907, p.1123).
2. [Avec spécification d'un type d'effet] Porter juste, à coup sûr. C'est une nouvelle preuve que tous vos raisonnemens portent à faux, quand vous parlez toujours de la guerre (Robesp., Discours, Guerre, t.8, 1792, p.99).Quoi qu'il en soit, un peu d'exclusion en critique ne nuit pas au succès, quand ce côté tranchant tombe juste et porte dans le sens de l'opinion (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t.1, 1850, p.375).Tout symbolisme porte à vide, qui néglige d'emprunter la forme organisée pour y intégrer des édifices spirituels (Faure, Hist. art, 1909, p.32).
Porter à conséquence. V. conséquence B 2 ex. de Céline.
3. Rare. [Avec compl. prép. désignant l'entité sur laquelle qqc./qqn a un effet] Quelle stupeur quand l'impassible feuille de contrôle (...) leur prouve [aux comédiens] (...) qu'ils n'ont point porté sur le public autant qu'ils le croyaient et qu'on le leur avait laissé croire (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p.189).
III. − Empl. intrans. par effacement du compl. d'obj. dir., MAR. Porter + compl. exprimant une direction.
A. − [Le suj. désigne le vent ou le courant] Avoir telle direction. Porter au sud-est. [Les naufragés] devaient être entraînés pendant tout le reste de la marée qui a porté au large jusqu'à huit heures quarante cinq minutes (Voy. La Pérouse, t.2, 1797, p.173).Le vent fraîchissait, et, tournant d'un quart dans l'ouest, il portait en plein à la côte zélandaise (Verne, Enf. cap. Grant, t.3, 1868, p.38).Le courant portait vers Arcachon, on laissa l'Éclipse le prendre (Pesquidoux, Livre raison, 1932, p.151).
[En parlant du vent sur terre] Quoique placés assez loin de l'incendie, le vent, portant sur notre côté, nous amenait une pluie de feu (Toepffer, Nouv. genev., 1839, p.279).Le vent devait porter vers Pollinger, car, si le couple en péril n'avait pas entendu son cri, lui avait bien perçu le leur (Peyré, Matterhorn, 1939, p.217).
P. métaph.:
38. giboyer: (...) il reste à reconstruire une société (...) en créant une aristocratie en-dehors de l'argent. le marquis: Mais sur quoi la fonderez-vous? giboyer: (...) sur le mérite personnel (...). Depuis que le monde est monde, le courant de l'humanité porte de ce côté-là. Augier, Effrontés, 1861, p.359.
P. anal. (sans mouvement effectif). La pointe méridionale est terminée par quelques roches ou brisans, qui portent au large d'environ un quart de mille (Voy. La Pérouse, t.1, 1797, p.69).
[Sans expr. d'une direction, mais avec expr. d'une modalité d'allure, en parlant du courant d'un fleuve] Le courant portait dru. Il n'y avait plus à craindre les souches et les hauts fonds (Giono, Chant monde, 1934, p.316).
B. − [Le suj. désigne un bateau ou ceux qui le manoeuvrent]
1. [En parlant d'un bateau] Suivre ou prendre telle direction. Le Duncan, sous son tourmentin, portait à la côte avec une vitesse effrayante (Verne, Enf. cap. Grant, t.2, 1868, p.58).
Laisser porter.,,Laisser le navire venir dans le sens dans lequel porte le vent`` (Le Clère 1960). Le capitaine mit, ce jour, sur son rapport: −Gros temps. Laissé porter. Rien de neuf à bord (Corbière, Amours jaunes, 1873, p.212).
2. [En parlant de ceux qui manoeuvrent un bateau] Faire prendre au bateau telle direction. Nous portâmes sur l'île de Cérigo, et nous fûmes assez heureux pour la passer le 18 (Chateaubr., Itinér. Paris Jérus., t.3, 1811, p.96).Évente tout et pique au nord! Borde la brigantine et porte à la risée! (Corbière, Amours jaunes, 1873, p.207):
39. ... la mer étant fort houleuse, je fus obligé de virer de bord et de porter à l'ouest, pour m'éloigner de la côte, parce que la lame nous jetait à terre, et que nous n'avions pas trouvé fond à une lieue du rivage... Voy. La Pérouse, t.3, 1797, p.96.
Porter à tel air-de-vent. ,,Gouverner à cet air-de-vent`` (Bonn.-Paris 1859).
Porter (bon) plein. V. plein III A 3 b.
3eSection. Empl. pronom.
I. − [Désigne un état]
A. − Qqn/qqc. se porte + adv.[Avec déterm. à valeur adv. marquant la manière, spécifiant l'état; en parlant d'un être animé et p.anal. de choses considérées comme des entités vivantes] Se trouver dans un certain état de santé (pour les êtres), dans un certain état (pour les choses). Synon. aller.Se porter mal, mieux, passablement, assez bien, à merveille. Tout continue à aller ici de mieux en mieux, mère, enfant, nourrice. Cette dernière continue à se porter parfaitement et gaiement (Hugo, Corresp., 1823, p.377).Une république qui se porterait bien regarderait comme son premier devoir l'exil ou la mort d'Antistius (Renan, Drames philos., Prêtre Némi, 1885, i, 4, p.539):
40. On m'écrivait: «Les cousins Bernard Métidieu, tous les trois se portent bien.» Ce qui était faux. Car des trois, deux au moins, le cousin Bernard et sa femme, donnaient déjà des signes de cette étrange maladie qui allait ruiner les deux familles. Bosco, Mas Théot., 1945, p.29.
[Avec qq. expr. compar. pour marquer que l'état est excellent] Se porter comme un chêne, comme toi et moi. Les beaux-arts se portent comme un charme (Murger, Scènes vie boh., 1851, p.189).Et puis vous, ne vous laissez pas frapper par ces bêtises des médecins, que diable! Ce sont des ânes. Vous vous portez comme le Pont-Neuf. Vous nous enterrerez tous! (Proust, Guermantes 2, 1921, p.597).V. arbre ex. 19.
Ne pas s'en porter plus mal (fam.). Ne pas subir d'effet fâcheux de quelque chose, en ce qui concerne la santé (d'un être) ou l'état (d'une chose). L'hiver dernier, deux jolies coccinelles rouges avaient élu domicile sur notre table, parmi nos papiers et nos livres (...). Elles passèrent toute la saison sans manger et paraissant ne pas s'en porter plus mal (Michelet, Insecte, 1857, p.362).Même si tous les prisonniers français se croisaient les bras, l'économie allemande ne s'en porterait pas plus mal (Sartre, Mort ds âme, 1949, p.214):
41. Quand on allait bien, elle se tourmentait encore, en pensant à la maladie prochaine. Ainsi la vie se passait dans des transes perpétuelles. Au reste, on ne s'en portait pas plus mal... Rolland, J.-Chr., Adolesc., 1905, p.236.
Ne s'en porter que mieux. Se trouver dans un excellent état, en dépit de conditions ou d'événements qui devraient avoir une influence néfaste. [Les méhara] chemineront six mois à travers les plus affreuses solitudes, peu nourris, pas abreuvés, et ne s'en porteront que mieux (Benoit, Atlant., 1919, p.299).
[Le suj. désigne un agent, une fonction ou une activité considérés de façon gén.] Être (plus ou moins) actif, avoir un certain développement. L'industrie se porte mal; ses affaires se portent à merveille. Dans l'histoire volontiers le plus fort prospère, les tyrans réussissent, les bourreaux se portent bien, les monstres engraissent (Hugo, Rhin, 1842, p.177).
B. − Vx. [Avec adv.] Se comporter (d'une certaine manière). Bois-Doré, hors du combat, où il se portait vaillamment, était d'une mansuétude révoltante (Sand, Beaux MM. Bois-Doré, t.1, 1857, p.38).
II. − [Désigne un mouvement]
A. − Qqn/qqc. se porte (de + lieu) + lieu de destination.[Avec expr. du terme du déplacement, parfois avec expr. du point de départ] Effectuer un déplacement d'un point de l'espace à un autre pris comme but. Synon. aller, se diriger.
1. [Le suj. désigne un être animé]
a) [Le suj. désigne un être animé quelconque; parfois avec expr. d'une modalité du mouvement en rapport avec le suj. désignant un ensemble d'êtres (en cortège, en foule, en masse, en nombre)]
α) [Le compl. introd. par une prép. désigne un lieu] Se porter au bout d'un souterrain, au large, au premier rang, sur les lieux d'une catastrophe; se porter de côté, dans le vide. En 1492, les marchands de Bruges émigrent à Anvers; en 1576, d'Anvers, ils passent en Hollande, à Amsterdam; en 1732, d'Anvers, ils se portent à Rotterdam (Michelet, Chemins Europe, 1874, p.248).Je vois l'oiseau, au crépuscule, se porter sur une cime d'un vol lent (Pesquidoux, Chez nous, 1923, p.206).La manifestation des étudiants de Paris, se portant en cortège derrière «deux gaules», le 11 novembre, à l'Arc de Triomphe (De Gaulle, Mém. guerre, 1954, p.132).
P. anal. [Sans déplacement effectif de la pers.] Nous allons préciser celle-ci [une problématique] à l'intention des lecteurs qui s'intéressent non seulement aux résultats d'une recherche, mais encore à sa conception. Les autres sont invités à se porter directement à la page 63 (Dumazedier, Ripert, Loisir et cult., 1966, p.30).
β) [Le compl. introd. par une prép. désigne une pers. ou une chose située en un certain point de l'espace]
[Le compl. désigne une pers. ou un ensemble de pers.] Se porter au-devant de qqn. Dès qu'il [le roi] pouvait se montrer en public, la foule se portait sur son passage pour le revoir (Barante, Hist. ducs Bourg., t.2, 1821-24, p.263).Elle bouge, chancelle, un peu, très peu, se ressaisit, si rapidement que le geôlier a à peine le temps de se porter vers elle pour la soutenir (Camus, Requiem, 1956, 2epart., 7etabl., p.919).
Se porter vers qqn (au fig.). Se rallier à quelqu'un. Dès lors que Vichy ne pouvait plus faire illusion, les enthousiasmes ou les consentements, sans parler des ambitions, se portaient vers De Gaulle d'une manière automatique (De Gaulle, Mém. guerre, 1956, p.123).
[Le compl. inclut l'expr. de la finalité spécifique du déplacement] Se porter au secours de qqn. Sous les bombes qui écrasent ses compatriotes, le premier réflexe d'un vrai communiste ne peut être que de se porter à l'aide des «libérateurs» soviétiques (Billotte, Consid. strat., 1957, p.40-11):
42. ... le gouverneur accéda à sa demande, à condition que l'officier commandant les troupes fût d'accord, et celui-ci fut d'accord à condition que l'officier commandant le peloton d'exécution n'y vît aucun inconvénient, et ce dernier se porta à la rencontre du photographe que l'on voyait courir portant son appareil et son trépied... Cendrars, Bourlinguer, 1948, p.163.
Au fig. Celui d'entre eux qui aurait eu l'habileté de se porter sans arrière-pensée au secours de la justice et de la vérité, sans se préoccuper du camp où elles se pouvaient découvrir, en eût sûrement, un jour, recueilli l'avantage (Clemenceau, Iniquité, 1899, p.150).Je ne contredirai jamais à cette formule, dont s'est armée une fois pour toutes la passion, en se portant à la défense du monde contre lui-même (Breton, Nadja, 1928, p.152).
[Le compl. désigne ce qu'on peut trouver ou ce qui a lieu à un certain endroit] Quand il fut décidé que le tribunal allait juger l'affaire du chevreuil, le bruit s'en répandit dans Molinchart, et la foule ne manqua pas de se porter à l'audience (Champfl., Bourgeois Molinch., 1855, p.196).À la mairie, où les hommes se portaient aux nouvelles, les employés s'agitaient, en sueur (Aragon, Beaux quart., 1936, p.155).
b) [Avec l'idée d'un mouvement offensif; le suj. désigne souvent une troupe armée]
[Avec compl. prép. (ou adv.) désignant un point de l'espace ou une direction] Il s'était décidé à quitter Belfort, à se porter ainsi en avant avec la deuxième division, l'artillerie de réserve et une division de cavalerie, incomplète (Zola, Débâcle, 1892, p.2).Le concours que j'attendais de l'armée britannique devait consister à se porter aussitôt que possible au nord de la Sambre, prête à marcher sur Nivelles (Joffre, Mém., t.1, 1931, p.271).
[Avec compl. introd. gén. par contre, sur désignant des pers. ou un lieu occupé par des pers.] Au moment où ce détachement de la garnison de Legnano se portait sur l'ennemi (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène, t.1, 1823, p.554).La populace ameutée se porta en masse contre l'Alcazar (Mérimée, Don Pèdre Ier, 1848, p.426):
43. ... plusieurs seigneurs s'étaient mêlés parmi le peuple, et, profitant de l'occasion, ils l'excitèrent à se porter contre les Juifs, dont ils étaient débiteurs pour de fortes sommes. On courut à leur quartier, on entra dans leurs maisons, on pilla toutes leurs richesses. Barante, Hist. ducs Bourg., t.1, 1821-24, p.201.
Au fig. Saint Ignace et son ordre, en se portant expressément contre le mal, firent de grandes choses, et pourtant devinrent bientôt eux-mêmes une portion de ce mal, en voulant trop le combattre sur son terrain, avec ses propres armes mondaines, et en ignorant trop l'antique esprit pratique intérieur (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.1, 1840, p.8).
[Le compl. inclut l'expr. de la finalité spécifique du déplacement; l'entité but du déplacement peut ne pas être exprimée] Le 10 au matin, en effet, comme la 6earmée se portait à l'attaque en exécution de ma directive de la veille au soir, elle sentit tout à coup la résistance ennemie céder devant elle (Joffre, Mém., t.1, 1931, p.417).
2. [Le suj. désigne un inanimé]
a) [Le suj. désigne un élément concr. mobile effectuant un déplacement effectif]
α) [Le suj. désigne une partie du corps] Bras qui se porte vers le haut; poids du corps qui se porte sur telle jambe; pied qui se porte en avant. Les gants noirs de la mère ont des crispations nerveuses et se portent machinalement à ses yeux rouges (Goncourt, Journal, 1871, p.723).Ici le calcul s'est développé sans que la main pût se porter sur l'objet (Alain, Propos, 1922, p.397).
[À propos des yeux et de la vue] Regard(s), vue, yeux qui se porte(nt) quelque part, sur/vers qqn/qqc. Noirtier regardait toujours le même objet; mais soudain son regard se porta de la femme au mari (Dumas père, Monte-Cristo, t.2, 1846, p.652).Ses yeux ronds bordés de rouge se portaient avec inquiétude d'un point à un autre comme si elle eût cherché l'endroit d'où allait venir la prochaine contrariété (Green, Journal, 1934, p.285).
β) [Le suj. désigne un liquide, un fluide, une onde] Les humeurs se portent, particulièrement aussi, vers la poitrine (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.238).L'électricité libre se porte à la surface du corps (Tscheuschner, Prévis. temps, 1919, p.8).L'oxygène se porte sur les électrodes en charbon (Guillet, Techn. métall., 1944, p.78).
b) P. anal.
α) [Le suj. désigne un état, un phénomène ou un fait dont la manifestation se déplace] Lorsque l'érésipèle se porte au col ou au visage (Geoffroy, Méd. prat., 1800, p.93).La guerre a dû se porter dans la province de Taranaki (Verne, Enf. cap. Grant, t.3, 1868, p.107).Le rayon avait exposé ses vêtements de couleur tendre, des jaquettes et des mantilles d'été, en soie légère, en lainage de fantaisie. Mais la vente se portait ailleurs, les clientes y étaient relativement clairsemées (Zola, Bonh. dames, 1883, p.778).
β) [Sans déplacement: le verbe désigne une direction dans la forme d'un élément concr.] La côte continue de se porter ainsi en arrière dans la même direction: mais bientôt elle présente une espèce de déviation subite pour se porter en devant (Cuvier, Anat. comp., t.1, 1805, p.203).
B. − Au fig.
1. [Le suj. désigne une pers.] Se présenter, se faire connaître en tant que, se déclarer comme.
a) [Avec attribut, introd. ou non par comme/pour, exprimant ou évoquant une fonction, un état]
[Avec comme/pour] Se porter comme le défenseur, le représentant de qqn/qqc., comme médiateur, pour arbitre, pour le répondant de qqn. Le philosophe, se portant pour un être qui ne donne aux hommes que leur valeur véritable (Chamfort, Max. et pens., 1794, p.51).Des conditions d'emprunt favorables ne permettaient pas aux membres des classes moyennes et aisées de se porter à nouveau comme acheteurs sur le marché libre (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr., 1967, p.348).
Se porter pour + inf. (rare):
44. Ne serait-il pas absurde, en effet, qu'ici, en 1829, je vinsse me porter pour avoir découvert, enfin, dans ce point du temps et de l'espace, et vous enseigner la vérité qui aurait échappé à trois mille ans de recherches infructueuses, et à tant de générations d'hommes de génie? Cousin, Hist. philos. XVIIIes., 1, 1829, p.29.
[Sans comme/pour] Se porter malade; se porter volontaire. Si, dès l'abord [en Italie], vous ne vous portez pas amoureux de la plus jolie femme du salon (...) vous êtes un animal curieux, vous venez de Paris (Stendhal, Rome, Naples et Flor., t.1, 1817, p.214).Hodlitz consulta le baron, qui se porta compétent pour donner gain de cause au petit musicien (Sand, Consuelo, t.2, 1842-43, p.352).Nous nous portons vos témoins avant que vous veniez, vous qui serez (Éluard, Donner, 1939, p.161).
[Sans art., souvent dans un cont. jur.] Se porter acquéreur; se porter fort de; se porter caution (pour qqn), héritier (de). En citant ces auteurs, écrit le P. Grimal, nous ne nous portons aucunement garant de leurs théories particulières (Bremond, Hist. sent. relig., t.3, 1921, p.677).V. garant ex. 1.
Se porter candidat. Poser sa candidature (à quelque chose). Gayet, piqué depuis peu de tarentule politique, venait de se porter candidat aux prochaines élections sénatoriales (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p.464).
b) [Sans attribut]
Vieilli. [P. ell. de l'attribut] Vous cherchez un badaud d'acheteur, je me porte (Augier, Joueur flûte, 1851, p.445).
Vieilli. Synon. de se porter candidat; synon. usuel se présenter.
[Avec compl. de lieu ou assimilable]
[évoquant la fonction visée ou les circonstances] Mais il [un peintre] travaille toujours, et il se porte à l'Académie, où il entrera (Balzac, P. Grassou, 1840, p.459).L'usinier, de Châteaudun, qui allait se porter de nouveau contre M. de Chédeville, aux élections prochaines (Zola, Terre, 1887, p.347).Depuis le jour où on lui a conseillé de se porter à la députation, Rousselin ne dort plus, ne mange plus (A. Daudet, Crit. dram., 1897, p.11).
[évoquant un cadre admin.] Vous savez que M. Thiers se portera l'an prochain dans notre circonscription (Zola, Pot-Bouille, 1882, p.219).
[Sans ce compl.; avec ou sans compl. introd. par contre] Un de mes vieux amis d'ici (non pas Corcelles qui se porte ailleurs), mais M. de Jussieu pense à se porter au nom du juste milieu (Lamart., Corresp., 1834, p.82).Un ancien député guesdiste se portait contre Millerand (Sorel, Réflex. violence, 1908, p.223).
Rare. [Avec compl. introd. par pour] Être favorable à, partisan de. C'est à vous que je pense surtout, mères des orphelins aux yeux vides, emperières des gisants et des malades, vous qui vous portez avec transport pour la Chine comme les Francs jadis pour la croisade (Claudel, Feuilles Saints, 1925, p.626).
2. [Le suj. désigne une pers. ou une forme d'activité de la pers.]
a) Vieilli ou littér. [Le suj. désigne une pers. (ou son esprit, sa volonté), le compl. un but, une finalité]
α) [Le compl., désignant gén. un état, un centre d'intérêt ou un fait, est introd. par à/vers] S'intéresser à, être attiré par quelque chose, diriger son intérêt et son action vers tel domaine.
[Le compl. évoque une direction gén., un niveau] Donner à son activité (surtout intellectuelle) telle direction. Se porter à toute la hauteur des plus dignes comparaisons (Sainte-Beuve, Port-Royal, t.1, 1840, p.122).M. le Ministre m'a semblé se porter sur un autre terrain que celui où, très nettement, je m'étais mis (Barrès, Cahiers, t.7, 1909, p.227).Nous nous porterons d'emblée au niveau de ces habitudes acquises volontairement (Ricoeur, Philos. volonté, 1949, p.265).
[Le compl. évoque un but partic.] Donner à son activité ou à sa pensée tel but, tel objet. Se porter à Dieu, à la philosophie, à la pratique. Nous avons cédé à l'impulsion générale des esprits, qui en Europe semblent se porter vers ces sciences avec une ardeur toujours croissante (Condorcet, Organ. instr. publ., 1792, p.469).Quoique destiné aux spéculations les plus élevées des sciences naturelles, Lucien se portait avec ardeur vers la gloire littéraire (Balzac, Illus. perdues, 1837, p.26):
45. Nos solitaires avaient leurs petites passions, même au sein de la pénitence: par moments, ils devenaient tous guerriers, comme on l'a vu sous la Fronde, et ils prenaient goût au mousquet; à d'autres moments, ils se portaient trop ardemment à la maçonnerie et aux ouvrages des mains pour l'agrandissement du monastère. Sainte-Beuve, Port-Royal, t.2, 1842, p.330.
β) [Le compl. introd. par à désigne une activité, un comportement dont l'agent est la pers. désignée par le suj.] Se laisser aller, se décider à faire telle chose, à se comporter de telle manière. Se porter à tels actes, à telle démarche, à des excès, à la révolte; se porter à qqc. sur soi-même, contre qqn. Un jour, il se portera à des violences contre Mmede Galbois (...) il la soufflettera (Goncourt, Journal, 1889, p.1037).L'affection exaltée de M. de Charlus, capable de se porter à des actes de passion, bons ou mauvais (Proust, Swann, 1913, p.357).Se portant à l'extrême opposé des prétentions régaliennes des légistes, ceux-ci [certains canonistes du XIVeet du XVes.] voulaient que tout droit, tout juste domaine et toute légitime possession soient enfermés comme en un écrin dans la poitrine du souverain pontife (Maritain, Primauté spirit., 1927, p.183).
[Le compl. est un inf.] Se porter à faire telle chose. Ce Chien était un disciple de Platon que l'étude de la vertu enflamma jusqu'au fanatisme, et qui se porta à tuer le tyran de sa patrie (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t.2, 1862, p.425).C'est en se faisant spectateur que l'on se porte à croire, à proportion, semble-t-il, de la passivité que l'on se donne (Hist. spect., 1965, p.13).
b) [Le suj. désigne l'esprit, une activité, une attitude; le compl. est introd. par sur/vers] Prendre pour objet, avoir pour nouvel objet. Admiration, désir, enthousiasme, espoir, faveur, rancune, tendresse qui se porte sur (ou vers) qqn/qqc.; attention, choix, conversation, intérêt, pensée, recherche(s), réflexion qui se porte(nt) sur (ou vers) qqn/qqc. Leurs méditations se portent successivement, et sur les différens objets de la nature, et sur eux-mêmes (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t.1, 1808, p.8).Il ne pense qu'à cela, et tous ses efforts se portent vers ce but (Lautréam., Chants Maldoror, 1869, p.197).Les suffrages pouvaient valablement se porter sur toute personne éligible (Vedel, Dr. constit., 1949, p.362).V. isolé II A 1 a ex. de Loti.
P. anal. [Le suj. désigne une chose, un phénomène] Un vésicatoire, dont l'action se porta sur les reins (Flaub., Bouvard, t.1, 1880, p.75).Cette augmentation se porte, en grande partie, faute de terres, sur du matériel destiné à intensifier la production (Debatisse, Révol. silenc., 1963, p.44).
Rem. Qq. empl. pronom. sont traités dans la 1resection: I A 1 a α (pronom. passif et pronom. réfl.), I A 1 b β (pronom. passif), I B 1 a α (pronom. réfl.), II A 2 b β (pronom. réfl., réciproque, passif), II B 1 a (pronom. passif), II C 1 a (pronom. réfl.), II C 2 a α (pronom. réciproque), II C 2 a β (pronom. réciproque).
REM. 1.
Portantine, subst. fém.Chaise à porteurs utilisée autrefois en Italie. Je suis venu, par un temps horrible, dans ce qu'on appelle une portantine. Cette malheureuse portantine (...) était formée de quelques bâtons, d'un carreau, d'un morceau de toile jeté sur les bâtons, et d'un parapluie de toile cirée, passé entre les bâtons supérieurs, et dont j'avais le manche contre la joue (Stendhal, Journal, 1811, p.177).
2.
Porter, subst. masc. sing.a) Fait ou manière de porter (un élément d'habillement). Superbe gaine (...) tissu filé «Lastex» (...) hauteur au porter 0 m 40 (Catal. jouets[Louvre], 1937).Résistance d'une semelle au porter (Rama1973).P. métaph. Donc, il serait souverainement injuste de faire porter sur vous seules [Ô femmes!] les reproches que tout être social mis sous le joug (conjugium) a le droit d'adresser à cette institution nécessaire, sacrée, utile, éminemment conservatrice, mais tant soit peu gênante, et d'un porter difficile aux entournures, ou quelquefois trop facile aussi (Balzac, Ptes mis., 1846, p.108).b) Synon. de porté III A. (Ds GDEL).
Prononc. et Orth.: [pɔ ʀte], (il) porte [pɔ ʀt]. Homon. et homogr. porte, subst. et porte/s, ent. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist.I. Trans. A. Supporter le poids de 1. a) fin xes. «produire en soi (d'une mère)» (Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 354: si portet lui); 1174-78 absol. (Étienne de Fougères, Manières, éd. R. A. Lodge, 1181: la dome conceit et porte); ca 1485 fig. (Mistere Viel Testament, éd. J. de Rothschild, 71: Portant en toy [Lucifer] la clarté); b) ca 1145 «produire» (Wace, Conception ND, éd. W. R. Ashford, 1018: fruit porta); 1188 fig. (Aimon de Varennes, Florimont, éd. A. Hilka, 4345 ds T.-L. 7, 1595, 29: largesce portet bone flor); 1557 (O. de Magny, Souspirs, éd. E. Courbet, p.11: [le cauteleux espoir] ne porte jamais fruict); 2. a) ca 1050 «tenir quelque chose qui pèse» (Alexis, éd. Chr. Storey, 558: se funt porter); b) fin xiiies. porter sa croix (dans le Nouveau Testament) (M. von Orelli, Der altfranzösische Bibelwortschatz des Neuen Testamentes im Berner Cod. 28, p.165: cil qui ne porte sa croiz [Lc 14, 27]); 1690 fig. (Fur.: chacun porte sa croix en ce monde [...] chacun a son affliction); c) 1812 milit. portez les armes! (Mozin-Biber); 1879 portez, armes! (A. Daudet, Rois en exil, p.289); 3. a) ca 1050 «avoir sur soi (vêtement, ornement, équipement...)» (Alexis, 411: helme e brunie a porter); ca 1100 fig. porter couronne «être roi» (Roland, éd. J. Bédier, 3538: el chef portez corone); ca 1165 fig. armes porter «être en guerre» (Troie, éd. L. Constans, 5371); 1946 fig. porter le chapeau «avoir une responsabilité» (Trignol, Pantruche, p.159, v. chapeau); b) ca 1130 «tenir (une partie du corps) de telle ou telle manière» (Gormont et Isembart, éd. A. Bayot, 311: le cheval porta haut le chef); c) 1174-76 porter le nom (Guernes de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 1237: portent le nun); d) 1376 «avoir sur soi (du fait de la nature)» (Modus et Ratio, éd. G. Tilander, chap.5, 50: [le cerf] a [...] porté dis cors); 1585 fig. porter les cornes, symbole de cocuage (Cholières, Matinées, VI, éd. E. Tricotel, p.233: les cornes ne se portent qu'à la teste); e) ca 1500 porter le deuil (Jardin de Plaisance, éd. E. Droz et A. Piaget, fo238 vo: porter dueil); 4. ca 1140 abstr. «subir, supporter» (Voyage Charlemagne, éd. G. Favati, 35: juïse a porter); 5. 1219 «contenir (en parlant d'un écrit)» (doc., éd. M. Gysseling ds Scriptorium t.3 1949, p.197 ds Drüppel Afr. Urk. 1984, p.94: si com lois portera); 6. a) 1505 porter dans son coeur «avoir de l'affection pour» (Gringore, Folles entreprises ds OEuvres compl., éd. d'Héricault-Montaiglon, t.1, p.113: je deusse estre portée En voz cueurs); b) 1538 p.ext. en parlant d'une chose (Est., s.v. fero: Ita tempus ferebat, le temps le portoit ainsy). B. Déplacer, transporter 1. a) fin xes. «prendre pour emporter; apporter» (Passion, 392: molt cars portavent unguemenz); b) 1368 porter en terre «enterrer» (Miracles ND par personnages, éd. G. Paris et U. Robert, t.4, p.196, 485: pour ce corps en terre porter); 2. a) fin xes. «donner, apporter (sentiment, aide, etc.)» (St Léger, éd. W. Foerster et E. Koschwitz, 2: a sos sancz honor porter); b) 1666 porter un jugement (Bossuet, Sermons, Honneur, Préambule ds Littré, s.v. jugement, § 8: l'honneur est un jugement que les hommes portent); 3. a) ca 1100 «orienter, diriger» (Roland, 260: n'i porterez les piez); b) 1540 fig. porter l'effort (Amadis, éd. H. Vaganay, p.189); 4. a) 1174-77 «porter témoignage» (Renart, éd. E. Martin, br. V, vers 548: porter teimoing); ca 1225 (G. de Coinci, Miracles [II Mir 18, 448], éd. V. F. Koenig, t.4, p.128: te port bon tesmongnage); b) 1540 porter un/des coup(s) (Amadis, p.227: portirent leurs coups [de hache]); 1611 fig. (Cotgr.: porter coup à la foy); c) 1578 (H. Estienne, Dialogues, éd. P. Ristelhuber, t.2, p.124: je vous porte ce verre de vin); 1640 (Oudin Curiositez: le porter: boire à quelqu'un); 1665 (Molière, Dom Juan, IV, 8: je te la [la santé] porte); 1812 porter un toste (Mozin-Biber, s.v. toste); d) 1604 porter atteinte (Montchrestien, Hector ds Tragédies, éd. L. Petit de Julleville, p.50: les coups [...] n'y portent point d'atainte [à l'honneur]); e) 1658 porter plainte (Pascal, Factum pour les curés de Paris ds OEuvres compl., éd. L. Lafuma, p.471a: porter nos plaintes à tous les tribunaux); f) 1835 porter conseil (Stendhal, L. Leuwen, t.3, p.330: la nuit eût porté conseil); 5. a) xves. [ms.] pourter «induire, pousser» (Complainte de Nostre Dame, ms. BN fr. 1300, éd. G. Tilander ds Neuphilol. Mitt. 1933, p.199: jonesse, qui me pourte); b) 1604 être porté à «être naturellement poussé à» (Montchrestien, Épistre ds Tragédies, p.[LIII]); c) 1677 être porté d'affection envers (Miege); 1689 (être) porté pour «avoir de l'affection pour» (Mmede Sévigné, Corresp., 30 avr., éd. R. Duchêne, t.3, p.587: je me sens portée pour elle); d) 1866 être porté sur (Delvau: être porté sur sa bouche); 1873 (Corbière, Amours jaunes, p.197: t'es porté sur la chose?); 6. a) 1656 porter à «amener à, faire arriver à» (Molière, Dépit amoureux, II, 1, 395: il vous veut porter au mariage); b) 1830 porter à la connaissance de (Chantelauze ds Rec. textes hist., p.195); c) 1899 porter à la scène (P. Lalo, Mus., p.229); 1921 porter à l'écran (Cinémagazine, 18 nov., 18/1 ds Giraud 1956, p.153); 7. a) 1675 «mettre par écrit» (J. Savary, Parfait négociant, p.355: celuy qui porte [...] des marchandises et dettes actives); b) α) 1869 se porter malade (Erckm.-Chatr., Hist. paysan, t.2, p.196); 1918 se faire porter malade (Bourget, Némésis, p.99); β) 1900 se faire porter pâle (d'apr. Esn., s.v. pâle); 1915 (Benjamin, Gaspard, p.40). II. Intrans. 1. [1172-90 hérald. (Chrétien de Troyes, Perceval, éd. F. Lecoy, 8055: porte un escu de cartiers)] fin xives. prob. p.ell. porter de hérald. (Froissart, Chroniques, éd. G. Raynaud, l. 2, § 31, t.9, p.43: uns chevaliers [...] qui [...] porte d'argent à un fier de molin de gheules); 2. a) 1465 artill. «avoir une portée» (J. de Roye, Chron. scandaleuse, éd. B. de Mandrot, t.1, p.96: l'artillerie du roy portoit de Paris jusques en ladicte Granche); b) ca 1500 p.ext. (Philippe de Commynes, Mém., éd. J. Calmette, t.1, p.47: autant que la veue povoit porter); c) 1585 «toucher le but» (N. Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t.1, p.324: les coups portent quelques fois); d) 1640 fig. «avoir de l'effet» (Oudin Curiositez, p.441: le coup a porté. l'affaire a eu de l'effet); 3. a) ca 1470 porter sur «avoir pour objet» (Georges Chastellain, Chron., éd. Kervyn de Lettenhove, t.3, p.60: ceste créance, combien que elle portast sur tous les deux); 1671 (Pomey: son discours portoit sur cela); b) 1594 «frapper, heurter» (Lettres miss. de Henri IV, t.4, p.286 ds Gdf. Compl.: le coup [...] ne m'a porté que dans la face); 1694 (Ac., p.277b: la teste a porté); c) 1596 porter à faux archit. (E. Drot, Minutes notaires Yonne, p.188: les fillières qui portent à faux); d) 1762 fig. «reposer, être soutenu» (Rousseau, Émile, IV ds OEuvres compl., Pléiade, t.4, p.539: la confiance [...] doit porter sur l'autorité de la raison); e) ca 1770 expr. porter à la tête (Id., Confessions, X, ibid., t.1, p.527: que la vapeur de cet encens m'ait porté à la tête); f) 1817 expr. porter sur les nerfs (Jouy, L'Hermite de la Guiane, 29 janv. ds Quem. DDL t.3); 4. mil. xvies. mar. «se diriger, faire route» (Navigation faite par Jacques Cartier en 1535 et 1536, Tross, p.245 ds Gdf. Compl.). III. Pronom. 1. ca 1180 «se comporter» (Jean le Nevelon, Vengeance Alexandre, éd. E. B. Ham, 717: Tant com li dui cheval se porterent courant); 1269-78 (Jean de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 10629: qui si bien s'est vers moi portez); 2. ca 1342 «se diriger (vers)» (Renart contrefait, éd. Raynaud-Lemaître, 1836: Tant c'est par journées portés); 3. ca 1350 «être candidat au titre de» (Gilles li Muisis, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t.1, p.319: li Baviers empereur se portoit); 1376 (Bail, Arch. Nat. MM 30, fo52 rods Gdf. Compl.: se [...] porter pour heritier); 4. fin xives. «être dans tel ou tel état, ou situation» (Froissart, Chroniques, éd. L. Mirot, l. 3, § 58, t.12, p.205: je me porte assez bien); fin xives. (Manière de lang., 390 ds T.-L. 7, 1600, 4: comment vous avez vous portee?); 5. 1634 se porter à «se laisser aller à» (Corneille, Galerie du Palais, V, 4, 1586); 6. a) 1857 «être porté (vêtement, parure)» (Fromentin, Été Sahara, p.146); 1844 très bien porté «à la mode» (A. Dumas père, Laird de Dumbiky, I, 12, p.33); 1851 fig. c'est très bien porté «c'est de bon ton» (Id., Villefort, II, 4, p.198). IV. Inf. subst. 1835 «effet produit par un vêtement que l'on porte» (Balzac, Goriot, p.159: d'un joli porter). Du lat. portare «transporter; porter; apporter; au fig. porter (secours, espérances, nouvelles, gloire, etc.)», lat. chrét. «supporter, soutenir; endurer, subir; apporter, procurer; porter en soi, avoir en soi». Portare a supplanté, dès la fin de l'époque impériale, le verbe ferre, plus littér. et de conjug. plus difficile (cf. Ern.-Meillet; FEW t.9, p.220 et Vään. 1967, p.78). Fréq. abs. littér.: 29772. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 48463, b) 44868; xxes.: a) 38492, b) 38067. Bbg. Barb. Loan-words 1921, p.263. _ Fichez-Vallez (E.). À propos du verbe porter. Mod. Ling. 1981, t.3, no1, pp.28-53; Ét. distributionnelle et transformationnelle du verbe porter. Thèse, Paris, 1979, 355 p.; Relations de synon. entre les verbes porter et apporter. B. Centre Anal. Discours. 1980, no4, pp.149-180. _ Henschel (B.). Qq. dat. nouv. du 18es. Fr. mod. 1969, t.37, p.121. _ Quem. DDL t.9, 18.