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ÉPAISSEUR, subst. fém.
I.− Au sing.
A.− Distance séparant deux surfaces, deux courbes. Épaisseur d'une étoffe, d'une paroi; épaisseur d'une ligne; surfaces sans épaisseur. On eût dit un tapis de velours de trois couleurs et d'épaisseur inégale (Fromentin, Été Sahara,1857, p. 16).On déchargeait la terre à coups de tombereau, sur une épaisseur d'un mètre au moins, car elle devait se tasser (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 141):
1. ... quand nous cherchons à imaginer une courbe, nous ne pouvons pas nous la représenter sans épaisseur; de même, quand nous nous représentons une droite, nous la voyons sous la forme d'une bande rectiligne d'une certaine largeur. Nous savons bien que ces lignes n'ont pas d'épaisseur; nous nous efforçons de les imaginer de plus en plus minces et de nous rapprocher ainsi de la limite; nous y parvenons dans une certaine mesure, mais nous n'atteindrons jamais cette limite. H. Poincaré, La Valeur de la sc.,1905, p. 17.
SYNT. Épaisseur d'une couche, d'un revêtement, d'un tissu; épaisseur du crâne, de la peau; épaisseur d'un trait. Faible, forte, grande, mince épaisseur; épaisseur uniforme; à épaisseur égale. Avoir beaucoup, peu, plusieurs mètres, quelques centimètres d'épaisseur. Une épaisseur de cinq pouces; de l'épaisseur d'un doigt.
En partic.
1. L'une des dimensions d'un solide, en général la plus petite.
a) [P. oppos. à la longueur et à la largeur (dimension verticale) ou p. oppos. à la longueur et à la hauteur (dimension horizontale) dans le cas du parallélipipède] Épaisseur d'un livre, d'un mur. Le tout [des planches] de dimension diverse, en épaisseur, longueur, largeur (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 49):
2. On démolirait à coups de fusil ces fortifications ridicules, mangées de lierre et couronnées de giroflées sauvages, tout au plus égales en hauteur et en épaisseur aux murailles d'un couvent. Zola, La Fortune des Rougon,1871, p. 38.
Spéc., IMPR. Longueur, largeur, profondeur, nommées en imprimerie corps, épaisseur, et hauteur, sont les trois dimensions géométriques des caractères, qui sont tous autant de parallélipipèdes (Momoro, Impr.,1794, p. 191).
b) [P. oppos. au rayon, au diamètre, à la section, ou inversement à la longueur ou à la hauteur, dans le cas du cylindre] :
3. On n'a pas facilement dans l'œil le poids et la surface d'une croquette, alors, avec une petite différence de rien dans le rayon ou l'épaisseur, on gagne incroyablement sur la quantité. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 26.
Loc. fig. [Pour exprimer une quantité ou une différence infime] L'épaisseur d'un cheveu, d'un fil. Il ne faut qu'une minute, la tentation d'un instant, l'épaisseur d'un cheveu (Flaub., Tentation,1849, p. 406).On obtient à l'épaisseur d'un cheveu près la longueur d'une circonférence ayant pour rayon la distance moyenne de la terre au soleil (Gds cour. pensée math.,1948, p. 100).
[Suivi d'un nom abstr.] Il y a juste l'épaisseur d'une impatience (Bourget, Disciple,1889, p. 75).
2. Portion d'espace ou quantité de matière envisagée d'après cette dimension. D'innombrables expansions nerveuses, cachées dans l'épaisseur des chairs (Cabanis, Rapp. phys. et mor.,t. 1, 1808, p. 83).Il y a aussi une lucarne ménagée dans l'épaisseur du granit (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 194).
B.− Caractère de ce qui est épais.
1. Caractère de ce qui est important en épaisseur (cf. supra I A).Une glace verdâtre dont les côtés, coupés en biseau pour en montrer l'épaisseur, reflétaient un filet de lumière (Balzac, E. Grandet,1834, p. 27).
P. ext. Caractère de ce qui a un volume important, parfois excessif; de ce qui a un aspect massif. Épaisseur de la taille, de la tournure. Un « romain racinien », la masse, la robustesse, l'épaisseur des architectures romaines, mal civilisées (Du Bos, Journal,1928, p. 58).Le type « terre », (...) a l'étroitesse de front, la lourdeur de visage et l'épaisseur de cou qui symbolisent son instinct dominant (Mounier, Traité caract.,1946, p. 122):
4. C'est ignoble, cette épaisseur! Des joues, du ventre, et de l'importance comme un tonneau. Renard, Journal,1903, p. 844.
2. Caractère de ce qui est constitué d'éléments nombreux et serrés, de ce qui a beaucoup de consistance ou une forte densité.
a) Domaine physique.L'épaisseur d'une forêt, d'un taillis, de la végétation; l'épaisseur des cheveux; l'épaisseur d'un sirop; l'épaisseur de l'atmosphère, du brouillard, des ténèbres. Au lieu de ces clairs miroirs où l'on aperçoit si nettement l'âme des fillettes, elle [Thérèse] avait deux trous sombres, d'une épaisseur d'encre, dans lesquels il était impossible de lire (Zola, Cap. Burle,1883, p. 155).Il (...) se heurta aux ouates noires et trembla devant l'épaisseur, l'hostilité, l'impossible opacité de la nuit (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 320):
5. Des mamelons herbus y descendaient jusqu'à la mer en amples pâtis auxquels la saturation de l'humidité et du sel donnait une épaisseur, un moelleux, une vivacité de tons extrêmes. Proust, Sodome et Gomorrhe,1922, p. 895.
P. méton. Partie la plus épaisse d'une chose ou masse constituée par une chose épaisse. Un frais soleil pénètre en l'épaisseur des bois (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1852, p. 220).Un nourrisson perdu dans l'épaisseur de la foule (Duhamel, Cécile,1938, p. 156).
b) Au fig., péj. Caractère de ce qui manque de finesse, de pénétration, d'élégance ou de raffinement. Épaisseur de l'esprit, du jugement. Que vous êtes grossier, monsieur! quelle épaisseur dans vos paroles! (Musset, Lettres Dupuis Cotonet,1836, p. 670).On ne verrait plus des peintres sourire dédaigneusement et crier à la vulgarité et à l'épaisseur devant ce précurseur qui a atteint, dès le XVIIesiècle, aux plus tendres, aux plus exquises fluidités impressionnistes (Lhote, Peint. d'abord,1942, p. 81).
C.− Au fig. (de A et B). [Appliqué à une réalité d'ordre intellectuel ou moral] Qualité de ce qui apparaît comme doté d'une troisième dimension (relief, profondeur) et constitué d'éléments nombreux et variés qui lui confèrent richesse, consistance et densité. L'épaisseur de la réalité, de la vie; épaisseur humaine, romanesque :
6. ... je n'eus plus l'impression d'être en présence d'un morceau particulier d'un certain livre de Bergotte, traçant à la surface de ma pensée une figure purement linéaire, mais plutôt du « morceau idéal » de Bergotte, commun à tous ses livres et auquel tous les passages analogues qui venaient se confondre avec lui auraient donné une sorte d'épaisseur, de volume, dont mon esprit semblait agrandi. Proust, Du côté de chez Swann,1913, p. 94.
7. ... il n'y aurait pas le présent, c'est-à-dire le sensible avec son épaisseur et sa richesse inépuisable, si la perception, pour parler comme Hegel, ne gardait un passé dans sa profondeur présente et ne le contractait en elle. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 277.
II.− Au sing. et au plur. Chose épaisse ou plus ou moins épaisse.
A.− Couche, étendue de matière plus ou moins épaisse. Une épaisseur de bois, de neige. Cette opération se fait à l'aide d'épaisseurs successives de papier (E. Leclerc, Nouv. manuel typogr.,1932, p. 240).En dépit des fenêtres closes, et la triple épaisseur des rideaux de tulle (Bernanos, Joie,1929, p. 679):
8. Il y avait, à sa partie supérieure [de la berge], une bonne épaisseur de terre végétale où on voyait pendre par touffes les racines du chiendent; dessous venait une couche de sable, puis une couche de cailloux; enfin venaient en pente douce les bancs de gravier... Ramuz, La Grande peur dans la montagne,1926, p. 155.
P. métaph. Au moment où fut si étrangement articulé ce nom qu'il avait enseveli sous tant d'épaisseurs (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 271).
B.− Chose épaisse ou ensemble de choses constituant une couche ou une masse épaisse. [Les] quatre-vingts escadrons de Murat, qui traversèrent de part en part l'armée russe, jonchant le sol d'une telle épaisseur de cadavres, que Napoléon lui-même en pleura (Zola, Débâcle,1892, p. 59).Les colossales épaisseurs calcaires édifiaient dans le ciel de hauts autels d'une noblesse angélique (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 507).
P. métaph. Tout cela très étouffé, très amorti par des murailles, des portes, (...) des épaisseurs d'air domestique dix et dix fois respiré (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 51).
Au fig. Achevé « Une Page d'amour »; non indigne de la série, et remarquable malgré des lourdeurs, lenteurs et épaisseurs de style presque constantes (Gide, Journal,1934, p. 1207).Si brusquement, entre les deux armées, un éclair de conscience déchirait cette épaisseur de mensonge! (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 645).
Rem. gén. Il existe un autre emploi du plur. d'ordre stylistique. Le subst. conserve sa valeur abstr. et le plur. a une valeur augmentative. Il ouvrit les yeux et essaya de percer les épaisseurs de l'obscurité (Dumas père, Monte-Cristo, t. 1, 1846, p. 237). Dans les épaisseurs de la nuit sèche et froide, des milliers d'étoiles se formaient sans trêve (Camus, Exil et Roy., 1957, p. 1572).
Prononc. et Orth. : [epεsœ:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1570-82 « état de ce qui est dense, compact » dempsité ou espesseur (N. Oresme, Livre du Ciel et du Monde, éd. A. D. Menut et A. J. Denomy, 112b 3-6 ds Med. St., t. 5, p. 304); fin xives. « en parlant de végétation » (Chr. de Pisan, Poés., B.N. 604, fo126 vods Gdf. Compl.); 1690 « caractère de ce qui est profond » espaisseur des tenebres (Fur.); 2. 1399, 28 janv. « l'une des trois dimensions d'un corps par opposition à la longueur et à la largeur » (Ord., Reg. de la vinnerie, drapperie, 1343-1451, fo163 ro, A. Tournai ds Gdf. Compl.); 3. 1671-82 « état, aspect de ce qui est massif » (Boil., Lutr., I ds Littré); 1713 en parlant de qualités intellectuelles (Hamilt., Gramm., 10, ibid.). Dér. de épais*; suff. -eur1*; a supplanté l'a. fr. espeisse, espoisse, v. aussi épais. Fréq. abs. littér. : 1 427. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 436, b) 1 698; xxes. : a) 1 243, b) 2 331. Bbg. Archit. 1972, p. 155. − Dub. Dér. 1962, p. 41. − Lew. 1960, p. 133.