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ENTRECOUPER, verbe trans.
A.− [Entre- signifie « par intervalle »] Interrompre par intervalles la continuité d'un espace, le déroulement d'un procès. De grands sanglots entrecoupaient ses phrases (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1030):
1. Plus loin, les palmiers de la plaine élèvent, derrière des collines basses d'oliviers, leurs panaches de vert jaune, et entrecoupent la longue ligne de sable doré qui borde la mer. Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 258.
[Le verbe peut être suivi d'un second compl. introduit par de, par, avec] :
2. J'ai fort peu travaillé. J'ai vu et reçu beaucoup de monde, genre de vie qui ne me convient pas quand je ne l'entrecoupe pas par le travail. Delécluze, Journal,1825, p. 285.
3. De vastes clairières, où paissaient des troupeaux demi-sauvages, entrecoupaient de lisières d'un vert tendre ces masses d'un ton vigoureux. Sand, Lélia,1833, p. 263.
Rem. Noter chez Proust un emploi où il y a croisement entre l'idée d'intervalle et celle de réciprocité : Comme dans certaines scènes de Molière où deux acteurs monologuant depuis longtemps chacun de son côté à quelques pas l'un de l'autre, sont censés ne pas s'être vus encore, et tout à coup s'aperçoivent, n'en peuvent croire leurs yeux, entrecoupent leurs propos, finalement parlent ensemble (J. filles en fleurs, 1918, p. 694).
B.− [Le verbe est en emploi pronom. et entre- marque la réciprocité]
1. Emploi pronom. Se croiser. Deux nefs qui s'entrecoupent en croix (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 134).Car ce sont de vraies ruelles. Elles sont tortueuses, elles s'entrecoupent (Ramuz, Derborence,1934, p. 139).
2. S'entrecouper + compl. d'obj. dir.Se trancher mutuellement. Supposé (...) que les Allemands s'entrecoupent la gorge, l'Italie s'alliera-t-elle à la Prusse? (Mérimée, Lettres Panizzi,1870, p. 183).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃tʀ əkupe], (j')entrecoupe [ɑ ̃tʀ əkup]. Ds Ac. 1694-1932. Cf. entre-. Étymol. et Hist. 1. Ca 1175 « (se) couper mutuellement » (B. de Ste-Maure, Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 23621); 2. 1240-80 trans. « interrompre » ma parole entrecoper (B. de Condé, Dits et contes, 274, 189 ds T.-L.); 3. 1622 « croiser » (E. Binet, Merv. de Nat., préf. du chap. XVII, éd. 1622 ds Gdf. Compl. : [poissons] entre couppant leurs cours). Composé de entre* et de couper*. Fréq. abs. littér. : 68.
DÉR.
Entrecoupement, subst. masc.Action de se couper, de se croiser avec. Je ne prends point pour entrecoupements ces croisements confus où l'œil se perd. Une des raisons pour lesquelles les édifices de fer ne sont point beaux est sans doute dans ces jours innombrables que le constructeur doit laisser entre les piliers et les arcs-boutants (Alain, Beaux-arts,1920, p. 178).Le résultat d'un certain entrecoupement de l'être avec le néant (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 221).Rem. a) On rencontre ds la docum. entrecoupure, subst. fém. Même sens. C'est par le moyen de l'eau, et par l'entrecoupure de ses différents niveaux, que tant de figures, régulièrement irrégulières, se sont formées dans l'intérieur des marbres (Bern. de St-P., Harm. nature, 1814, p. 236). b) Le déverbal fém. entrecoupe signalé ds les dict. n'est pas attesté. [ɑ ̃tʀ əkupmɑ ̃]. Cf. entre-. 1reattest. 1584 (Ronsart, Œuvres, éd. I. Silver et R. Lebègue, t. 18, Élégie, p. 33, 17); du rad. de entrecouper « croiser, chevaucher », suff. -(e)ment1*. Fréq. abs. littér. : 4.