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EMPRUNTER, verbe trans.
A.− [Le suj. désigne une pers.; le compl. d'obj. désigne une chose concr.; le verbe peut être suivi d'un compl. second. introduit par de (vieilli) ou par à, désignant la pers. à qui on emprunte] Recevoir à titre de prêt. Emprunter de qqn (Ac.) Elle n'avait point de robe. Sa mère emprunta une robe rayée, un fichu, une coiffe de dentelle à la citoyenne Blaise (France, Dieux ont soif,1912, p. 254).Je lui rendais les livres que je lui avais empruntés, il m'en prêtait d'autres (Beauvoir, Mém. jeune fille,1958, p. 201):
1. J'étais un peu étourdi parce qu'il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a quelques mois. Camus, L'Étranger,1942, p. 1125.
En partic. [Le compl. d'obj. désigne une somme d'argent] La question entre nous (...) se réduit à savoir si je vous présente des garanties suffisantes pour la somme que je viens vous emprunter (Balzac, Gobseck,1830, p. 410).J'ai emprunté de mon oncle dix mille francs (Ac.1835, 1878).Disraëli (...) prêtait à des amis de l'argent emprunté pour eux et qu'ils ne lui rendaient jamais (Maurois, Disraëli,1928, p. 103).
[Avec un compl. introduit par sur, désignant un gage, une garantie] Remboursement (...) des sommes que nous avons empruntées sur les titres de Joseph et de Ferdinand (Duhamel, Terre promise,1934, p. 13).
Emploi abs. Être obligé d'emprunter. Il entra dans la voie terrible des usures; il emprunta aux pires bourgeois, hypothéqua ses châteaux, aliéna ses terres (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 78).Pour reconstruire (...) tout ce qui avait été détruit (...) on avait dû continuellement emprunter, dévaluer la monnaie, renoncer aux dépenses de modernisation (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 235):
2. Donnez vos bronzes à Christie qui les vendra, et empruntez sans crainte. Les bronzes et mes diamants payeront pour le voyage. Sur cette certitude vous pouvez emprunter de l'évêque. Staël, Lettres inédites à L. de Narbonne,1793, p. 156.
[Avec un compl. introduit par sur, désignant un gage, une garantie] On ne la mange pas, la terre! (...) j'ai emprunté dessus, parce que c'est ma façon à moi, d'y faire pousser des pièces de cent sous (Zola, Terre,1887, p. 330).
B.− Au fig.
1. Vieilli ou littér. [Le suj. désigne une pers. ou une manifestation d'une pers.; le compl. d'obj. désigne un attribut, une manifestation d'une pers.; le verbe est suivi d'un compl. second. introduit par de (vieilli) ou par à, désignant la pers. ou la chose à qui on emprunte] Recevoir, tenir de. Ce raisonnement emprunte de la circonstance présente une nouvelle force (Ac.).Les magistrats empruntent leur autorité du pouvoir qui les institue (Ac.1835, 1878).Cette huile sacerdotale et royale qui nous confère notre éminence de chrétiens (...), cette huile à qui nous empruntons notre nom qui propre ment est « oints » (Claudel, Poète regarde Croix,1938, p. 264):
3. ... lorsqu'une classe n'est pas encore prête historiquement, (...) lorsque sa révolution empruntant sa force du mouvement ennemi n'est encore qu'une révolution parasitaire, elle ne peut se promettre quelque succès que si elle tient la révolution ouverte et « en permanence » ... Jaurès, Ét. socialistes,1901, p. XX.
En partic. [Le compl. d'obj. désigne la lumière] Tous les Tartares en général ont le plus grand respect pour le soleil; ils le regardent comme le pere de la lune, qui emprunte de lui sa lumière (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 22).
2. Prendre quelque chose pour se l'approprier, pour l'utiliser ou pour l'imiter.
a) [Le suj. désigne une pers.; le compl. d'obj. désigne un attribut, une manifestation d'une pers.; le compl. second. introduit par de (vieilli) ou par à (ou le compl. du nom du compl. d'obj.) désigne une pers. ou une manifestation d'une pers.] Emprunter l'apparence, la manière de penser de quelqu'un. L'état royal emprunta à l'inquisition beaucoup de ses procédés et suivit presque toujours ses principes (Sorel, Réflex. violence,1908, p. 147).Steeny n'est qu'un faux nom, un sobriquet emprunté par Michelle à son roman anglais favori (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1355):
4. ... je n'éprouve qu'un sentiment très pénible devant ces modernes églises gothiques, bâties par un architecte en redingote, rajustant des fragments de dessins empruntés aux vieux temples. Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 192.
En partic. [Le compl. d'obj. désigne un fait de lang. ou de discours]
CRIT. LITTÉR. [Le compl. d'obj. désigne un procédé, un fait littér.] Emprunter un exemple, une tournure, un personnage à un auteur, à une œuvre; emprunter une comparaison à la mythologie. Je serais tenté de croire que Schiller a emprunté le beau caractère de Max Piccolomini (...) de celui du comte Maximilien de Wallstein (Constant, Wallstein,1809, p. 196).Paris est vide, il n'y a pas d'idées à emprunter, et j'ai la tête trop malade pour en trouver dans mon propre fonds (Mérimée, Lettres ctesse de Boigne,1870, p. 166):
5. Paris n'a pas été capable de créer un schème dramatique nu, populaire, original : au xviieet au xviiiesiècles il a emprunté Arlequin et Polichinelle à l'Italie, au Guignol à Lyon, au xixeUbu aux collégiens de Rennes. Thibaudet, Réflexions sur la litt.,1936, p. 172.
LING. [Le suj. et le compl. second. désignent une lang.; le compl. d'obj. désigne une unité de lang. en partic. un mot] Soulager les mots empruntés au grec de leurs vaines lettres parasites (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 60):
6. Très peu de mots marins appartiennent au français d'origine; ils ont été empruntés aux langues germaniques et scandinaves, au provençal, à l'italien... Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899p. 90.
[Le compl. d'obj. désigne un nom, une dénomination] On a souvent noté que les noms des instruments de force ou des bois de charpente sont empruntés aux animaux (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899p. 174):
7. Ils nous montrèrent encore et le pic de l'Épée, et plusieurs autres auxquels ils donnent des noms le plus souvent empruntés de leurs ustensiles, de leurs armes, ou de la configuration des lieux les plus frappants. Dusaulx, Voyage à Barège,t. 1, 1796, p. 272.
b) [Le suj., le compl. d'obj. et le compl. second. désignent une chose abstr.] De midi à 3 h, c'est l'heure creuse et calme où le jour emprunte à la nuit son silence (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, p. 934).Le sentiment emprunte à l'instinct son masque et son langage, mais n'épouse ses formes que pour mieux libérer son contenu (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 101):
8. ... les apparences du malheur sont si fréquemment empruntées par la ruse et l'artifice, qu'on est porté à se mettre en garde contre des formes si souvent trompeuses. Constant, Journaux intimes,1805, p. 195.
c) Rare, recherché ou style précieux. [Le suj. désigne une pers. ou une chose; le compl. d'obj. désigne une chose concr.; le verbe est suivi d'un compl. second. introduit par à, désignant la chose à qui on emprunte] Des villages et même des villes, dans les contrées sèches de Chaldée (...) ont emprunté exclusivement à l'argile et aux briques crues leurs matériaux (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 153).Des poisons variés qu'il avait empruntés à son arsenal de chimiste (Maurois, Ariel,1923, p. 34):
9. La porte, bâtie de trois morceaux de planches vermoulues évidemment empruntées aux débris du plancher de la cabane supérieure, n'avait d'autre serrure qu'un loquet de bois... Lamartine, Le Tailleur de pierre de Saint-Point,1851, p. 411.
3. [Le suj. désigne une pers.; le compl. d'obj. désigne un attribut, une manifestation d'une pers.] Avoir recours à, utiliser occasionnellement. Emprunter le langage de la raison. Je suis même obligé d'emprunter la main d'un secrétaire pour vous répondre (Chateaubr., Corresp.,t. 1, 1789-1824, p. 306):
10. ... comme tous les mystiques, ces philosophes parlent volontiers d'une naissance de Dieu en notre âme ou, pour emprunter le langage significatif de Claudel, d'une co-naissance de Dieu et de notre âme. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 51.
P. ext., style recherché.
[Le compl. d'obj. désigne une voie de communication] Emprunter une rue. L'itinéraire de Marco Polo, empruntant les vallées et les cols (Giraudoux, Simon,1926, p. 105).Louis VII, renonçant à poursuivre sa route par terre jusqu'en Syrie, décida d'emprunter la voie de mer (Grousset, Croisades,1939, p. 169).
[Le compl. d'obj. désigne un moyen de transport] J'ai décidé d'emprunter le train de 11 h 09 (Bernanos, Joie,1929, p. 708).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃pʀ œ ̃te], (j')emprunte [ɑ ̃pʀ œ ̃:t]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1125-50 « prêter » (Pèl. de Charlemagne, éd. E. Koschwitz, 593); 2. ca 1150 « se faire prêter » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjo, 731); ca 1200 part. passé « gauche, maladroit » (Raimbert de Paris, Ogier le Danois, 4789 ds T.-L.); 3. p. ext. 1erquart xiiies. « utiliser » (Renclus de Molliens, Charité, 177, 5 ds T.-L.). Du lat. pop. *imprumutuare, altération par assimilation régressive d'un lat. vulg. *impromutuare formé sur le lat. class. jur. promutuari « emprunter ». Fréq. abs. littér. : 1 507. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 2 506, b) 1 857; xxes. : a) 1 858, b) 2 156. Bbg. Cohen 1946, p. 15. − Gottsch. Redens. 1930, pp. 140-141, 183, 310. − Jordan (L.). « Impromutare » > « emprunter ».