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DARDER, verbe.
I.− Emploi trans.
A.− [P. réf. à dard1A 1 a]
1. [Le suj. désigne une pers.]
a) [Le compl. d'obj. désigne un animal, notamment marin] Frapper avec un dard, chasser ou tuer un animal à l'aide d'un dard, d'une arme pointue. Ces flèches ne sont que des lances qui leur servent à darder le poisson (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 236).Élina, je darderai pour toi la baleine (Chateaubr., Natchez,1826, p. 236).
P. anal. [Le suj. désigne un inanimé] Frapper en piquant. La pluie continuait (...). C'étaient des aiguilles (...) qui vous dardaient la peau (Richepin, Miarka,1883, p. 218).
P. ext. Se diriger violemment vers. Les sergents-majors (...) surgirent au-dessus de la foule, dardant des pointes nues de leurs sabres une constellation de vieilles assiettes (Courteline, Ronds-de-cuir,1893, 6etabl., 3, p. 257).
b) [Le compl. d'obj. désigne le projectile lancé] Darder une lance. Lui-même [le combattant] décochait les flèches ou dardait les javelines puisées aux carquois latéraux (Gautier, Rom. momie,1858, p. 223).Les mains de l'homme (...) comme deux bêtes agiles et méchantes (...) crochaient une grenouille à tâtons, saisissaient le manche du couteau et dardaient la lame bleuâtre (Genevoix, Boîte à pêche,1926, p. 186).
P. anal. ou p. métaph. Montaigne, d'autres l'ont relevé, a beaucoup de Sénèque pour le trait, mais il ne l'a pas tendu comme lui, et il le jette, même quand il le darde, plus au naturel et d'un air plus cavalier (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 2, 1842, p. 445).Jean de Meung, en reprenant la même cause, darde ses traits contre l'institution même des ordres religieux (Faral, Vie temps St Louis,1942, p. 252).
c) Emploi pronom. réfl., rare. Un gauchissement, un clin des immenses rémiges, et le [le condor] voilà qui (...) se darde comme un trait foudroyant (Genevoix, Routes avent.,1958, p. 91).
2. [Le suj. désigne une source lumineuse très vive, le compl. d'obj. désigne les rayons lancés par elle] Lancer, émettre un trait lumineux avec force en direction de quelqu'un ou de quelque chose.
a) [La source est le soleil ou un astre, les traits ses rayons]
α) [Avec compl. d'obj. exprimé]
[Avec réf. à l'emploi A 1 b] Le soleil commence à darder ses flèches acérées (A. France, Pierre bl.,1905, p. 41).
[Sans cette réf.] Ce rayon de vie que cet astre [le soleil] darde (Lamart., Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 27).Apollon passe en dardant ses éclairs (Leconte de Lisle, Poèmes ant.,1852, p. 188):
1. Tout à coup le soleil, déchirant les nuages, Sur les casques, sur les lances, sur le drapeau Darda ses traits de flammes... Coppée, La Guerre de Cent ans,1878, p. 177.
P. ext. Les diamants dardaient des feux (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 13).
Rare. [En parlant de la lune] La lune n'y dardait pas un seul rayon (Sand, Lélia,1839, p. 443).
β) Emploi abs. Lancer ses rayons, briller; en partic., brûler. Le soleil dardait d'aplomb sur le toit (Lamart., Confid.,1849, p. 185).Un soleil brûlant et splendide éclaire l'oasis, darde sur cette sorte de place (...) où nous étions campés (Loti, Désert,1895, p. 169).Et si, tantôt, dans la salle à manger, le soleil dardait par les interstices des stores ou des rideaux, il perce à présent au travers des frondaisons presque opaques (Jammes, Mém.,1921, p. 106).
Rare. [Le suj. désigne les rayons de l'astre] Un rayon, dardant entre deux nuages, les [les tours de Notre-Dame] dorait (Zola, Page amour,1878, p. 905).
P. métaph. Rayonner, brûler. Cette Face sanglante de Crucifié qui avait dardé dix-neuf siècles (Bloy, Désesp.,1886, p. 197).L'idée du meurtre dardait en lui [Dan Yack] comme ce soleil sur les champs de glace, comme ce soleil qui maintenant ne se couchait plus (Cendrars, Confess. Dan Yack,1929, p. 173).À quel point l'humanisme dardait à la Renaissance (L. Daudet, Universaux,1935, p. 135).
Rem. Cet emploi du verbe sans compl. d'obj. est gén. interprété par les dict. comme un emploi abs.; seuls Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr. l'interprètent comme un emploi intrans. Cette rem. peut aussi s'appliquer aux emplois abs. signalés en I A 2 b β, I A 3 b, I B 1. En fait il y a eu évolution au cours des 2 s. : dans les emplois les plus anc., le sentiment domine que le compl. d'obj. est « sous-entendu »; dans les emplois les plus récents, ce sentiment n'existe plus guère ou est totalement absent; d'où la dénomination, pour ces derniers, d'emploi intransitif.
b) [La source est représentée par les yeux, l'obj. désigne les regards]
α) [P. emploi métaph. de A 1 b] Les yeux du grand gaillard (...) parfois s'aiguisant dardaient une flèche rapide qui perçait le flot jusqu'au fond (Genevoix, Boîte à pêche,1926, p. 261).
β) [Sans réf. à cet emploi] Le regard à la fois tendre et farouche, profond et rapide, que les yeux noirs de cette femme lui [au comte] dardaient à la dérobée (Balzac, Gambara,1837, p. 40).Ses yeux [de l'abbé Martel], quand il nous parlait de l'enfer, (...) dardaient des prunelles brillantes et soudain fixes (Bourget, Disciple,1889, p. 84).
Emploi abs. L'œil darde vers l'Anglais qui viendra par la mer (Lorrain, Heures Corse,1905, p. 51).Le sang de la colère lui montait aux oreilles, et déjà dardaient les yeux noirs (Aymé, Passe-mur.,1943, p. 32).
P. méton. de l'obj. [l'objet désignant l'état physique ou le sentiment exprimé par le regard] Darder la haine. Au jour qu'il dardait la fièvre (Corbière, Am. jaunes,1873, p. 60).Les prunelles inquiètes de l'autre dardaient la colère (Bourget, Sens mort,1915, p. 259).
P. méton. du suj. [le sujet désigne l'être regardant, le compl. d'obj. désignant le regard physique ou étant en emploi méton.] Effrayée et menaçante, elle [la bête] dardait affreusement un œil rond de vautour (Lorrain, Sens. et souv.,1895, p. 116).Le ton de l'entretien était effrayant et Jourdan dardait sur le fasciste un regard meurtrier (Aymé, Uranus,1948, p. 197):
2. Elle avait une foudroyante manière de rappeler à elle son regard extasié, de le planter dans un autre regard, de darder un humour terrible, un étonnement qui écrasait une interrogation... Colette, Belles saisons,Discours de réception, 1936, p. 222.
3. [P. anal. avec la vivacité de la projection des rayons solaires ou du regard] Faire jaillir, jeter vivement en direction de, projeter.
a) [En parlant d'une source, d'une eau abondante et rapide] Le Missouri darde, comme une écluse, son eau blanche à travers l'antre des fleuves (Chateaubr., Fragm. Génie,1800, p. 200).Les centaines de jets d'eau dardés jusqu'à la cime des arbres (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 2).
b) P. ext. [En parlant de qqc. qui produit ou donne l'impression de produire un mouvement vif, en partic. vertical] Par-dessus le mur d'un jardin, quelque palmier dardait son fût écaillé (Gautier, Rom. momie,1858, p. 191).Un lézard, sur le tronc, au bord d'une fissure, Darde sa tête aiguë, observe, hésite, et fuit (A. France, Poés., Poèmes dorés, 1873, p. 26):
3. Tout croît avec une hâte divine. La moindre créature végétale darde son plus grand effort vertical. La pivoine, sanguine en son premier mois, pousse d'un tel jet que ses hampes, ses feuilles à peine dépliées traversent, emportent et suspendent dans l'air leur suprême croûte de terre comme un toit crevé. Colette, La Maison de Claudine,1922, p. 262.
Emploi abs. Une servante (...) dont les deux tétons, dardant drus sous la camisole (Goncourt, Journal,1857, p. 389).
P. métaph. [L'obj. désigne un sentiment, une pensée, etc.] Cf. bander ex. 8.Expressions animées, et pour ainsi dire, dardées (Stendhal, Napoléon,t. I, 1842, p. 197):
4. En entrant dans toute réunion mondaine, quand on est jeune, on meurt à soi-même, on devient un homme différent, tout salon étant un nouvel univers où, subissant la loi d'une autre perspective morale, on darde son attention (...) sur des personnes, des danses, des parties de cartes, que l'on aura oubliées le lendemain. Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 871.
B.− [Par interférence avec dard1B 1 b, désignant la langue pointue et vibrante d'un serpent jetant son venin; le suj. désigne le serpent]
1. [Le compl. d'obj. désigne la langue] Tantôt il [le serpent] se forme en cercle, et darde une langue de feu (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 112).Une multitude de serpents verts dardant chacun deux langues aiguës et recourbées (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 15).
Emploi abs. Avec le mouvement d'un serpent qui darde et siffle (Toulet, Comme une fantaisie,1918, p. 226).
2. [Le compl. d'obj. désigne le venin] Le reptile boit son sang, le [le cygne] mord et lui darde son venin dans les veines (Vigny, Journal poète,1833, p. 982).
P. métaph. Roi, sur lequel elle [la ménagère] jetait ces regards fauves et rapides par lesquels les vieilles filles semblent vouloir darder du venin sur les hommes (Balzac, Me Cornélius,1831, p. 259).
Rem. 1. De nombreux ex. littér. attestent la condensation des valeurs A 2 et B. Flammes tantôt dardées en langues sombres du haut des cheminées en obélisques, tantôt basses (Michelet, Journal, 1834, p. 133). On entendait un air d'harmonium : une spirale de notes montantes qui s'accrochaient trois en trois et dardaient, semblait-il jusqu'au ciel, le balancement d'une tête de serpent (Giono, Solit. pitié, 1934, p. 20). 2. Dans toutes les accept. le corpus atteste la fréq. relativement élevée de la forme du part. prés. en emploi verbal.
II.− Emploi intrans. V. supra emploi abs. sous I A 2 a β, I A 2 b β, I A 3 b, I B 1 et rem. sous I A 2 a β.
Rem. 1. La docum. atteste a) L'emploi adj. (rare) du part. prés. Œil vigoureux, dardant (Flaub., Champs et grèves, 1848, p. 362). [Les yeux de Leverdier] étaient perpétuellement dardants et perscrutateurs (Bloy, Désesp., 1886, p. 162). b) L'emploi subst. (masc.) du part. prés., en arg. : α) ,,Soleil`` (Rossignol, Dict. arg., arg.-fr. et fr.-arg., 1901, p. 33). β) Amour (cf. Vidocq, Mém., t. 3, 1828-29, p. 297). La plupart de ces chansons sont lugubres; quelques-unes sont gaies; une est tendre « Icicaille est le théâtre Du petit dardant. » Vous aurez beau faire, vous n'anéantirez pas cet éternel reste du cœur de l'homme, l'amour (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 202). P. méton. Cœur. T'auras beau te morfiller le dardant [te manger le cœur], tu n'empêcheras pas que ça ne soit comme ça (Vidocq, Vrais myst. Paris, t. 1, 1844, p. 22). 2. La docum. atteste qq. emplois adj. du part. passé. Des yeux fixes et dardés (Pesquidoux, Chez nous, 1921, p. 54). Il [un aspic] balançait sa tête dardée (Genevoix, Raboliot, 1925, p. 91). 3. Dans certains cas, on a le sentiment d'une constr. latinisante sur le modèle Sicilia amissa « la perte de la Sicile ». Les feux dardés des canons (Adam, Enf. Aust., 1902, p. 5) = le dardement (cf. rem. 4) des feux. 4. La docum. atteste le dér. dardement, subst. masc. Action de darder; son résultat. Le serpent (...) fait jaillir le dardement de sa petite langue fourchue (Goncourt, Journal, 1891, p. 106).
Prononc. et Orth. : [daʀde], (je) [daʀd]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. xves. [ms. La Haye] « lancer une arme de jet » (Trahis. de France [éd. Kervyn de Lettenhove Chron. relat. à l'hist. de Belgique sous les ducs de Bourgogne], p. 142 ds Gdf. Compl.); 1531 (Perceforest, t. IV, fol. 127 ds La Curne); 2. 1553 « diriger en ligne droite (rayons du soleil...) » (Bible, impr. Gérard d'apr. FEW t. 15, 1, p. 58b). Dér. de dard*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 394. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 397, b) 928; xxes. : a) 826, b) 339.