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POÉSIE, subst. fém.
I. − LITTÉRATURE
A. −
1. La poésie. Genre littéraire associé à la versification et soumis à des règles prosodiques particulières, variables selon les cultures et les époques, mais tendant toujours à mettre en valeur le rythme, l'harmonie et les images. Comment la poésie touche à la musique par une prosodie dont les racines plongent plus avant dans l'âme humaine que ne l'indique aucune théorie classique (Baudel.,Fl. du Mal, 1867, notes, p.376).−Voici de la prose sur l'avenir de la poésie: −Toute poésie antique aboutit à la poésie grecque, Vie harmonieuse. −De la Grèce au mouvement romantique, −moyen âge −il y a des lettrés, des versificateurs. D'Ennius à Théroldus, de Théroldus à Casimir Delavigne, tout est prose rimée, un jeu, un avachissement et gloire d'innombrables générations idiotes: Racine est le pur, le fort, le grand (Rimbaud,OEuvres, Lettre à Demeny, 1969 [1871], p.345):
1. La poésie n'est pas le seul domaine où le symbolisme des sons fasse sentir ses effets, mais c'est une province où le lien entre son et sens, de latent, devient patent, et se manifeste de la manière la plus palpable et la plus intense, comme l'a noté Hymes dans sa stimulante communication. Une accumulation, supérieure à la fréquence moyenne, d'une certaine classe de phonèmes, ou l'assemblage contrastant de deux classes opposées, dans la texture phonique d'un vers, d'une strophe, d'un poème, joue le rôle d'un ,,courant sous-jacent de signification``... R. Jakobson,Essais de ling. gén., trad. par Ruwet, t.1, 1963, p.241.
[Dont l'ambition est souvent d'ordre ontologique] La poésie, à sa plus haute puissance, est une intuition de l'infini: c'est Dieu aperçu dans la création, l'immuable destination de l'homme présentée au milieu des vicissitudes de l'histoire (Ozanam,Philos. Dante, 1838, p.78).La poésie est l'expression, par le langage humain ramené à son essentiel, du sens mystérieux des aspects de l'existence: elle doue ainsi d'authenticité notre séjour et constitue la seule tâche spirituelle (Mallarmé, Corresp., 1884, p.266):
2. La poésie se voulut expression d'une souffrance enfermée dans un cercle sans issue: dans le verbe, elle n'espère plus trouver le salut, mais seulement la possibilité de la nuance. Elle s'affirma comme la manifestation la plus haute et la plus pure de la création littéraire: elle entra pour sa part en opposition avec le reste de la littérature et, sans tenir compte d'aucune réserve, d'aucune limite, s'arrogea la liberté de dire tout ce que lui inspiraient une imagination impérieuse, une intériorité élargie aux mesures de l'inconscient et enfin un jeu dans une transcendance qui ne se réfère plus à rien. H. Friedrich,Struct. de la poés. mod., Paris, Denoël-Gonthier, 1976, p.17.
2. Chacune des espèces du genre traditionnellement distinguées d'après le sujet, le ton, le style. Ma pensée se reporta vers ce qu'il y a de brutal et de sanglant dans la poésie des anciens. Les Grecs ne répugnaient pas à évoquer les scènes les plus atroces (...). La mythologie, la poésie épique, la tragédie sont pleines de sang (Valéry,Variété III, 1936, p.238).La vie mondaine des salons portait à la perfection la poésie légère (Lefebvre,Révol. fr., 1963, p.83):
3. ... les dernières stances Sur la mort ressemblent fort à celles qui terminent les Destins; le ton seul diffère. Ainsi (et c'est sans doute ce qui rend sa poésie lyrique si substantielle), nous voyons M. Sully-Prudhomme tendre de plus en plus vers la poésie philosophique. Lemaitre,Contemp., 1885, p.59.
SYNT. Poésie didactique, dramatique, épique; poésie chrétienne (ou sacrée); poésie érotique, lyrique, morale, noble, orphique, profane; poésie badine, burlesque, familière, gnomique, intimiste, macaronique, pastorale.
3. Poésie + épithète postposée[déterminant une école, une époque, une nationalité ou une appartenance à tel poète, en particulier] Émile Verhaeren cherchait à prolonger les résonances de la poésie hugolienne en choisissant comme thème de ses oeuvres l'évolution sociale (Arts et litt., 1936, p.40-1):
4. Les formes de poésie médiévales qui ont (...) pénétré jusque dans le petit peuple n'ont pas continué d'être cultivées; ce qui tout récemment encore représentait la littérature était une poésie où le raffinement de la technique comptait davantage que l'élan personnel... Arts et litt., 1936, p.56-5.
SYNT. Poésie classique, moderne, parnassienne, romantique, surréaliste, symboliste; poésie allemande, anglaise, française, grecque, latine; poésie lamartinienne, shakespearienne.
Poésie pure. [Sentiment de la poésie issue de Mallarmé et de Valéry, d'une poésie pure, dénuée de tout élément discursif ou narratif, dans laquelle la fonction poétique serait exclusive de toutes fonctions autres que poétique] Théorie de la poésie pure. J'avoue éprouver un certain plaisir à ce que M. Artaud cherche à me faire passer aussi gratuitement pour un malhonnête homme et à ce que M. Soupault ait le front de me donner pour un voleur. C'est enfin M. Vitrac, véritable souillon des idées −abandonnons-leur la «poésie pure», à lui et à cet autre cancrelat l'abbé Bremond − (Breton,Manif. Surréal., 2eManif., 1930, p.107):
5. Je dis pure au sens où le physicien parle d'eau pure. Je veux dire que la question se pose de savoir si l'on peut arriver à constituer une de ces oeuvres qui soit pure d'éléments non poétiques. J'ai toujours considéré, et je considère encore, que c'est là un objet impossible à atteindre, et que la poésie est toujours un effort pour se rapprocher de cet état purement idéal. En somme, ce qu'on appelle un poème se compose pratiquement de fragments de poésie pure enchâssés dans la matière d'un discours. Un très beau vers est un élément très pur de poésie. Valéry,OEuvres, t.1, Poés. pure, 1959 [1933], p.1457.
SYNT. Poésie authentique, harmonieuse, sobre; mauvaise poésie; le charme de la poésie; beauté, grandeur, noblesse de la poésie; les richesses de la poésie; avoir du génie pour la poésie; l'enthousiasme, le feu de la poésie; exceller dans la poésie; (amateur) féru de poésie; concours, prix de poésie; renoncer à la poésie; aimer la poésie; mélodie, musicalité des mots, des paroles dans la poésie; exprimer qqc. par la poésie; but de la poésie; la lyre est le symbole de la poésie; scander de la poésie; le domaine de la poésie (est illimité); faire de la poésie; le rythme, le vers, la rime dans la poésie; musique et poésie; poésie et imagination; rêve et poésie.
4. P. méton. Pièce de vers relativement courte. Vers, strophes d'une poésie; dire, réciter une poésie; choix d'une poésie; apprendre par coeur une poésie; recueil de poésies; des poésies fugitives; les poésies inédites d'André Chénier; les poésies de Musset, de Verlaine. Le grand homme du dîner serait Charles Morice, qui de critique est passé poète et lit au dessert des poésies qui, passant par sa voix caverneuse, font tout à fait l'effet de borborygmes (Goncourt,Journal, 1894, p.605).Me souvenant des poésies de Lautréamont, j'inventais d'inverser les termes du pater (G. Bataille,Exp. int., 1943, p.201).
B. − P. méton.
1. [Dans le domaine littér. en gén., compte tenu de ce qui définit essentiellement la poésie] Caractère poétique (de). La poésie du style; la poésie d'un roman. Imaginez un homme qui revient de la chasse et qui répond à un autre qui l'interroge: «J'ai tant tué de petits lapins blancs −que mes souliers sont pleins de sang. −... etc.» Quelle poésie sombre en ces lignes qui sont à peine des vers! (Nerval,Filles feu, Chans. et lég. du Valois, 1854, p.633).Ce document est un roman, un petit poème. −Un poème qui se déroule dans les couloirs de la chambre, sur les banquettes? −Un poème, parfaitement ! c'est une autre question de savoir si ce livre est un vrai poème; mais je vous assure que s'il manque de poésie, c'est que je suis un maladroit (Barrès,Cahiers, t.10, 1914, p.289).
2. [Dans le domaine de l'art, autre que littér., où s'impose l'idée essentielle de création] Poésie du coloris, de la couleur; poésie sonore; quelle poésie dans ce paysage! exécuter (qqc.), rendre avec poésie. Ce mot de poésie qu'il faut bien employer quand il est question de peinture, révèle une indigence de la langue qui a amené une confusion dans les attributions, dans les privilèges de chacun des beaux-arts (Delacroix,Journal, 1863, p.134).L'atmosphère sonore pénétrante et chaude, la poésie et l'ardeur expressive de toute la partie intermédiaire en mi majeur ne sont pas sans quelque liberté de diction (Cortot,Ét. piano Chopin, 1917, p.33).Leurs échecs mettent en relief les exceptionnelles difficultés des traductions visuelles et les persévérants efforts qu'il faut fournir pour révéler des danses empreintes d'intelligence, de poésie et de couleur (Bourgat,Techn. danse, 1959, p.36).
[Avec un partitif] Trouver de la poésie à (qqc.); dépourvu de (toute) poésie. Aujourd'hui que la poésie est morte et qu'elle n'est plus dans les livres, la mode veut qu'on voie de la poésie partout. Il y a de la poésie! ... est une phrase devenue comme neutre. Elle s'applique à tout (Mode, 1830, ii, p.102).
II. − [Dans une accept. métaph.]
A. − [À propos de l'aspect d'une réalité quelconque qui peut avoir un pouvoir supérieur de rayonnement ou éveiller le sentiment poétique] Tout changea lorsque Hitler s'étant retourné contre les alliés communistes, la Résistance se trouva brusquement nimbée de poésie révolutionnaire (Aymé,Confort, 1949, p.82).
(La) poésie de + déterminant + subst.Synon. charme, émotion.Grande poésie des choses banales: faits divers; voyages; (...) ô splendeurs de la vie commune et du train-train ordinaire, à vous cette âme perdue (Larbaud,Barnabooth, 1913, p.55).Comme elles étaient supérieures à nous, ces filles du peuple (...) voyant plus loin et mieux que nous, et pleines de toute la poésie du vrai, devant quoi nous faisions les dégoûtés (Larbaud,Barnabooth, 1913, p.240):
6. Je peux loyalement affirmer que, dans cette amitié, la chose qui comptait était le goût profond et naturel que Katherine Mansfield partageait avec moi pour la poésie de la nuit, de la pluie... Carco,De Montmartre au Quartier latin, 1927, p.195.
[D'une manière hypocor.] Souvent nous allions nous promener au cimetière, pour la vue particulièrement belle qu'on y avait; la poésie de cette petite terrasse lui plaisait très fort (Jouve,Scène capit., 1935, p.226).
Au plur., rare. Cependant cet appartement si misérable lui apparut dénué des poësies de l'amour qui embellit tout: il le vit sale et flétri (Balzac,Bourse, 1832, p.420).
SYNT. Poésie du ciel étoilé, du soir; poésie (intime, paisible, etc.) des champs; poésie des objets (vulgaires); poésie de la mer, de la nature, de la tempête, de la vie, des cimes; s'inspirer de la poésie des choses, des rues (de Paris), des ruines; la poésie de la science moderne, des idées (chez telle personne); paysage (sans mystère et) sans poésie.
B. − [Avec une connotation péj.] Lorsqu'on traite de sujets philosophiques, on doit éviter soigneusement toute espèce de poésie, et ne voir dans les choses que les choses mêmes (J. de Maistre,Soirées St-Pétersb., t.1, 1821, p.302).
Loc. verb. C'est de la poésie. C'est du rêve, c'est un idéal malheureusement inaccessible; ce sont de fausses imaginations. Et ce n'est pas là ce que tu rêvais (...) tu voulais un gentilhomme dominant l'art, à la tête des sculpteurs (...). Mais c'est de la poésie, vois-tu (Balzac,Cous. Bette, 1846, p.195).Hélas! C'est de la poésie, cela, bonne mère. Les morts n'existent plus que dans notre mémoire, et nous avons raison de les pleurer (Ménard,Rêv. païen, 1876, p.199).
REM.
Peinture-poésie, subst. fém.Peinture qui s'impose à l'esprit par sa force créatrice. «Joan Miro: peinture-poésie», par Margit Roweit. Le style est un peu pédant, les hypothèses parfois discutables, mais la tentative curieuse: introduire le lecteur à l'intérieur de l'univers mental de Miro (Le Point, 30 mai 1977, p.31, col. 1).
Prononc. et Orth.: [pɔezi]. Littré: ,,Dans la prononciation ordinaire, de deux syllabes``: [pwezi]. V. poème. Ac. 1694-1740: poesie, en vedette, poësie dans le texte; 1762: poësie; dep. 1798: poésie. Étymol. et Hist.A. OEuvre. 1. ca 1370 «pièce de vers» (J. Le Fevre, Leesce, éd. A. G. van Hamel, 2697: Leurs fables et leurs poësies); 2. 1666 spéc. poésie en prose (A. Furetière, Roman bourgeois, l. 1 ds Romanciers du XVIIes., éd. A. Adam, p.903: un roman n'est rien qu'une poésie en prose); 3. [xviies. poésie fugitive (s. réf. ds Lar. 19e, t.12, p.1237d)] 1769 (Delisle de Sales, De la philos. de la nature, t.3, p.373). B. Inspiration. 1. a) déb. xvies. [et non ca 1350] «ce qui, dans une oeuvre littéraire, suscite une émotion poétique» (Prol. du correcteur, 55 ds G. de Digulleville, Le romant des trois Pelerinages, cité par E. Faral ds Mél. Roques (M.) 1946, p.99: Comme se le Methamorphose L'en mettoit en langue rural, Ou poesie est toute enclose (cf. Gdf. Compl.]); b) av. 1699 p.ext. «ce qui, dans une oeuvre d'art, suscite une émotion poétique» (Racine, Annotations du Platon ds OEuvres complètes, éd. R. Picard, t.2, p.899: Tous les arts sont poésies); c) 1803 p.ext. «ce qui, dans un être, une chose, une situation, suscite une émotion poétique» (Chateaubr., Génie, t.1, p.232: la poésie de la nature); 2. 1694 «puissance créatrice de l'écrivain» (Ac.); 3. 1810 «aptitude d'une personne à ressentir une émotion poétique» (Staël, Allemagne, t.2, p.114: il y a pourtant de la poésie dans tous les êtres capables d'affections vives). C. Art.1. a) 1372-74 «art de faire des vers» (N. Oresme, Politiques, éd. A. D. Menut, VIII, 13, p.357a: la poësie manifeste ceste chose); b) 1787 haute poésie (Marmontel, Elemens de litt., t.IV, p.507, s.v. Noblesse); c) 1857 poésie pure (Baudelaire, Notes nouv. sur E. Poe, chap.IV in fine ds E. Poe, OEuvres, trad. par Ch. Baudelaire, Bruxelles, 1944, p.46); 2. 1532 «manière propre à un poète, une école, une époque, un pays de pratiquer cet art» (Cl. Marot, Préf. des poésies de Villon ds OEuvres, éd. P. Jannet, t.4, p.191: les vrayes reigles de françoyse poesie). Empr. au lat. poesis «la poésie; oeuvre poétique, ouvrage en vers», et celui-ci au gr. π ο ι ́ η σ ι ς «création, fabrication; action de composer des oeuvres poétiques; faculté de composer des oeuvres poétiques, art de la poésie, la poésie; oeuvre poétique, poème, poésie; genre poétique», dér. de π ο ι ε ́ ω (v. poème). Fréq. abs. littér.: 7388. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 13415, b) 8184; xxes.: a) 8092, b) 10720. Bbg. Bonnefoy Y.). La Poésie fr. et le principe d'identité. R. d'esthét. 1965, t.18, no3/4, pp.335-354. _ Butor (M.). Le Roman et la poésie. Lettres nouv. 1961, no2, pp.53-65. _ Ceysson (P.), Imbert (J.). La Poésie comme un lang. Paris, Larousse, 1978, 176 p._ Croce (B.). La Poésie. Paris, P.U.F., 1951, 248 p._ Lalou (E.). Hist. de la poésie fr. Paris, P.U.F., 1961, 126 p.