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NOUVEAUTÉ, subst. fém.
A. − Caractère de ce qui est nouveau.
1. Caractère de ce qui est récent, neuf. La maison était bâtie (...) en pierre de Volvic, une pierre grisâtre dans sa nouveauté, puis noirâtre (Bourget,Disciple, 1889, p.66).Si l'on songe à la jeunesse du peuple russe, à la nouveauté de son effort: son épatement est celui d'un enfant (Gide,Journal, 1936, p.1251):
1. Des champs et des verts pourpris La fleurante nouveauté, Las, demain aura été. Moréas,Pèlerin pass., 1894, p.97.
2. Caractère de ce qui n'avait jamais été vu ou n'était pas encore connu. Nouveauté d'aspect de qqc., d'une situation, d'un sentiment; fait d'une nouveauté absolue. La nouveauté seule d'une jouissance nous touche: se tourne-t-elle en habitude, nous cessons de la ressentir (Gaultier,Bovarysme, 1902, p.188).Sentir qu'un acte entraînerait des répercussions parmi des milliers d'hommes, sentir surtout qu'un faux geste, une parole mal interprétée vous jetteraient sur l'échafaud: voilà qui donnerait à la vie du prix et de la nouveauté (Arland,Ordre, 1929, p.380):
2. Tout m'y charmait d'abord [à Brazzaville]: la nouveauté du climat, de la lumière, des feuillages, des parfums, du chant des oiseaux, et de moi-même aussi parmi cela, de sorte que par excès d'étonnement, je ne trouvais plus rien à dire. Gide,Voy. Congo, 1927, p.694.
− Dans le domaine des faits intellectuels, littér., artist.],[gén. avec une connotation méliorative] Synon. de originalité.Nouveauté des idées, de la pensée; nouveauté d'esprit; nouveauté du sujet, des images, du style; nouveauté psychologique d'un personnage. 22 juin. Bien travaillé. Mon ouvrage gagnera une admirable nouveauté dès les commencements, tandis qu'auparavant, les commencements étaient communs (Constant,Journaux, 1813, p.388).J'ai écrit un livre de fables. N'y cherchez pas la nouveauté des intrigues ourdies ni des étrangetés d'attitudes et de peintures (Maurras,Chemin Paradis, 1894, p.xi):
3. Pour que le sujet d'un roman se montre à nous dans sa nouveauté, encore faut-il que la langue en soit assez neutre pour ne point attirer sur elle l'attention. Paulhan,Fleurs Tarbes, 1941, p.161.
[P. méton.] Nouveauté de qqn.Caractère nouveau qui se manifeste dans ses oeuvres. J'ai été obligé d'aller lire une conférence sur Péguy (...). Mon auditoire m'a écouté dans un profond silence; on m'a dit ensuite qu'il avait été très frappé par la nouveauté de Péguy (Green,Journal, 1944, p.105).
B. − [À valeur de neutre] Ce qui est nouveau. Synon. changement, innovation.Amour de la nouveauté; besoin de nouveauté; avoir soif de nouveauté; attrait, charme, piment de la nouveauté. Aucune complication de l'ordre mathématique avec lui-même, si savante qu'on la suppose, n'introduira un atome de nouveauté dans le monde (Bergson,Évol. créatr., 1907, p.218).Il y avait des familles plus curieuses, qui se laissaient prendre au charme de la nouveauté et de la diversité (Aymé,Jument, 1933, p.145):
4. Si on sort les Anglais du cercle de leurs préjugés, ils sont très rétifs à la nouveauté, et tout imbus de superstitions philosophiques. Fourier,Nouv. monde industr., 1830, p.80.
C. − P. méton.
1. Chose nouvelle, récente, inédite ou que l'on vient de découvrir. Être avide de nouveautés. «Je crains bien, mesdames,» dit le jeune homme... cette dérogation inattendue à cette règle sociale qui exige qu'on dise toujours messieurs, quand on parle en public, parut une nouveauté piquante dont ces dames surent bon gré au narrateur (Janin,Âne mort, 1829, p.120).Le Waldorf, doté bientôt de nouveautés aussi étonnantes que la lumière électrique et le téléphone dans les chambres (Morand,New-York, 1930, p.139):
5. Je ne veux point les dernières découvertes; cela ne cultive point; cela n'est pas mûr pour la méditation humaine. La culture générale refuse les primeurs et les nouveautés. Alain,Propos, 1921, p.221.
Nouveauté + déterminant exprimant une relation
[+ adj.] C'est la noblesse qui a rendu la révolution possible par sa complicité, par son goût des nouveautés philosophiques (Zola,Germinal, 1885, p.1314).
[+ compl. de nom.] Voilà du style pittoresque, de la grande nouveauté de style (Chênedollé,Journal, 1823, p.125).Les traductions surannées et gauloises étaient imparfaites (...) à cause du grand changement survenu dans la langue, et de cette nouveauté d'élégance à laquelle l'époque de Louis XIV s'était aussitôt accoutumée (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.2, 1842, p.355).
C'est une nouveauté que + inf. ou subst. C'était une grande nouveauté qu'une jument verte et qui n'avait point de précédent connu (Aymé,Jument, 1933, p.8).
Faire nouveauté (rare). Constituer une chose nouvelle. Il y avait, à ce qu'il paraît (...) de grandes discussions qui faisaient nouveauté étrange. On y causait avec chaleur de certaine philosophie subtile, engageante et hardie (Sainte-Beuve,Port-Royal, t.2, 1842, p.312).Veuillez bien remarquer que, pour que cette polonaise fasse nouveauté, elle doit se fermer par derrière et non sur le devant, où il faut absolument une couture (Mallarmé,Dern. mode, 1874, p.775).
[Avec une connotation péj.] dans le domaine relig., pol.Doctrine nouvelle, en contradiction avec les idées, le régime, la tradition établis. Nouveautés philosophiques. Autrefois, les papes n'étaient entourés que de moines et de saintes personnes; maintenant, on va voir leur cour formée de nécromanciens, d'alchimistes, de gens suspects de toutes les nouveautés (Renan,Drames philos., Eau jouvence, 1881, p.474).Rappelez-vous le moment terrible qu'elle [l'Église] a passé, au temps du concile de Trente. La Réforme venait de l'ébranler d'une façon profonde (...) partout, c'était un flot montant de nouveautés, d'idées soufflées par l'esprit du mal, de projets malsains qu'enfantait l'orgueil de l'homme, lâché en pleine licence (Zola,Rome, 1895, p.456).
2. En partic.
a) OEuvre qui vient de paraître, d'être représentée. Les nouveautés littéraires, musicales. [Le grand Théâtre de Bordeaux] était plein, et cependant on jouait la Dame Blanche qui est loin d'être une nouveauté (Gautier,Tra los montes, 1843, p.13).À la vitrine du libraire Dupaty, on voit les nouveautés de chez Plon (Sartre,Nausée, 1938, p.63):
6. Il me conseillait les «nouveautés» à aller voir (...) ne les considérant du reste qu'au point de vue de la bonne soirée qu'elles font passer, et ignorant du point de vue esthétique jusqu'à ne pas se douter qu'elles pouvaient en effet constituer parfois une «nouveauté» dans l'histoire de l'art. Proust,Sodome, 1922, p.1086.
b) Gén. au plur. Dernières productions de l'industrie de la mode. Nouveautés de printemps, d'hiver; le commerce des nouveautés; commis de nouveautés; catalogue de nouveautés. Cours jusqu'au premier marchand de nouveautés et rapporte-nous un manteau, un cache-poussière, n'importe quoi! (Feydeau,Dame Maxim's, 1914, i, 9, p.15):
7. ... dis-moi s'il est raisonnable qu'un simple magasin de nouveautés se mette à vendre de n'importe quoi. Autrefois, quand le commerce était honnête, les nouveautés comprenaient les tissus, pas davantage. Zola,Bonh. dames, 1883, p.410.
[À valeur de coll.] La Nouveauté. L'industrie, le commerce de la mode. Je pouvais pas aller relancer les patrons en costard limé, rapiécé (...) c'était pas possible! surtout dans la nouveauté et dans les comptoirs au détail, où ils sont tous plutôt gandins (Céline,Mort à crédit, 1936, p.340).Si je n'avais pas commencé mes études (...) où seriez-vous aujourd'hui, vous autres? Toi, Laurent, tu serais peut-être employé de commerce et ta soeur Cécile serait dans la nouveauté, dans la mode, ou dans quelque chose du genre (Duhamel,Cécile, 1938, p.21).
REM.
Nouvelleté, subst. fém.,vx, synon.a) Caractère de ce qui est nouveau. Je me gronde moi-même depuis deux mois, depuis que j'ai digéré la nouvelleté de ma position, pour entreprendre un travail quelconque (Stendhal,Souv. égotisme, 1832, p.5).Je ne veux pas me souvenir, répondit-il. (...) C'est du parfait oubli d'hier que je crée la nouvelleté de chaque heure (Gide,Immor., 1902, p.436).b) P. méton. Chose nouvelle. Il [Charles de Valois] allait, pour peu qu'on lui en donnât les moyens, faire supprimer toutes les «nouvelletés» introduites par Marigny (Druon,Reine étranglée, 1955, p.126).
Prononc. et Orth.: [nuvote]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1160 novelté «nouvelle situation» (Eneas, 8205, ds T.-L.); 2. 1280 nouveauté «caractère de ce qui est récent, nouveau» (Clef d'amours, 2138, ibid.); 3. id. «innovation, changement» (ibid., 367, ibid.); 4. fin xive-début xves. «chose nouvelle» (Quinze joies de mariage, éd. J. Rychner, p.34, 48: pour ce que elle [la dame] vieult souvent avoir nouveautez selon le temps, tant en robes, saintures que aultres choses); 5. 1639 abs. «le nouveau, l'inédit» (Corneille, L'Illusion comique, Epître ds OEuvres, éd. Ch. Marty-Laveaux, t.2, pp.430-431: la grâce de la nouveauté); 6. 1668 «oeuvre littéraire d'un genre inédit» (Molière, Le Grand divertissement royal de Versailles ds OEuvres, éd. E. Despois et P. Mesnard, t.6, p.601). Dér. de no(u)vel, nouveau*; suff. -té*. Fréq. abs. littér.: 1264. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 1485, b) 1270; xxes.: a) 2007, b) 2220. Bbg. Gall. 1955, pp.115-116. _ Gohin 1903, p.298.