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FLEUVE, subst. masc.
A.− Cours d'eau important, généralement caractérisé par une très grande longueur et largeur, un débit abondant, des affluents nombreux, et qui se jette le plus souvent dans la mer. Fleuve rapide, tranquille; embouchure, lit, source du fleuve. Le fleuve entre ses rives de terre croulante (...) coule d'une fuite rapide, égale et monotone (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 294).Ces grands fleuves représentent, suivant les conditions diverses de leur régime, de leur pente, de la composition de leurs eaux, de l'origine de leurs troubles, autant de types divers d'énergies naturelles (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 50):
1. ... au carrefour de trois vallées qui lui apportent leur liquide tribut, (...) l'humble cours d'eau se transforme en petite rivière. La géographie lui a déjà imposé son nom de fleuve, l'illustre nom qu'il gardera pour porter les imposants bateaux de mer et résister à l'impétueux effort des mascarets. Mais il n'est encore qu'un fleuve adolescent... Coppée, Bonne souffr.,1898, p. 52.
SYNT. a) Fleuve élargi, immense; fleuve débordé, encaissé, invisible, souterrain; fleuve jaune, noir, rouge. b) Beau, long, vaste fleuve. c) Berge(s), bras, bruit, coude(s), courant, cours, détour(s), eau(x), grondement, passage, rivage(s), rive(s), roseaux, surface, vallée du fleuve. d) Le fleuve charrie, descend, s'écoule, emporte, monte, roule, serpente. e) Border, franchir (à la nage), longer, passer, remonter, traverser le fleuve. f) Se jeter, plonger dans le fleuve; descendre au/jusqu'au/vers le fleuve. g) Au(x) bord(s)/au-dessus/au fil/au long/au milieu/au travers/au voisinage du fleuve; de l'autre côté du fleuve; sur les bords du fleuve.
B.− Spécialement
1. MYTH. GR.
a) Dieu fleuve ou, p. ell., Fleuve. Divinité du fleuve, symbole de puissance, de fécondité, etc. Au commencement, leurs dieux [des Grecs] ne sont que les forces élémentaires et profondes de l'univers, (...) les Fleuves ruisselants, le Jupiter pluvieux, l'Hercule Soleil (Taine, Philos. art,t. 2, 1865, p. 346).
P. ext., HIST. DE L'ART (sculpt., peint.). Figure allégorique représentant cette divinité, généralement sous la forme d'un homme mûr, vigoureux, portant une longue barbe, une couronne de plantes aquatiques et parfois des cornes de taureau, couché sur des roseaux, s'appuyant sur une urne d'où l'eau s'épanche et tenant un aviron dans la main. La grotte où le lierre Met une barbe verte au vieux fleuve de pierre! (Hugo, Voix intér.,1837, p. 313).En appos. avec une valeur adj. C'était un torse d'après l'antique, une espèce de Père Fleuve, qui n'avait plus ni bras, ni tête, mais il était plein de force et de vie (Ramuz, A. Pache,1911, p. 64).
Au fig. Barbe de fleuve. ,,Barbe longue et bien fournie`` (Ac. 1932). Un solide gaillard, d'une quarantaine d'années, grosse figure colorée, la tête ronde, le poil roux, une barbe de fleuve, le cou et la voix de taureau (Rolland, J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p. 1281).
b) Fleuve des Enfers, des morts. Fleuve que les défunts étaient supposés franchir pour se rendre au séjour des morts. Les rêves profonds s'ouvrent comme des arches Au-dessus du funèbre et sourd fleuve des âges Où notre nef d'exil s'engouffre à toutes voiles (Ch. Guérin, Cœur solit.,1904, p. 63):
2. Mourir, c'est vraiment partir et l'on ne part bien, courageusement, nettement, qu'en suivant le fil de l'eau, le courant du large fleuve. Tous les fleuves rejoignent le Fleuve des morts (...). Si l'on veut bien restituer à leur niveau primitif toutes les valeurs inconscientes accumulées autour des funérailles par l'image du voyage sur l'eau, on comprendra mieux la signification du fleuve des enfers et toutes les légendes de la funèbre traversée. Bachelard, L'eau et les rêves,Paris, Libr. Corti, 1942, pp. 102-104.
2. RELIG. JUDÉO-CHRÉT.
a) Les (quatre) fleuves du Paradis. Fleuves arrosant l'Éden, selon les premiers chapitres de la Genèse. Les quatre fleuves du Paradis terrestre de la Bible juive (P. Leroux, Humanité,t. 2, 1840, p. 346).Il n'y a qu'une douleur, c'est d'avoir perdu le Jardin de Volupté, et il n'y a qu'une espérance ou qu'un désir qui est de le retrouver (...). Napoléon à Tilsitt et l'immonde ivrogne ramassé dans le ruisseau ont exactement la même soif. Il leur faut l'eau des Quatre Fleuves du Paradis (Bloy, Journal,1905, p. 273).La Rédemption tout entière vers nous comme un vase qui s'incline, Les Cinq Fleuves du Paradis, Toute l'inondation sur nous de la préférence divine (Claudel, Poèmes guerre,1915, p. 534).
b) Fleuves de Babylone. [P. allus. au début du Psaume 137] Symbole d'exil et de tristesse.
C.− P. anal., dans des emplois souvent métaph. [L'adj. ou le compl. déterminatif désigne un liquide, une matière plus ou moins fluide, souple, ou un ensemble de choses, d'êtres en mouvement] Ce qui coule, s'épanche en abondance. Fleuve de boue, de feu, de lait, d'or, de sang; fleuve d'hommes. Mais ce qui frappait en lui, c'était sa barbe, une barbe de prophète, invraisemblable, un fleuve, un ruissellement, un Niagara de barbe (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 307).Denise et ma Delphine, qui pleurent toutes les deux leurs fleuves de larmes à gros bouillons; et moi, bête, avec elles. Je ne vois pas distinctement ce que j'écris, tant mes yeux se mouillent (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 172).Paris fut là. Augustin, son père et leur valise s'écoulèrent dans un fleuve humain, composé du ruissellement de tous ces hommes et de bien d'autres (...). Des gens savaient leur chemin dans ces remous, presque tous (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 151):
3. Une chaleur que je n'ai jamais ressentie circule en mon être. Le sang, ce liquide porteur de la vie, humecte ma poitrine. Je sens ce fleuve bienfaisant suivre dans tous mes membres son cours aimable et taciturne. Renan, Drames philos.,Eau Jouvence, 1881, p. 517.
D.− Au fig. [Le compl. déterminatif désigne une chose abstr.] Ce qui suit un cours régulier, paisible; ce qui se développe continûment, avec ampleur. Fleuve d'éloquence, d'oubli, de paix. Dans les prodigalités du rêve, les mains ouvertes, laissant couler sur les misérables un fleuve de richesse, un débordement de bien-être (Zola, Rêve,1888, p. 199).Ces ruisseaux si lourdement chargés de sable et de bois mort ont encombré la langue française : il suffirait de les dessécher ou de les dériver pour rendre au large fleuve toute sa pureté, toute sa force et toute sa transparence (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 134).La continuité de grandes œuvres, le fleuve qui coule à pleins bords sans jamais tarir (Green, Journal,1949, p. 319).V. aussi avenir ex. 24 :
4. ... ma vie avait une direction. Elle n'était plus éparse comme un troupeau sans loi, mais ramassée, orientée. Un fleuve, et non plus un marécage. Un chant grave et plein, après des clameurs discordantes. Duhamel, Confess. min.,1920, p. 191.
En partic. (gén. avec des connotations philos.). Fleuve de l'éternité, du temps, de la vie. Au bord du fleuve du temps, Narcisse s'est arrêté. Fatale et illusoire rivière où les années passent et s'écoulent (Gide, Traité Narcisse,1891, p. 3).Ni jour ni nuit. Un temps uniforme, coulant comme un fleuve d'éternité (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 96):
5. Le courant passe donc, traversant les générations humaines, se subdivisant en individus (...). Ainsi se créent sans cesse des âmes, qui cependant, en un certain sens, préexistaient. Elles ne sont pas autre chose que les ruisselets entre lesquels se partage le grand fleuve de la vie, coulant à travers le corps de l'humanité. Bergson, Évol. créatr.,1907, p. 270.
Spéc. [P. réf. à Héraclite (Fragment 9 Diels, trad. Battistini ds Lar. des citat. fr. et étr., 1975, p. 628) : On ne peut descendre deux fois dans le même fleuve] Héraclite avait, toute sa vie durant, soutenu contre les Éléates l'universelle mobilité et pour la rendre plus sensible, il défiait le baigneur de se plonger deux fois dans le même fleuve (J. Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 78).
En appos. avec une valeur adj. Roman-fleuve. Roman caractérisé par sa longueur, ses nombreux personnages, ses vastes thèmes, etc. Honoré d'Urfé commença de faire paraître à Paris, en 1607, la première partie de cet interminable et doux roman [l'Astrée], ancêtre paresseux des romans-fleuves (Brasillach, Corneille,1938, p. 81):
6. C'est une étrange illusion que de croire qu'un romancier se rapproche de la vie en multipliant le nombre de ses héros. Sur le seul trottoir de gauche, entre la Madeleine et le Café de la Paix, il passe, en une heure, infiniment plus de créatures que vous n'en pourriez peindre dans le plus torrentiel des romans-fleuves (...). Les plus grands ouvrages périssent aussi aisément que les plus légers. (...) même les contemporains ne sont pas impressionnés, autant qu'on le pourrait croire, par la masse d'un livre. Je songe à tel roman-fleuve qui roule ses flots à pleins bords, depuis dix ans dans une solitude inviolée. Mauriac, Journal 1,1934, pp. 93-94.
Rem. Gilb. 1971 et Dict. 2 1971 soulignent la fréq. des créations néologiques faites sur le modèle de roman-fleuve : discours-fleuve, film-fleuve, etc.
Prononc. et Orth. : [flœ:v]. Enq. : /fløv/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Mil. xiies. (Psautier de Cambridge, éd. Fr. Michel, XCII, 3 : Li fluive leverent [levaverunt flumina]); 2. 1641 désigne ce qui est répandu en abondance (Corneille, Cinna, IV, 2 : Songe aux fleuves de sang où ton bras s'est baigné); 3. fig. 1680 désigne ce qui s'écoule régulièrement (Mmede Sévigné, Lettres, éd. Monmerque, VII, p. 124 : toute cette fameuse auberge, tout ce concours de monde me paroît, quoi que vous disiez, un fleuve qui entraîne tout). Empr. au lat. class. fluvius « fleuve ». Fréq. abs. littér. : 5 012. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 9 358, b) 7 343; xxes. : a) 6 219, b) 5 654. Bbg. Foulet (L.). Fleuve et rivière. Rom. Philol. 1948/49, t. 2, pp. 285-297. − Gougenheim (G.). Lang. pop. et lang. savante en anc. fr. Paris, 1947. − Schmidt (H.-J.), Muller (C.). [Fleuve/rivière]. Praxis. 1975, t. 22, pp. 103-104.