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ARCHAÏQUE, adj.
A.− [En parlant d'un inanimé] :
1. À ses yeux, la propriété foncière pouvait être encore un mode de fortune, à l'époque où les romans de Paul de Kock disaient d'un jeune homme : « Paul était riche : il avait six mille livres de rente... » mais, depuis ce temps, elle était devenue, selon lui, un anachronisme, un genre de propriété archaïque dont la fantaisie n'était plus permise qu'aux gens très-riches. E. et J. de Goncourt, Renée Mauperin,1864, p. 214.
2. Le Moyen Âge étant un retour aux mœurs de très vieux temps, il était naturel qu'il engendrât de nouveau des idées fort archaïques relatives à la justice, et qu'il fît considérer les tribunaux comme ayant surtout pour mission d'assurer la grandeur royale. Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 147.
En partic. [En parlant d'une production artistique, ou de sa manière] :
3. On dit qu'un monument est d'un style archaïque bien accentué pour indiquer qu'il présente tout le caractère des constructions primitives. J. Adeline, Lex. des termes d'art,1884.
HIST. DE L'ART GR. (Art) qui est de la période comprise de 650 à 480 avant Jésus-Christ (cf. archaïsme I) :
4. Les « Martyrs » furent lus vers cette date, pendant les après-midi du dimanche. La phrase des « thermes ornés de bibliothèques » trembla longtemps dans sa mémoire. Mais Cymodocée prit, sans plus, l'aspect d'une belle Korê archaïque, pareille à celles des photographies, de taille un peu forte sous les plis verticaux du khitôn, dans l'air sec de la Grèce, le long des lits pierreux bordés de lauriers-roses au mince et précis parfum. Malègue, Augustin ou le Maître est là,t. 1, 1933, p. 78.
P. anal., PSYCHANAL. [En parlant d'un rêve, d'un souvenir] Qui appartient à la période la plus ancienne, à l'enfance de l'individu ou de son groupe (cf. archaïsme I) :
5. ... cette tragédie [l'histoire d'Œdipe] par sa résonance remue en nous quelque douloureux souvenir archaïque. M. Choisy, Qu'est-ce que la psychanal.?1950, p. 54.
P. ext. Désuet, hors d'usage :
6. Quand il sortait de son antre, Armand, les yeux vagues de la cour comtale, en redescendant par les rues étroites, s'arrêtait à un spectacle assez archaïque à son cœur. C'était où le forgeron Avril exerçait encore, dans une échope séculaire, le métier primitif qu'il avait hérité de générations de maréchaux-ferrants. Aragon, Les Beaux quartiers,1936, p. 61.
B.− Emplois spéc.
1. LING., RHÉT. [En parlant de mots, d'expr., de tournures] Qui sont hors d'usage :
7. L'imperfection de la lexicographie, l'état d'enfance de la linguistique, jetaient aussi beaucoup d'incertitude sur l'exégèse des textes archaïques. La langue ancienne en était venue, aux époques philologiques, à former un idiome savant, qui exigeait une étude particulière, à peu près comme la langue littérale des orientaux, et il ne faut pas s'étonner que les modernes se permettent de censurer parfois les interprétations des philologues anciens; ... Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 143.
8. Ce qu'il y a d'original dans sa verve blagueuse, c'est que sa blague moderne est émaillée d'épithètes de poètes symboliques et décadents, d'expressions archaïques, de vieux verbes comme déambuler remis en vigueur : un méli-mélo, un pot-pourri de parisianismes de l'heure présente et de l'antique langue facétieuse de Panurge. E. et J. de Goncourt, Journal,1893, p. 422.
2. P. ext., MUS., ARTS PLAST. [En parlant d'œuvres d'art] Dont la manière consiste à imiter celle des œuvres anciennes :
9. Dans la psalmodie ambrosienne les formes sont plus simples, plus naïves, nous dirions plus spontanées et plus archaïques; ... Bénédictins de Solesmes, Paléographie musicale,1889, p. 41.
10. [Maurice Denis] eut toujours une très curieuse conception archaïque du dessin, remontant jusqu'au style des imagiers et de Giotto pour exprimer les symboles catholiques qu'il aime peindre. C. Mauclair, Les Maîtres de l'impressionnisme,1904, p. 191.
3. Péj., CRIT. LITTÉR., ESTHÉTIQUE [En parlant d'une pers., d'une tournure d'esprit, etc.] Qui manifeste un goût exagéré pour les formes d'autrefois :
11. Quand on goûte si bien Fénelon [que Mathieu Marais], on n'est soi-même ni archaïque ni suranné. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,t. 9, 1863-69, p. 33.
12. Elle ne ressemble nullement, la synthèse de la forme, à ce snobisme des déformations archaïques. F.-Ch. Barlet, J. Lejay, L'Art de demain,1897, p. 141.
Rem. On rencontre except. un emploi subst., pour désigner une pers. qui par tout son comportement n'appartient plus à son époque :
13. − Vous êtes encore jeune, Monsieur des Cigales. − Je pense bien! quarante-sept ans! tu me prends déjà pour un vieillard? pour un gâteux? pour une baderne? pour une guenille, un débris, un déchu, un amoindri, une ganache, un décrépit, un sénile, un caduc un suranné une ruine un archaïque un périmé un défectif un vioc et pour tout dire un con? Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 80.
DÉR.
Archaïquement , adv.D'une manière archaïque. Personnages archaïquement dessinés (Loti, Ramuntcho,1897p. 20)ceux qu'on nomme archaïquement des héros ou même des saints (Bloy, Exégèse des lieux communs,1902, p. 34).− Emploi avec valeur péj. dans l'ex. suiv. : ,,Et nous sommes prêts à soutenir que les Londoniennes et les Argentines s'habillent mieux, moins « archaïquement » que les Parisiennes`` (V. Larbaud, Jaune, bleu, blanc,1927, p. 18).(1897, Loti, Ramuntcho, p. 20; suff. -ment2*).
PRONONC. : [aʀkaik]. Fouché Prononc. 1959, p. 334, note que pour les mots savants tirés du gr. le groupe -rch- se prononce [ʀk] dans archaïque, archaïsant, archaïser, archaïsme, archaïste, archange (-élique). Cf. aussi Clédat 1930, p. 38 et Kamm. 1964, p. 179.
ÉTYMOL. ET HIST. I.− Adj. 1. 1776 dictionnaire archaïque « dict. qui contient des archaïsmes » (Encyclop. Suppl., s.v. archaïsme. Si l'on présentoit à un françois, qui prétend posséder sa langue, la Lettre du comte Hamilton à J.-B. Rousseau, il lui faudoit un dictionnaire archaïque pour bien entendre toutes les expressions que le poëte emploie), attest. isolée; 2. 1838 (Ac. Compl. 1842 : Archaïque. Qui se rapporte à l'archaïsme); d'où différents emplois a) 1852 archit. « ancien » (T. Gautier, Italia, Voyage en Italie, p. 91 : Les chapiteaux des colonnes sont aussi d'un goût plus sauvage, plus archaïque et plus touffu que partout ailleurs); b) av. 1866 ling. (Littré ds Lar. 19e: Les mots qui sont devenus archaïques doivent être inscrits dans un dictionnaire pour que, rencontrés, on puisse en trouver quelque part l'indication); c) 1889 mus., supra ex. 9; d'où p. ext. 1863-69, supra, ex. 10. II.− Subst. 1944, supra ex. 13. Dér. du rad. de archaïsme*; suff. -ique*; cf. b. lat. archaïcus (lui-même empr. au gr. α ̓ ρ χ α ι ̈ κ ο ́ ς « antique, archaïque », Aristophane, Nub., 821 ds Bailly), Fulgence, Virg. cont., 90, 19 ds TLL s.v., 459, 15.
STAT. − Fréq. abs. littér. : 101.
BBG. − Chabat 1881. − Noter-Léc. 1912. − Perraud 1963. − Springh. 1962.