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AMOURACHER, verbe trans.
I.− Emploi trans., vieilli. Conduire quelqu'un à éprouver une grande passion, souvent déraisonnable. Je ne sais qui a pu l'amouracher de cette sotte (Ac. 1835-1932) :
1. − Mon cher enfant, dit madame Granson à son fils (...) Si les filles voulaient dire la vérité, mon Dieu, mon enfant, tu serais bien étonné de savoir ce qui les amourache. H. de Balzac, La Vieille fille,1836, p. 296.
Rem. Attesté comme fam. ds Ac. 1835 et 1878, Besch. 1845, Guérin 1892.
II.− Emploi pronom., gén. péj. [Le suj. désigne une pers. ou, parfois, un coll.; l'obj., s'il est exprimé, est introduit par la prép. de]
A.− [L'obj. désigne une pers.] Être saisi d'une passion, souvent temporaire, pour quelqu'un; en particulier, pour une femme ne jouissant pas d'une grande considération. S'amouracher de qqn :
2. [la duchesse] : − Dans notre pays, il se voit d'étranges choses, monsieur! Vendramin vit d'opium, celui-ci vit d'amour, celui-là s'enfonce dans la science, la plupart des jeunes gens riches s'amourachent d'une danseuse, les gens sages thésaurisent; nous nous faisons tous un bonheur ou une ivresse. H. de Balzac, Massimilla Doni,1839, p. 414.
3. − Ce n'est pas tout! poursuivit le chevalier fumant d'indignation, monsieur mon fils s'est laissé enjôler par les Laheyrard, qui l'ont attiré chez eux, et il s'est sottement amouraché de la fille, qui est une écervelée... A. Theuriet, Le Mariage de Gérard,1875, p. 116.
4. Comme camarade, donc, j'eus, j'ai encore Claire (...) qui a passé son temps d'école à s'amouracher tous les huit jours (oh! platoniquement) d'un nouveau garçon, et qui, maintenant encore, ne demande qu'à s'éprendre du premier imbécile, sous-maître ou agent voyer, en veine de déclarations « poétiques ». Colette, Claudine à l'école,1900, p. 13.
5. Alors le vieux éclata tout d'un coup : − Me prends-tu pour un imbécile et crois-tu que je ne sache pas ce que parler veut dire? Comme si ton manège n'a pas trop duré. Les premiers temps, je n'ai trop rien dit; il faut bien que jeunesse se passe : mon coq est lâché, gardez vos poules. Mais voilà que tu t'amouraches d'une gueuse et que tu veux la suivre, comme si un honnête garçon n'avait pas de honte à s'encanailler pareillement! É. Moselly, Terres lorraines,1907, p. 263.
6. Cette petite ne s'amourachera sûrement pas de moi, au sens grave du mot, si je laisse notre aventure se développer dans la facilité souriante, si je ne commets pas moi-même la sottise de placer les choses sur un plan inaccoutumé et solennel. J. Romains, Les Hommes de bonne volonté,La Douceur de la vie, 1939, p. 88.
7. Que les Saint-Cyriens avec leurs gants blancs Que les Saint-Cyriens se montrent galants Ils offriront aux dames du champagne Chacune est un peu pour eux Cendrillon Tous ces fils de roi d'elles s'amourachent Si jeunes qu'ils n'ont barbe ni moustache Mais tout finira par un cotillon. L. Aragon, Le Roman inachevé,1956, p. 32.
Emploi abs., rare. Il est sujet à s'amouracher (Ac. 1835, 1878) :
8. Pasithée, Anna, Circélyre, Lise au front mollement courbé, Palmyre en pleurs, Berthe en délire, S'amourachent par A plus B. Leurs instincts ne sont point volages. Les mains ouvertes, en rêvant, Toutes contemplent des feuillages De bank-notes, tremblant au vent. V. Hugo, Les Chansons des rues et des bois,1865, p. 63.
Rem. Attesté comme fam. ds Ac. 1835 et 1878, Guérin 1892, Quillet 1965.
B.− Au fig.
1. [L'obj. désigne une pers. représentant certaines valeurs] :
9. Monsieur Armand de Montriveau se trouvait en ce moment, sans le savoir, l'objet d'une curiosité générale, et le méritait plus qu'aucune de ces idoles passagères dont Paris a besoin et dont il s'amourache pour quelques jours, afin de satisfaire cette passion d'engouement et d'enthousiasme factice dont il est périodiquement travaillé. H. de Balzac, La Duchesse de Langeais,1834, p. 237.
10. Est-ce assez horrible, ce caprice-là! S'amouracher du père Duchêne, faire les yeux doux à la guillotine, chanter des romances et jouer de la guitare sous le balcon de 93, c'est à cracher sur tous ces jeunes gens-là, tant ils sont bêtes! V. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 828.
2. [L'obj. désigne un être animé autre que l'homme] :
11. ... l'herboriseur s'éprend et s'amourache De foin de pissenlit, de chiendent, de bourrache. A. Pommier, Crâneries et dettes de cœur,1842, p. 123.
3. [L'obj. est un inanimé abstr.] Il s'est amouraché des sciences occultes (Ac. 1835-1932) :
12. Que peuvent les autres contre l'agitation de votre vie, contre vos désirs qui se croisent, contre votre besoin d'une situation brillante, dont vous vous amourachez, parce que vous n'en voyez que les dehors, contre votre coquetterie qui a peur de la vieillesse, contre votre vanité qui veut se faire remarquer, tandis que votre caractère n'est pas assez fort pour braver les ennemis qu'on provoque toujours en se faisant remarquer? B. Constant, Journaux intimes,1804, p. 99.
Rem. On rencontre chez M. Proust un équivalent local, tiré de l'adj. amoureux. S'amouroser de qqn, de qqc. :
13. ... à la vue des mêmes souffrances dont la description l'avait fait pleurer, elle n'eut plus que des ronchonnements de mauvaise humeur, même d'affreux sarcasmes, disant, quand elle crut que nous étions partis et ne pouvions plus l'entendre : « Elle n'avait qu'à ne pas faire ce qu'il faut pour ça! Ça lui a fait plaisir! Qu'elle ne fasse pas de manières maintenant! Faut-il tout de même qu'un garçon ait été abandonné du Bon Dieu pour aller avec ça [la fille de cuisine enceinte]. Ah! C'est bien comme on disait dans le patois de ma pauvre mère : Qui du cul d'un chien s'amourose, Il lui paraît une rose. » M. Proust, À la recherche du temps perdu,Du côté de chez Swann, 1913, p. 123.
Prononc. : (s') [amuʀaʃe], (je m') [amuʀaʃ].
Étymol. ET HIST. − 1530 trans. amourescher « courtiser, rechercher en mariage » (Palsgrave, Eclaircis. de la Lang. Fr., p. 784 : Tu n'es qu'ung fol de l'amourescher, or de la prier d'amours, elle n'est pas pour toy); 1558-59 pronom. amourescher (s') « s'éprendre d'un amour peu justifié de qqn ou de qqc. » (Marg. d'Ang., Hept., VI ds Gdf. Compl. : Sa femme s'estoit amouraschee d'un jeune homme); 1558 amouracher (s') « id. » (J. de Coras, Alterc., p. 256, ibid. : Ce jeune Athenien qui s'amouracha si follement d'une statue colloquée au Pritanee d'Athenes); et seulement pronom. dep. Rich. t. 1 1680. De même que les subst. amouracherie « démonstration d'amour » (1414, L. de Premierf., Decam, Bibl. nat. 129, fo215 vods Gdf. : D'autre part je ne suis pas pucelle a qui bien appartiennent telles amouracheries) et amourachement « amour léger, rapidement conçu » (1542, N. de Bris, Institut., fo62 vods Gdf. Compl.; 1556, Le Maçon, Décaméron, VIII, 2 ds Hug. : Je delibere de vous raconter un amourachement de village; trad. de Boccace, Dec., 8-2 ds Batt. t. 1 1961 : io intendo raccontarvi uno amorazzo contadino; dans plusieurs autres trad., Hug.), amouracher est formé d'apr. l'ital. amorazzo, amoraccio « amour déréglé » forme péj. de amore « amour » attesté dep. la 1remoitié du xives. (amorazzo), Boccaccio, supra, dep. 1548 (amoraccio), Berni ds Tomm.-Bell. 1929. Les étymons ital. amoracciare (Nyrop, I p. 62; Kohlm. 1901, p. 14; Sar. 1920, p. 55; Wind 1928, p. 190; Bl.-W.5; Dauzat 1968), amorazzare (EWFS2) font difficulté étant donné que ces deux verbes ne sont pas attestés, dans les dict. ital. (notamment Tomm.-Bell 1929, Batt.), voir Tracc. 1907, pp. 104-105.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 26.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bénac 1956. − Bruant 1901. − Fér. 1768. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 22. − Le Roux 1752. − Sar. 1920, p. 55.