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ABYSSAL, ALE, AUX, adj.
Qui est caractéristique d'un abîme, d'un abysse.
A.− GÉOL., OCÉANOGR. [En parlant des éléments du relief des grandes profondeurs] Qui constitue tout ou partie d'un abîme ou d'un abysse. [En parlant de la faune] Propre aux abîmes, aux abysses :
1. ... une faune spéciale se développe, indépendante des latitudes; c'est la faune des abîmes ou abyssale, ... A. de Lapparent, Abrégé de géologie,1886, p. 16.
2. En bordure des côtes atlantiques, le district côtier est formé par un plateau continental qui s'étend jusqu'à 100 ou 200 km de large. Des mers peu profondes (Manche, Baltique, Mer du Nord) en font partie dans leur totalité. (...) La zone abyssale fait suite à la zone cotière vers le large et vers la profondeur. Encyclopédie française,t. 5, Les Êtres vivants,1937, p. 5o48-12.
3. Certains lis de mer, sans tiges, se rencontrent en mer profonde, mais cette variété s'accommode mieux des hauts fonds, où le lit de la mer est généralement plus rocheux. La longue tige des formes abyssales est, bien entendu, parfaitement adaptée à l'ancrage de l'animal dans les sédiments et la vase des profondeurs que l'on y trouve généralement. R. Carrington, Biographie de la mer,1962, p. 125.
4. On constate, même dans les grandes plaines abyssales, la présence de rides, de fosses et de mamelons, dont les dimensions varient entre quelques décimètres et quelques mètres. V. Romanovsky, Physique de l'Océan,1966, p. 117.
5. Dans les plaines abyssales des grands océans, les sédiments sont formés de squelettes du plancton et de débris cosmiques. On retrouve sur le fond les cadavres des animaux qui vivent dans les couches d'eau sus-jacentes... Pendant la descente vers les abysses, la matière organique est entièrement dissoute dans l'eau de mer, et seules les carapaces calcaires ou siliceuses parviennent jusqu'au fond. V. Romanovsky, Physique de l'Océan,1966pp. 113-114.
6. Le benthos du système aphytal c'est-à-dire des trois étages les plus profonds (bathyal, abyssal, hadal) présente, surtout en ce qui concerne les deux derniers de ceux-ci, un certain nombre de caractères communs et il y a avantage à l'envisager d'une façon globale. En gros, on peut dire que l'étage bathyal correspond au talus continental, et à son pied, jusque vers 2 500-3 000 m, l'étage abyssal correspond à la grande plaine à pente douce qui va de 3 000 à 6 000-7 000 m; l'étage hadal, enfin, correspond aux grandes fosses dépassant 7 000 m. J.-M. Pérès, La Vie dans l'Océan,1966, p. 145.
Rem. 1. Abîme n'ayant pas donné lieu à la formation d'un adj. stable (cf. hist. A), abyssal fonctionne à la fois auprès de abysse et de abîme (au sens propre, ex. 1, et surtout dans les emplois fig.). 2. Abyssal concerne les grandes profondeurs mar. en gén., c.-à-d. toutes les régions sous-mar. situées au-delà d'une certaine distance du rivage et à partir d'une certaine profondeur; pour une description sc. plus différenciée, la lang., disposant de synon. (bathyal, etc.) les distingue, suivant un processus connu, en affectant p. ex. abyssal à une zone sous-mar. médiane entre la zone bathyale et la zone hadale. (cf. J.-M. Pérès, ex. 6).
B.− Au fig.
1. [De manière gén. (parallèlement aux emplois métaph. de abîme, d'abysses − cf. abîme B, abysse)] D'une profondeur non mesurable, comparable à celle d'un abîme, d'un abysse :
7. Entre mon nom et moi, je fais une distinction abyssale. A. Gide, P. Valéry, Correspondance,Lettre de P. V. à A. G., février 1929, p. 509.
8. Par-dessus les murs des villas, à l'abri déjà du grand vent du large, les branches bruissaient légères, apaisées, avec un timide bruit de fontaine − parfois se rejoignaient au-dessus de l'allée en voûtes inégales, d'où soudain le froid en embuscade s'abattait par flaques − un fouillis de verdure noire tout à coup murait l'avenue, en faisait une impasse de broussailles et de lianes, où le chemin tournait, compliqué, dans la lumière glauque des feuilles − pris au piège brusque d'un labyrinthe, − corseté de murs aux mousses vieilles et grises, derrière lesquels les villas sous leurs voûtes vertes s'enfonçaient dans un repos abyssal − déjà closes, verdies, moisissantes, écoutant craquer lourdement dans le silence leurs jointures, comme une épave couchée sur les grands fonds. J. Gracq, Un Beau ténébreux,1945, p. 180.
9. Celui-ci [Tanguy], en particulier, a vraiment « visualisé » le fond du gouffre, où, dans une clarté abyssale, des formes naissantes s'ébauchent, des cellules de forme, protozoaires de l'univers plastique; des lueurs, aussi indécises, flottent dans l'espace où, méduses ou algues, des esquisses d'existence passent et ondulent. R. Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 372.
10. ... l'intelligence qui veut descendre au fond de l'abîme sans fond titube et se sent prise de vertige devant l'insondable; renvoyé de vouloir en vouloir de vouloir et s'embrouillant lui-même dans ces dédoublements infinis et cette infime désagrégation du velle velle, le dialecticien balbutie comme balbutie le raisonnement devant l'urgrund abyssal qui dit le premier fiat de la création. V. Jankélévitch, Le Je-ne-sais-quoi et le presque-rien,1957, p. 235.
2. En partic., PSYCHOL., PSYCHANAL. Qui appartient, est propre aux couches les plus profondes, c.-à-d. les plus anciennes et les moins connues de la personnalité humaine :
11. ... elle (...) me demande si je m'exerce à l'analyse de mes songes, comme il se fait dans l'Europe centrale où il n'est point de personne bien née qui manque, chaque matin, à retirer de ses propres gouffres quelques énormités abyssales, quelques poulpes de forme obscène qu'elle s'admire d'avoir nourris. P. Valéry, Variété2, 1929, p. 225.
12. ... la neige même était masquée. Dans les cavernes terrestres, des plantes cristallisées cherchaient les décolletés de la sortie. Ténèbres abyssales toutes tendues vers une confusion éblouissante, ... P. Éluard, Donner à voir,1939, p. 45.
13. La poésie surréaliste, celle d'Éluard surtout, doit à cette présence de l'angoisse humaine, de l'espérance et d'un tourment de perfection très particulier, toute la profondeur des échos qu'elle suscite. Si elle évoque l'univers des rêves et les « ténèbres abyssales toutes tendues vers une confusion éblouissante », ce n'est pas pour le plaisir esthétique et pour la seule joie de dépeindre des paysages immatériels. A. Béguin, L'Âme romantique et le rêve,1939, p. 392.
14. Le non-savoir voie est le plus abyssal des non-sens. On pourrait dire : « Tout est accompli. » Non. Car à supposer qu'on le dise, aussitôt on aperçoit le même horizon traquant que l'instant d'avant. Plus on avance dans le savoir, fût-ce par la voie du non-savoir, et plus le non-savoir dernier devient terrible, angoissant. En fait, on se donne au non-savoir, c'est la communication, et comme il y a communication avec le monde obscurci, rendu abyssal par le non-savoir, on ose dire Dieu... G. Bataille, L'Expérience intérieure,1943, p. 85.
15. Dans un éclair, il me sembla que je photographiais son visage, juste à cet instant, et je sus que je n'en oublierais jamais plus l'expression, pour fugace qu'elle eût été. C'était un masque tiré des couches abyssales, le rictus de la méchanceté suprême, pas celle qui jaillit de la colère, celle-là contient toute l'angoisse de la défaite et de la lâcheté, mais la méchanceté par système, celle qu'on s'impose, la méchanceté logique, monstrueusement exempte de passion animale. R. Abellio, Heureux les pacifiques,1946, p. 50.
Stylistique − L'adj. semble être devenu chez certains aut. un terme à la mode, dont la valeur est de plus en plus éloignée de tout rapport avec la réalité ((cf. ex. 9), où l'abîme est dit avoir sa clarté, sa lumière). Dans l'ex. 16 le syntagme ciel abyssal peut être rapproché de l'emploi de abîme dans la Chronique des ducs de Normandie (cf. abîme, étymol. 1); cf. Genèse, I, 7-8 : ,,Dieu fit le firmament, qui sépara les eaux qui sont sous le firmament d'avec les eaux qui sont au-dessus du firmament, et Dieu appela le firmament ciel`` : 16. Je me tourne vers l'est et je me tourne vers l'ouest. Et je sens tour à tour les deux souffles sur ma face, le souffle de la mer et le souffle de la terre. Froid et pur l'un arrive du ciel abyssal, là où la profondeur des eaux vierges Se plisse sous la révolution de l'Éternité; Et de l'autre côté vient le vent de la terre, chargé de parfums et de fumées, de l'odeur des champs et des arbres, et des eaux douces, et des peuples et des animaux; j'ai sur ma face le vent nourricier! P. Claudel, Le Repos du septième jour, 1901, p. 846.
Prononc. : [abisal], masc. plur. [-o]. − Rem. Littré et DG transcrivent ce mot avec un s double [ss]. D'apr. Fouché t. 3 1961, p. 880 : ,,Il ne semble pas qu'on puisse parler de géminées (...) [s/s] dans les mots venus du latin. On n'a eu probablement là que des consonnes longues (...), [s :], appartenant tout entières à la même syllabe. (...) [s :] n'a plus aujourd'hui qu'une durée normale et rien ne distingue plus dans la prononciation le [s] de abyssal, assimiler, etc., et celui de assommer, asseoir. etc.``
Étymol. − Corresp. rom. : a. prov. abisal; ital. abissale; cat. abissal. 1597 « dont l'immensité est insondable », terme théol. (Philippe Bosquier, Le Fouet de l'académie des pécheurs, 351, Delboulle ds Quem. t. 1 1959 s.v. : sa grandeur immense surpasse infiniment la capacité, abyssale qu'elle soit, de toutes les armes du monde). Dér. du lat. chrét. abyssus « abîme », attesté dep. Tertullien, au sens propre de « espace immense, s'étendant entre le ciel et la terre et habité par Dieu » (Tert., Adversus Praxean, chap. 23, ds TLL, s.v., 243, 50 : deum... intra abyssos esse), emploi fig. fréq. en lat. chrét. en relation avec hominum, judicia, consilium, cor, conscientia, corruptio... (ibid., 244, 52, sq.); cf. en lat. médiév., domaine angl., abyssalis « id. », ca 1241 (ds Latham, Revised medieval latin word-list s.v. abyssus). HIST. − Abyssal, monosém. « dont l'immensité est insondable » a eu successivement différents emplois. A.− En rapport avec le subst. abîme et apr. avoir éliminé des concurrents abîmeux (attest. seulement ds Hug. et Cotgr. 1611) et abismal (attest. ds Hug. et ds Lar. 19e), abyssal a eu d'abord et surtout un emploi relig. (1reattest. cf. étymol.) et aussi : Puits abbyssal de l'Apocalypse. P. Camus, Homélies quadragésimales, 1647, 93, 119 (Quem). L'amour abyssal, c.-à-d., selon leur langage [des mystiques], l'amour intime, infini, profond. Bossuet, 5eÉcrit, 10 (DG). N'est cité pour les xixeet xxes. que par Rob. et Nouv. Lar. ill. sans attest. − Rem. D'autres emplois sont possibles (cf. sém. B 1), mais ces emplois ont subi l'influence de abysse (cf. inf. B). B. − En rapport avec le subst. techn. abysse* abyssal a pris à la fin du xixes. un sens techn. en océanographie. Cet emploi second s'est imposé comme sens propre (cf. sém. A). − Rem. Spécialisation de abyssal pour la faune, les sédiments et le relief des grandes profondeurs océaniques, et de abyssique, terme techn. du xixes. (attest. ds Ac. Compl. 1842 et Besch. 1845). C.− Au début du xxes., abyssal a été utilisé pour désigner les recherches ayant pour obj. l'exploration de l'inconscient. Associé à psychologie, il devient synon. de psychanalyse ou psychologie des profondeurs (cf. sém. B 2).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 15.
BBG. − Carrington (R.). Biographie de la mer... (Trad. de l'angl.). Paris, 1962, 283 p. − Husson 1964. − Lafon 1963. − Pérès (J.-M.). La Vie dans l'Océan. Paris, 1966, 192 p. − Plais.Caill. 1958 − Romanovsky (V.). Physique de l'Océan. Paris, 1966, 192 p.