PIÈCE, subst. fém.
Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 «partie d'une chose déchirée, cassée» (
Roland, éd. J. Bédier, 3437); 1460-66
mettre en pièces «massacrer» (
Martial d'Auvergne,
Les Arrêts d'amour, éd. J. Rychner, XLI, 41); 1579
tailler en pièces (
Larivey,
Laquais, IV, 2 ds
Anc. Th. fr., éd. Viollet-Le-Duc, t.5, p.75);
2. ca 1223
une piece de viés fust «un vieux morceau de bois» (
Gautier de Coinci,
Miracles ND, éd. V. F. Koenig, I
Mir 28, t.2, p.262, 34); 4
equart du
xiiies.
piece de pain (
Lex. Abavus, 373 ds
Roques t.1, p.12);
xiiies.
une pece de char (
Isopet de Lyon, éd. W. Foerster, 229).
B. 1. a) [Fin
xies. «penne de la chaîne d'un tissu» (
Raschi,
Gl., éd. A. Darmesteter et D. S. Blondheim, t.1, p.110, n
o803)];
ca 1165 cout. (
Troie, éd. L. Constans, 13363);
ca 1170
une piece de samit (
Marie de France,
Lais, éd. J. Rychner, VIII, 135);
ca 1265 «petit morceau d'étoffe qu'on coud sur un habit pour boucher un trou» (
Rutebeuf,
OEuvres, éd. E. Faral et J. Bastin, t.2, p.33); fin
xives. «plastron de fer qui se plaçait sur la cotte de maille antérieurement à l'usage de la cuirasse» (
Froissart,
Chroniques, éd. G. Raynaud, t.10, p.198); fin
xves. «accessoire qui corrigeait ce que le décolleté des robes avait de trop hardi» (
Olivier de La Marche,
Le Triomphe des dames, éd. J. Kalbleisch, p.19); 1492
pièce d'estomac (
Vie Anne de Bretagne, éd. A. J. V. Le Roux de Lincy, t.4, p.93);
b) fin
xes.
pece sens peu clair peut-être adv. de temps «quelque temps» ou subst. «quelque chose de pire» (
Passion, éd. D'Arco Silvio Avalle, 366);
ca 1140
une piece «quelque temps» (
Geffrei Gaimar,
Hist. des Anglais, éd. A. Bell, 2714);
ca 1150
grant piece «longtemps» (
Charroi Nymes, éd. D. McMillan, 18);
c) 1208
une piece de candoile (doc. ds
Du Cange,
s.v. pecia); 1315
pieche de berbis (
Arch. Nord, B 6949, f
o28 r
ods
IGLF); 1674
travailler à ses pièces (
Vaugelas,
Rem. sur la langue fr., chap. 270); 1840
presque tous les ouvriers sont aux pièces (
A. Perdiguier,
Le Livre du compagnonnage, p.52); 1845
travailler aux pièces (
Besch.);
d) au fig. 1240-80
piece d'omme «individu» (
Baudoin de Condé,
Dits et Contes, éd. A. Scheler, XII, 309);
xiiies. [date du ms.]
pieche a saten terme d'injure (
Partenopeus de Blois, éd. J. Gildea,
Continuation, 125, var. ms. G);
e) ca 1275 blas. (
Adenet le Roi,
Enfances Ogiers, éd. A. Henry, 5153);
f) 1497
pièce de bois «solive» (doc. ds
Gdf. t.6, p.98b,
s.v. perelle);
g) 1549 cuis.
pièce de four (
Rabelais,
Sciomachie, éd. Ch. Marty-Laveaux, t.3, p.411); 1694
pièce de pâtisserie (
Ac.); 1807
pièce montée (
Almanach des gourmands, 72-74 ds
Quem. DDL t.1);
h) 1924
un trois-pièces (de bure grise) terme de mode pour dames (
Gazette du bon ton, 7
eannée, numéro 2, sept., 56,
ibid., t.16);
2. spéc.
a) 1176-84
piece de tiere (
Gautier d'Arras,
Ille et Galeron, éd. Fr. A. G. Cowper, 1972); 1694
pièce d'eau (
Ac.);
b) 1260
pieche de vin (
Estienne Boileau,
Métiers, éd. R. de Lespinasse et Fr. Bonnardot, p.244);
c) ca 1285
pièce d'argent (
Rutebeuf,
op. cit., p.279); 1787
donner à qqn la monnaie de sa pièce (
Fér. Crit.,
s.v. monnoie);
d) ca 1500
pièce (d'artillerie) (
Philippe de Commynes,
Mém., éd. J. Calmette, t.1, p.62 et 184);
e) 1535
pièces justificatives (v.
justificatif étymol.);
f) 1559 «chacune des figures dans un jeu d'échecs» (
Philieul, trad. de Vida,
Le jeu des échecs, f
oapr. β iiii);
g) 1580 «oeuvre littéraire» (
Montaigne,
Essais, I, 28, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, t.1, p.184); 1625
pièce de musique, de peinture (
Stoer Fr.-Lat.); 1631 [éd.] «oeuvre dramatique» (
G. de Balzac,
Prince, p.157); 1640
faire pièce «faire un bon compte, une histoire de quelque chose, faire quelque plaisanterie» (
Oudin Curiositez); 1659
faire une pièce à (
Molière,
Précieuses ridicules, 16);
h) 1694 «chacune des parties des chambres d'un logement» (
Corneille);
3. a) 1172-90
tote d'une piece «d'un seul tenant, d'un seul bloc» (
Chrétien de Troyes,
Perceval, éd. F. Lecoy, 3251);
ca 1660
tout d'une pièce «sans souplesse d'esprit» (
Retz, III, 164 ds
Littré); 1690 «sans souplesse et sans grâce» (
Fur.); 1553
pièce à pièce (
Bible de l'imprimerie Jean Gérard, Ezechiel, 24, 6); 1690
fait de pièces et de morceaux (
Fur.);
b) fin
xives.
ar[
re]
és et aparilliés de toutes pièces «complètement armés» (
Froissart,
op. cit., p.212); 1461
armé de toute pièce (
Chastellain,
Chronique, IV, éd. Kervyn de Lettenhove, t.3, p.153);
ca 1500
armé de toutes pièces (
Philippe de Commynes,
op. cit., p.132);
c) fin
xves. «objet qui entre dans la composition d'un tout et qui contribue pour sa part à faire fonctionner celui-ci (en parlant d'une armure)» (
Olivier de La Marche,
Mém., éd. H. Beaune et J. D'Arbaumont, t.1, p.322);
d) 1580
pièces rapportées (
Montaigne,
Essais, I, 9, éd. citée t.1, p.36). D'un gaul.
*pettia que l'on peut restituer d'apr. le gall.
peth et le bret.
pez (
cf. lat. médiév.
petia «petit morceau d'or battu», att. vers 800 ds les
Compositions Lucenses, ital.
pezza, esp.
pieza). Au sens A 1 le mot a été fortement concurrencé dès le
xives. par
mors et son dér.
morsel (
morceau* lequel tend à remplacer
trons, v.
tronçon), alors que les dér.
dépecer*, rapiécer* continuaient à être très employés dans la lang. écrite.