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GÉMINATION, subst. fém.
Étymol. et Hist. 1478 (G. de Chauliac, Le Guidon en françois, trad. par N. Panis ds Sigurs). Dér. du rad. de geminatum, supin de geminare (v. géminer); suff. -ion* (cf. le lat. geminatio « répétition de mots »).

Mise à jour de la notice étymologique par le programme de recherche TLF-Étym :

Histoire :
0. « caractère, nature de ce qui est double ». Attesté depuis 1472 [dans une traduction d'un texte latin] (GuiChaulB, page 313, § 688 = DMF2 : Galien aussi ne dit pas des deux [individus] qu'il vit navrés et puis guaris en Samarie […] que la sustance du cervel en feust yssue mais que seulement le cervel en fut navré ne de cellui qui fut guari en Smirnes […], car il ne dit pas que la sustance du cervel en saillit mais que seulement il fut navré en l'un des doubles ventricules et avec ce, l'en cuidoit qu'il fust gueris par la volenté de Dieu, car s'il eust esté plaié en tous les deux, il eust pou duré, comme il dit ; et pour ce, il conclut les geminations et duplicités d'aucuns organes et leur utilité ). La consultation des matériaux disponibles incite à penser que ce sens général est rare. Voici les quelques jalons que nous avons pu relever : 1er quart du 16e siècle (Du Vair, Œuvres in Huguet) ; 1625 et 1637 (Peiresc, Lettres, volume 6, page 119 ; volume 7, page 209 = Frantext) ; 1771 (Trévoux8 s.v. géminé) ; 1926 (Lavedan, Urbanisme, page 14, in Frantext). - 
A. « disposition par paires » (botanique). Attesté depuis 1845 (Bescherelle1 : gemination. s. f. Qualité, état de ce qui est double, de ce qui est disposé par paires. La gémination des pistils, des folioles [« petites feuilles »]). Pour ce qui est de l'attestation de gémination de 1806 (Capuron1 : Gémination, s. f. geminatio, tout ce qui concerne le bourgeonnement des plantes vivaces et ligneuses ; l'époque où leurs bourgeons entrent en action de développement), il faut la lire gemmation* « bourgeonnement » (cf. FEW 4, 94b, gĕmma II 1). - 
D. « redoublement, dans l'écriture ou la prononciation, d'une voyelle, d'une consonne (et plus rarement d'une syllabe) » (grammaire). Attesté depuis 1905 (Meillet, Abrégé, page 37, in DDL 39 : À cause de l'impression double qu'en reçoit l'oreille, on nomme aussi gémination cette division de la consonne). On relève une toute première attestation isolée de gémination dans un sens grammatical dès le Moyen Âge, mais le sens y est « type de composition qui consiste à répéter deux fois la même unité lexicale pour en former une nouvelle » : 1325 (Donatm2S, page 121, § 73 : En quantes manieres est faite composition ? En .iij. Par composition, si comme etiam qui est compost de et de iam, par gemination, si comme iamiam, par adjoustement de sillabes, si comme iamque qui est compost de iam et de que). L'analyse de nombreux ouvrages de grammaire embrassant la période du 16e au premier quart du 20e siècle (Estienne, Latin1 ; Lancelot, Grammaire ; Du Roure, Grammaire ; Vaugelas, Remarques ; Antonini, Principes ; Encyclopédie Méthodique, Grammaire ; Dictionnaire Conversation Lecture ; Portius ; Grammatica, éd. Meyer‑Lübke ; Darmesteter, Cours ; Clédat, Phonétique) a fait apparaître que le phénomène en question est décrit sous le nom de dédoublement, redoublement ou réduplication, mais jamais sous celui de gémination. Par conséquent, il n'y a aucune continuité entre l'attestation isolée du 14e siècle et le terme technique moderne. - 
C. « regroupement de deux écoles, comportant à l'origine chacune une classe, l'une de filles, l'autre de garçons (ce qui a permis la répartition des élèves par classes mixtes en fonction de leur âge) ». Attesté depuis 1914 (Rouvière, Gémination, page 17 : Il faut arriver à 1914 pour entendre un ministre de l'Instruction publique parler d'essais de gémination dans les localités comptant deux écoles publiques, spéciales l'une et l'autre à chaque sexe. Il est question de ces essais illégaux dans une circulaire du ministre de l'Instruction publique, M. Viviani, du 12 mars 1914, dont voici un extrait : […] J'ai pensé qu'il serait utile, en ce qui concerne les essais de gémination, de modifier et de préciser mes instructions antérieures). Les recherches n'ont pas permis de trouver la circulaire citée (Ø BullInstructPub 95 [1915] : année 1914, n° 2111 à 2133 ; JO [mars 1914] : n° 59 à 89). Le principe de gémination des écoles a été déterminé comme principe de graduation de l'enseignement, choisi et dosé suivant l'âge des enfants par deux plans d'études des écoles primaires, celui de 1887 et de 1923 (arrêtés du Ministère de l'Instruction publique du 18 janvier 1887 et du 23 février 1923, cf. Monroziès, Organisation, pages 116‑182). Cependant, au début de cette politique de restructuration, ce sont les termes coéducation et coenseignement qui sont utilisés (Buisson, Pédagogie s.v. coéducation des sexes). La gémination, qualifiée souvent d'essai, ne faisait en général qu'accompagner l'apparition des écoles mixtes dans des communes rurales à faible effectif, où la suppression d'une des écoles s'effectuait par mesure d'économie. C'est seulement à partir de l'application de la loi du 12 février 1933 que la restructuration dénommée gémination a pu se faire en invoquant des motifs pédagogiques (cf. Rouvière, Gémination, pages 16‑17 ; 26‑27). Largement employé dans les débats pédagogiques et administratifs des années 1930 et 1940 (cf. JODébats 14, pages 449‑461), le terme de gémination a été évincé dans les années 1960/1970 par mixité* (cf. Zancarini‑Fournel, Mixité, page 31 ; Mialaret, Éducation s.v. géminée). De nos jours, gémination est devenu un terme d'histoire (cf. Rogers, Clio 18 ; Zancarini‑Fournel, Clio 18 ; Zancarini‑Fournel, Mixité). - 
B. gémination dentaire loc. nom. fém. « union anormale de deux dents » (chirurgie dentaire). Attesté depuis 1975 (Médecine Flammarion, cf. supra). On relève l'emploi du lexème gémination comme terme de chirurgie dentaire hors syntagme figé dès 1962 (Larousse encyclopédique1). Bien que cette anomalie ait déjà été décrite dans la première moitié du 18e siècle (on trouve dent double ou jumelle, dents jumelles dans un ouvrage de référence paru en 1728, cf. Fauchard, Dentiste, pages 303‑304), le syntagme figé paraît récent. - 

Origine :
0./A./B./D. Transfert linguistique : emprunt au latin geminatio subst. fém. « action de doubler » (attesté depuis Quintilien [geminatio criminis], TLL 6/2, 1736), spécialement « redoublement d'une lettre, d'une syllabe, d'un mot (terme de grammaire) » (attesté depuis Quintilien, TLL 6/2, 1736), comme le laisse supposer la première attestation absolue, dans une traduction d'un texte latin. Le sens A. est une spécialisation de 0. Au 20e siècle, le lexème s'est fixé dans une locution nominale de la terminologie de la chirurgie dentaire (B.). Cf. von Wartburg in FEW 4, 93b, gĕmĭnare II 1, qui, fondant son analyse sur la documentation disponible à l'époque, écarte à tort l'hypothèse d'un latinisme.
C. Formation française : dérivé du verbe géminer* à l'aide du suffixe ‑ation (‑tion*) (cf. A. 1. a.). Le rapport sémantique entre le verbe et le dérivé est manifeste dans la citation suivante : On a géminé dans les communes où, à la demande du conseil municipal, d'accord avec l'instituteur et l'institutrice, la nécessité ou l'utilité de la gémination était apparue (1933, JODébats, page 460).Ces deux lexèmes originels (0./A./B./D. et C.), dont l'emploi est rare, se sont joints pour n'en former qu'un dans la conscience linguistique des locuteurs contemporains.


Rédaction TLF 1981 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2007 : Tatiana Kameneva.. - Relecture mise à jour 2007 : Jean-Pierre Chambon ; Gilles Roques ; Nadine Steinfeld ; May Plouzeau ; Thomas Städtler ; Michel Séjean ; Takeshi Matsumura ; Éva Buchi.