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BIGLER, verbe.
ÉTYMOL. ET HIST. − xvies. biscler intrans. « loucher » (P. Belon d'apr. DG); 1611 bisclant part. prés. (Cotgr.); 1642 (A. Oudin, Seconde part. des recherches ital. et fr., Paris); 1848 trans. (Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe, t. 4); d'où 1800 arg. bicler « regarder, voir » (Les Brigands Chauffeurs dans Sain. Sources Arg. t. 2, p. 90). Empr. à un lat. pop. *bisŏcŭlare « loucher » (bis « deux fois, de travers » et *oculare « regarder » < oculus, œil*); forme bigler d'apr. bigle*. Dans l'hyp., moins vraisemblable, où bigle1* serait préexistant à bigler (EWFS2, v. bigle1), celui-ci en serait dérivé.

Mise à jour de la notice étymologique par le programme de recherche TLF-Étym :

Histoire :
A. Intransitif : « loucher ». Attesté depuis 1555 (Belon, Poissons, page 133, in Gallica : ils [la plie, la limande, la sole…] ont esté nommez plats, pource qu'ils ne nagent en l'eau, a la maniere des autres : car ils vont d'un costé bisclant des yeulx, lesquels, combien qu'ils en ayent deux, toutesfois ils sont tout d'un costé par le dessus). Première attestation présentant le phonétisme moderne, lequel s'explique par l'influence de aveugler* ou par assimilation de sonorité au contact : 1642 (Oudin, Recherches : bigler « guardar bieco »). - 
B. Transitif : « regarder avec insistance ». Attesté depuis 1848 (Chateaubriand, Mémoires, volume 4, page 293, in Frantext : La chambrière écorche un peu le français, vous bigle ferme, et a l'air de vous dire : « j'ai vu d'autres godelureaux que vous dans les armées de Napoléon »). Un sens proche est attesté antérieurement dans l'argot des malfaiteurs : 1799 (Leclair, Brigands, page 18 : Les premiers signes de reconnoissance parmi ces brigands, sont, [...] de se demander : As‑tu biclé (vû) le chef ?). L'évolution du sens A. vers B. est comparable à celle qu'on constate dans lorgner* et loucher*. - 

Origine :
Continuateur régional régulier du protoroman */biso'klare/ v. « loucher », qu'on suppose à partir du protoroman */bi'sɔklU/ adj. « qui louche », représenté, dans une partie de l'aire oïlique, par le poitevin et le franc‑comtois biseuil « id. » (von Wartburg in FEW 7, 314a, ŏcŭlus) et par l'espagnol bisojo « id. » (attesté depuis 1400, DCECH 1, 593). La conservation du /‑kl‑/ intervocalique oblige à voir dans bigler un emprunt par le français, à partir du 16e siècle, à un dialecte de l'aire oïlique où c'est le traitement phonétique régulier du groupe consonantique /‑skl‑/. Cf. Hafner, Grundzüge, § 47, pages 176‑177. La zone d'origine la plus probable de la diffusion est le sud‑est oïlique (Bourgogne, Franche‑Comté), où des représentants de masculu, misculâre et *cremasculu sont attestés avec ce même traitement, comme en francoprovençal. (von Wartburg in FEW 6/1, 427a, masculus ; 6/2, 158ab, misculare ; 2, 1312a, kremaster). Cf. dondaine, Parlers comtois, pages 95‑96 et Taverdet, Saône‑et‑Loire, pages 184‑185. Le sud‑ouest du domaine oïlique constitue un point de départ moins vraisemblable, puisqu'il ne connaît, par ailleurs, qu'un seul exemple de cette évolution phonétique cf. *mŭscŭla > moucle subst. fém. « moule, coquillage » (attesté depuis 1500, dans le Sud et l'Ouest du domaine d'oïl, FEW 6/3, 261b‑262a, mūscŭlus I 2 a). La diffusion de bicler/bigler en français doit être comparable à celle de racler, qui relève lui aussi de ce traitement phonétique et qui est d'abord documenté en Bourgogne. (cf. TLF, s.v. racler ; von Wartburg in FEW 10, 79a, *rasclare). L'antériorité dans les textes, par rapport à bigler, de la forme nominale, bigle, employée comme surnom, n'est pas surprenante ; elle n'implique pas que ce soit le point de départ de la famille. Cf. von Wartburg in FEW 1, 380a, *bisoculare. Une autre hypothèse, qui propose le rattachement à bique subst. fém. « chèvre » (Spitzer, ZrP 44, 189 ; Sainéan, Étymologie 1, 68‑69 ; Jänicke, Mél. Deutschmann 141‑159), se heurte à plusieurs difficultés insurmontables : la forme *bisque « chèvre » n'est pas attestée et n'apparaît que dans des dérivés tardifs ; le passage de *bisque subst. fém. à biscle adj. serait inattendu ; l'intermédiaire le plus vraisemblable devrait être un dérivé verbal en -eler : *bisqueler, qui ne peut pas rendre compte des formes dialectales de type [bi'kλe].


Rédaction TLF 1975 : Équipe diachronique du TLF. - Mise à jour 2008 : Jean-Paul Chauveau ; Gilles Petrequin. - Relecture mise à jour 2008 : Éva Buchi ; Jean-Pierre Chambon ; Xavier Gouvert.