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ACRE, subst. fém.
Étymol. ET HIST. I.− Lat. médiév. − 839 Gand, accrum « mesure agraire » (Gysseling-Koch, Dipl. Belg., no51, Gand ds Nierm. t. 1 1954-58, s.v. acra : De terra arabili est in V. accrum, est ad seminandum modios 15); 893 Rhénanie, agram « id. » (Chart. Rhen. med., I, 135, 7 ds Mittellat. W. s.v. acra : in orto facit agram integram; 135, 8 mundat in o. agram I et plantat); 1006 Fécamp, hacrea « id. » (ds M. Bambeck, Boden und Werkwelt, 115, Beiheft zur Z. rom. Philol., 1968, p. 77 : 1006 Fécamp : hec ex hereditario jure concessa super addo : ... aecclesiam Scrotivillae et aliquid terrae arabilis; apud Harofloz. I. mansum cum. LX. pensis salis cum. IIII. hacreis prati ds Recueil des actes des ducs de Normandie, 911-1066, éd. Fauroux, Caen 1961 = Mém. de la Soc. des Antiquaires de Norm., XXXVI, 80). À la suite de cette attest. M. Bambeck, ibid., en cite une trentaine en lat. méd. du domaine norm. ou de l'Ouest de la France, allant jusqu'à l'année 1245. [Le texte de Rouen, daté de 1059 ds Bl.-W.5, est lui aussi lat. Quant au texte de Laval, 1125, auquel font allus. Dauzat 1968 et FEW t. 15, 1 s.v. aecer, il est également lat. (A. Bertrand de Broussillon, La Maison de Laval, 1020-1605. Étude historique accompagnée du Cartulaire de Laval et de Vitré, Paris, 1895 ds H. Drevin, Die französischen Sprachelemente in den lateinischen Urkunden des 11. und 12. Jahrhunderts, p. 11 : septem acras terrae)]. II.− Fr. − Ca 1170 agn. acre et agre « mesure agraire » (La Vie d'Édouard Le Confesseur, 1reversion, poème anglo-normand du xiies. p. par Östen Södergård, Uppsala, 1948, p. 263, vers 4953 : Les treis acres kil desevrerent Furent treis reis ki puis regnerent, Ki d'estrange lignage esteient Ne Alfred rien n'aparteneient., et p. 260 ibid. vers 4832 : Que treis agres toz cumprendreit); entre 1157 et 1217 acre « mesure agraire » (A. Neckam, Notice sur les Corrogationes Promethei ds P. Meyer, Notices et Extraits des manuscrits de la Bibl. Nat. et autres bibl., XXXV2, 641 sqq., p. 676, ds T.-L. s.v., Commentaire sur Rois, Livre I : Jugeri (XIV, 4); antiqua gramatica est ut dicatur hoc jugerum, [et] dicitur in gallico acre); 1290 acre « id. » (S. Evroult, A. Orne ds Gdf. Compl. s.v. : Pour chacune acre). Le mot fr. acre se dit surtout en parlant de l'acre anglaise ou de la mesure agraire de Normandie. À partir de 1900 env. les dict. indiquent que le mot est vieilli. Le mot est très répandu dans les lang. germ. d'où il a passé en fr.; cependant il est difficile de préciser par quelle voie. Corresp. dans le domaine germ. : norv. dan. ager, suéd. åker, norv. mod. aaker, a. nord. akr, got. akrs, ags. accer, angl. acre, a. sax. akkar, néerl. mod. akker, a. fris. ekker, a. h. all. ackar, n. h. all. Acker, m. h. all. acker, formes remontant selon Kluge 1967 à un germ. *akra-(le mot existe aussi dans d'autres lang. i.-e. : lat. ager « champ », gr. agrós, arménien art « id. », skr. ajra- « pâturage »); toutes ces formes remonteraient à un i.-e. *agro- « pâturage ». Le mot a pris, outre le sens de « terre », celui de « mesure agraire » mais seulement dans certaines lang. germ. : ags. aecer, angl. acre, m. b. all. acker (Lasch-Borchl. t. 1 1956) et m. h. all. acker (Lexer 1963) ainsi qu'en lat. médiév., en agn., dans les dial. de Normandie jusqu'à nos jours (Moisy 1885) et en fr. où il ne signifie plus que « mesure agraire ». L'hyp. la plus vraisemblable est donc une pénétration du mot par les invasions norm. au ixes. (R.-P. de Gorog, The Scandinavian Element in French and Norman, New-York, 1958, pp. 99 et 100) où les envahisseurs scand. (d'apr. E. G. Léonard, Hist. de la Normandie, P.U.F., 1944, p. 19) ravagèrent les Flandres (cf. l'attest. de Gand 839), dévastèrent les régions du Rhin (cf. Chart. Rhen. 893), occupèrent les côtes de la Manche (cf. Charte de Fécamp 1006); il y eut alors en Normandie une importante répartition des terres, ce qui expliquerait l'abondance des attest. dans cette région. À l'encontre de cette hyp., le fait que l'a. nord. akr, selon De Vries Anord. 1962, signifie « champ, grain » et non « mesure agraire »; il faudrait alors supposer que l'évolution sém. de « champ » à « mesure agraire » s'est produite dans les régions envahies, accompagnée d'une différenciation de genre, le fém., peut-être sous l'influence du lat. acnua « mesure agraire », étant spéc. réservé à la « mesure de terre ». L'hyp. d'une orig. ags. proposée par Bl.-W.5, Dauzat 1968 et FEW t. 16, 1 s.v. aecer (abandonnée d'ailleurs dans un additif, t. 15, 2) fait difficulté, étant donné l'ancienneté des attest. sur le Continent (voir sup.), bien ant. à 1066 (Hastings), date avant laquelle il est difficile de concevoir un courant ling. allant de l'Angleterre vers la France. Cependant en faveur de cette hyp. : la localisation géogr. du mot et le sens « mesure agraire », attesté pour l'ags. ca 1000 (Ælfric, Dial. in OE. and Lat., Thorpe Anal. 8 ds NED s.v. acre : Ælce daez ic sceal eriam fulne aecer oð ðe mǎre) [C'est donc à tort, semble-t-il que M. Bambeck, loc. cit., date la première attest. ags. de 1086, d'apr. Latham, Revised Medieval Latin Word- List from british and irish sources, London, 1965, date représentant pour M. Bambeck un argument essentiel pour rejeter l'orig. ags.] L'hyp. d'un germ. *akker « champ » (M. Bambeck, loc. cit. et reprise par FEW additif t. 15, 2 s.v. aecer), fondée en premier lieu sur la localisation des attest. de Gand 839 et de Rhénanie 893, ne rend pas compte de la multiplicité des attest. dans le domaine norm.