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STUPEUR, subst. fém.
A. −
1. État d'engourdissement, d'inertie accompagné d'insensibilité physique et morale. Synon. abattement, hébétude, torpeur.Stupeur morale, paralysante; glisser dans la stupeur; stupeur de la conscience. Saisi d'une stupeur épouvantable, - jeté sur mon lit dans un état d'anéantissement tout physique (Barb. d'Aurev., Memor. 2, 1838, p. 316).Elle demeura d'abord longtemps immobile, puis elle se tordit convulsivement les mains, de désespoir et de colère tout ensemble et retomba dans une profonde stupeur (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 34).
2. MÉD., MÉD. VÉTÉR.
a) État d'engourdissement général lié à un état pathologique, une intoxication. Stupeur azotémique. Le malade est dans un état de stupeur profonde. Des larmes, mêlées à une sécrétion muco-purulente, tracent des sillons sur la face; le mufle est sec et fendillé (Nocard, Leclainche, Mal. microb. animaux, 1896, p. 291).Quelques cas ne font pas une épidémie et il suffit de prendre des précautions. Il fallait s'en tenir à ce qu'on savait, la stupeur et la prostration, les yeux rouges, la bouche sale, les maux de tête, les bubons (Camus, Peste, 1947, p. 1246).
b) Vieilli. Engourdissement local, cessation d'activité d'une partie du corps, d'un organe, d'un système organique. Loin de l'influence de cet air actif et de cette vive lumière, dont on jouit sous la voûte du ciel, le corps s'étiole, (...) le système nerveux peut tomber dans la stupeur; trop souvent, il n'en sort que par des excitations irrégulières (Cabanis, Rapp. phys. et mor., t. 2, 1808, p. 115).Cependant, si la blessure était le siége d'une stupeur prononcée, comme celle que déterminent les projectiles volumineux, il serait convenable d'attendre que cet état de stupeur fût dissipé, afin de ne point le rendre plus grave en lui ajoutant l'affaissement momentané qui suit toutes les grandes opérations (Nélaton, Pathol. chir., t. 1, 1844, p. 224).
Stupeur (artérielle). Arrêt brutal temporaire ou définitif de la circulation dans une artère. On apprit à connaître les hémorragies retardées s'extériorisant quelques heures après une plaie artérielle, quand cesse la phase de « stupeur » qui a empêché le vaisseau de saigner (Bariéty, Coury, Hist. méd., 1963, p. 782).
3. PSYCH., PSYCHOL. Sidération de la personnalité avec suspension de toute activité physique et psychique que l'on rencontre principalement dans la schizophrénie. Stupeur catatonique, maniaque, mélancolique. À la suite d'une néphrite scarlatineuse, un de nos malades présenta le tableau clinique de la confusion mentale avec stupeur (Delay, Ét. psychol. méd., 1953, p. 213).
4. En partic. État de torpeur lié à la prise de substances stupéfiantes. Deux paysans du delta (...) aspirent le narghilé au milieu de borborygmes effrayants, toussent, toussent encore et s'enfoncent dans la stupeur (Morand, Route Indes, 1936, p. 155).
B. −
1. Saisissement causé par un grand étonnement, un choc émotionnel qui prive une personne de ses moyens physiques et intellectuels. Être frappé de stupeur; être plongé dans la stupeur. Je me souviens de notre stupeur en entendant ces soldats,de qui nous attendions enfin un témoignage véridique, − nous réciter naïvement les phrases mêmes que chaque jour l'on pouvait lire dans les journaux (Gide, Journal, 1929, p. 913).Il dormait, lui aussi, gardant dans son sommeil une expression de stupeur et de désespoir (Simenon, Vac. Maigret, 1948, p. 128).
Loc. adv.
Avec stupeur. En éprouvant un grand saisissement, un grand étonnement. Elle se demandait avec stupeur comment des femmes pouvaient consentir à ces contacts dégradants avec des étrangers, alors qu'elles y étaient déjà contraintes avec l'époux légitime (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Réveil, 1883, p. 878).Toute la famille Duydt considérait avec stupeur et orgueil ce bossu qui avait su si vite escalader la route de la richesse, et devenir une force (Van der Meersch, Invas. 14, 1935, p. 170).
Dans la stupeur (de + subst.). Dans un état de grand saisissement. Paris est devenu bien triste: plus de bals! plus de soirées! plus de ces équipages brillants qui roulaient sur les boulevards! On est dans la stupeur et l'attente (M. de Guérin, Corresp., 1830, p. 38).Alors, Nana, debout sur le siège de son landau, grandie, crut que c'était elle qu'on acclamait. Elle était restée un instant immobile, dans la stupeur de son triomphe (Zola, Nana, 1880, p. 1404).
2. Immobilisation, arrêt subit de l'activité consécutif à un événement, un phénomène. Déjà le train avait disparu dans un ouragan (...) Il y eut, après, une stupeur dans l'air, un arrêt de tout (A. Daudet, Évangéliste, 1883, pp. 114-115).Tout le monde se retrouvait au bout d'une longue stupeur, des voitures passaient qui se dirigeaient déjà vers la fête (Aragon, Beaux quart., 1936, p. 157).
3. État de saisissement, de paralysie qui frappe une personne. Une stupeur le prit devant l'intérieur de son sac (Maupass., Contes et nouv., Dimanches bourg. Paris, 1880, p. 291).Il n'avait pas déplié sa serviette qu'une stupeur le cloua sur sa chaise. La tête de veau fumant dans le persil, venait de lancer un meuglement (Pourrat, Gaspard, 1930, p. 193).
Au plur., littér. Comme jadis, elle versait de l'eau bouillante dans les verres et sur les couteaux pour les laver, et elle éprouvait des stupeurs énormes lorsque les uns se fêlaient et que les autres perdaient leur fil (Huysmans, En mén., 1881, p. 103).
[Dans une exclam.] Et peut-être voici qu'enfin la traversée Effrayante, d'un astre à l'autre, est commencée! Stupeur! se pourrait-il que l'homme s'élançât? (Hugo, Légende, t. 2, 1859, p. 830).
REM.
Stuporeux, -euse, adj.[Corresp. à supra A] a) Psychanal. ,,Qui est caractérisé par un état de stupeur`` (Man.-Man. Méd. 1980). Mélancolie stuporeuse (Man.-Man. Méd. 1980). b) Méd. Langue stuporeuse. ,,Modification de l'aspect de la langue qui se rencontre dans la stupeur (...); elle porte alors la trace des impressions dentaires sur ses bords`` (Garnier-Del. 1972).
Prononc. et Orth.: [stypœ:r]. Att. ds Ac. 1694 et dep. 1762. Étymol. et Hist. 1. 1377 méd. « engourdissement général » (Evrart de Conti, Probl. d'Arist., B.N. 210, fo80b); 2. 1531 [éd.] « immobilité causée par un étonnement profond » (Jean de Vignay, Mir. hist., XXV, 33 ds Delb. Notes mss); 3. 1836 plur. (Balzac, Lys, p. 154: je partis après quelques moments passés dans une de ces heureuses stupeurs des âmes arrivées là où finit l'exaltation et où commence la folle extase). Empr. au lat.stupor « engourdissement soit physique, soit mental », dér. de stupeo « être engourdi, demeurer immobile ». Fréq. abs. littér.: 1 334. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 732, b) 2 381; xxes.: a) 2 403, b) 2 327. Bbg. Gohin 1903, p. 324. − Quem. DDL t. 29 (s.v. stupeur maniaque).