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RAPIÉCER, verbe trans.
A. − Réparer, raccommoder une étoffe, du linge, un vêtement ou toute autre surface élimée ou trouée en cousant ou en collant une ou plusieurs pièces. Elle rapiéçait son corset, vieux et usé, avec des morceaux de calicot (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 231).Au sortir de l'église, ils passèrent devant l'échoppe du savetier (...). Le bonhomme rapiéçait des chaussures rustiques (A. France, Lys rouge, 1894, p. 179):
Les ciseaux sont propres aux hautes civilisations; l'Europe ne les connut qu'après le début de notre ère. Quant à l'idée, simple pourtant, de rapiécer un tissu, les Péruviens eux-mêmes ne la connurent pas, mais se contentèrent de repriser les trous. Lowie, Anthropol. cult., trad. par E. Métraux, 1936, p. 128.
Empl. abs. L'hiver, après le souper, vos femmes et vos filles cousent ou rapiècent au coin du feu (Pesquidoux, Livre raison, 1928, p. 242).
B. − P. anal. Boucher des trous, le plus souvent sommairement, par des moyens de fortune. Des cloisons en planches rapiéçant çà et là les murailles de granit (Hugo, Rhin, 1842, p. 248).Il regarda ces maisons de moyen âge s'écartant en haut pour voir un peu de ciel, les bâtisses rapiécées par trois ou quatre siècles et laissant, sous leur plâtre d'hier, repercer les saletés de leur vieillesse (Goncourt, Man. Salomon, 1867, p. 363).Il en faut [des cantonniers], n'est-ce pas vrai, pour rapiécer les routes de nos départements (Blanche, Modèles, 1928, p. 41).
C. − Au fig. Restaurer, rénover par des ajouts. La Pologne, qui jadis se trouva mangée tout entière, lorsque M. de Metternich rapiéça la Sainte-Alliance avec les lambeaux du système continental, et du manteau de César fit un habit d'Arlequin (Mussetds Le Temps, 1831, p. 16).J'écrirai (...) très simplement mes souvenirs, et s'ils sont en lambeaux par endroits, je n'aurai recours à aucune invention pour les rapiécer ou les joindre (Gide, Porte étr., 1909, p. 495).
REM. 1.
Rapiécé, -ée, part. passé en empl. adj.[Fréq. suivi d'un compl. prép. de indiquant la nature ou l'origine de la pièce] a) [Princ. en parlant d'une étoffe, d'une pièce d'habillement; corresp. à supra A] Auquel ou à laquelle on a mis une pièce ou des pièces. Coude, fond (de culotte) rapiécé; jean, manteau, pèlerine, robe, tablier rapiécé(e); bottes, semelles, souliers rapiécé(e)s; couverture, rideau rapiécé(e). Un store (...) aussi rapiécé que la voile d'un bateau de pêche (A. Daudet, Sapho, 1884, p. 326).Je pouvais pas aller relancer les patrons en costard limé, rapiécé, frangé, les manches raccourcies à mi-bras (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 340).Les vieux retraités du chemin de fer promenant un chien, dans leur costume de travail en toile déteinte rapiécée de carrés bleus (Chardonne, Ciel, 1959, p. 48).b) P. anal. [Corresp. à supra B] Bateau, bâtiment, porte, toit (de chaume) rapiécé(e). Un grand lit napoléonien qui avait pu être beau en 1810, mais dont (...) les roulettes percluses, les pieds eux-mêmes lamentablement rapiécés et les éraflures sans nombre attestaient la décrépitude (Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 17).Sur le pont s'avançait une carriole (...) assez semblable à celle qui nous avait emmenés à la foire (...) mais plus vétuste, plus disloquée, plus rapiécée (Arnoux, Zulma, 1960, p. 89).c) Au fig. [Corresp. à supra C] [Ch. Perrault] comprenait que les Modernes ont aussi leur poésie, leur source d'inspiration propre, qu'ils l'ont dans le christianisme plutôt que dans ces vieilles images rapiécées de Mars, de Bellone au front d'airain (Sainte-Beuve, Nouv. lundis, t. 1, 1861, p. 306).En partic. Formé de pièces disparates ou qui semble rapportées. Tout autour, une plaine immense, rapiécée de mille sortes de cultures, semée de beaux villages (Hugo, N.-D. Paris, 1832, p. 157).Je vois une campagne toute rapiécée, des forêts toutes noires, des rivières qui vont l'une vers l'autre (Claudel, Nuit Noël, 1915, II, p. 577).
2.
Rapiéceur, subst. masc.,rare. a) Celui qui répare les vêtements en posant des pièces. Les tas de loques, grouillants et multicolores, du rapiéceur (A. Humbert, Mon bagne, 1880, f o10).b) P. anal. Jamais il ne revenait sur une rupture, ni une cassure d'amitié, ni de volupté, « étant, affirmait-il, piètre rapiéceur de poteries rares » (L. Daudet, Sylla, 1922, p. 40).
3.
Rapiéçure, subst. fém.,rare. Pièce posée pour boucher un trou. Synon. rapiéçage.Une pauvre petite mallette garnie de clous, avec des rapiéçures et pesant plus que son contenu (A. Daudet, Trente ans Paris, 1888, p. 3).
Prononc. et Orth.: [ʀapjese], (il) rapièce [-pjεs]. Ac. 1694, 1718: -pie-; dep. 1740: -pié-. Conjug. V. abréger + cédille devant a et o: rapiéçant, rapiéçons. Étymol. et Hist. 1. a) 1389 « refaire en rassemblant les pièces éparses » (J. Froissart, Dit dou florin, 3, Dits et Débats, éd. A. Fourrier, p. 175); b) 1580 « composer, former (une œuvre) de diverses pièces » (Montaigne, Essais, II, XXXV, éd. P. Villey et V.-L. Saulnier, p. 749); 2. a) 1549 « raccommoder, réparer » (Est.); b) ca 1590 fig. « restaurer, rénover par des ajouts » (Montaigne, op. cit., I, XXVI, ibid., p. 148). Dér. de pièce*; préf. a-1* et re-*; dés. -er. Fréq. abs. littér.: 114.