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NIVELEUR, -EUSE, adj. et subst.
I.
A.− Subst. [À propos d'une pers. ou d'une personnification]
1. Personne qui nivelle, qui met de niveau une surface (en aplanissant les bosses, en comblant les creux, en en supprimant les inégalités, les aspérités).
P. métaph. Je suis le niveleur des frontons et des dômes; Le dernier lit où vont se coucher les Sodomes Est arrangé par moi (Hugo, Légende,t. 4, 1877, p. 557).
2. P. anal.
a) Subst. masc. plur., HIST. ANGL. [À propos des membres les plus exaltés du parti des Indépendants en faveur d'une égalité absolue de fait comme de droit, pendant la révolution de 1648] La hache des niveleurs se promenant d'un bout du royaume [d'Angleterre] à l'autre, aplanit toutes les hauteurs sociales et la royauté elle-même périt sur l'échafaud (Lamennais, Indifférence,1817-23, p. 280).Cromwell fut pendant quelque temps le chef des niveleurs (Ac. Compl.1842) :
1. Les nouveaux venus imprimèrent une vive impulsion au mouvement démocratique; le 24 mars, les délégués des clubs, réunis à Norwich, exprimèrent l'espoir d'une union générale de tous les amis de la liberté. Ainsi apparut l'idée de cette convention populaire qui allait devenir la terreur de l'aristocratie; elle crut voir ressusciter les « niveleurs » du XVIIesiècle. Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 298.
b) [En France, p. anal. avec les révolutionnaires angl., à propos des révolutionnaires en faveur d'une égalité des fortunes et du partage des terres] Charles avait dit : que juillet qui s'écoule Venge mon trône en butte aux niveleurs (Bérang.,Tomb. de juilletds Littré).Oh! quelle différence il y a du ton et de l'esprit du préfet de Mayence à celui du délégué de la Convention! Le niveleur a disparu, il n'est plus de ceux qui fauchent, il [Jean-Bon Saint-André] est de ceux qui essayent de fonder (Sainte-Beuve, Nouv. lundis,t. 8, 1864, p. 182).
c) Péj. [À propos de ceux qui prétendent niveler les fortunes, les conditions] Partisan de l'égalité absolue. ,,Le parti des niveleurs. Niveleurs exaltés; acharnés niveleurs`` (Ac. 1878).
P. métaph. Il est un type d'hommes fréquent et qui mettaient mon père hors de lui. Ce sont ceux que, faute d'étiquette, j'appellerai les « niveleurs d'opinions et d'événements » (L. Daudet, A. Daudet,1898, p. 139).
[Avec personnification] Parce que par oubli le Temps, ce niveleur, A respecté ton front poudré de bateleur (...) Tu croyais éternel ton siècle (Lorrain, Griseries,1887, p. 70).
La grande niveleuse. ,,La mort`` (Quillet 1965). (Ce) rude niveleur. Le canon.
En emploi adj. Petite bourgeoisie niveleuse. Il y a une grande analogie entre la tyrannie de tous et la tyrannie d'un seul. Le despote est niveleur comme le peuple (Chateaubr., Disc. et opin.,1826, p. 295).Les Italiens ne sont point niveleurs ni socialistes (Taine, Voy. Ital.,t. 2, 1866, p. 93).Et je l'ai vu par l'imagination, au milieu de ses victimes futures, le fou sanguinaire, fils de l'Orgueil et de l'Envie, le dernier-né des démocraties niveleuses (Coppée, Franc-parler I,1894, p. 297).
P. méton.; [en parlant de la conscience/du niveau de conscience, de ce qui anime un partisan de l'égalité absolue] Principes niveleurs. On pourrait multiplier les preuves de cet esprit constructeur de la loi allemande, en opposition avec l'esprit niveleur et égalitaire, tranchons le mot, destructeur de notre législation (Barrès, Serv. All.,1905, p. 237).Conclusion : le soi est hiérarchique et constructeur, alors que le moi est égalitaire et niveleur (L. Daudet, Monde images,1919, p. 101).
Au fig. Notre siècle reliera le règne de la force isolée, abondante en créations originales, au règne de la force uniforme, mais niveleuse, égalisant les produits, les jetant par masses, et obéissant à une pensée unitaire, dernière expression des sociétés (Balzac, Gaudissart,1834, p. 3).
B.− Adj. [En parlant d'une chose]
1. Qui nivelle, qui met de niveau une surface. La neige niveleuse (Lar. Lang. fr.).
Lame niveleuse (infra b).
P. métaph., en emploi subst. [En parlant du ch. de fer] On est ici dans la partie la plus ancienne et la plus sainte de Bénarès, − très loin de ces quartiers nouveaux qui se banalisent odieusement et où passe le grand niveleur universel : le chemin de fer (Loti, Inde sans Angl.,1903, p. 424).
Emploi subst., TECHNOL.
a) Au masc., AGRIC. ,,Herse sans pointes, faite de traverses métalliques; elle est munie de mancherons et sert à aplanir le sol`` (Fén. 1970).
b) Au fém., TRAV. PUBL. ,,Engin tracté ou automoteur, équipé d'une lame niveleuse horizontale, utilisé surtout pour répandre et niveler les terres de déblais et planer les terrains à irriguer`` (Agric. 1977). La herse est en culture courante la meilleure niveleuse (Ballu, Mach. agric.,1933, p. 37).
2. Au fig.
a) Qui met de niveau (les hommes). Lydie fut tout de suite saisie par la beauté, la grandeur de cette effigie du vieux mendiant; et devant la mort niveleuse, la honte qui l'écrasait depuis ce soir, depuis qu'elle se savait la petite fille de ce coureur de routes, faisait place à une pitié tendre et respectueuse (A. Daudet, Pte paroisse,1895, p. 288):
2. Le déterminisme à l'échelle humaine et astronomique serait ainsi dû à l'effet niveleur de la loi « Loi des grands nombres » (...). Cette loi n'implique pas forcément la détermination de l'événement individuel (...) si la loi est de nature déterministe, le phénomène individuel se révèle aléatoire. Gds cour. pensée math.,1948, p. 425.
b) Qui tend à aplanir, à uniformiser, à rendre toutes choses égales (qualitativement, quantitativement). Flot niveleur. Le temps niveleur a jeté sur le tout son uniforme couleur de vieille terre cuite rougeâtre, ses plantes de murailles, son même délabrement, sa même poussière (Loti, Jérusalem,1895, p. 68).
P. métaph. La politesse, quoique fille de la cour, fut et sera toujours niveleuse, elle efface et aplanit tout; ni trop haut ni trop bas est sa devise (Vigny, Lettre Lord***, 1829, p. 271).Ces colossales richesses, qu'il avait fallu des siècles de népotisme pour entasser entre les mains de quelques-uns, ont fondu comme de la cire, en dix ans à peine, au feu niveleur de l'agio moderne (Zola, Rome,1896, p. 206).
II.− [À propos/en parlant d'une pers.] (Personne) qui nivelle, qui mesure au niveau.
En appos. :
3. Les bateaux venant de l'Atlantique remontaient la Garonne jusqu'à Toulouse : il n'y avait plus, alors, qu'à pratiquer un canal allant de cette ville à la Méditerranée, par exemple jusqu'à Narbonne. Des propositions plus ou moins inspirées de cette idée furent présentées (...) à Henri IV par le cardinal De Joyeuse et le maître niveleur Pierre Reneau... P. Rousseau, Hist. transp.,1961, p. 203.
Prononc. et Orth. : [nivlœ:ʀ], fém. [-ø:z]. Att. ds Ac. dep. 1694, au masc. Étymol. et Hist. 1. a) 1546 « géomètre, celui qui nivelle » (R. Estienne, Dict. latinogallicum, 733b d'apr. Vaganay ds Rom. Forsch. t. 32, p. 111); b) 1903 « sorte de petite herse » (Nouv. Lar. ill.); 2. 1767 pol. « celui qui est partisan de niveler les conditions » (O. Goldsmith, Le Ministre de Wakefield, I, p. 241 ds Mack. t. 1, p. 177 : Ce mot [angl. leveller] ne pourroit se rendre en notre langue que par celui de Nivelleurs). Dér. de niveler* à l'aide du suff. -eur2*; le sens 2 est empr. à l'angl. leveller (dér. de level « niveau », empr. au fr.) att. au sens pol. dep. 1644 (v. NED) pour désigner, à l'origine, un parti politique, partisan de l'égalitarisme, sous le règne de Charles Ier. Fréq. abs. littér. : 24. Bbg. Dub. Pol. 1962, pp. 352-353. − Quem. DDL t. 11.