Police de caractères:

Surligner les objets textuels
Colorer les objets :
 
 
 
 
 
 

Entrez une forme

options d'affichagecatégorie :
JOUER, verbe
I. − [Le suj. désigne une pers.] Qqn joue
A. − Faire quelque chose pour se distraire, s'amuser.
1. Emploi intrans. [Le suj. désigne un enfant] Ces enfants jouent ensemble (Ac.1835-1935).Un enfant qui joue avec son camarade (DG). J'étais sortie de la salle à manger pour aller jouer dans l'antichambre (Gyp, Souv. pte fille,1927, p. 85).Dans son dos, Mathieu entendait les cris des gamins qui jouaient dans les ruelles abandonnées du village (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 144).
Au fig., fam., vx. [Le suj. désigne une pers. adulte] Envoyer jouer qqn. ,,Ne pas écouter quelqu'un`` (Littré). Synon. envoyer (qqn) promener.
2. Emploi pronom. réfl., vieilli
a) [Le suj. désigne un enfant] Enfant qui se joue. La bordure du couvercle représentait des hortensias dans lesquels se jouaient des amours (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 690).
[P. ext., ds une expr., le suj. désigne une pers. adulte] Faire qqc. en se jouant. Faire quelque chose sans s'appliquer, sans y trouver de difficulté. M. Perrier m'a demandé (...) de lui donner un dessin, une bagatelle, a-t-il dit, pour avoir un souvenir de vous, de ces choses que vous faites en vous jouant et en pensant à autre chose (Delacroix, Journal,1854, p. 232).Plus un acteur est admirable, plus il semble improviser, moins il semble fournir d'efforts. On dirait qu'il joue en se jouant (Cocteau, Foyer artistes,1947, p. 122).
b) P. anal. [Le suj. désigne un animal] Écureuil qui se joue dans les branches. La belle lumière emplissant la lande, et là-haut les campagnes de l'air où se jouaient deux aigles (Pourrat, Gaspard,1930, p. 250).
3. Emploi trans. indir. [Le suj. désigne un enfant]
a) S'adonner à un jeu.
α) Jouer + compl. prép. spécifiant l'objet nécessaire au jeu.Jouer au ballon, au cerceau, à la poupée; jouer avec une balle, une dînette. Il est resté enfant; il s'amuse avec des images, joue aux billes, à la toupie (Gide, Souv. Cour d'ass.,1913, p. 629).
P. anal. [Le suj. désigne un animal] Sur le trottoir, un chaton blanc tacheté joue avec l'arrière-train d'une souris piégée, encore vivante, qui se débat (J.-R. Bloch, Dest. S.,1931, p. 45).[Le suj. désigne une chose] Il fait si doux que j'ai ouvert la fenêtre de la chambre, ce matin, et la brise joue avec les rideaux de tulle (Green, Journal,1944, p. 97).
β) Jouer + compl. prép. spécifiant le jeu.Jouer à chat perché, à colin-maillard, aux quatre coins, à la marelle. Cette chambre de la rue au Lard était un grand galetas (...). Les enfants y jouaient à cache-cache, dans la haute armoire de noyer et sous le lit colossal de la mère Chantemesse (Zola, Ventre Paris,1873, p. 764).On jouait (...) aux charades, aux portraits chinois, on commérait, on discutait (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 241):
1. On m'a conté qu'une bonne jouait au loup avec deux enfants; elle se couvrait d'une peau de loup qui servait de descente de lit, et les enfants feignaient d'avoir grand'peur; mais aussitôt ils avaient peur, et ils en rêvaient; les parents firent cesser ce jeu. Alain, Propos,1929, p. 843.
γ) Jouer + compl. spécifiant l'action qui est l'objet du jeu.Jouer à faire des pâtés, à se poursuivre. L'abbé Godard entrait dans la sacristie, lorsqu'il tomba sur Delphin et sur Nénesse, qui jouaient à se pousser, en préparant les burettes (Zola, Terre,1887, p. 56).
b) Imiter par jeu. [Le suj. désigne un enfant et, p. anal. une pers. adulte]
α) Jouer + compl. prép. spécifiant la fonction ou la pers. que l'on imite.Jouer à la marchande; jouer à Guillaume Tell. Jamais la jeune fille ne s'était tant amusée. Elle avait joué à la bergère (Maupass., Bel-Ami,1885, p. 381).La petite MlleGoton, une fillette autoritaire qui jouait avec lui à la maîtresse d'école (Guéhenno, Jean-Jacques,1948, p. 30).Nadine avait besoin de commander pour prendre de l'assurance (...). Il y avait bien longtemps que je ne l'avais vue si rayonnante. Ça l'amusait de jouer à la maîtresse de maison (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 214):
2. La récréation d'aujourd'hui. L'explosion habituelle (...) les cris pour le plaisir de crier, le galop pour le plaisir de galoper. Puis, les mots si charmants : − Louise, veux-tu, on va jouer au papa et à la maman? Frapié, Maternelle,1904, p. 194.
β) Jouer + compl. prép. spécifiant l'activité que l'on reproduit.Jouer à la guerre, à la noce.
c) [P. ext., le suj. désigne une pers. adulte] Jouer + compl. prép. spécifiant l'objet de l'action.Manipuler distraitement, de façon machinale. Jouer avec un brin d'herbe, un couvert, une serrure. Elle ne jouait pas avec ses aiguillettes de diamants pour montrer sa main blanche et effilée (Sand, Lélia,1833, p. 137).N'osant reprendre son travail, il se mit à jouer avec son porte-plume (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 28).Houten jouait avec sa canne à pommeau d'argent (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 267).
B. − Faire quelque chose par jeu, par plaisanterie. J'ai dit cela pour jouer.
1. Emploi trans. indir. Jouer + compl. prép. spécifiant la pers.Jouer avec qqn, de qqn. N'en faire aucun cas, s'en moquer. Je jouais de lui avec une aisance merveilleuse... D'un simple regard, je le faisais passer de la colère à l'attendrissement (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 85):
3. La duchesse de Castries a pu jouer avec ce pauvre grand homme obèse et brèche-dent; mais c'est elle au fond qui, sous les traits de la duchesse de Langeais, restera, grâce à lui, notre jouet éternel. Mauriac, Gds hommes,1949, p. 161.
Emploi pronom. réfl. La fortune se joue des hommes (Ac.1935).Le vieux lansquenet se joue de nous, dit Poussin en revenant devant le prétendu tableau. Je ne vois là que des couleurs confusément amassées (Balzac, Chef-d'œuvre,1831, p. 31).
Se jouer à qqn, avec qqn (vieilli). Attaquer quelqu'un, se mesurer avec quelqu'un :
4. − Mais comment? dit madame de Tèle. Je ne me mêle pas de politique, moi, monsieur... − C'est véritablement une chose délicieuse, se dit à part lui le jeune comte, que de se jouer avec une personne si spirituelle. Feuillet, Camors,1867, p. 143.
2. Emploi trans. indir. Jouer + compl. prép. spécifiant la chose.
a) Considérer quelque chose comme un jouet, refuser d'y accorder de l'importance. Jouer avec la crédulité de qqn; jouer avec sa réputation, sa santé. Il le jugeait si criminel d'avoir imprudemment joué, par épicuréisme sentimental, avec l'âme malade de la pauvre Alba (Bourget, Cosmopolis,1893, p. 476).
Au fig. Jouer avec le feu (v. ce mot I A 1).
Emploi pronom. réfl. Se jouer des lois, de toutes les difficultés. Le docteur Caméristus (...) voyait dans la vie humaine un principe élevé, secret, un phénomène inexplicable qui se joue des bistouris, trompe la chirurgie, échappe aux médicaments (Balzac, Peau chagr.,1831, p. 254):
5. Nous nous ingénions à nous faire des surprises, et nous nous jouons des ébahissements devant des choses quotidiennes. Les choses ne nous étonnent plus; voilà pourquoi nous sommes tristes. Gide, Corresp. [avec Valéry], 1891, p. 121.
Se jouer à qqc. Se hasarder à quelque chose qui présente des risques. [M. de Meilhan] était en verve dans cette année [1787], et son ambition semblait se jouer à tout, au risque de se nuire à elle-même (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 10, 1851-62, p. 102).
b) Manipuler avec habileté les choses de l'esprit et du langage. Il jouait avec la grammaire, le dictionnaire, la double entente des termes (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 25).Les agadistes avaient en commun avec les chrétiens (...) une exégèse arbitraire qui rappelle la façon dont les prédicateurs du moyen âge jouaient avec les textes (Renan, Évangiles,1877, p. 66):
6. Ce qui n'eût été qu'un jeu pour vous, maître [Alexandre Dumas], − qui avez su si bien jouer avec nos chroniques et nos mémoires (...) était devenu pour moi une obsession, un vertige. Nerval, Filles feu,1854, p. 493.
En partic. Jouer sur les mots. Faire des équivoques, tirer parti de l'ambiguïté créée par certains mots :
7. « Si on vous demande qui vous êtes (...) et quel est ce mouvement, répondez que vous êtes chrétiens et que votre mouvement c'est l'Église catholique. » Voilà ce qui s'appelle jouer sur les mots : ceux qui interrogent ainsi nos jeunes gens ne leur demandent pas s'ils sont catholiques, puisqu'ils le savent déjà. Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 459.
Se servir des choses évoquées par les mots pour amuser, divertir l'esprit. Un calembour console de bien des chagrins; et jouer avec les mots est un moyen comme un autre de jouer avec les pensées, les actions et les êtres (Musset, Fantasio,1834, II, 1, p. 211).Ainsi, quand elle était mécontente de moi, elle jouait sur mon nom d'Aurore et m'appelait horreur, injure qui m'exaspérait (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 170).
C. − Se livrer, avec une ou plusieurs autres personnes, à un jeu où l'on peut perdre ou gagner. Jouer avec qqn, contre qqn; bien, mal jouer; table à jouer; jouer une partie, la belle, la revanche :
8. « Tiens, le voilà ton atout. − Qu'est-ce que c'est l'atout? » Grande échine noire courbée sur le jeu : « Hahaha! » « Quoi? Voilà l'atout, il vient de le jouer. » « Je ne sais pas, je n'ai pas vu... » « Si, maintenant je viens de jouer atout. » « Ah bon, alors atout cœur ». Sartre, Nausée,1938, p. 36.
SYNT. Jouer à la belote, au bridge, au poker; jouer aux cartes, aux dames, aux dés. [Termes propres à certains jeux] Jouer en carreau (vx), jouer cœur, jouer dans la couleur; jouer un pion, une carte, une pièce.
Jouer un jeu. Le pratiquer. Jouer le bridge, le piquet. Il jouait heureusement l'écarté, faisait le charme des réunions par ses talents (Balzac, Employés,1837, p. 117).
Emploi pronom. à sens passif. Le bridge se joue à quatre (Dub.).
Expressions
C'est à vous de jouer. C'est votre tour de déplacer un pion, une pièce, de produire une carte. (Dict. xxes.).
Au fig. À vous de jouer. À vous d'agir. (Dict. xxes.).
Au fig. Jouer à coup sûr. ,,Être certain du succès des moyens qu'on emploie dans une affaire`` (Ac. 1935).
Jouer au plus sûr. ,,Choisir de deux expédients celui où il y a le moins de risque`` (Littré).
Au fig. Jouer à qui perd gagne. V. gagner II B 1 b.
Au fig. Jouer à quitte ou double. V. III A.
Au fig. Jouer au plus fin. User de finesse, d'adresse pour venir à bout de ses desseins. À la rigueur, un criminel peut espérer jouer au plus fin avec la justice. L'innocent, lui, risque trop : elle lui brise les reins du premier coup (Bernanos, Crime,1935, p. 808).
Au fig. Jouer cartes sur table. V. carte II A 1 c.Jouer jeu sur table. V. jeu I C 2.
Jouer la carte de. V. carte II p. métaph. ou au fig.
Jouer sa dernière carte. V. carte II A 1 c.
Au fig. Jouer de bonheur. Avoir de la chance dans une situation où des difficultés sont à craindre. Le général Brune a eu sept balles dans ses habits, sans avoir été touché par aucune; c'est jouer de bonheur (Napoléon 1er, Lettres Joséph.,1796, p. 44).
Jouer de malheur. ,,N'avoir point de chance au jeu`` (Littré).
Au fig. Jouer de malchance, de malheur. Manquer de chance dans une affaire, une entreprise. Les clefs sont déposées chez la mère Clovis, notre ancienne femme de ménage. C'était jouer de malchance. Impossible d'aller demander les clefs à cette vieille toupie : elle aurait, sur ma visite, sur ce retour, imaginé des fables effrayantes, de saugrenus romans policiers (Duhamel, Maîtres,1937, p. 54).
Au fig. Jouer double jeu. V. jeu II C 2 c.
Jouer franc jeu. V. franc3II A 2 b.
Jouer le jeu. Jouer suivant les règles imposées par le jeu. Vous ne jouez pas le jeu (Ac.1935).Au fig. V. jeu I A 2.
Au fig. Jouer le jeu de (qqn). V. jeu II C 2 b.
Au fig. Jouer bien son jeu. ,,Se comporter adroitement en quelque affaire, savoir bien dissimuler pour arriver à ses fins`` (Ac. 1835-1935).
Jouer le grand jeu. V. jeu I C 2.
Jouer un vilain jeu, un jeu cruel. V. jeu I A 1.
Au fig. [Dans une affaire importante] Jouer sa dernière partie. Entreprendre une ultime tentative. Alors, Renoldi, avec la détermination d'un désespéré qui joue sa dernière partie, se mit à parler à son tour, plaida la cause des pauvres filles (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Passion, 1882, p. 830).
La partie reste à jouer. Rien n'est encore acquis. Mais le directeur ouvrit la bouche, et tout aussitôt, à l'intonation, au débit, à l'expression du visage, Laurent comprit que la partie restait à jouer et de manière imprévisible (Duhamel, Combat ombres,1939, p. 168).
Jouer serré. ,,Jouer avec prudence`` (DG).
Au fig. Dans une affaire, une discussion, ne laisser aucune prise à son partenaire. Dans ce dédale de mystères (...) le moindre faux pas (...) pourrait nous perdre... Depuis trois jours ma police est en défaut et n'arrive à aucun résultat; donc, nous avons affaire à forte partie et il faut jouer aussi serré qu'elle (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 456).
Ne jouer que pour l'honneur, ne jouer que l'honneur. Jouer sans intéresser le jeu. (Dict. xixes.).
D. − Participer à un jeu, à une activité où l'argent et le hasard sont essentiels.
1. Emploi trans. Jouer qqc. (à, sur qqc.)
a) Mettre en jeu, miser quelque chose. Jouer une forte somme; jouer ses derniers sous. À Clichy, ils jouaient des dindons au loto (Goncourt, Journal,1852, p. 75).Il reprit alors l'habitude d'aller comme autrefois, après son dîner, jouer des consommations au Café des Mille Colonnes (Reider, MlleVallantin,1862, p. 209).Ce samedi soir il n'y a personne. Le prolétaire est parti jouer son indemnité de chômage aux courses de lévriers, ou s'amuser au cinéma (Morand, Londres,1933, p. 106):
9. − Quelques sympathiques p'petits jetons, dit-il au distributeur. − De combien? − De vingt. Il décida de jouer un jeton chaque fois; toujours pair. Il lui fallait gagner au moins trois cents dollars. Il misa. Le 5 sortit. Perdu. Malraux, Cond. hum.,1933, p. 358.
Jouer sur. Parier sur. Jouer mille francs sur un cheval.
P. ell. Jouer le rouge, jouer pair ou impair. Jamais je n'aurais eu l'idée de jouer un cheval avec un nom pareil (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 89).
Au fig. [Catherine de Médicis] résolut de jouer successivement le parti qui voulait la ruine de la maison de Valois, les Bourbons qui voulaient la couronne, et les Réformés (Balzac, Cath. de Médicis, Introd., 1843, p. 9).
Expressions
Jouer gros jeu. V. gros II A 2 et jeu b.
Jouer jusqu'à sa dernière chemise. Être un joueur enragé (d'apr. DG).
Jouer un jeu d'enfer. V. enfer II B 2 p. ext.
Emploi pronom. à sens passif. Des sommes considérables se jouent dans les casinos.
b) Au fig. Exposer à un risque. La pensée qu'il allait jouer sa vie le lendemain avait répandu sur son visage une teinte de mélancolie profonde (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 352).« Il a quand même du culot, ce Sitnikoff. Car, enfin, il joue sa tête » (Bourget, Actes suivent,1926, p. 93).La France jouait son destin au combat (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 575):
10. Rien encore n'inquiétait Pauline, elle gardait son allure brave, sans comprendre qu'elle jouait son bonheur, à n'être pas lasse et à n'avoir pas besoin d'être secourue. Zola, Joie de vivre,1884, p. 1026.
Expressions
Jouer à pile ou face. V. face I D 3.
Jouer le tout pour le tout. Prendre un maximum de risques. (Dict. xxes.).
Jouer son va-tout. Tenter sa dernière chance. Il semble bien que le commandement allemand (...) ait constamment hésité, même au temps où il remportait sur les Russes de si impressionnants succès, à jouer son va-tout et à se lancer dans une offensive décisive (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 3).
Jouer sur le velours*.
Jouer sur plusieurs tableaux*.
Emploi pronom. à sens passif. Se jouer (sur qqc.). Être décidé de manière irrémédiable. Reims et Soissons perdus. Ah! qui porte donc aujourd'hui dans ses mains la fortune de la France? Et cette bataille décisive se joue aux portes de Paris! (Mauriac, Écrits intimes, Journal d'un homme de trente ans, 1948, p. 164).Elle sentait bien que se jouaient à cette heure son sort et celui de ses mémoires (Arnoux, Roi,1956, p. 244):
11. Un homme se sent niais, stupide, ahuri, sans présence, sans esprit, et il s'en rend compte (...). Mais il lui demeure cette lueur : que l'on peut perdre tout ceci, mais connaître qu'on l'a perdu. C'est là le dernier atout de la connaissance. Tout se joue sur ce désespoir déclaré, suprême étincelle de l'âme, et suprême occasion de tout regagner... Valéry, Tel quel II,1943, p. 56.
Rem. On relève en ce sens jouer employé au passif. Pour le Freudien classique tout est joué à sept ans (Choisy, Psychanal., 1950, p. 46).
2. Emploi trans. indir.
a) Jouer à + subst. spécifiant le jeu.Engager de l'argent dans un jeu de hasard. Jouer au baccara, au tiercé, aux courses, à la loterie, à la roulette :
12. Il était d'un rat! imaginez-vous, le soir, en se couchant, il cachait ses louis dans ses bottes, et quand nous jouions au bésigue, il mettait des haricots, parce qu'un jour j'avais fait la blague de sauter sur l'enjeu... Zola, Nana,1880, p. 1482.
b) P. anal. Jouer à, sur + subst. spécifiant l'objet de la spéculation.Spéculer. Jouer à la bourse, à la hausse; jouer sur les grains, sur la rente. Le marquis faisait des affaires avec sagacité; à portée de savoir des nouvelles, il jouait à la rente avec bonheur (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 264).Je suis un joueur, moi (...). Je joue sur les chevaux, je joue sur les cotons, je joue sur les cailloux et sur les perles... Je joue sur les jolies filles (Druon, Gdes fam., t. 1, 1948, p. 83):
13. Le ministre des finances, sans le vouloir, précipita les événements. En ce moment il jouait à la baisse : pour déterminer une panique, il fit courir à la bourse le bruit que la guerre était désormais inévitable. L'empereur voisin, trompé par cette manœuvre et s'attendant à voir son territoire envahi, mobilisa ses troupes en toute hâte. France, Île ping.,1908, p. 390.
Au fig. Le jeune homme qui courtise la fortune doit savoir jouer sur la vanité des salons qu'il fréquente (Stendhal, Mém. touriste, t. 2, 1838, p. 358).
3. Emploi intrans. S'adonner à un jeu de hasard. Perdre sa fortune en jouant. C'est une maison où l'on joue (Ac.1935).Le colon m'a encore dit qu'il savait que je jouais beaucoup dans les cercles et que ma maîtresse s'affichait trop avec moi (H. Bataille, Maman Colibri,1904, III, 2, p. 21).
E. − Pratiquer un sport d'équipe, de façon professionnelle ou en amateur.
1. Emploi trans.
a) Participer à une épreuve sportive. Une équipe joue la finale; jouer un set (au tennis). Les Niçois (...) ont encore joué un excellent match devant le Bayern (L'Équipe,9 janv. 1981, p. 3).
Emploi intrans. Livrer un match. M..., blessé et L..., mis au repos, ne joueront pas (L'Équipe,9 janv. 1981, p. 1).
Emploi pronom. à sens passif. Avoir lieu. Le match se jouera la semaine prochaine (Lar. Lang. fr.).
b) Expressions
FOOTBALL, TENNIS. Jouer une balle. Engager une balle. (Dict. xxes.).
JEU DE PAUME. Jouer une balle. Pousser une balle. (Ac. 1835-1935).
Jouer par-dessous (la) jambe. Jouer en faisant passer la balle sous la jambe (d'apr. DG).
Au fig. Jouer qqn par-dessous (la) jambe. L'emporter sans effort sur qqn (d'apr. DG). Les Grecs se sont moqués de nous et nous ont joués par-dessous la jambe (Mérimée, Lettres ctesse de Boigne,1862, p. 168).
2. Emploi trans. indir. Jouer à + subst. spécifiant le sport ou l'instrument nécessaire à sa pratique.Pratiquer un sport. Jouer au billard, au foot-ball, au golf, au tennis; jouer aux boules, aux quilles. Simon Fruchard, se trouvait dans la halle de la ville lorsqu'une femme, habillée en garçon, vint à lui et lui demanda s'il voulait jouer à la paume avec elle (France, J. d'Arc,1908, p. 452).
Emploi intrans. Jouer dans un club. Quand on lui demande s'il s'est déjà fixé une limite pour jouer, il fait comprendre (...) que tant que le rugby et les entraînements ne lui pèseront pas, il continuera (L'Équipe,9 janv. 1981, p. 7).
Emploi pronom. à sens passif. Le foot-ball se joue en deux équipes de onze joueurs chacune (Lar. Lang. fr.).
3. Emploi intrans.
a) [Avec adv. spécifiant la manière dont on joue] Se comporter de telle façon dans la pratique d'un sport. Jouer mollement, sec. Jouer brutal (L'Auto,13 oct. 1933, p. 1 ds A. O. Grubb, Sports neol., 1937, p. 46):
14. Nous sommes de l'équipe troisième, ce qui signifie ouvertement que nous jouons mieux que l'équipe quatrième et moins bien que l'équipe seconde; nous savons cela de l'équipe comme chacun de nous sait que tel ou tel, peut-être plus jeune et plus nouveau dans le jeu que lui, est meilleur joueur que lui... Montherl., Olymp.,1924, p. 297.
b) [Avec subst. non précédé d'un article spécifiant le poste occupé] Occuper tel poste dans un jeu sportif. Williams qui jouait ailier droit (L'Auto,7 sept. 1933, p. 1 ds A. O. Grubb, Sports neol., 1937, p. 45).
F. − Emploi trans. indir. Faire usage de quelque chose, avec plus ou moins d'adresse, de facilité.
1. [Avec compl. prép. spécifiant l'instrument] Manier un instrument avec adresse. Jouer de l'éventail, de l'ombrelle. C'est le temps où les bûcherons jouent de la cognée (Alain, Propos,1908, p. 37).Un coup d'œil jeté sur le massif de rosiers me fit découvrir Folcoche en train de jouer du sécateur (H. Bazin, Vipère,1948, p. 171).
Fam. Jouer de la fourchette. V. fourchette A 2 b.
En partic. [Avec compl. prép. spécifiant l'arme] Se servir d'une arme contre un adversaire. Jouer du pistolet, du poignard :
15. De temps en temps, ces messieurs jouent du couteau ou du revolver, mais ne croyez pas qu'ils y tiennent. Le rôle l'exige, voilà tout, et ils meurent de peur en lâchant leurs dernières cartouches. Camus, Chute,1956, p. 1477.
Vieilli. Jouer des couteaux. ,,Se battre à coups de couteaux et, p. ext., au sabre, à l'épée`` (DG).
2. [Avec compl. prép. spécifiant la partie] Mettre en mouvement une partie du corps. Mi-rousse, mi-brune (...) elle jouait de la tête comme un oiseau et portait, à chaque instant, ses mains aux cheveux pour ramener une mèche folle qui suivait le vent (Hamp, Marée,1908, p. 32).J'ai lutté contre elle. Dans mes bras elle se débattait comme une once. Désarmée, elle jouait des griffes et des dents (Gide, Thésée,1946, p. 1418).
[Le suj. désigne un animal] [Un jeune chat] joua ferme des pattes et du gosier (Zola, Contes Ninon,1864, p. 340).
Expr. fam.
Jouer de la mâchoire. Manger avec avidité :
16. Grilloie descend donner de l'avoine à son cheval, ensuite il se met à dévorer du pâté et du saucisson. Baisemon ne semble pas prêt à cesser de jouer de la mâchoire. Virginie se décide à faire comme eux en se disant : Après tout, si ces messieurs ne me suivent pas, ce n'est point une raison pour en perdre l'appétit. Kock, Pucelle,1834, p. 216.
Jouer de la prunelle. Lancer des œillades complices ou provocantes. Ça flirte dans les coins, ça étale des chairs peintes, ça joue de la prunelle, ça se trémousse du derrière; et ça n'est bon qu'à mettre dans des bocaux d'esprit de vin (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 27).
Jouer des coudes. Dans une foule, utiliser ses coudes pour se frayer un chemin ou gagner de la place :
17. Tandis qu'il piétinait sur place, bloqué par la foule, il la vit franchir le guichet, traverser le hall, tourner à droite vers le métro. Fou d'impatience, il joua des coudes, bouscula des gens, parvint au guichet, s'engouffra dans l'escalier du souterrain. Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 313.
Au fig. Se faire une place dans la société en utilisant tous les moyens. Racine (...) joua des coudes à la Cour (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 254):
18. ... dans la pratique chacun de nous est encerclé par les autres sur tous les points, subit partout leur pression, et (...) il s'agit de savoir s'il jouera des coudes ou s'abstiendra d'en jouer. Du Bos, Journal,1922, p. 177.
Rem. On relève en ce sens jouer des poings. Du moment qu'on était plus collé chacun à sa place pour l'existence entière, et qu'on pouvait avoir l'ambition de prendre la place du voisin, pourquoi donc n'aurait-on pas joué des poings, en tâchant d'être le plus fort? (Zola, Germinal, 1885, p. 277).
Jouer des jambes et, pop., des flûtes, des fourchettes, des fuseaux, des gambettes, des guibolles. Courir. Il juge qu'il est temps de jouer des fuseaux, mais (...) le garçon le saisit à la gorge (Vidocq, Mém., t. 3, 1828-29, p. 147).Commandant, dit Bruidoux, amenant par le collet le fils du garde-chasse, le petit singe ne voulait-il pas jouer des jambes?... (Feuillet, Bellah,1850, p. 91).
Jouer du pouce. Donner une gratification. Allez donc plus vite messieurs les postillons. − Nous ne jouons du fouet, lui répondit un vieux postillon, que si les voyageurs jouent du pouce (Balzac, Le Curé de village,VIII, p. 600 [Pléiade, 1949] ds Quem. DDL t. 2).
3. Tirer parti de.
a) Exploiter un avantage ou une faiblesse personnels pour faire impression sur autrui (+ compl. prép. spécifiant une qualité attachée à la personne). Jouer de son autorité, de sa force; jouer de son infirmité. Sa coquetterie, dont elle jouait ouvertement comme d'un éventail, qu'elle déployait ou repliait à la face de tous (Maupass., Notre cœur,1890, p. 337).La fiancée joue de sa pâleur comme d'une embûche (Arnoux, Renc. Wagner,1927, p. 87):
19. Ces vierges, ces saints, ces martyrs, ne vous étonnez point s'ils savent produire les grâces de leur corps, de leur esprit, et se placer dans les conditions où ils sauront le mieux en jouer. Ce sont des gens de cour. Barrès, Sang,1893, p. 261.
Tirer profit d'un avantage ou d'une faiblesse existants chez une personne pour abuser de celle-ci. Pourquoi ta jolie colère de femme aimée, à propos d'un silence? Ne pouvais-tu jouer avec les contrastes de mon caractère sans en demander les causes? (Balzac, Lys,1836, p. 3):
20. Après avoir été joué par les Oriol lors du premier traitement du paralytique, il avait à son tour joué de la crédulité des malades, si facile à conquérir quand il s'agit de guérison, et maintenant il se jouait à lui-même la comédie de cette cure... Maupass., Mt-Oriol,1887, p. 289.
Emploi pronom. réfl. Je vous en supplie (...) par les mânes de je ne sais qui, ne vous jouez pas de ma crédulité de romancier, dites-moi vrai (Balzac, Corresp.,1831, p. 530):
21. ... l'imbécillité (...) de quelques bonnes gens qui se croient religieux, qui le sont réellement, et qui, imperturbables dans leur confiance hébétée en des malheureux qui se jouent de leur incurable innocence, s'imaginent (...) sauver la religion toutes les fois qu'ils prononcent contre elle un arrêt de mort. Lamennais, Religion,1825, p. 97.
b) Jouer + compl. prép. spécifiant une chose concr. ou abstr.Croyez-moi, monsieur le Conseiller, il faut en jouer discrètement de ces lois d'hérédité, elles condamnent trop d'innocents et servent d'excuse à trop de vilenies (A. Daudet, Obstacle,1891, p. 192).Si Disraéli, mieux qu'aucun homme, sut jouer de la société, ce fut toujours un jeu, c'est-à-dire une action passionnée, mais désintéressée, quand même! (Barrès, Enn. Lois,1893, p. 171).
− Dans le domaine de la peint.Nul n'a joué du bleu comme Léonard, du bleu transcendant, du bleu fermé et voluptueux, très distinct du bleu mystique de l'Angelico (L. Daudet, Idées esthét.,1939, p. 218).Toute une plastique différente s'élabore (...) elle joue surtout sur le graphisme et la tache (Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 190):
22. [L'impressionnisme] a été trop souvent superficiel même dans l'obtention des effets, il a cédé au désir de surprendre les yeux, de jouer des tons pour l'amour de la virtuosité. Mauclair, Maîtres impressionn.,1923, p. 211.
4. En partic. Se servir d'un instrument de musique, en tirer des sons harmonieux (+ compl. prép. spécifiant l'instrument). Jouer de l'orgue, du piano, du violon, de la trompette. Valdemar, avec la même pathétique maladresse, jouait de quatre ou cinq instruments différents. Il avait, ce jour-là, descendu son violon (Duhamel, Jard. bêtes sauv.,1934, p. 69).
P. plaisant. On peut dire qu'il jouait de cette femme supérieurement et qu'il savait tirer de l'instrument banal des effets miraculeux (A. Daudet, Jack, t. 2, 1876, p. 331).
Emploi intrans. Jouer en public, jouer sur plusieurs registres. Nous [Saint-Saëns et Antoine Rubinstein] jouions souvent à quatre mains, soumettant à de rudes épreuves les pianos qui nous servaient de champ de bataille (Saint-Saëns, Portr. et souv.,1909, p. 145).
Jouer + adv. de manière.Jouer d'instinct, en mesure, jouer juste. Arrive un violoniste précédé d'un certain renom (...) il joue faux comme un Chinois (Berlioz, Grotesques mus.,1869, p. 110).
G. − Spécialement
1. MUS., emploi trans.
a) [Le suj. désigne un chanteur, un musicien] Exécuter, interpréter un morceau de musique, une œuvre musicale. Jouer un air, un morceau, une musique; jouer une partition de Chopin et, p. ell., jouer du Chopin ou jouer Chopin. La chapelle où M. Hector conservait son propre père dans l'alcool, et allait parfois lui jouer une bourrée sur l'accordéon (Pourrat, Gaspard,1922, p. 52).La musique embarquée à notre bord jouait l'hymne national américain (Joffre, Mém., t. 2, 1931, p. 452).
[+ compl. prép. spécifiant l'instrument] Il me jouait sur sa guitare de très jolies chansons de cow-boys (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 307):
23. Quand la guilde des fabricants de ceintures élit un chef de maîtrise, celui-ci fait son entrée accompagné d'un orchestre de musiciens qui joue sur des hautbois et des flûtes anciennes un air toujours le même : La marche de Scipion de Haendel. Morand, Londres,1933, p. 285.
SYNT. Jouer un prélude, une ballade, une étude, une marche, une sonate, une valse; orchestre qui joue un opéra, une ouverture; partition impossible à jouer.
Emploi pronom. à sens passif. Ce morceau se joue à quatre mains (DG).
P. méton. L'harmonica joue une valse (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 289).
Emploi intrans. Orgue de barbarie qui joue. Au loin, au bataillon Garibaldi, jouait un accordéon (Malraux, Espoir,1937, p. 855).
Expr. Jouer sa partie. Exécuter sa partition dans une œuvre d'ensemble.
Au fig. Accomplir une tâche personnelle dans une œuvre collective, remplir son rôle :
24. Je suis fautive aux regards de Dieu pour l'éternité. C'est donc ainsi que je dois comparaître devant lui après que j'aurai épuisé mes moyens d'amour et de charité. Je joue ma partie, qui est ma destinée; je suis loyale, Dieu le sait bien. Jouve, Paulina,1925, p. 139.
b) [Le suj. désigne un appareil] Reproduire ou retransmettre de la musique préalablement enregistrée. Posée sur une cantine, une petite radio joue un de ces airs mélancoliques dont l'oreille américaine semble ne jamais pouvoir se rassasier (Green, Journal,1942, p. 257).C'était un bon dîner, un dîner excellent... La radio jouait une musique de table, faite sur mesure (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 62).
Fam. Faire jouer. Si je fais jouer le phono, si la musique entre ici (Malraux, Espoir,1937, p. 707).
2. THÉÂTRE, emploi trans. [Le suj. désigne un acteur ou un ensemble d'acteurs : troupe, théâtre]
a) Représenter sur une scène. Jouer un opéra, un sketch, une comédie, une farce, une tragédie; jouer une pièce de Molière et, p. ell., jouer du Molière ou jouer Molière. On joue le Cid à la Comédie Française. Antoine jouerait une fois trois petites pièces de son répertoire dans une soixantaine de localités différentes, et aurait cent francs de fixe (Goncourt, Journal,1896, p. 976).Il dit que le Gymnase ne jouera pas Rosine, la pièce de Capus. C'est trop gris, trop camaïeu (Renard, Journal,1897, p. 392).Mais nous jouerons demain la fable de Gozzi. Le Carnaval commence et nous jouerons aussi L'intermède français que l'on joue à Versailles (Apoll., Casanova,1918, I, 1, p. 969).
Vieilli. Jouer la comédie. Exercer le métier de comédien, d'acteur. Synon. usuel faire du théâtre :
25. Elle racontait qu'elle aurait adoré jouer la comédie; elle aurait tout su rendre, la colère, la tendresse, la pudeur, l'effroi; et, d'une attitude, d'un jeu de physionomie, elle indiquait des personnages. Zola, E. Rougon,1876, p. 66.
Au fig. V. comédie I B a.
Emploi intrans. Jouer avec talent, jouer dans une troupe. Ce comédien joue fort bien (Ac. 1835-1935); jouer à bureaux* fermés :
26. Les acteurs de New-York sont excellents; en vain chercherait-on parmi eux une Duse ou un Guitry, mais la moyenne est supérieure à celle de l'Europe. Nos acteurs jouent mou. Les leurs ont du naturel, un dynamisme inouï... Morand, New-York,1930, p. 174.
Emploi pronom. à sens passif. Diderot nous a conservé (...) quelques-uns des bons contes de l'abbé [Galiani] (...) qui (...) sont restés à l'état de simple canevas : cela se parle, cela se joue et s'improvise, mais cela ne s'écrit pas (Sainte-Beuve, Caus. lundi, t. 2, 1850, p. 426).
P. métaph. ou au fig. Se dérouler. Ce grand drame moral n'est qu'une scène, dans la longue tragédie qui se joue sur le Rhin entre le Romanisme et la Germanie (Barrès, Serv. All.,1905, p. xi).Autour de moi, on allait et venait, comme avant la guerre. Rien n'avait donc changé. Si, tout a changé par le dedans. Ce qui trompe, c'est que le décor est le même. Le décor est le même, mais c'est une autre pièce qui s'y joue (Green, Journal,1945, p. 234).
P. anal. On joue un film récent au cinéma cette semaine. (Dict. xxes.).
Emploi pronom. à sens passif. Un film qui se joue en exclusivité dans telle salle. (Dict. xxes.).
b) En partic., THÉÂTRE, CIN. Tenir un rôle. Jouer le personnage de Tartuffe et, p. ell., jouer Tartuffe; jouer le rôle d'Oreste et, p. ell., jouer Oreste; jouer le rôle principal, le premier rôle. J'aime ces femmes de Shakespeare qui sont belles et magnifiques. Il me semble que, pour jouer une fois Lady Percy, je donnerais deux années de ma vie (Duhamel, Suzanne,1941, p. 37).Sartre avait une belle voix (...) ses dons comiques étaient célèbres dans toute l'école : c'était toujours lui qui jouait dans la revue annuelle, le rôle de M. Lanson (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 335):
27. Hier à la Comédie-Française où se donnait l'Avare. Un acteur très connu jouait le rôle d'Harpagon qu'il chargeait beaucoup trop, m'a-t-il semblé, dans le fameux monologue. Green, Journal,1947, p. 131.
En partic. Être spécialisé dans un emploi. Jouer les amoureux, les coquettes, les ingénues.
Emploi intrans. Le roi Saül s'est levé. (L'acteur doit jouer comme s'il continuait un monologue). − Saül paraît chancelant d'indécision (Gide, Saül,1903, II, 9, p. 302):
28. Jacques se vit donc obligé de balancer quelques boniments à Madame Baponot du genre vous aimez le cinéma ou bien qu'est-ce qui joue dans le prochain film vous l'aimez moi pas beaucoup. Queneau, Loin Rueil,1944, p. 112.
P. anal.
[Le suj. désigne une pers.] Jouer un rôle, un personnage. Avoir une conduite sociale. Ces apparences offrent souvent une expression (...) qui trompe; non pas toujours sur l'humeur, car chacun joue son personnage, mais sur le fond de nature, qui s'exprime d'autre façon (Alain, Beaux-arts,1920, p. 294):
29. ... je faisais mine, parfois, de prendre la vie au sérieux. Mais, bien vite, la frivolité du sérieux lui-même m'apparaissait et je continuais seulement de jouer mon rôle, aussi bien que je pouvais. Camus, Chute,1956, p. 1518.
[Le suj. désigne une pers., un animal ou une chose concr. ou abstr.] Jouer un rôle dans. Exercer une influence sur, remplir une fonction dans. La châtaigne ne joue plus aujourd'hui dans l'alimentation humaine le même rôle que lorsqu'elle suppléait en hiver à l'insuffisance des provisions de céréales (Vidal de La Bl., Princ. géogr. hum.,1921, p. 139).La femme non désirée joue son rôle dans la création, comme le révolté joue son rôle dans l'ordre social (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1525).
Jouer un grand rôle, un rôle capital (dans). La vanité, qui joue un si grand rôle dans la société (Jouy, Hermite, t. 4, 1813, p. 312).Le jour où les savants auront reconnu le rôle immense que joue l'électricité dans la pensée humaine (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 4).Le chien joue un rôle exorbitant dans la vie de l'homme (Sand,Hist. vie, t. 1,1855,p. 16). :
30. Pour quelques jours encore vous êtes en mesure de jouer un grand rôle national. Ensuite, il sera trop tard. Je vous propose de nous unir. Déclarons ensemble que nous faisons la guerre pour libérer la patrie. De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 375.
Jouer le rôle de (+ subst. spécifiant une fonction, une qualité); jouer un rôle, un personnage (+ adj. spécifiant un jugement de valeur). Il a joué là un bien vilain rôle (Ac.1935).Jouer un sot personnage (Ac.1835-1935).Mon voisin prodiguait sur sa devanture les guirlandes de plantes épineuses, qui jouaient le rôle des haies vis-à-vis de la toison des troupeaux (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 212).Et je lui mens aussitôt, par crainte de lui paraître ridicule, et je joue mon rôle de blasé (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 149):
31. Mais j'aimais son visage et cela me peinait qu'elle l'offrît aimablement à n'importe qui; elle jouait avec trop d'aisance son rôle de jeune fille du monde. Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 277.
[Le suj. désigne une pers.] Feindre un sentiment, simuler une attitude. Jouer l'étonné, les héros, les incompris, les victimes; jouer l'étonnement. Je sais bien que je ne suis pas taillé pour jouer les amoureux (Leclercq, Prov. dram., Scène double, 1835, 1, p. 346).En la trouvant morte dans son lit, Hilperik joua la surprise et l'affliction, il fit même semblant de verser des larmes, et, quelques jours après, il épousa Fredegonde (Thierry, Récits mérov., t. 1, 1840, p. 357).Si tu ne soupçonnes plus ton père, si personnellement tu ne lui en veux plus, ce n'est pas à toi de jouer les justiciers (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 135):
32. Elle savait, avec cette finesse naturelle aux personnes perfides, déguiser la répugnance que monsieur de Restaud manifestait pour elle, et jouait si parfaitement la douleur, qu'elle obtint une sorte de célébrité. Balzac, Gobseck,1830, p. 426.
Emploi trans. indir. Jouer à l'indispensable, au généreux; jouer à la vertu. Femme « très rusée et très dissimulée » (...) elle joue aux évanouissements pour entendre ce que l'on dit et voir jusqu'à quel point on s'intéresse à elle (Chênedollé, Journal,1811, p. 66):
33. [Napoléon] passe en revue ses différentes troupes : aux vieux soldats il parle des Pyramides, de Marengo, d'Austerlitz, d'Iéna, de Friedland; avec les jeunes gens il s'occupe de leurs besoins, de leurs équipements, de leur solde, de leurs capitaines : il jouait dans ce moment à la bonté. Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 418.
Affecter d'être, se donner l'air de. Jouer l'homme important. Je vous donne un valet qui répond au nom de Germain, joue les barons vis-à-vis des grisettes, porte des lettres comme on ne sait plus les porter, courtise les femmes de chambre (Ponson du Terr., Rocambole, t. 4, 1859, p. 348).Nana, d'abord furieuse était enchantée de jouer à la châtelaine. Ces dames la complimentaient sur la Mignotte, une propriété renversante, ma chère! (Zola, Nana,1880, p. 1246):
34. Voyons, permettez-moi de jouer au détective. Vous avez à peu près mon âge, l'œil renseigné des quadragénaires qui ont à peu près fait le tour des choses, vous êtes à peu près bien habillé (...) et vous avez les mains lisses. Donc, un bourgeois, à peu près! Camus, Chute,1956, p. 1478.
[Le suj. désigne une chose concr.] Avoir la même apparence, produire le même effet qu'une autre chose. Synon. imiter.Ce papier joue le velours (Ac.1835-1935).Les femmes de la classe moyenne, ou qui ne sont pas en grande toilette, portent le mezzaro, espèce de voile noir qui joue la mantille à s'y tromper (Gautier, Italia,1852, p. 44).Le plafond était très original : au centre, une rosace de glace (...) jouait le toit à jour d'un kiosque (E. de Goncourt, Faustin,1882, p. 196).Elle est d'une nuance terreuse, et ses quinze ou vingt minarets, qui sont d'un brun sombre, jouent de loin les clochers de nos pays du Nord (Loti, Maroc,1889, p. 61).
c) En partic. Jouer qqn. Railler quelqu'un, le tourner en ridicule. Molière a joué les faux dévots (Ac.1835-1935).
P. anal. Duper quelqu'un. M. de Talleyrand (...) avait été assez fin pour jouer tous les diplomates de l'Europe (Renan, Avenir sc.,1890, p. 518).Rabelais, dans sa grande comédie pantagruéline, avait joué, sous le nom de Picrochole, un Sainte-Marthe, ami de Puits-Herbault (France, Rabelais,1909, p. 162).
Fam.
α) Jouer un (bon) tour, une (bonne) farce à qqn. Faire une farce, une plaisanterie à quelqu'un pour s'en moquer. Il fallait me mettre en position de jouer quelque bon tour à mes deux ministres s'ils se permettent à ton égard quelque trait de fatuité (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 377).Lagache, toujours en train de jouer quelque tour à son voisin Larmuzeaux, saisit un moment favorable pour lui enlever les clefs de son pupitre (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 230).Ils me jouaient des farces : ils glissaient des bouts d'allumettes dans ma serrure, de telle sorte qu'en rentrant, le soir, j'avais un mal du diable à y faire tourner ma clé (Barrès, Cahiers, t. 14, 1923, p. 275):
35. Parfois aussi (...) sournoisement il lui jouait le tour de lui présenter, comme siens, des airs de grands artistes; et il était dans la jubilation, quand Gottfried, par hasard, les trouvait détestables. Rolland, J.-Chr., Aube, 1904, p. 96.
β) Jouer un mauvais, un sale, un vilain tour, un tour de cochon à qqn (péj.). Agir sournoisement pour causer du tort à quelqu'un. Je leur jouerai un tour de ma façon (Barrès, Cahiers, t. 2, 1899, p. 124):
36. Ils portent sur le visage un air de candeur angélique; mais dans le fond de leur cœur se dissimule toute la ruse du démon. Ils savourent le plaisir de jouer un mauvais tour à des camarades, de faire punir un innocent, en affectant eux-mêmes la plus parfaite ingénuité. Faral, Vie temps st Louis,1942, p. 103.
Expr. Cela/qqc. jouera un mauvais, un sale tour à qqn. Cette fois, mes qualités me jouèrent le mauvais tour que m'auraient pu faire mes défauts (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 616).C'est vous qui devriez porter des lunettes, mon garçon; ça vous jouera de mauvais tours, si vous ne reconnaissez pas mieux que ça les subtils (Gide, Caves,1914, p. 855):
37. Il m'a dit presque méchamment que dans tous les cas le directeur et le personnel de l'asile seraient entendus comme témoins et que « cela pouvait me jouer un très sale tour ». Camus, Étranger,1942, p. 1171.
II. − [Le suj. désigne une chose] Qqc. joue
A. − Emploi intrans., littér.
1. Se mouvoir avec aisance, comme au gré d'un jeu. Source qui joue entre les pierres. Peu à peu, sous nos pieds, l'espace encore sec se rétrécissait; c'était un murmure d'eau courante, de petits flots caressants qui jouaient et se poussaient (Zola, Cap. Burle,1883, p. 332).
Emploi pronom. réfl. Un ruisseau qui se joue dans la prairie (Ac.1835-1935).Autour de ce bâton, dans des méandres capricieux, se jouent et folâtrent des tiges et des fleurs (Baudel., Poèmes prose,1867, p. 313).
Au fig. Se donner libre cours. Je vous encourage fort à nous faire connaître les personnages de cette grotte : laissez votre imagination se jouer à son aise : elle est belle, tendre et féconde (Chateaubr., Corresp., t. 1, 1803, p. 125).
2. Produire de légers mouvements, qui entraînent des effets changeants. Sur la plaine (...) flottait une brume très légère et la lumière nacrée jouait avec délicatesse entre les files des sveltes peupliers (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 516).Son irritation semblait s'atténuer; l'ébauche d'un sourire joua même sur ses lèvres (Martin du G., Thib., Été 14, 1936, p. 154).Elle s'était remise à frotter et les reflets qui jouaient sur l'armoire lui égayaient le cœur (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 85):
38. ... les reflets du feu et les rayons de l'astre jouent autour de la chanteuse, halo d'or, de pourpre et d'argent, comme si les sons sortis de ses lèvres se changeaient en lumineuses ondes aériennes... Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 21.
Emploi pronom. réfl. La brise se jouoit dans sa chevelure blanchie, et le reflet des roses de l'aurore coloroit son front pâlissant (Chateaubr., Natchez,1826, p. 461).Un sourire troublant se jouait sur les lèvres d'Annalena (Milosz, Amour. initiation,1910, p. 62):
39. Les hommes ont eu beau exhausser par delà les brouillards, de hautes cheminées flamboyantes et bâtir partout des usines, la nature n'a pas moins fait de cette île, presque tout entière, un vaste pâturage sur lequel se joue un soleil douteux, pâlissant. Michelet, Chemins Europe,1874, p. 52.
B. − TECHNOL., emploi intrans.
1. Se mouvoir, fonctionner dans un espace déterminé. Ressort, verrou qui joue à l'aise, qui joue bien, qui ne joue plus. Expliquez-moi la manière dont les pièces de la machine jouent entre elles (Ac.1935).Rouletabille fit jouer le barillet de revolver de Darzac, sauter le culot de la cartouche qui avait donné la mort; puis il compara cette arme à l'autre (G. Leroux, Parfum,1908, p. 110).Il avait fait jouer un déclic dans la paroi de la muraille. Une armoire apparut, bondée de livres (Benoit, Atlant.,1919, p. 137):
40. ... il avait sur lui un petit trousseau de clefs, et il les essaya l'une après l'autre. Par un bonheur auquel il était loin de s'attendre, la dernière entra, tourna dans la serrure, fit jouer le pêne dans sa gâche, et la porte roula sur ses gonds. Ponson du Terr., Rocambole, t. 3, 1859, p. 217.
En partic. [En parlant de deux pièces assemblées] ,,Ne plus joindre parfaitement, posséder du jeu`` (Dew. Technol. 1973). V. jeu III B.
P. anal. [Le suj. désigne une partie du squelette ou du corps] Faire jouer ses articulations, ses muscles. Sa taille fine et souple comme un jonc jouait dans une large ceinture de laine rouge (Sand, Consuelo, t. 2, 1842-43, p. 269).Je viens de prendre une forte tasse de café, je me remets aux Paysans pour la dixième fois, et tous les muscles de ma face jouent comme ceux d'un singe (Balzac, Lettres Étr., t. 3, 1845, p. 45).Des os délicats et durs jouaient dans ses joues [de Chéri] selon la contraction rythmée des mâchoires (Colette, Fin Chéri,1926, p. 214).
Au fig. Dès que ma pensée ne joue pas librement, je bafouille (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 332).
Expr. Faire jouer (tous) les ressorts, certains ressorts. Mettre en œuvre tous les moyens, certains moyens pour parvenir à une fin. C'est le parti des plus forts, où toutes les puissances sociales se concentrent. Avec la loi pour théorie, avec la force pour ultima ratio, il fera jouer tous les ressorts pour garder la possession d'état (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. iv).
Rem. On relève en ce sens faire jouer toutes sortes d'influences (Ac. 1935). On dirait auj. : faire jouer ses relations.
2. Fonctionner. Au jardin des Tuileries, je regardais jouer le télégraphe, espérant ou craignant la nouvelle qui traversait l'air sur ma tête (Chateaubr., Mém., t. 3, 1848, p. 200):
41. − C'est étrange, dis-je au petit prince, tout est prêt : la poulie, le seau et la corde... Il rit, toucha la corde, fit jouer la poulie. Et la poulie gémit comme gémit une vieille girouette quand le vent a longtemps dormi. Saint-Exup., Pt Prince,1943, p. 482.
Spécialement
a) [En parlant d'une mine, d'une pièce d'artillerie, d'un artifice] Faites jouer la mine, les pétards (Ac.1835-1935).Le premier jour, deux cent quatre-vingt huit pièces autrichiennes tirèrent cinquante et un mille coups de canon, et (...) le lendemain plus de quatre cents pièces jouèrent de part et d'autre (Chateaubr., Mém., t. 2, 1848, p. 402).
b) [En parlant d'une pompe] Le navire en détresse tire des coups de canon d'alarme, mais il sombre avec lenteur... (...). Ils ont fait jouer les pompes pendant tout le jour. Efforts inutiles (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 205).
c) [En parlant de jets d'eau, de cascades artificielles] C'est pour la première fois de ma vie que j'ai vu jouer les eaux de Versailles (Stendhal, Journal,1811, p. 3).
Au fig. Avoir un effet, intervenir. Une circonstance qui joue contre qqn, en faveur de qqn. Dans ce cas-là, la convention peut jouer (Ac.1935).L'homme, ici, n'est plus en prise directe sur le concret, le processus d'abstraction joue automatiquement (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 160).Les mêmes raisons qui ont exigé que ses camarades communistes fissent passer Nizan pour traître, ont joué aussi contre Sartre (Mauriac, Bloc-notes,1958, p. 661):
42. ... si (...) la proportionnelle jouait dans des circonscriptions multiples, par exemple les départements, tout au moins fallait-il que les voix qui n'entreraient pas dans les quotients locaux fussent additionnées à l'échelon national. De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 266.
3. Se resserrer ou se dilater sous l'effet de causes naturelles. Bois, meuble qui joue sous l'effet de l'humidité :
43. Malgré les alternatives de sécheresse et d'humidité, auxquelles le pont des gaillards [d'un navire] est si violemment exposé dans les climats intertropicaux, il [le teak] ne joue jamais... Croneau, Constr. nav. guerre, t. 1, 1892, p. 365.
REM. 1.
Jouasser, verbe intrans.a) Jouer distraitement. L'enfant jouasse sur le port; le garçonnet dedans (La Varende, J. Bart,1957, p. 10).b) ,,Jouer mal ou sans application, pour passer le temps plutôt que pour gagner une partie`` (Delvau 1883).
2.
Jouerie, subst. fém.Amusement, divertissement léger, facile. Griffith a été la seule dans le secret de ma jouerie à la poupée (Balzac, Mém. jeunes mar.,1842, p. 168).Au printemps, dans la turbulence de sa jouerie, le dragon aux anneaux bouillonnants envahit nos rues et nos maisons (...) aujourd'hui c'est la fête du fleuve : nous célébrons son carnaval avec lui dans le roulant tumulte des eaux blondes (Claudel, Connaiss. Est,1907, p. 118).
3.
Jouette, subst. fém.a) Chasse. ,,Trou moins profond que le terrier, que le lapin creuse en se jouant `` (DG). Synon. amusette (Duchartre 1973).b) Région. (Belgique, Lorraine du Nord). Enfant qui ne pense qu'à s'amuser (d'apr. Dupré 1972, Lanher 1977).
Prononc. et Orth. : [ʒwe], (il) joue [ʒu]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1100 intrans. « s'amuser, badiner, se distraire » (Roland, éd. J. Bédier, 1477); ca 1165 pronom. (Benoît de Ste-Maure, Troie, 5186 ds T.-L.); 2. a) ca 1100 juer as tables, as eschecs (Roland, 111, 112); ca 1165 joer a un jeu a aucun (Benoît de Ste-Maure, op. cit., 19075 ds T.-L.); ca 1170 joer le geu « gagner » (Chrétien de Troyes, Erec, éd. M. Roques, 5875); ca 1175 joer un jeu « jouer une partie » (Horn, 2763 ds T.-L.); 1395 (Voyage du S. d'Anglure, 131, ibid. : sa cotte... fut jouee aux dez); b) 1155 jeu de combat (Wace, Brut, 4494, ibid.); ca 1160 joer a la palestre (Eneas, 2801, ibid.); c) fig. α) fin xiiies. [ms.] joer dou sien a aucun « tromper » (Renart, éd. E. Martin, XIII, 946, var. ms. H, 19-20); 1377 jöer de ses faus tours a aucun « jouer un mauvais tour à quelqu'un » (Gace de La Buigne, Deduis, 11980 ds T.-L.); β) 1671 il se joüe des difficultez (Pomey); 3. ca 1225 jouer de (un instrument de musique) (Auberon, éd. J. Subrenat, 2397 : J'ai un archon...; Pour vieler est fais; s'en jouerés); ca 1285 juer de se musete (Adam de La Halle, Robin et Marion, 56 ds T.-L.); 4. ca 1400 jouer le personnage « jouer la comédie, jouer son rôle » (Quinze joies de mariage, VI, éd. J. Rychner, p. 50, 36). B. 1. a) Ca 1225 joer o « mettre en action, en mouvement, agiter (une partie du corps) » (Péan Gatineau, St Martin, 176 ds T.-L.); 1266 joer de (Vers de la Mort, 156, 12, ibid.); b) 1616 faire jouer (l'artillerie) (D'Aubigné, Hist. univ., I, éd. A. de Ruble, t. 1, p. 67); 2. a) ca 1265 « se mouvoir avec aisance » ici, « s'ébattre (en parlant d'un oiseau de proie) » (Brunet Latin, Tresor, éd. J. Carmody, I, 198, p. 139); b) 1559 jouer librement (d'une balance) (Amyot, Vies, Camille, éd. G. Walter, XLIX, t. 1, p. 313); c) av. 1606 (Desportes, Angélique, I, ds Littré : Quant le vent... s'y joue [dans une chevelure]); 1770-83 (Buffon, Ois. t. VI, p. 126, ibid. : un noir... dont les reflets jouent entre le vert et le violet). Du lat. jocari « s'amuser, folâtrer; plaisanter, badiner » qui, à basse époque, s'est substitué à ludere « s'amuser, se divertir; jouer à un jeu (d'adresse, de hasard); se livrer à un exercice physique; jouer un rôle, contrefaire; se moquer de, railler; duper, tromper » dont il a assumé les sens. Fréq. abs. littér. Jouer : 16 610. Joué : 2 002. Fréq. rel. littér. Jouer : xixes. : a) 16 604, b) 25 537; xxes. : a) 25 798, b) 28 346. Joué : xixes. : a) 2 396, b) 3 080; xxes. : a) 2 742, b) 3 169. Bbg. Becker (K.). Sportanglizismen im modernen Französisch. Meisenheim, 1970, p. 229, 306, 326, 329, 331. - Keys (A.C.). Jouer d'un instrument. In : [Mél. Harmer (L.C.)]. London-Toronto-Wellington, 1970, pp. 53-64. - Quem. DDL t. 2, 6, 9, 12, 13, 14, 16, 19, 21. - Rohlfs (G.). Jouer de la flûte, ein Germanismus? Arch. St n. Spr. 1964, t. 201, pp. 169-174. - Ulland (W.). Jouer d'un instrument. Bonn, 1970, pp. 95-164