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HERBE, subst. fém.
A. − Au sing. et au plur.
1. Plante phanérogame non ligneuse, annuelle, bisannuelle ou vivace, à tige molle et généralement verte, et dont les parties aériennes meurent chaque année. Je suis comme une herbe au bord de la route, bonne pour les uns et qui ne sert de rien aux autres ou leur nuit (Claudel, Violaine,1892, III, p. 538).Au pied des arbres, sur un sol calciné, un tapis inégal de feuilles mortes, de cendres et de charbons. Plus une herbe, plus rien de frais, de tendre ou de vert (Gide, Retour Tchad,1928, p. 975) :
1. Quand il fut nuit, je fis mon lit à côté d'un pré qui chantait de toutes ses herbes, et, la figure contre les étoiles, je me mis à dormir à mort. Giono, Baumugnes,1929, p. 54.
SYNT. Herbe cultivée, sauvage; herbe mince, menue; herbes maigres; herbes fines; les hautes, les grandes, les longues herbes; les herbes folles; herbes dures; herbes fraîches; herbes fanées, sèches, desséchées; herbes parasites, inutiles; herbes aromatiques, odorantes, odoriférantes, vénéneuses; herbes à fleurs; herbes aquatiques, fluviatiles, marécageuses; herbes exotiques; une herbe, les herbes des champs, des prés, de la prairie, de la savane; la pointe, la tige des herbes; chercher, cueillir des herbes.
P. anal. Herbes marines. Algues. Un épais tapis d'herbes marines, varechs et algues, couvrait tout le rivage (Verne, Île myst.,1874, p. 70).
Loc. Aux herbes. Au printemps. Ce cheval aura, prendra quatre ans aux herbes, cinq ans aux herbes, etc., ,,Au printemps il aura quatre ans, cinq ans, etc.`` (Ac. 1835-1935; dict. xixeet xxes.).
2. En partic.
a) Une, des mauvaise(s) herbe(s) et absol. (surtout au plur.) les herbes, des herbes. Plante non ligneuse de croissance spontanée, d'aucune utilité pour l'homme ni pour l'animal, et nuisible aux cultures environnantes éventuelles. Arracher, détruire, enlever, extirper les mauvaises herbes. Des jardins abandonnés où les herbes et les ronces envahissaient des vases de pierre et des statues décapitées par le temps comme des reines (Nizan, Conspir.,1938, p. 19) :
2. Il avait poussé tant d'herbe(s) dans ce blé, des mauvaises herbes, des herbes folles, (dans le blé, toutes les herbes sont folles, toutes les herbes sont des mauvaises herbes, même celles qui autrement ne seraient pas mauvaises, même celles qui en elles-mêmes et naturellement, ailleurs (ne) seraient (que) sages...) Péguy, V.-M., comte Hugo,1910, p. 686.
Loc. fam.
Vieilli. [Pour exprimer la mauvaise humeur de qqn] Il a marché sur une mauvaise herbe. (Dict. xixe, Ac. 1935, Lar. 20e, Quillet 1965).
[Marquant l'étonnement devant une crise de mauvaise humeur inexpliquée ou une gaieté insolite] Sur quelle herbe avez-vous marché? − Mais sur quelle herbe avez-vous donc marché? lui dit un de ses camarades. Vous êtes gai et bon enfant ce soir (Stendhal, L. Leuwen, t. 2, 1835, p. 55).On vous ouvre le chemin de la postérité, on vous porte aux nues, on vous crée une position sociale, et vous n'êtes pas content? Sur quelle herbe avez-vous donc marché ce matin? (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 35).
[P. réf. à la croissance rapide et facile ou à la résistance de la mauvaise herbe, en parlant d'un enfant qui grandit vite ou d'une personne douée d'une grande robustesse] Mauvaise, méchante herbe croît toujours (v. croître A 2b). Croître, pousser en mauvaise herbe, comme une mauvaise herbe. Vous avez pour ami un monstre d'ingratitude, un homme qui, s'il vit encore, c'est que, comme dit le proverbe, la mauvaise herbe croît en dépit de tout (Balzac, Cous. Pons,1847, p. 99).L'enfant, à peine sevrée, avait poussé dru, en mauvaise herbe (Zola, Terre,1887, p. 46).
Au fig.
[En parlant d'une pers.] Mauvais sujet, vaurien ou enfant dont on n'attend rien de bon pour l'avenir. Les enfants, des tout petits (...), ils ne savent que manigancer pour faire du mal : c'est toujours après les fusils, les pistolets... de la mauvaise herbe de braconnier (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 281).
[En parlant d'une chose] Élément (de la personnalité, du comportement, de la pensée) tenace, envahissant et pernicieux. Les fréquens passages dogmatiques qui s'y rencontrent [chez Dante] ne sont guère que la végétation parasite d'un esprit trop fécond, et comme la mauvaise herbe de la science contemporaine qui jetait partout ses racines (Ozanam, Philos. Dante,1838, p. 11).Le moi, cette mauvaise herbe qui repousse toujours sous la plume de l'écrivain livré aux épanchements familiers (Hugo, Rhin,1842, p. 7) :
3. ... c'est le chagrin qui développe les forces de l'esprit. D'ailleurs, ne nous découvrît-il pas à chaque fois une loi, qu'il n'en serait pas moins indispensable pour nous remettre chaque fois dans la vérité, nous forcer à prendre les choses au sérieux, arrachant chaque fois les mauvaises herbes de l'habitude, du scepticisme, de la légèreté, de l'indifférence. Proust, Temps retr.,1922, p. 906.
b) Plante utilisée pour ses propriétés particulières. Herbes magiques; herbes narcotiques; connaître les herbes. J'ai su le secret des philtres infâmes, Et l'herbe qui fait avorter les femmes (Moréas, Cantil.,1886, p. 191).
− Dans le domaine de la pharmacieHerbe ou herbe médicinale, officinale. Plante employée comme remède ou entrant dans la composition d'un remède. Synon. simple.Herbes apéritives, vulnéraires; herbes à tisanes; application d'herbes. Des herbes émollientes, telles que la mauve, la bette, la pariétaire, le bouillon-blanc (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 179).Berger, je t'en conjure, puisque tu es sorcier, fais-moi manger une herbe, quelque chose qui m'enlève ce que j'ai là et qui me fait tant mal (A. Daudet, Arlésienne,1872, II, 2etabl., 4, p. 393) :
4. J'ai vu madame Colette souffrir et refuser de l'aspirine comme si c'étaient des pilules du diable, exigeant que se produisissent en elle, sans aucune aide, les mystérieux mélanges et dosages des herbes ou « simples » que la reconstitution synthétique de la science imite peut-être, mais en surface et sans en posséder les vertus. Cocteau, Poés. crit. II,1960, p. 122.
Bouillon d'herbes ou aux herbes. Bouillon à base de feuilles fraîches de diverses plantes utilisé comme purgatif. Tu sais que demain il faut te purger, le docteur l'a dit, et Reine te fera prendre du bouillon aux herbes (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 178).
− Dans le domaine de l'art culinaire,au plur. Les vingt-huit herbes qui servent pour la cuisine sont divisées en herbes potagères, en herbes d'assaisonnement et en herbes de fourniture à salade (...) ou fines herbes (Dumas1873).
Rare, dans la lang. mod. Herbes (potagères). Légumes verts cultivés dans les jardins potagers et destinés à être mangés cuits ou en salade. Soupe aux herbes; marchand d'herbes; place aux herbes. Le petit tracas que faisaient la mère du curé et sa jeune nièce en épluchant les herbes pour la soupe (Lamart., Confid.,1849, p. 347).Les herbes potagères dont les plus usuelles sont l'épinard, l'oseille, la laitue, le poireau (Ac. Gastr.1962).
(Fines) herbes. Plantes aromatiques ou condimentaires utilisées pour l'assaisonnement de certains plats. Omelette aux fines herbes. Un arôme de fines herbes, d'épices, de nourriture grasse (Guèvremont, Survenant,1945, p. 116).Condiment aromatique complet remplaçant sel, poivre et vinaigre, il [l'estragon] est utile dans les salades, la laitue notamment dont il relève la fadeur; (...) dans la composition des bouquets garnis dits de « persil » et des fines herbes où il complète si harmonieusement le cerfeuil, la ciboulette ou la pimprenelle (L. Lagriffe, Le Livre des épices, des condiments et des aromates, Les Hautes Plaines de Mane, éd. R. Morel, 1968, p. 187).Des herbes toujours fraîches. Un bouquet d'herbes est souvent trop important pour être utilisé dans une seule recette. Il est heureusement possible de conserver les herbes (ciboulette, cerfeuil, persil, estragon, menthe...) quelque temps en prenant certaines précautions (Les grandes recettes de la cuisine légère,Paris, Sél. du Reader's Digest,1978, p. 27).
Loc. fam., vieilli. [P. réf. aux herbes que l'on cueillait autrefois le jour de la Saint-Jean et auxquelles on attribuait des vertus magiques] Mettre, employer toutes les herbes de la Saint-Jean. User de tous les moyens dont on peut disposer pour réussir, de toutes les ressources offertes par quelque chose. Après dîner, nous passerons un petit traité entre nous, un projet, si tu veux, quitte à y mettre toutes les herbes de la Saint-Jean, après que la tante aura fait ses malles (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 365).On se rappelle cet important, ce définitif travail [de Busard], tant annoncé sur Villon, sur sa vie et son temps, renforcé de pièces inédites et de toutes les herbes de la Saint-Jean de l'érudition (Bloy, Désesp.,1886, p. 269).
c) [Suivi d'un adj. ou d'un compl. déterm. et formant le premier terme de noms composés qui fournissent les appellations communes de nombreuses plantes]
Herbe d'amour. Le myosotis (Rob., Lar. Lang. fr.); le réséda odorant (Littré).
Herbe aux ânes. L'onagre ou onagraire (Littré, Rob., Lar. Lang. fr.).
Herbe bénie ou herbe de saint Benoît. La benoîte*.
Herbe au(x) chantre(s). Le sisymbre officinal ou vélar. V. infra citat. de Pourrat.
Herbe au(x) charpentier(s) ou herbe à la coupure. L'achillée millefeuille. L'herbe au chantre, l'herbe au charpentier, qui ferme les coupures, l'herbe aux verrues, qui fleurit le jour où arrivent les hirondelles (Pourrat, Gaspard,1931, p. 122).
Herbe au(x) chat(s). V. chat III B 1 a.
Herbe du diable. Le datura stramoine :
5. ... mais cette fleur ou cette herbe, dédaignées des hommes et des bêtes domestiques, ou ces baies qui mûrissent loin dans les bois, à quoi servent-elles donc? La réponse est écrite dans ces termes : herbe au loup, herbe à la Vierge, herbe au diable. Elles servent à Dieu, à ses saints, au diable, − ou au loup... Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 193.
Herbe à la femme battue ou aux femmes battues. Le tamier commun. Le Tamus communis, commun dans les bois, possède un rhizome charnu vertical (...). La pulpe du rhizome est employée comme vulnéraire; ses propriétés ont fait donner au Tamus le nom d'« Herbe à la femme battue » (Bot.,1960, p. 1212 [encyclop. de la Pléiade]).
Herbe aux gueux. ,,Surnom de la clématite ordinaire qui croît dans nos haies et dont les mendians se servent pour se faire naître des ulcères superficiels et exciter ainsi la commisération et la charité des passans`` (Brard 1838).
Herbe des juifs ou herbe aux juifs. Le réséda jaunissant ou gaude. Le Reseda luteola, ou Gaude, Herbe aux juifs, livre une matière colorante jaune qui était utilisée jadis pour la teinture des vêtements des juifs réprouvés (Bot.,1960, p. 982 [Encyclop. de la Pléiade]).
Herbe à lait ou herbe au lait. Le polygale. Elle cueille les sombres épis de l'herbe à lait (A. France, P. Nozière,1899, p. 51).
Herbe à loup ou au loup. L'aconit tue-loup. V. supra ex. 5.
Herbe du Paraguay. Le houx maté. Un plateau garni de tout ce qui sert à prendre le maté ou l'herbe du Paraguay (Mérimée, Jacquerie,1828, p. 32).
Herbe aux perles. Grémil officinal. Plusieurs plantes qui ressemblaient à l'herbe aux perles, à la piloselle, à la pervenche, au fraisier (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 211).
Herbe au porc ou herbe à cochon. La renouée des oiseaux. Les paysans appellent la renouée l'herbe au porc (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814p. 91).
Herbe au prud'homme. Je pus sauver un spécimen de cette sauge (salvia verbenaca) qu'on appelle chez nous : « herbe au prud'homme » (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 39).
Herbe aux puces. Le psyllium. Les semences de psyllium ou herbe aux puces (plantago psyllium, L) sont petites, ovales-allongées, plates d'un côté, convexes de l'autre, brillantes, noires-brunes (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog., t. 2, 1821, p. 583).
Herbe à la reine ou herbe à l'ambassadeur, herbe à Nicot, herbe sacrée. Le tabac. Un prévôt de boutiquiers! il offrirait de s'acquitter en cannelle et en herbe à la reine (Dumas père, Henri III,1829, I, 3, p. 129).
Herbe à Robert. Le géranium commun. L'Herbe à Robert (Geranium Robertianum) peut croître là où la lumière est abaissée d'au moins un tiers (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 496).
Herbe de sainte Barbe. Le vélar. Les pauvres fleurettes jaunes des plantes de rebut (...) celles surtout de l'herbe de sainte Barbe, de ce vélar, d'aspect si indigent (Huysmans, Oblat, t. 2, 1903, p. 260).
Herbe de saint-Jacques. Le séneçon jacobée. La ruelle envahie de bardanes et d'herbes de saint-Jacques (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 233).
Herbe (de la) Saint-Jean. Le lierre terrestre; l'armoise vulgaire; le millepertuis perforé. Il y a le millepertuis, ou herbe de la Saint-Jean, qui guérit tout et le reste (Dévigne, Légend. de Fr.,1942, p. 23).
Herbe du vent. L'anémone pulsatille. Anémone veut dire herbe du vent, parce qu'elle ne s'épanouit qu'au souffle du vent, à ce que dit Pline, ce que je n'ai pas observé moi-même (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 25).
Herbe aux verrues. L'héliotrope d'Europe. V. supra citat. de Pourrat.
Herbe à la Vierge. Le narcisse. V. supra ex. 5.
d) Pop., absol.
Tabac. Cette herbe [le tabac] devient de plus en plus rare (Toulet, Corresp. avec un ami,1920, p. 99).
Marijuana, haschisch. La drogue, je veux dire l'herbe, je n'y ai jamais pensé avant le jour où, pour la première fois, j'en ai pris (Elle,23 juill. 1979).
Rem. Baudelaire en traduisant l'arabe emploie le mot herbe pour désigner le haschisch : Le haschisch (ou herbe, c'est-à-dire l'herbe par excellence, comme si les Arabes avaient voulu définir en un mot l'herbe, source de toutes les voluptés immatérielles) (Paradis artif., 1860, p. 351).
B. − Au sing.
1. À valeur de coll.
a) Ensemble de diverses plantes non ligneuses, dont les parties aériennes molles et vertes meurent chaque année, qui croissent spontanément dans les lieux peu fréquentés et forment la végétation des prairies et des pâturages. L'herbe la plus fine et la plus épaisse s'élève dans des prairies naturelles à plus de quatre pieds; et l'on pourrait y faucher une immense quantité de fourrages pour l'hiver (Voy. La Pérouse,t. 3, 1797, p. 134).L'herbe, pressée comme une toison, comme une chevelure, se tordait avec douceur contre la pierre, et il y avait entre le mur brûlé par le soleil, l'herbe en désordre et la fenêtre abandonnée, un tel secret, que je me sentais m'émouvoir aux larmes (Jouve, Scène capit.,1935, p. 170) :
6. Tu ne faisais pas peur, nature aux mains offrantes, Notre candeur plaisait à ta simplicité; Tu nous laissais jouer sans crainte avec l'été, Et mordre tes bourgeons, ton herbe, ton feuillage, Comme font les chevreaux qu'on mène au pâturage. Noailles, Cœur innombr.,1901, p. 56.
SYNT. Herbe verte; herbe abondante, drue, haute, riche, grasse; herbe courte, coupée, rase, rare; herbe neuve, nouvelle, fraîche, molle, tendre; herbe humide, mouillée, sèche, flétrie, fleurie; brin, touffe d'herbe; poignée, lit, tapis d'herbe; un pré d'herbe; l'herbe des prés, des pelouses; le parfum, l'odeur de l'herbe; le vert de l'herbe; couleur d'herbe; l'herbe croît, pousse, repousse, se dessèche, verdoie; arroser, faucher, tondre l'herbe; couper l'herbe, de l'herbe; brouter, paître l'herbe; s'allonger, s'étendre, se coucher, s'asseoir, se vautrer, marcher, courir, se rouler, tomber dans, sur l'herbe.
Rem. Thomas 1956 précise la différence entre dans l'herbe et sur l'herbe : ,,Dans l'herbe marque particulièrement que l'herbe est haute et dissimule plus ou moins les personnes ou les choses (...) Les fruits étaient tombés dans l'herbe. Sur l'herbe indique seulement la nature herbeuse du sol : se coucher sur l'herbe (Littré, Acad.). « Le Déjeuner sur l'herbe », d'Édouard Manet``.
Expr. Faire de l'herbe (v. faire I E 1b). Aller à l'herbe. Aller couper de l'herbe (pour des animaux). Aller à l'herbe pour les lapins (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 292).
b) P. méton. Lieu couvert d'herbe où pâturent les bestiaux. La seule vache du pays qui fût à l'herbe, et qui pâturait une étroite prairie sur la lisière du bois (Maupass., Contes et nouv., t. 1, Pt soldat, 1885, p. 188).[Les] vaches qui sautent et s'escarmouchent, car c'est la première fois qu'on les mène à l'herbe passé le long hiver! (Pourrat, Gaspard,1922, p. 193).
c) Loc. fig. et proverbes
Couper l'herbe sous le pied de qqn (v. couper I A 1 a).
[L'herbe comme symbole d'abandon et d'oubli]
[Pour exprimer qu'un lieu est très peu ou nullement fréquenté] L'herbe croît chez eux; l'herbe croît, pousse entre les pavés, dans les rues. Les rues à Blois sont vides, l'herbe croît entre les pavés (Flaub., Champs et grèves,1848, p. 166).
[Dans des cont. abstr., p. réf. à l'herbe qui efface toute trace, à l'herbe des cimetières qui envahit les tombes abandonnées] L'herbe de l'oubli; l'herbe épaisse de l'oubli; l'herbe qui croît sur une chose. L'oubli qui la recouvre bientôt, la fait disparaître de la mémoire des hommes. L'herbe croît sur ma victoire (Quinet, Napoléon,1836, p. 194).Puis, rien. La terre s'ouvre, un peu de chair y tombe; Et l'herbe de l'oubli, cachant bientôt la tombe, Sur tant de vanité croît éternellement (Leconte de Lisle, Poèmes barb.,1878, p. 245) :
7. Victor Hugo dit : Il faut que l'herbe pousse et que les enfants meurent. Moi je dis que la loi cruelle de l'art est que les êtres meurent et que nous-mêmes mourions en épuisant toutes les souffrances, pour que pousse l'herbe non de l'oubli mais de la vie éternelle, l'herbe drue des œuvres fécondes, sur laquelle les générations viendront faire gaîment, sans souci de ceux qui dorment en dessous, leur « déjeuner sur l'herbe ». Proust, Temps retr.,1922, p. 1038.
Proverbe. Ne laissez pas croître l'herbe sur le chemin de l'amitié. Il ne faut pas laisser l'amitié sans l'entretenir et la cultiver. Ne laissez pas croître l'herbe sur le chemin de l'amitié, dit le proverbe. J'ajoute : ne laissez pas se ternir par la moindre vapeur le miroir de l'intimité (Amiel, Journal,1866, p. 439).
[P. allus. à la fable de La Fontaine, Les Animaux malades de la peste, VII, 1, 51, citat. plus ou moins fragmentaire du passage la faim, l'occasion, l'herbe tendre, pour évoquer plaisamment les causes d'un événement fâcheux ou d'une action répréhensible] La fatalité, le diable, le célibat, l'occasion, l'herbe tendre veulent votre perte (Balzac, Physiol. mar.,1826, p. 113).Au bout de peu de temps, nos jeunes amoureux rêvèrent d'une sieste... Mais quoi!... Finalement (ô ciel! veille sur eux!) L'herbe tendre et le reste... (Ponchon, Muse cabaret,1920, p. 298).
2. En herbe
a) [En parlant d'une céréale] Qui n'est pas parvenu à maturité, dont la tige est verte et peu élevée et dont l'épi n'est pas encore formé. Avoine, orge en herbe. Le jeune foin, le blé en herbe étaient d'un vert infiniment tendre, émouvant (Hémon, M. Chapdelaine,1916, p. 89).
Locutions
Manger son blé en herbe. V. blé I A 1a.
En herbe et en gerbe. En espérance et en jouissance. Les moissons arrosées d'encre ne se font (quand elles se font) que dix ou douze ans après les semailles, et Lucien a pris l'herbe pour la gerbe (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 576).
b) Au fig.
[En parlant d'une chose] Qui commence, se prépare ou n'est qu'à un stade de développement peu avancé. Véritable fléau [des lettres], sauterelles d'Égypte qui mangent la journée en herbe (Lamart., Corresp.,1835, p. 125).Couper en herbe les médisances et les ragots (La Varende, Dern. fête,1953, p. 44).
[En parlant d'une pers.] Qui se destine (à un emploi, à une carrière), qui est ou paraît destiné (à un état). Synon. futur, en puissance.Cet auteur en herbe [Racine] soucieux d'être connu et applaudi des hommes (Mauriac, Vie Racine,1928, p. 22).Bon nombre d'« esprits faux » et péremptoires sont des paranoïaques en herbe dont le jugement glisse toujours hors des voies du réel (Mounier, Traité caract.,1946, p. 630) :
8. ... qui a pu jamais descendre dans le cœur d'un immortel en herbe, quand un scrutin douteux balance sur sa tête poudrée l'éternel laurier, et qu'à chaque battement de son sang qui s'agite il frissonne de voir s'écraser dans ses doigts, comme don Carlos, l'œuf de ses espérances! Mussetds Le Temps,1831, p. 96.
REM. 1.
Herbailleux, subst. masc.Celui qui ramasse de l'herbe. Les rebouteux, les remégeux, les herbailleux trôlent par la campagne (Arnoux, Calendr. Fl.,1946, p. 115).Donné sous la forme de herbeilleux ds Besch. 1845, Raymond 1832 et Boiste 1834, seuls dict. à attester le mot et qui donnent aussi la forme du subst. au fém. herbeilleuse.
2.
Herbeiller, verbe intrans.,chasse. [En parlant du sanglier] Brouter l'herbe. Le sanglier a herbeillé ici (Ac.1798-1878).P. métaph. Il chérissait les catalogues, il y herbeillait comme un sanglier sur des racines (La Varende, Sorcière,1954, p. 19).
Prononc. et Orth. : [ε ʀb]. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « plante à tige non ligneuse » (Roland, éd. J. Bédier, 2871 : De tantes herbes el pré truvat les flors); en partic. a) ca 1160 « plante qui a des propriétés médicinales » (Enéas, 7969 ds T.-L.); b) xiiies. male herbe « plante nuisible à la culture » (FEW t. 4, p. 404b); 1316 mauvaises herbes (G. de Paris, Chron. métr., éd. A. Diverrès, 1579); c) 1306 « herbes employées comme assaisonnement » lait de jument confist en herbes (Joinville, St Louis, éd. N. L. Corbett, § 487); 1540 fines herbes (ds Bull. soc. hist. Paris et Ile de France, XXX-106); d) 1414 [date trad.] au plur. « certaines herbes potagères et des champs propres à la consommation » salades d'herbes (Decameron, B.N. 129 [ms. du xves.], fo16c ds Gdf. Compl., s.v. salade); 2. ca 1100 « ensemble des herbes qui forment une végétation (au sing. collectif) » (Roland, éd. J. Bédier, 671 : Sur l'erbe verte estut devant sun tref); d'où 1572 [éd.] expr. couper l'herbe sous le pied de qqn (Jacques Yver, Le Printemps, 3ehistoire, éd. P. Jourda, p. 1202); 3. 1225-30 en herbe « état des céréales qui sont encore toutes jeunes et vertes » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 3935); 1558 fig. en herbe, ou en gerbe (B. Des Périers, Œuvres françoises, Nouv. récréations, 32 [Jannet, 1856] ds Quem. DDL t. 9); 4. mil. xiiies. en composition, désigne un grand nombre de plantes herbe Jehan, herbe Robert (Voc. plantes, 140a et 140b ds T.-L.); 1547 herbe-aux-chats (R. Estienne, De Latinis et graecis nominibus arborum...). Du lat. class. herba « herbe; mauvaises herbes; jeune pousse, en partic. en parlant des céréales; plante en général »; entre en composition avec d'autres mots pour désigner diverses plantes dès le lat. imp. : herba Proserpinae « camomille » (André Bot.); cf. pour le sens 4 en lat. médiév. herba Roberti xiiies. (Voc. plantes, 140 ds T.-L.), herba gattarum xves. (J. Camus, Op. sal., p. 134 ds Roll. Flore t. 9, p. 9). Fréq. abs. littér. : 6 505. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 485, b) 11 518; xxes. : a) 10 863, b) 8 572.