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FIÈVRE, subst. fém.
A.−
1. État morbide caractérisé par l'élévation de la température du corps et divers troubles physiologiques (accélération du rythme cardiaque et respiratoire, troubles nerveux). Avoir la fièvre (vieilli); prendre, reprendre la fièvre; un mouvement de fièvre (vieilli); un accès, une poussée de fièvre. Le feu de la fièvre circule dans mes veines (Sand, Lélia,1833, p. 251).Une fièvre violente l'avait retenu dans Rome, où il avait été obligé de garder le lit toute la semaine (Stendhal, Abbesse Castro,1839, p. 177).Il faudra savoir ensuite comment le quinquina peut guérir la fièvre; il n'agit pas sur la fièvre, mais sur une condition physico-chimique (Bernard, Principes méd. exp.,1878, p. 283):
1. − Combien? − 37,5. Elle a vomi son biberon de quatre heures. − Température rectale? Ce n'est pas la fièvre, surtout le soir. − C'est la fièvre, le docteur Chatard l'a dit. − Mais non, il voulait parler de la température prise sous le bras. − Et moi, je te dis que c'est la fièvre. Peu de chose, bien sûr. Mais enfin, c'est la fièvre. Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 175.
Expr. Sentir la fièvre (fam.). Répandre une odeur légèrement nauséabonde, caractéristique de l'état fiévreux. Ils sont moites, ils sentent la fièvre (Sartre, Mouches,1943, III, 1, p. 86).Tomber de fièvre en chaud mal (au fig., vieilli). V. chaud I B 2.
Spéc. Élévation pathologique de la température du corps au-dessus de la normale chez l'homme et l'animal. Avoir de la fièvre, 40 degrés de fièvre, beaucoup de fièvre. (Quasi-)synon. température (fam.), hyperthermie (en méd.).La fièvre était montée d'un seul coup à quarante degrés, le malade délirait sans arrêt (Camus, Peste,1947, p. 1232).Zaza était très malade; elle avait une grosse fièvre, et d'affreux maux de tête (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 357).
Fièvre de cheval (v. ce mot B 1).
SYNT. a) Trembler, grelotter la fièvre (vieilli); brûler, trembler de fièvre, mourir de fièvre. b) La fièvre s'allume (vieilli), se calme, se déclare, diminue, empire, passe, tombe, retombe; la fièvre brûle, dévore, mine, ronge qqn. c) Fièvre ardente, élevée, faible, intense, modérée, vive; forte, mauvaise fièvre.
Rem. On relève ds la docum. qq. attest. du syntagme de fièvre en fonction de déterm. au sens de fiévreux. J'ai la tête en feu, des mains de fièvre (Estaunié, Vie secrète, 1908, p. 342).
2. Vieilli. [Gén. suivi d'un déterm.] Maladie accompagnée de fièvre. La fièvre, qui tue un enfant sur trois, décime régulièrement les familles (About, Grèce,1854, p. 67).En quatre jours cependant, la fièvre fit quatre bonds surprenants : Seize morts, vingt-quatre, vingt-huit et trente-deux (Camus, Peste,1947p. 1266).
a) MÉDECINE
[Le déterm. désigne l'organe où se produisent les troubles] Fièvre cérébrale, muqueuse.
[Le déterm. désigne l'origine du trouble] Fièvre de Malte, des marais; fièvre inflammatoire, paludéenne, puerpérale, traumatique; fièvre charbonneuse (v. charbon2), typhoïde; fièvre de croissance, de lait.
[Le déterm. spécifie une manifestation du trouble] Fièvre hectique, intermittente, lente, ondulante, oscillante, quarte, récurrente, tierce; fièvre d'accès (v. accès2), en plateau; fièvre aphteuse, boutonneuse, éruptive, miliaire; fièvre jaune, pourpre, rouge; fièvre putride; fièvre chaude, froide.
b) Spéc., au plur. Paludisme. Avoir, attraper, prendre les fièvres; fièvres tropicales. Les fièvres sont dans le delta, et les ophtalmies n'attaquent guère que les Arabes (Flaub., Corresp.,1849, p. 135).En 1904, à Cherbourg, officier de marine et déjà rongé par les fièvres de Cochinchine, il fit la connaissance d'Anne-Marie Schweitzer (Sartre, Mots,1964, p. 8).
B.− Au fig.
1. Dans le domaine psychol.
a) Absolument
État émotif d'inquiétude et de tension anxieuse. J'étais dans le grand salon noir occupé à fumer une cigarette, pour tromper ma fièvre (Jouve, Scène capit.,1935, p. 211):
2. Lorsqu'on doit voir le soir la femme qu'on aime, l'attente d'un si grand bonheur rend insupportable tous les moments qui en séparent. Une fièvre dévorante fait prendre et quitter vingt occupations. L'on regarde sa montre à chaque instant, et l'on est ravi quand on voit qu'on a pu faire passer dix minutes sans la regarder... Stendhal, Amour,1822, p. 58.
Avec fièvre. Decraemer, qui d'habitude voyait venir le soir comme une agonie, attendit ce jour-là la nuit avec fièvre. Enfin le gardien fit sa dernière ronde (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 286).
État psychologique d'exaltation et/ou d'agitation passionnée. Moment de fièvre; travailler dans la fièvre. (Quasi-)synon. fébrilité.Je songe à cette heureuse fièvre qui, tout le temps que j'écrivais Paludes, maintenait mon livre en éveil (Gide, Journal,1905, p. 185).Tu as des rêves et des fièvres, D'obscurs désirs de merveilleux (Achard, Voulez-vous jouer,1924, II, 2, p. 141):
3. Rubens fait de la touche le témoignage où s'inscrit le geste créateur; elle devient graphique irrécusable de la force et de la fièvre dont elle résulte. La composition aussi est jetée dans la sarabande : elle était l'architecture des lignes et reposait sur elles; désormais elles l'entraînent; elles deviennent lignes de force, résultantes de poussées diverses, comme les courants des océans, directions irrésistibles qui se propagent à travers la toile... Huyghe, Dialog. avec visible,1955, p. 152.
Avec fièvre. Écrire avec fièvre, avec allégresse, à bride abattue, quelle coupable folie! (Colette, Jumelle,1938, p. 248).
Vieilli. [Avec un déterm. adj. ou subst. spécifiant la nature de l'exaltation] Fièvre nerveuse, spirituelle; fièvre de tête. Les fièvres de l'âme sont semblables à celles du corps : pour les guérir il faut surtout changer de lieux (Chateaubr., Martyrs,t. 2, 1810, p. 108).Elle était très calme et très heureuse, sans une fièvre de la chair ni du cœur (Zola, Page amour,1878, p. 848).
b) [Constr. avec un compl. prép. de (ou un adj.) désignant la cause] État de trouble psychologique.
[Le compl. désigne un affect] Toutes les impérieuses fièvres du désir se réveillèrent dans les veines de Rodolphe (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 162).Comment expliquer cette poussée de fièvre érotique chez des pestiférés guéris (Artaud, Théâtre et double,1938, p. 30):
4. Il était possédé par elle. Rien ne le touchait plus qui n'était pas Carlotta. Et en même temps il se sentait pris d'une fièvre de frayeur. Sans argent, il allait la perdre. Des diamants dansaient dans sa tête, et une confuse peur de l'avenir. Aragon, Beaux quart.,1936, p. 417.
SYNT. Fièvre de crainte, d'impatience, d'inquiétude, d'espérance; fièvre amoureuse, patriotique, poétique.
[Le compl. désigne un événement] L'homme passionné, blessé, pris par la fièvre de l'intérêt en danger, et douloureusement atteint dans sa vie (Balzac, C. Birotteau,1837, p. 252).« Elle » était invitée sur un yacht, pour une longue croisière, et vivait dans la fièvre des essayages (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 235).
c) [Fièvre est défini et construit avec un compl. prép. de; correspond à fiévreux B 1 β] Caractère fiévreux de. Que l'orgueil de notre luxe et la fièvre de nos voluptés ne nous fassent pas illusion (Proudhon, Guerre et paix,1861, p. 327).C'est (...) à l'énergie de ses convictions, à la fièvre de ses haines (...) que l'Ami du Peuple doit la vie qui éclate encore dans celles de ses pages dont nous conservons le fil conducteur (Thibaudet, Hist. litt.,1936, p. 14):
5. J'ai ce don (...) d'allier, dans le même instant, deux états aussi différents, aussi opposés, que la passion et la lucidité; la fièvre, le délire du lyrisme intérieur, et la froide raison... Martin du G., Notes Gide,1951, p. 1406.
[Le compl. désigne une partie du corps, un comportement] Il parlait vite, sur un ton saccadé, dont la fièvre était contagieuse (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 547).La sueur qui ruisselait sur ses joues, la fièvre inquiète de ses yeux me mettaient mal à l'aise (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 215).
Rem. On relève ds la docum. une attest. d'un emploi partitif fig. Il y avait dans leur amour de la fièvre et de la lâcheté (Daniel-Rops, Mort, 1934, p. 174).
d) [Constr. avec un compl. prép. de désignant l'obj. d'un désir] Désir ardent, manie de. Fièvre du gain, de savoir. Synon. folie, passion, rage, soif de.Il étudia les langues, le latin, le grec, l'hébreu (...). C'était une véritable fièvre d'acquérir et de thésauriser en fait de science (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 173).Un caprice de sens pareil à ceux que les femmes mariées éprouvent pour leurs maris lorsqu'elles ont la fièvre d'un cachemire (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 159):
6. On voit certains hommes répondre aux excès de la civilisation sédentaire par de vives réactions de la conduite, qui parfois se cristallisent en mouvements collectifs ou en manies solitaires : impulsions de marche, goût romantique de la nature, fièvre des voyages et des départs, instabilité professionnelle ou du domicile, passion de l'aventure et de la guerre. Mounier, Traité caract.,1946, p. 83.
Rem. Rare. Fièvre à + inf. Ce n'est pas que la liberté même se révèle si tentante, et je n'en veux pour preuve que ma fièvre à changer de place (Colette, Cl. s'en va, 1903, p. 264).
2. P. anal.
a) Absol. Atmosphère, état collectif d'agitation et/ou de surexcitation. Ville en fièvre. (Quasi-)synon. effervescence.Il s'aperçut qu'il devenait médiocre : il faut cette fièvre de Paris, qui est dans l'air et qui vous saisit au saut du lit (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 109).La fièvre (...) régnait dans ces bureaux surpeuplés où l'ardeur suppléait à la routine (Abellio, Pacifiques,1946, p. 412).
[Avec un déterm. adj. ou subst. spécifiant la nature de l'agitation] Fièvre des esprits; fièvre religieuse, révolutionnaire. C'est un des pires crimes de Vichy que d'avoir excité les fièvres politiques et répandu le défaitisme parmi nous (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 136).
[Constr. avec un compl. prép. introd. par de désignant la cause] Les passions excitées par la fièvre annuelle des élections (Maine de Biran, Journal,1818, p. 180).
b) [Constr. gén. avec un compl. prép. de désignant l'objet d'un désir coll.]
Vieilli. Mouvement d'opinion. (Quasi-)synon. vogue.Une fièvre passagère d'anglomanie (Sainte-Beuve, Prem. lundis,t. 1, 1869, p. 302).Il n'y eut aucune fièvre cocardière, aucun cri guerrier (Ambrière, Gdes vac.,1946p. 120):
7. Une agitation anti-royaliste, l'expulsion des Princes et bientôt la fièvre boulangiste lui ôtèrent [à Édouard VII] la confiance qu'il avait commencé d'avoir en la sagesse de la jeune République française. Maurois, Edouard VII,1933, p. 75.
Vif engouement pour. Les agents capables d'anticipations créatrices sont stimulés et entraînés. Soit à propos d'une série déterminée d'opérations, pendant une période relativement courte; c'est la « fièvre des canaux », la « fièvre des chemins de fer », la « fièvre de l'or » (Perroux, Écon. XXes.,1964, p. 148):
8. C'est la paix. Non. Non. Non (...) c'est l'or. C'est l'or. Le rush, La fièvre de l'or qui s'abat sur le monde, La grande ruée de 1848, 49, 50, 51 et qui durera quinze ans. Cendrars, Or,1925, p. 117.
Fièvre obsidionale. Psychose collective frappant une population assiégée. La fièvre obsidionale, qui travaillait alors l'Angleterre, y faisait foisonner les organes de renseignements et de sécurité (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 124).
Rem. On relève ds la docum. qq. attest. de la constr. une fièvre de + subst. plur. avec un sens quantitatif. Le maire s'expliquait, avec toute une fièvre de gestes et de paroles (Zola, Conquête Plassans, 1874, p. 934). L'annonce [de grandes cérémonies] suscitait des semaines à l'avance une fièvre de commentaires et de préparatifs (Ambrière, op. cit., p. 160).
Prononc. et Orth. : [fjε:vʀ ̥]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1155 pathol. (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 14194 : Malade fud de fievre ague); 1306 fig. « état d'agitation » (G. Guiart, Royaux Lignages, II, 7744, ibid.); 1793 fievre de + nom ou inf. « désir ardent de » (Laya, Ami loix, p. 71 : la fievre des honneurs, des rangs et des succès). Du lat. class. febris*. Fréq. abs. littér. : 4 348. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 634, b) 7 684; xxes. : a) 8 531, b) 5 288. Bbg. Lew. 1960, p. 112, 113, 117. − Pohl (J.). Contribution à l'hist. de qq. mots. Arch. St. n. Spr. 1969, t. 205, p. 364, 370. − Quem. DDL t. 2, 8, 9.