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ENFANTER, verbe trans.
Littéraire
A.− [Le suj. désigne gén. une femme]
1. Donner le jour à (un enfant), mettre au monde. Synon. usuel accoucher de.Un millier de femmes, aux cheveux épars, dépeignés par la course, (...) de femelles lasses d'enfanter des meurt-de-faim (Zola, Germinal,1885, p. 1435).
Emploi abs. En condamnant la femme à enfanter avec douleur, Dieu lui a donné une force invincible contre la peine (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 286).Regarder, dans les logis du quartier pauvre, travailler, agoniser, mourir les hommes, travailler, pleurer, enfanter les femmes, naître ou jouer les enfants (Faure, Espr. formes,1927, p. 213).
P. ext. Enfanter à.Faire naître à. Les enfanter à la vie, à la religion, à la vertu, pour elle, ce n'était pas assez, elle voulait les enfanter aussi au bonheur (Lamart., Nouv. Confid.,1851, p. 22).
2. P. anal.
a) [Le suj. et l'obj. désignent un animal femelle] Donner le jour à. Synon. usuel mettre bas.
Emploi abs. Pour la mère elle-même, dans la plupart des espèces d'insectes, la condamnation est la même. Elle aimera, enfantera, et bientôt elle en mourra (Michelet, Insecte,1857, p. 43).Nonoche [la chatte] aux trois couleurs avait enfanté l'avant-veille, Bijou, sa fille (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 81).
b) [Le suj. et l'obj. désignent une plante] Produire son fruit.
Emploi abs. Les germes circulent en se cherchant, et la vigne enfante (Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 113).
3. Rare. [Le suj. désigne un homme] Faire un enfant (à une femme). Saclas, prince des ténèbres, pour enfermer les particules divines qu'il avait mangées, imagina la génération, et s'approchant de sa femme, il lui enfanta deux enfants, Adam et Ève (Flaub., Tentation,1849, p. 258).
B.− Au fig.
1. [Le suj. désigne une entité abstr. gén. personnifiée] Donner le jour à, faire naître. Synon. produire.La terre, dans sa fécondité première, enfanta les hommes (Chateaubr., Martyrs,t. 3, 1810, p. 10).Les ruines de la ville qui enfanta Marseille (Lamart., Voy. Orient,t. 2, 1835, p. 334).Nietzsche prétend que la France a un génie femelle : elle enfante les idées et ne les engendre pas (Valéry, Corresp.[avec Gide], 1899, p. 350).Il faut aimer la couleur rouge, et les vins qu'enfante le Rhône sur ses bords sonores (Toulet, Almanach,1920, p. 132).
Emploi pronom. réfl. Lui [le capital] (...) se nourrit, s'engraisse, s'enfante tout seul, dans une caisse (Huysmans, Là-bas,t. 1, 1891, p. 24).
2. [Le suj. désigne un inanimé abstr.] Avoir pour conséquence. Synon. causer, entraîner.Le crédit enfante une société inquiète (Amiel, Journal,1866, p. 241).Toutes les misères que la guerre nous enfante (Benjamin, Gaspard,1915, p. 109).
3. [Le suj. désigne une pers. ou son activité intellectuelle]
a) Produire, par son travail, une réalité jusque-là inexistante :
1. Ces champs, ces vignes, ces prés enfin, enfantés pour ainsi dire par ses mains, sortis de lui, non seulement de ses sueurs, mais encore de son esprit. Il les avait façonnés à son idée, à force de temps et de volonté. Les belles récoltes de maintenant étaient son ouvrage au moins autant que celui du soleil. Il tenait à sa terre comme à une créature humaine... Pesquidoux, Le Livre de raison,1928, p. 155.
b) En partic., domaine de la création (littér.).Produire une œuvre (littéraire). Chaque tête enfantoit un projet et s'efforçoit de le faire adopter aux autres (Chateaubr., Essai Révol.,t. 2, 1797, p. 25).Je renonce à t'enfanter, livre infécond (Ch. Guérin, Cœur solit.,1904, p. 24).
Emploi abs. Du premier mot au dernier, Balzac travaille et enfante. C'est comme une épopée, un géant aperçu dans sa forge (Zola, Romanc. natur.,Balzac, 1881, p. 24).
Emploi pronom. à sens passif. Je te confie le plus grand projet qui se soit enfanté depuis une suite d'années incalculable (Musset, Fantasio,1834, II, 4, p. 237):
2. Ne faut-il pas avoir tout senti pour tout rendre? Et sentir vivement, n'est-ce pas souffrir? Aussi les poésies ne s'enfantent-elles qu'après de pénibles voyages entrepris dans les vastes régions de la pensée et de la société. Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 104.
Rem. La docum. atteste a) Enfanté, ée, en emploi adj. On se trouve en présence de l'œuvre enfantée (Rolland, J.-Chr., Révolte, 1907, p. 509). b) Enfanteur, subst. masc., rare. Celui qui enfante. Shakespeare, enfanteur de monstres (Id., ibid., Maison, 1909, p. 998). c) Enfantrouver, verbe trans., p. plaisant. Abandonner un enfant, en faire un enfant trouvé. Il naissait là de petits êtres. Thérèse les enfantait, Jean-Jacques les enfantrouvait (Hugo, Misér., t. 1, 1862, p. 791).
Prononc. et Orth. : [ɑ ̃fɑ ̃te], (j')enfante [ɑ ̃fɑ ̃:t]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1130-40 « mettre au monde » (Wace, Conception ND, 368 ds Keller, p. 52a); début xiiies. fig. « faire naître, mettre au jour » (Renclus de Molliens, Miserere, CXX, 2 ds T.-L.). Dér. de enfant*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 743. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 1717, b) 958; xxes. : a) 783, b) 705. Bbg. Gir. t. 2 Nouv. Rem. 1834, p. 2. − Gottsch. Redens. 1930, p. 18.