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BOHÊME, BOHÈME, subst. et adj.
A.− Vx. Habitant de la Bohême; qui est de la Bohême, qui concerne ce pays ou ses habitants. Les Bohêmes démoniaques (A. France, Vie de Jeanne d'Arc,1908, p. 124).Le Bohême intrépide (Nerval, La Pandora,1855, p. 734).Le dialecte, la nation bohême (cf. bohémien A).
Rem. ,,Pour éviter toute ambiguïté, on emploie plus souvent la circonlocution : Habitant, peuple, affaires de la Bohême`` (Ac. Compl. 1842).
Spéc., emploi subst. masc.
1. P. méton. Le bohême. La langue parlée en Bohême (cf. Stendhal, Vies de Haydn, Mozart et Métastase, 1817, p. 162).
2. P. ell. Un bohême. Un verre, un cristal de Bohême :
1. Les cristaux de la table de toilette, les verres, les vases, la cuvette, étaient en vieux bohême veiné de rose et de blanc. Zola, La Curée,1872, p. 479.
B.− P. ext.
1. Rare. Membre de tribus errantes venues de l'Orient et qu'on donnait pour originaires de la Bohême (cf. bohémien B). C'était un bohême à barbe tressée, avec des anneaux d'argent aux deux bras et les prunelles flamboyantes (Flaubert, Trois contes,La Légende de st Julien l'Hospitalier, 1877, p. 82).
P. métaph. :
2. Il y a le cœur de Jésus, fuyons par cette porte adorable. Le boulanger, le boucher, le charbonnier, le propriétaire ne nous y suivront pas. Tout s'arrangera, les fantômes s'évanouiront. Depuis dix ans, nous ne vivons pas autrement, ma femme et moi. Ne sommes-nous pas les bohèmes du Saint-Esprit, les vagabonds du consolateur. Bloy, Journal,1899, p. 346.
Emploi adj. Qui appartient, qui est relatif à ces tribus. Esméralda, la danseuse bohème (Banville, Odes funambulesques,1859, p. 90):
3. Un petit Américain de notre hôtel, (...), s'est laissé aller à nous dire qu'il avait vécu quinze jours en Amérique avec une bande de Bohémiens et de leur vie, (...), le tout par amour d'une Bohémienne. Mais dans la troupe, une femme étant morte et les rites bohêmes exigeant qu'elle fût enterrée dans le sable, il fallut aller, à dix jours de là, la porter jusqu'au Tennessee; et la morte, à la fin, pua tant que l'Américain fut obligé de lâcher l'amour, sa maîtresse et la bande. E. et J. de Goncourt, Journal,1865, p. 173.
Loc. adv. À la bohême. ,,À la manière des bohêmes`` (Lar. 19e) :
4. Elle voulut me coiffer à la bohême, elle releva mes cheveux, que je portais fort longs, et les noua par derrière. E. Sue (dsLar. 19e,1866).
2. P. anal.
a) [P. réf. aux activités exercées par les membres de ces tribus] Diseur de bonne aventure, saltimbanque :
5. Les murs déserts s'illuminaient la nuit à l'éclat des torches qui brûlaient au milieu des hanaps pleins de vin des îles, et parmi les jongleurs bohêmes; ... Flaubert, Par les champs et par les grèves,1848, p. 219.
b) Péj. Aventurier :
6. ... le sentiment particulier de Godinot Chevassut était (...) que l'on ne peut établir aucune qualité au-dessus de l'esprit et de l'adresse (...) et nulle part il ne trouvait ces qualités plus brillantes et mieux développées que chez la grande nation des tire-laine, matois, coupeurs de bourse et bohèmes... Nerval, Nouvelles et fantaisies,1855, p. 185.
Foi de bohème. ,,Foi que les voleurs, les fripons, etc., se gardent entre eux`` (Ac. 1835, 1878).
C.− Au fig. [P. compar. avec la vie errante menée par ces tribus]
1. Subst. masc. Un bohème. Artiste, écrivain vivant au jour le jour, résolument affranchi des règles et usages établis; personne qui vit hors des cadres sociaux (cf. bohémien C) :
7. ... Bloch était mal à l'aise chez lui et sentait que son père le traitait de dévoyé parce qu'il vivait dans l'admiration de Leconte de Lisle, Heredia et autres « bohèmes ». Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 748.
Loc. proverbiales. Mener une vie de bohème, vivre en (comme un) bohème. ,,N'avoir ni feu ni lieu, vivre dans le vagabondage`` (Ac. 1835, 1878); ,,mener une vie déréglée, dans l'insouciance et le mépris des usages établis`` (Quillet 1965). Maison de bohème. ,,Maison où il n'y a ni ordre ni règle`` (Ac. 1835-1932); (cf. Bourges, Le Crépuscule des dieux, 1884, p. 54).
Emploi adj. Allures bohèmes, existence bohème, façon(s) bohème(s) :
8. ... les négligences du costume entraînent toujours, même chez les hommes supérieurs, une négligence des sentiments qui complète le caractère bohème, toujours ambigu même dans la joie ou la tristesse marquées. Alain, Système des beaux-arts,1920, p. 66.
SYNT. Clan, phalanstère bohème (Murger, Scènes de la vie de bohème, 1851, p. 45, 131); ménages bohèmes (Id., ibid., p. 173).
2. Emploi subst. fém. La bohème.
a) Ensemble des personnes, artistes, des intellectuels qui mènent une vie sans règles, hors des cadres sociaux. Basse, haute bohème; la bohème artistique et littéraire, la bohème étudiante. La Bohème galante, titre d'une œuvre de G. de Nerval :
9. Jean-Jacques ne fut du moins ni escroc, ni voleur, ni entremetteur, mais il prit assez aisément les mœurs de la bohème où il tombait et il lui arriva pire que de vivre en dépit de l'esprit qu'il avait : ... Guéhenno, Jean-Jacques,En marge des « Confessions », 1948, p. 153.
10. Il ne faut pas, à force de se mettre en garde contre la bohême, s'abstenir de toute littérature actuelle et vivante. Sainte-Beuve (dsLar. 19e,1866).
P. métaph. Pour désigner un groupe désordonné d'animaux errants Une bohème de papillons (cf. achillée ex. 4).
b) P. méton. Cette vie même. S'enfoncer de plus en plus dans la bohème (Lar. encyclop.).
Littér. Vagabondage :
11. ... enfin dans une soirée minutieuse, cet analyste s'abandonnant à la bohème de son esprit et de son cœur : ... Barrès, Sous l'œil des Barbares,1888, p. 55.
Rem. On relève dans la docum. le néol. bohémerie, subst. fém. (L. Daudet, Bréviaire du journ., 1936, p. 91; suff. -erie*). Genre de vie qui tient de la bohème.
Prononc. ET ORTH. : [bɔ εm]. Passy 1914 et Barbeau-Rodhe 1930 attribuent à la voyelle de syll. finale une longueur. La graph. avec è est plus fréq. dans les dict. que la graph. avec ê. DG et Lar. encyclop. spécialisent ces graph. avec des sens distincts. La graph. avec ê se trouve dans Ac. Compl. 1842, Lar. 19e, Littré, DG et Lar. encyclop.
Étymol. ET HIST. − 1. 1372 « habitant de la Bohême » (Corbichon, Propr. des choses, XV, 131, éd. de 1522 dans R. Hist. litt. Fr., t. 5, p. 295); 2 1remoitié xves. tzigane, membre de tribus vagabondes que l'on croyait originaires de Bohême (Vaillant dans Ch. d'Orl., p. 337 Guichard, cité par DG : Pis suis que boesme n'yndien); 3. 1659 « homme qui mène une vie sans règle » (Tallemant des Reaux, Historiettes, Paris, éd. Adam-Delassault, t. 2, 1961, p. 503 cité par R. Arveiller dans Mél. Gamillscheg, 1968, p. 28 : il vivoit un peu en Boheme). Empr. au lat. médiév. Bohemus, issu du lat. Boihaemum (Tacite, Germ., 28 dans TLL s.v., 2063, 65), nom du pays des Boii, peuple celte (César, Gall., 1, 5, 4, ibid., 12); v. Kl. Pauly, s.v. Boi et Boiohaemum.
STAT. − Bohême. Fréq. abs. littér. : 85. Bohème. Fréq. abs. littér. : 306. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 84, b) 1 293; xxes. : a) 473, b) 251.
DÉR. 1.
Bohémillon, subst. masc.,rare. Petit bohémien. Les bohémillons criaient à tue-tête (A. Arnoux, Le Rossignol napolitain,1937, p. 137). Dernière transcr. dans Gattel 1841 : boé-mi-glion. (Land. 1834 écrit déjà : boé-mi-ion). 1reattest. ca 1655 (Scarron, Roman Comique, II, 16, éd. Adam, coll. La Pléiade, Le Roman Fr. au XVIIes., p. 759); dér. de bohème étymol. 2, suff. -illon (-ille*, -on*).
2.
Bohémaillon, subst. masc.,néol. Jeune bohème. ... l'étudiant et l'artiste en fleur, potache et rapin ou saute-ruisseau, ou bohémaillon (Verlaine, Mes hôpitaux,1891, p. 352). 1reattest. 1891 id.; dér. de bohème étymol. 3, suff. dimin. péj. -aillon*.
BBG. − Arveiller (R.). Contribution à l'ét. du lex. frs In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 27. − Ethnonymus. La Bohême et les bohémiens. Vie Lang. 1957, pp. 486-490. − Feugère (F.). En marge de l'exposition Charles V. D. le vocab. de Duguesclin. Déf. Lang. fr. 1968, no45, p. 26. − Kreuzer (H.). Zum Begriff der Bohème. Deutsche Vierteljahresschrift für Literaturwissenschaft und Geistesgeschichte. 1964, t. 38 (Sonderheft), pp. 170-207. − Lajaunie (M.-A.). Préjugés et lang. Vie Lang. 1969, p. 9.