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ARRACHER, verbe trans.
I.− Emploi trans.
A.− [Le suj. désigne gén. une pers., une manifestation de la pers., parfois une force naturelle ou mécanique; un obj. secondaire, la prép. à précise, quand il y a lieu, la pers. à qui on a enlevé qqc.] Arracher qqc. (à qqn).
1. [L'obj. désigne une chose concr.]
a) [Une plante qui tient au sol par ses racines ou ses tubercules, etc.] Déraciner, extraire du sol avec effort. Arracher les pommes de terre, arracher les vignes. Anton. planter :
1. Un jour il voyait des gens du pays très occupés à arracher des orties. Il regarda ce tas de plantes déracinées et déjà desséchées, et dit : − c'est mort. Hugo, Les Misérables,t. 1, 1862, p. 206.
2. D'autres fois, il s'apaisait dans son cher jardinage. Jardinage simple, sorte de bricolage horticole, qui consistait à arracher les mauvaises herbes, tailler les arbrisseaux, tondre la pelouse, tailler le bois. Toujours détruire, comme dans sa vie. Il est vrai que, lorsqu'on surprend au travail des jardiniers professionnels, ils sont toujours eux aussi en train de couper quelque chose. Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 827.
P. métaph., emploi abs. :
3. Imitez le temps; il détruit tout avec lenteur; il mine, il use, il déracine, il détache et n'arrache pas. Joubert (Lar. 19e,1866).
Pop. En arracher. Avoir des difficultés.
b) P. anal. [Une partie du corps munie d'une racine ou de tout autre élément qui l'attache] Extraire avec effort de son logement naturel. Arracher une dent à qqn.
P. métaph. [La pers. à qui on arrache est un avare qui donne difficilement] Je lui ai arraché une dent (Ac.1835-1932).
Par euphémisme, vieilli. Arracher la vie à qqn. Le faire périr de mort violente (Ac. 1835-1932).
Détacher violemment. La machine lui a arraché un bras; arracher qqc. des mains de qqn.
Syntagmes (emplois métaph.)
Arracher le cœur à qqn. Lui causer une grande peine :
4. Son orgueil la cloua sur sa chaise. Elle voulut paraître calme, ne pas montrer au jeune homme, qui sifflait avec tranquillité, à quel point son départ lui arrachait le cœur. Zola, Madeleine Férat,1868, p. 41.
Arracher à qqn une épine du pied. Tirer (quelqu'un, soi-même) d'affaire, d'embarras.
Il vaut mieux laisser son enfant morveux que de lui arracher le nez (Ac. 1798-1932). Il vaut mieux supporter un petit mal que d'y remédier par de grands moyens qui peuvent en causer un plus grand.
Vous lui arracheriez plutôt la vie (Ac. 1798-1932). Sous-entendu : que d'obtenir qu'il fasse telle chose qui lui inspire une répugnance extrême.
Arracher les yeux à qqn. Être à la vue de quelqu'un dans une irritation telle qu'on est capable d'en venir aux mains :
5. − Pauvre Gilbert, quel supplice, n'est-ce pas? Vous avez peur qu'on ne vous rencontre ainsi? Savez-vous que je ne suis pas rassurée non plus! Si l'une de vos belles connaissances nous voit, elle va m'arracher les yeux. Cette main qui s'appuyait sur le bras de Gilbert, ce corps que le hasard de la marche pressait parfois contre lui, et ces longues plaisanteries... quel énervement! Arland, L'Ordre,1929, p. 229.
Rem. Cette expr. s'emploie dans le même sens avec la tournure pronom. S'arracher les yeux (infra II A 2).
P. anal. Arracher le masque à qqn. Démystifier, faire connaître au grand jour les intentions de quelqu'un :
6. « − C'est faux! hurla Paulus, cette danseuse ment! J'arracherai son masque et le ferai connaître! ... » Bouilhet, Melaenis,Chant cinquième, 1857, p. 193.
Arracher à qqn le pain de la bouche. Lui enlever son gagne-pain.
c) P. ext. [L'obj. désigne une chose concr. fixée, attachée ou adhérant à qqc.] Enlever avec effort ou avec violence. Arracher une affiche, une page, un fil :
7. L'hôtel du Nord fut livré à un entrepreneur de démolitions. Des ouvriers arrachèrent les fils électriques, les tuyaux de plomb, enlevèrent les portes, les fenêtres, démantibulèrent la maison pièce par pièce, comme une machine, et entassèrent le matériel dans la cour de Latouche. Dabit, L'Hôtel du Nord,1929, p. 240.
Spécialement
CHAPELLERIE. Arracher le jarre. Arracher le poil luisant sur les peaux de castor.
GÉOMORPHOLOGIE. [Le suj. désigne le courant d'un fleuve] Arracher des fragments de roche. Provoquer une érosion rapide.
GRAV. Enlever des parties déjà gravées d'une plaque de cuivre afin de modifier l'ensemble de celle-ci.
SP., au fig. HALTÉROPHILIE. Faire le mouvement de l'arraché avec un poids (cf. arraché). SP. CYCLISTE. Arracher une côte. La grimper rapidement et avec une remarquable énergie.
Rem. S'il y a une indication de lieu, elle est gén. introduite par la prép. de. Arracher un clou d'une muraille (Ac. 1835-1932).
P. métaph. Arracher une opinion de l'esprit, de la tête de quelqu'un (Ac. 1835-1932) :
8. Caderousse regarda le jeune homme comme pour arracher la vérité du fond de son cœur. Mais Andrea tira une boîte à cigares de sa poche, y prit un havane, l'alluma tranquillement et commença à le fumer sans affectation. A. Dumas Père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 335.
2. [L'obj. désigne une chose plus ou moins abstr.]
a) [Une faveur, une chose difficile à obtenir] Obtenir péniblement, après un gros effort personnel. Arracher à qqn une somme d'argent, un aveu :
9. Les peuples murmuraient de ce qu'on leur arrachait ainsi leur argent, qui ne profitait jamais à la chose publique. Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 2, 1821-24, p. 331.
10. On ne pouvait lui arracher une parole. Ses lèvres amincies et serrées semblaient arrêter au passage des plaintes et des reproches. A. France, La Vie en fleur,1922, p. 313.
SYNT. Arracher à qqn une approbation, une audience, une concession, une parole, une promesse, un secret.
b) [Le suj. désigne un événement très intense, gén. pénible; l'obj. désigne une réaction intense de la sensibilité] Obtenir péniblement grâce à la charge affective de l'événement. Arracher à qqn une exclamation, des larmes, un sourire :
11. La garde a tiré Le sang a coulé... Mille blessés, cent morts, Est-ce assez? L'affreux souvenir nous arrache Des cris d'horreur. Larbaud, Journal,1934, p. 298.
SYNT. Arracher à qqn une exclamation, une plainte, des soupirs.
B.− Arracher qqn à qqn, à qqc.Ôter en usant de violence.
1. [Avec un obj. secondaire précisant la pers. qui tient à la pers. arrachée] Arracher un enfant à sa mère :
12. Si elle avait vraiment voulu... Jacques Malessert... elle le savait bien : il lui aurait suffi de profiter du trouble que sa seule présence mettait au cœur du jeune homme; elle aurait pu le tenir en son pouvoir, le dominer, le lier à elle par les liens de la chair, et alors, en dépit de tout, l'entraîner, l'arracher à Irène... Elle haussa les épaules : il n'en valait pas la peine. Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 110.
[Emploi de la prép. de]
a) [Lorsque l'obj. secondaire désigne non pas la pers. mais la partie (le lieu) de son être qui tient la pers. qu'on lui enlève, la prép. est d'ordinaire de] Arracher un enfant des (d'entre les) bras de sa mère. (Au fig.) arracher un peuple des mains de l'occupant, de l'envahisseur :
13. ... le faux nègre s'était dit : « il est évident que Rocambole est mort, qu'il a livré le secret de sir Williams, et que, à cette heure, le comte et Baccarat ont pris toutes les mesures nécessaires pour sauver monsieur de Kergaz et l'arracher des griffes de son frère. (...) » Ponson du Terrail, Rocambole,t. 3, Le Club des valets de cœur, 1859, p. 518.
b) [Il en est de même lorsque l'obj. secondaire désigne un lieu] :
14. le baron. − Fais-les avancer. Valentin se met à la tête de sa troupe, qui s'avance en bon ordre, et vient se ranger en bataille. Mes amis, le chef des brigands qui désolent l'Allemagne, Roger ose me menacer; il prétend arracher de ces lieux une victime que vous avez soustraite à sa fureur, mais je compte sur votre courage pour défendre une aussi juste cause. Guilbert de Pixerécourt, Victor,1798, I, 13, p. 22.
15. ... La cloche avant le jour m'arrache de mon lit : Je crois entendre, au son de sa voix balancée L'ange qui du sommeil appelle ma pensée, Et lui donne à porter son fardeau pour le jour; Lamartine, Jocelyn,1836, p. 705.
16. Et c'était lui, maintenant, dont l'accent frémissait, tandis que Jacques, ramassé dans son fauteuil, tendait vers le poêle une figure farouche qui semblait dire : « Père va mourir, tu viens m'arracher d'ici, c'est bien, je partirai, mais qu'on ne m'en demande pas plus. » R. Martin du Gard, Les Thibault,La Sorellina, 1928, p. 1204.
2. [Avec un obj. secondaire exprimant une chose abstr.] Détacher en usant de violence ou d'énergie (et parfois) délivrer quelqu'un de quelque chose.
a) [L'obj. secondaire désigne une occupation] Arracher qqn à ses études :
17. Il semble qu'un rêve soit dissipé, qu'une captivité magique arrive à son terme, que le chant du coq fasse évaporer les fantômes, dont nous entouraient la solitude et le crépuscule. Le milieu du jour nous plonge dans la réalité, et nous arrache à la contemplation. Cela est bon aussi à son heure. « Travaille pendant qu'il fait jour. » Amiel, Journal intime,1866, p. 106.
b) [Il désigne une chose qui pèse sur un être comme une fatalité] Arracher l'homme à la tyrannie, à la solitude, à la torpeur morale :
18. « ... Je veux arracher mes frères à la misère et à l'ignorance! Je veux les instruire, les amener à connaître et à aimer Dieu! Je veux être missionnaire! » Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 2, 1868, p. 138.
19. On peut imaginer beaucoup de moyens propres à donner satisfaction aux désirs les plus pressants des classes malheureuses. Pendant longtemps ces projets d'amélioration furent inspirés par un esprit conservateur, féodal ou catholique; on voulait, disaient les inventeurs, arracher les masses à l'influence des radicaux. Sorel, Réflexions sur la violence,1908, p. 194.
20. Ma vie − dans les premiers instants − n'avait qu'une idée; l'arracher à la mort, l'enlever, morte, à la mort, la forcer à revivre quelque part, en moi, en nous, la ressusciter, par force, au moyen d'une concentration de moi-même. Elle était peut-être morte pour d'autres; pas pour moi. Jouve, La Scène capitale,1935, p. 253.
II.− Emplois pronom. S'arracher.
A.− [Le pronom exprime la pers., obj. second. indir. (me, se, etc.; à moi, à soi, etc.)] S'arracher qqn ou qqc.
1. [Le pronom a valeur de réciprocité; l'obj. dir. désigne une pers. ou une chose très appréciées] S'arracher qqc. ou qqn.Le rechercher avec empressement comme si on avait à se le disputer les uns aux autres :
21. zoé. − Oui, mais comment avoir ces quatre voix? On a tant de peine à en avoir une! césarine. − Tout le monde se les arrache. bernardet. − Souvent la même sert à deux ou trois ministères successifs. Scribe, La Camaraderie,1837, III, 8, p. 306.
22. Ce qui offensait Antoine, c'était l'abominable imagerie religieuse que les pèlerins s'arrachaient, ces Jésus de bonbonnière, la poitrine ouverte, montrant leur cœur sanguinolent. Zola, Paris,1898, p. 244.
Loc. proverbiale, fam. [L'obj. dir. désigne une pers. très recherchée pour toutes les formes de la vie de société] On se l'arrache.
2. [Le pronom a valeur de réfléchi; l'obj. dir. exprime une chose concr. ou abstr.; supra I A] S'arracher une épine du pied, etc.
Loc. proverbiales
Au sens littér. ou p. métaph. S'arracher les cheveux. Être au comble du désespoir :
23. John prévit que leur ivresse allait bientôt amener des scènes terribles. On ne pouvait compter sur le capitaine pour les retenir. Le misérable s'arrachait les cheveux et se tordait les bras. Il ne pensait qu'à sa cargaison qui n'était pas assurée. Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 3, 1868, p. 42.
S'arracher les yeux.
a) S'irriter :
24. Sous l'Empire, les personnes d'opinions contraires pouvaient se voir sans s'arracher les yeux... Mmede Chateaubriand, Mémoires et lettres,1847, p. 19.
b) Éprouver de la difficulté à déchiffrer un texte mal écrit ou mal imprimé.
S'arracher les yeux de la tête. Se priver d'un être précieux :
25. Je me suis arraché les yeux de la tête en me privant de mes vieux conseillers. Vitet (Lar. 19e,1866).
B.− [Le pronom exprime l'obj. dir.]
1. Emploi passif :
26. Les plumes d'un oiseau mort s'arrachent difficilement. Lar. 19e,1866.
2. Emploi réfléchi (cf. tous les cas mentionnés sous I B) :
27. Vois : − je l'ai fait emplir de reliques, ma chère; Puis je vais l'envoyer à Neubourg, à mon père; Il sera très content! (Elle rêve un instant, puis s'arrache vivement à sa rêverie. À part.) Je ne veux pas penser! Ce que j'ai dans l'esprit, je voudrais le chasser. Hugo, Ruy Blas,1838, II, 1, p. 368.
28. Gemon, crie, tentant de s'arracher à son étreinte. Mais père, tu vois bien qu'ils l'emmènent! Père, ne laisse pas ces hommes l'emmener! Anouilh, Antigone,1946, p. 197.
Emploi abs., arg. milit. Il s'arrache (Esn. 1966). Il se distingue, accomplit une performance.
PRONONC. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [aʀaʃe], j'arrache [ʒaʀaʃ]. Enq. : /aʀaʃ/ (il) arrache. 2. Hist. − Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. âracher (1resyllabe longue) et Gattel 1841 note : ,,dans ce mot et ses dérivés, on ne prononce qu'une r mais fortement``. Mart. Comment prononce 1913, p. 297 écrit à ce sujet : ,,Les composés qui commencent par ar-, notamment, ne font entendre qu'un r, sauf quelquefois, par exemple, dans ar-racher, ar-rogance ou ar-roger.``
ÉTYMOL. ET HIST. − 1. Début xiies. « enlever de terre (une plante qui y tient par ses racines) » (Psautier Oxford, éd. Fr. Michel, 128, 5 ds T.-L. : ainz que seit arachié, assecha [priusquam evellatur, exaruit]); 2. a) 1169 « détacher avec effort, enlever une chose qui tient ou adhère à une autre » (Chr. de Troyes, Chevalier charette, 3070 ds Gdf. Compl. : Mout tost rompus et arachiez Les membres du cors vous auront); d'où 1636 fig. « extirper, ôter (un inanimé abstr.) » (Corneille, Cid, IV, 2 ds Rob.); 1668 « enlever à qqn une pers. » (Racine, Andr., I, 1 ds Littré); b) av. 1564 « obtenir de qqn par un grand effort » (Calv., Lett., II, 221 ds Gdf. Compl. : Vous n'ignorez pas a quoy ont pretendu ceulx qui ont arraché de vous d'estre present a leurs idolatries); 1671 « id., en parlant de l'argent » (Molière, Scapin, V, 11 ds Rob.); c) 1665 « faire quitter un lieu à qqn par la force » (Id., Dom Juan ou Fest. [in de Pierre], II, 2 ds Littré); 1669 pronom. « se détacher, s'éloigner » (Pascal, Pensées, t. II, sect. VII, 553 ds Rob.). Empr. au lat. eradicare (Varron, Rust., 1, 27, 2 ds TLL s.v., 741, 35); 2 a, Plaute, Rud., 1346, ibid., 742, 2; fig. (inanimé abstr.) fréquent en lat. chrét. (Cassien, Inst., 8, 22, p. 150, 23, ibid., 742, 64); 2 c, Itala, Deut., 4, 38, ibid., 742, 25. Issu par substitution de préf. (a-* indiquant l'action de tirer à soi) de l'a. fr. esrachier (ca 1150, Charroi Nîmes, éd. Jonckbloet, 1318 ds T.-L.) qui s'est maintenu parallèlement à arrachier, arracher jusqu'au xvies. (Hug.).
STAT. − Fréq. abs. littér. : 5 335. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 7 758, b) 8 287; xxes. : a) 7 498, b) 7 116.
BBG. − Baulig 1956. − Bruant 1901. − Canada 1930. − Criqui 1967 →. − Darm. Vie 1932, p. 61. − Esn. 1966. − Dul. 1968. − France 1907. − Fromh.-King 1968. − Gottsch. Redens. 1930, passim.Grand. 1962, col. XXVIII. − Gruss 1952. − Jossier 1881. − Larch. 1880. − Larch. Suppl. 1880. − La Rue 1954. − Le Breton 1960. − Le Clère 1960. − Le Roux 1752. − Noël 1968. − Noter-Léc. 1912. − Nysten 1814-20. − Pierreh. Suppl. 1926. − Pope 1961 [1952] § 349. − Repina (T.A.). K voprosu ob ispol'zovanii predlogov pri glagol' nom dopolnenii vo francuzwskom jazyke (Predlog à pri dopolnenii k glagolam prendre, enlever, emprunter, voler, ôter, arracher it. n). [L'Emploi des prépositions servant de complément aux verbes. Préposition à jointe aux verbes : prendre... etc.]. Ucenye źapiski. Leningradskij gosudarstvennyj institut. 1961, t. 299, vyp. 50, pp. 172-176. − Sandry-Carr. Cycl. 1963. − Timm. 1892.