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AJONC, subst. masc.
BOT. Arbuste épineux à fleurs jaunes qui croît sur les terres pauvres :
1. Comment exprimer ce que j'ai éprouvé en m'enfonçant encore une fois dans la solitude, et dans une solitude qui me rappelle le pays de mes plus doux songes, la Bretagne? (...) L'aspect des champs est à peu près le même : il y a des chemins creux et couverts de verdure, des sentiers le long des blés, des échaliers, des clôtures d'ajonc, de genêts et de chênes rabougris; ... M. de Guérin, Journal intime,25 juin 1834, p. 208.
2. Les oiseaux chantaient comme au printemps et se poursuivaient dans la lande. Les bruyères étaient en fleur; la colchique étoilait les prés; sur la marge des sentiers, l'or des ajoncs commençait à poindre. Comme une fiancée qui sent sa fin prochaine et veut mourir dans ses habits de fête, la nature, près de se voiler, se parait de ses plus riches couleurs et répondait par un dernier sourire aux derniers adieux du soleil. J. Sandeau, Sacs et parchemins,1851, p. 36.
3. L'ajonc rit près du chemin; Tous les buissons des ravines Ont leur bouquet à la main; L'air est plein de voix divines. V. Hugo, Les Chansons des rues et des bois,Liberté, 1865, p. 244.
4. ... par terre, des feuilles mortes amoncelées et de l'humidité froide, le chemin creux, bordé d'ajoncs verts, devenait sombre sous les branchages, puis se resserrait entre les murs de quelque hameau noir et solitaire, croulant de vieillesse, qui dormait dans ce bas-fond; ... P. Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 274.
5. ... sa conversation s'imprégnait un peu du charme mélancolique des pardons et, comme dirait ce vrai poète qu'est Pampille, « de l'âpre saveur des crêpes de blé noir cuites sur un feu d'ajoncs ». M. Proust, À la recherche du temps perdu,La Prisonnière, 1922, p. 36.
6. ... des applaudissements isolés et vigoureux claquèrent çà et là comme des cosses d'ajoncs touchées par le feu. Colette, La Seconde,1929, p. 211.
Rem. 1. Syntagmes usuels. L'espèce la plus répandue est l'ajonc d'Europe (ulex europaeus), qui atteint une hauteur de 2 m. On en connaît 2 variétés, l'une à rameaux spinescents, sans feuilles, l'autre au feuillage vert foncé. On trouve aussi l'ajonc nain, abondant en Provence. On l'appelle vulgairement ajonc marin, jomarin, ajonc commun ou landier, jonc épineux, vigneau, genêt épineux. Brard 1838 ajoute : ,,lande épineuse, bruse, sainfoin d'hiver``.
Rem. 2. Les emplois soulignent naturellement l'aspect utilitaire de l'arbuste, l'ajonc incinéré fournit un excellent moyen d'amendement des terres. Il sert comme combustible, comme clôture, pour la litière des animaux. Cf. d'autre part : ,,L'ajonc constitue un fourrage fort apprécié des animaux dans les landes granitiques où il pousse spontanément.`` (T. Ball, Machines agricoles, 1933, p. 539).
Considéré sous son aspect esthétique, l'ajonc est un élément de la poésie de la lande, de la Bretagne :
7. « Tout ce que je voudrais c'est de retourner encore une fois à Rennes. » − À travers les haies de genêts et d'ajoncs, les routes voûtées de verdure où l'on peut se tenir à peine debout à cause des branches; quelquefois une avenue de hêtres, deux vallons laissant voir la campagne, dans le brouillard, toute cicatrisée de haies; et puis des cavées profondes, des pentes nues, jaunâtres d'ajoncs; pas d'oiseaux, pas de village, pas d'hommes; la verdure sombre et muette au pays féodal et triste. G. Flaubert, Par les champs et par les grèves,Touraine et Bretagne, 1848, p. 269.
8. Ils s'en allaient, au vent froid du soir qui avait l'odeur de la mer, rencontrant çà et là, sur la rase lande, les chaumières déjà fermées, bien sombres sous leur toiture bossue, pauvres nids où des pêcheurs étaient blottis; rencontrant les croix, les ajoncs et les pierres. P. Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 101.
9. ... la lande de Carnac, qui parmi les bruyères et les ajoncs dresse ses pierres inexpliquées; la forêt de Brocéliande, pleine de rumeur et de feux follets, où Merlin par les jours d'orage gémit encore dans sa fontaine; ... M. Barrès, La Colline inspirée,1913, p. 71.
10. Albert se réjouissait comme un enfant de sa mystérieuse demeure, il se laissait aller au charme d'une nature vierge. La Bretagne prodiguait alors ses séductions pauvres, ses fleurs humiliées : les genêts, les ajoncs, les bruyères croissaient en foule sur les landes qu'Albert parcourait chaque jour à cheval dans d'interminables promenades. J. Gracq, Au château d'Argol,1938, p. 39.
Prononc. : [aʒ ɔ ̃]. Fouché Prononc. 1959, p. 283 fait remarquer que c ,,ne se prononce pas dans banc, blanc, flanc, franc, (il) convainc, (il) vainc, ajonc, jonc, tronc``.
Étymol. ET HIST. − 1280 bot. agon « arbrisseau épineux à fleurs jaunes » (Liv. rouge, p. 313, Bibl. Chart. ds Gdf. Compl. : Ubicumque barbe et feuture sive les agonz); 1389 ajonc « id. » (Chasse de Gast. Phebus, ibid.). Orig. obsc. Remonte prob. à un dér. préroman *ajaugone du rad. *ajauga (Dauzat 1968, EWFS2, Cor. t. 2 1955, s.v. gayuba). Ce rad. expliquerait à côté de ajonc, la forme ajou au xiiies. (ds Gdf.; latinisée en adjotum, cf. Du Cange s.v.). Les formes dial. de tout l'ouest de la France (type jaugue, yaugue, ayaúgo en Gironde et au nord des Landes, jôghe en Charente-Inférieure, ajaillon en Poitou, jeyon, jeyan, jian en Bas-Maine, jeyon dans l'Orne, jion en Haut-Maine, Sarthe, Mayenne, en Bretagne et Normandie) peuvent alors s'expliquer, soit par le rad., soit par son dér. Apr. métathèse ce rad. devenu *(a)gajúa expliquerait les formes esp. : cast. gayuba « raisin d'ours », andalou gayomba « genêt odorant », hispano-ar. bayúnb « houx » (Cor. loc. cit.). Il n'est donc pas nécessaire, comme le fait REW3(s.v. *jauga) de partir pour le fr. d'une forme fr. de l'Ouest *joue devenue la joue, puis, avec fausse syncope de l'article, ajou, puis ajon(c), d'autant que la nasalisation n'est pas expliquée. Le rad. préroman *(a)gab-on proposé par J. Hubschmid (Z. rom. Philol. t. 71, p. 242 et Thesaurus Praeromanicus, 1965, fasc. 2, p. 120) et Bl.-W.5n'explique pas le -j- des formes fr. Voir aussi FEW t. 21, p. 105.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 109.
BBG. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Boiss.8. − Brard 1838. − Grafström (Å.) Un Suédois traverse la France au xviiiesiècle. (Le journal de voyage de Bengt Ferner). In : Acta Universitatis Stockholmiensis. Stockholm, 1964, pp. 5-56 (Stockholm Studies in modern philology. New series. 2). [Cr. Baldinger (K.). Z. rom. Philol. 1964, t. 80, p. 640.]