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ABRITER, verbe trans.
I.− Emploi trans. [Le suj. et le compl. sont indifféremment une pers. ou un obj.] Mettre à l'abri.
A.− La protection est naturelle ou du moins matérielle :
1. J'ai éprouvé cela [l'apaisement] vingt fois en débarquant, même pour quelques heures, sur une côte inconnue et déserte : un rocher qui vous garantit du vent; un arbuste qui vous abrite de son tronc ou de son ombre; un rayon de soleil qui chauffe le sable où vous êtes assis; ... A. de Lamartine, Souvenirs, impressions, pensées et paysages pendant un voyage en Orient (1832-33) ou Notes d'un voyage,t. 2, 1835, p. 352.
2. Serrée contre l'Eurasie, d'un côté, l'Indo-Afrique de l'autre, comme entre les deux mâchoires d'un étau, cette dépression a toujours abrité des synclinaux ... A. de Lapparent, Abrégé de géologie,1886, p. 406.
3. Les germes (...) cachés dans les organismes qui les abritent. E. Perrier, Traité de zoologie,1893, p. 46.
Rem. Dans les ex. 2 et 3, abriter est utilisé, par affaiblissement de sens, comme équivalent plus élégant et plus expr. de contenir ou de avoir.
B.− L'abri est un lieu (au sens propre); mais il apporte une protection plutôt morale :
4. ... [je] m'abandonnai, les yeux fermés, aux enchantements de ma mémoire. Il était, quelque part, un parc chargé de sapins noirs et de tilleuls, et une vieille maison que j'aimais. Peu importait qu'elle fût éloignée ou proche, qu'elle ne pût ni me réchauffer dans ma chair, ni m'abriter, réduite ici au rôle de songe : il suffisait qu'elle existât pour remplir ma nuit de sa présence. A. de Saint-Exupéry, Terre des hommes,1939, p. 178.
Rem. Dans l'ex. suiv., abriter est l'équivalent expr. de avoir (sup. ex. 2, 3); il est empl. par iron. :
5. [madame Chanteau] : − (...) si tu n'avais pas été malade, nous serions peut-être millionnaires. Chaque fois que l'amertume de sa femme débordait ainsi, il baissait la tête, gêné et honteux d'abriter dans ses os l'ennemie de la famille [la goutte]. É. Zola, La Joie de vivre,1884, p. 823.
C.− La protection est d'ordre moral (l'abri offert − ou qui s'offre − n'est pas un lieu réel, mais une abstraction, une personne...) :
6. Décidément je crois qu'il est prudent de se garer un peu d'Asseline : il a contre lui tous les jaloux de la fortune. Nous ne pouvons pas le sauver, ni l'abriter contre tout le monde. E. et J. de Goncourt, Journal,juill. 1857, p. 377.
II.− Emploi pronom. S'abriter.Se mettre à l'abri.
A.− Protection naturelle, matérielle :
7. ... quoiqu'à la rigueur un homme pût vivre en n'ayant que des racines pour se nourrir, une peau pour se vêtir et une hutte pour s'abriter, néanmoins, dans l'état actuel de nos sociétés, on ne peut pas, dans nos climats, considérer comme des superfluités du pain et de la viande, un habit d'étoffe de laine et le logement dans une maison. J.-B. Say, Traité d'économie politique,1832, p. 457.
8. A cette heure des crépuscules d'hiver, où on sent plus particulièrement le besoin d'avoir un gîte, de rentrer près d'un feu, de s'abriter pour dormir, − nous n'avions rien, nous, ... P. Loti, Mon frère Yves,1883, p. 79.
9. Parmi les bateaux qui s'abritaient à la tempête dans le port de Calais se trouvait, hier, le chalutier Hinders, de l'Institut d'études maritimes d'Ostende, ... Le Figaro,19-20 janv. 1952, p. 1, col. 5.
Rem. Dans l'ex. 9, la constr. en apparence exceptionnelle du verbe abriter (+ à, au lieu de contre ou de) s'explique sans doute par croisement avec à « au moment de » dans le lang. hâtif du reportage de presse.
B.− Protection morale :
10. Rien de ce qui s'agite ici-bas ne me tente; Je ne veux pas dresser à tout ce vent ma tente, Je ne veux pas salir mes pieds dans ces chemins Où s'embourbe en marchant ce troupeau des humains; J'aime mieux, m'écartant des routes de la terre, Suivre dès le matin mon sentier solitaire. J'aime mieux m'abriter sous le mur du saint lieu Et dès le premier pas me reposer en Dieu. A. de Lamartine, Jocelyn,1836, p. 582.
11. Notez que la providence − (...) − a voulu que cette belle restauration de l'art se fît entre le théâtre des mauvais bergers et le théâtre des deux gosses (...). Ainsi, il y a un chef-d'œuvre de plus au monde. Réjouissons-nous. Reposons-nous. Flânons. Allons de théâtre à théâtre écouter les dernières niaiseries : nous sommes tranquilles. Quand il nous plaira, nous retrouverons le chef-d'œuvre. On peut s'y appuyer, s'y abriter, s'y sauver des autres et de soi-même. J. Renard, Journal,1897, p. 451.
Rem. gén. Abriter ou s'abriter se construisent fréquemment sans compl. de lieu. Lorsqu'un tel compl. est exprimé, il est introd. par les prép. sous (ex. 10), dans (ex. 5), à (ex. 9). L'adv. pron. pers. est y (ex. 11), auquel correspond l'adv. rel. où :
12. Si j'étais petit oiseau J'irais chanter près de lui. Puis j'irais jusqu'où s'abrite Quelque famille proscrite ... P. Béranger, Chansons,Si j'étais petit oiseau, t. 2, 1829, p. 113.
Les intempéries ou le danger menaçants sont introd. par les prép. contre (ex. 6), de :
13. Indépendamment de ces soins, il est important que le jardinier surveille chaque jour ses arbrisseaux, qu'il les nettoie des feuilles mortes et des insectes qui pourraient leur nuire, qu'il rogne les pousses trop vigoureuses, qu'il les abrite du froid, de l'extrême chaleur, de la sécheresse, de la trop grande humidité ... Voyage de La Pérouse,t. 1, 1797, p. 231.
Prononc. − 1. Forme phon. : [abʀite], j'abrite [ʒabʀit]. Enq. : /abʀit/. Conjug. parler. 2. Dér. et composés. : abri, abri (-vent, etc.), abritement, abrité abriteux (-euse, dial.).
Étymol. − 1. 1489 pronom. « se protéger » (Robert gaguin, Passe-temps d'oysiveté, Anc. Poés. fr., VII, 242 ds Delboulle, R. Hist. litt. Fr., I, 181 : Furon suit aprés le connin Le lyon contre l'ours s'abrite Et triacle het le venin); 2. 1751 trans. terme hortic. (Encyclop. : Abriter, v. a. c'est porter à l'ombre une plante mise dans un pot, dans une caisse pour lui ôter le trop de soleil. On peut encore abriter une planche entière, en la couvrant d'une toile ou d'un paillasson, ce qui s'appelle proprement couvrir). Dér. de abri*. HIST. − Attest. isolée au xves. (cf. étymol.), où le mot semble être un néol. (la forme usuelle est alors abrier, cf. ce mot, hist.) sans aucun succès puisqu'il n'est entré réellement dans la lang. qu'au xviiies. (1reattest. ds Ac. 1740). Il apparaît d'abord comme terme techn. d'hortic. et sous la forme partic. abrité : Terme de Jardinage. Qui est à l'abri. Un espalier bien abrité. (Ac. 1740). C'est la même chose qu'abrier qui est moins en usage. (Trév. 1771). Il est curieux de constater que le verbe, passé à la fin du xviiies. dans la lang. cour. (cf. inf.) a perdu de sa vitalité comme terme techn. d'hortic. et a été remplacé dans ce sens par le verbe abrier, déjà inusité au sens gén. mais vivant dans la lang. techn. Au xviiies. il est de même attesté dans le vocab. de la mar. « mettre à l'abri, garantir des effets du vent et de la mer » où il subsiste : L'Encyclopédie (1783) l'admit comme synonyme d'Abreyer. L'Escallier (1777) écrit : Abrier, qui vaut mieux qu'Abreyer et surtout qu'Abriter, qui a prévalu. (Jal 1848). À la fin du xviiies. enfin, il apparaît dans la lexicogr. comme terme gén. (Ac. 1798); il subsiste dans ce sens (cf. sém.). − Rem. La forme s'abriter, attestée au xves., ne reparaît dans la lexicogr. qu'à partir de Ac. 1835; elle subsiste (cf. sém.).
STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 045. Fréq. rel. : xixes. : a) 921, b) 1 579; xxes. : a) 1 844, b) 1 701.
BBG. − Jal 1848. − Soé-Dup. 1906. − Will. 1831.