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AÏEUX, subst. masc. plur.
I.− GÉNÉALOGIE, lang. commune
A.− Vx. Grands-parents :
1. Les jours de fête, (...) il regardait les habitants sortir de leurs maisons, puis les danses sur les places, (...) et le soir venu, par le vitrage des rez-de-chaussée, les longues tables de famille où des aïeux tenaient des petits enfants sur leurs genoux... G. Flaubert, Trois contes,La Légende de saint Julien l'Hospitalier, 1877, p. 124.
B.− Usuel, littér.
1. Ensemble de personnes (gén. de sexe masc.) qui sont à l'origine d'une lignée continue ou appartiennent aux générations anciennes d'une lignée continue. Synon. ancêtres, ascendants. Anton. descendants :
2. Un mortel dont Bellone admira le courage Couloit en paix ses jours sur cet heureux rivage, Habitant le château qu'habitoient ses ayeux, J.-F. Michaud, Le Printemps d'un proscrit,1803, p. 97.
3. Mrs. Dingley avait hérité de ses aïeux français émigrés au dix-septième siècle en Louisiane un sentiment juste des caractères. J. et J. Tharaud, Dingley, l'illustre écrivain,1906, p. 25.
4. Ce bruit autour de mes oreilles, ce papillotement, ce n'est rien! Ce n'est que soixante millions d'êtres, et leurs millions d'aïeux, et leurs millions de descendants, qui s'envolent de moi, comme l'a dit tout à l'heure Zelten. J. Giraudoux, Siegfried,1928, III, 4, p. 134.
Loc., gén. de style noble. Rejoindre ses aïeux. Mourir :
5. Dussé-je avant le temps rejoindre mes aïeux... C. Delavigne, Les Enfants d'Édouard,1833, II, 6, p. 73.
6. ... attendre l'heure où le dernier des Sigognac ira rejoindre ses aïeux dans le caveau de famille... T. Gautier, Le Capitaine Fracasse,1863, p. 43.
Fam. (Ô) mes aïeux! Expression où l'on prend ses ancêtres à témoin de quelque chose de peu commun, avec souvent une nuance d'accablement ou au contraire de soulagement :
7. Mais si vous aviez fréquenté comme moi le pou de vêtement, celui-là, mes enfants, alors celui-là, mes aïeux, il n'y a pas moyen de s'en débarrasser. R. Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 20.
2. En partic., littér. Ancêtres connus d'une famille illustre :
8. ... Junot s'écria que Bonaparte n'avait pas besoin d'aïeux... A. France, Le Puits de Sainte Claire,1895, p. 291.
P. méton., iron. Portraits des ancêtres d'une famille généralement illustre :
9. « Je recommande également à la piété de mon légataire les dix-huit portraits de famille que je lui laisse, (...) : si mon petit-neveu était tenté quelque jour de mettre ses aïeux en vente, je l'invite à relire auparavant certaine scène de L'École de médisance (school for scandal) qui pourra lui en faire passer l'envie... » V. de Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 5, 1814, p. 219.
3. P. ext. Ancêtres d'une collectivité (ville, peuple, etc.) :
10. ... nos aïeux en faisaient grand usage [de l'ambre] dans leur cuisine, et ne s'en portaient pas plus mal. J.-A. Brillat-Savarin, Physiologie du goût,1825, p. 342.
11. Chaque ville, chaque bourgade (...) a d'abord célébré ses aïeux illustres. « Je suis la ville de La Boétie, » a dit Sarlat. « Je suis Gambetta, » a dit Cahors. M. Barrès, Mes cahiers,t. 2, août-déc. 1913, p. 202.
Ancêtres mythologiques d'un peuple :
12. ... elle [une île] étoit plantée de ces vieux arbres que les peuples de l'Arcadie regardoient comme leurs aïeux. F.-R. de Chateaubriand, Les Martyrs,t. 1, 1810, p. 207.
Rem. 1. P. oppos. à pères, aïeux désigne des ancêtres plus éloignés. P. oppos. à ancêtres, qui ne fait que constater une filiation réelle, les 2 termes indiquent la survie d'une relation intime avec les ancêtres. 2. De là un certain nombre de traits « stylistiques » qui caractérisent aïeux : a) Il est noté comme ,,terme d'honneur`` ds Ac. 1798, Land. 1834; b) Il est fréquemment associé avec des termes laud. (dignes, illustres, nobles, sublimes, etc.); c) Il prend souvent une coloration affective avec l'idée de patrimoine moral ou spirituel à conserver d'où les assoc. syntagm. − Loc. prép. à la mémoire de mes aïeux, au nom de mes aïeux, par mes aïeux. − Subst. culte des aïeux, mœurs des aïeux, terre des aïeux. − Verbes, hériter de ses aïeux, suivre les traces de ses aïeux, tenir de ses aïeux.
II.− Emplois anal. et fig.
A.− [En parlant de pers. ou de personnages] Précurseur, devancier (cf. aïeul II A) :
13. Ducis, pour certains accents religieux, grandioses et doux, est un parent de Chateaubriand, de même qu'il est un de nos pères et de nos aïeux en rêverie. Ch.-A. Sainte-Beuve, Nouveaux lundis,1863-1869, p. 365.
14. D'autres ont parlé, ... et de son Christ mort ... et de sa série de la Passion [à Holbein] ... mais nul, ... n'aura aimé plus profondément que moi cette truculente et furieuse guirlande de ribaudes et de gais compagnons, indéniables aïeux des buveurs de Téniers... J. Lorrain, Sensations et souvenirs,Un Holbein, 1895, p. 296.
B.− [En parlant d'animaux, de plantes, d'entités diverses] Ce qui est à l'origine de quelque chose (cf. aïeul II B) :
15. ... c'est au pied de quelques-uns de ces térébinthes aïeux du térébinthe qui me couvre, que le poëte sacré venait sans doute attendre le souffle qui l'inspirait si mélodieusement. A. de Lamartine, Voyage en Orient,1835, p. 433.
16. Pour raconter son infortune À la forêt de ses aïeux, La biche brame au clair de lune Et pleure à se fondre les yeux. M. Rollinat, Les Névroses,Refuges, 1883, p. 219.
17. Les mouvements de la matière et de la vie ont le pas grave, et sentent qu'ils sont les aïeux des mouvements hâtifs dont frémissent les hommes. J. Romains, La Vie unanime,Moi, par dessus, 1908, p. 216.
Prononc. ET ORTH. − 1. Forme phon. : [ajœl], plur. [ajø]. Enq. : /ajø2l/, plur. /ajø1/. 2. Dér. et composés : bisaïeul, trisaïeul, quadrisaïeul (cf. Juill. 1965). 3. Forme graph. − Ortho-vert 1966, p. 62 : ,,Aïeul a deux pluriels : aïeuls, si l'on veut désigner les grands-parents (...), aïeux si l'on veut désigner les ancêtres`` (cf. aussi les dict. du xxes.). 4. Hist. − Land. 1834 transcrit le mot avec diérèse : ɑ-ï-eul. Tous les dict. du xixes. font pour le plur. la distinction entre aïeuls (grands-parents) et aïeux (ancêtres). À propos du plur. du masc., Fér. Crit. t. 1 1787 fait la rem. suiv. ,,Le pluriel du masculin a varié. Les uns d'après Ménage, voulaient qu'on dît ayeuls, et Massillon l'a encore écrit de la sorte. Ce sont les poètes, disent Mrs de l'Acad. dans une édition de leur dict. du commencement de ce siècle, qui pour faire rimer aïeux avec dieux, glorieux ont supprimé l'l. Cette réflexion marque que l'Acad. préférait alors la prononciation de l'l pour la prôse. Aujourd'hui et en prôse et en vers, on écrit aïeux.`` Plus loin, en ce qui concerne plus particulièrement l'orth., il précise que ,,Autrefois on écrivait ayeul, ayeux; mais [que] cette orthographe est contre la prononciation, car il faudrait prononcer é-ieul et é-ieu, l'y faisant fonction de deux i, dont l'un s'unit avec l'a précédent pour former la diphtongue ai qui a le son de l'é, et l'autre se joint à l'e qui suit.`` (Cf. infra étymol.).
Étymol. ET HIST. I.− 1. Ca 1150 aiuel « grand-père » (Roman de Thèbes, éd. Constans, 36 ds T.-L. : ma raison vueil comencier D'un lor aiuel dont vueil traitier); 2. début xiiies. « ancêtre » (Amadas et Ydoine, éd. Hippeau, 4765, ibid. : Puis le tans du premier aioel Adan, dont tuit et tuites sont); au plur. aieuls désigne indistinctement jusqu'au xviiies. les grands-pères paternel et maternel ou les ancêtres (cf. La Bruyère, IX, 41 ds Dub.-Lag. 1960 : Cette disposition de cœur et d'esprit qui passe des aïeuls [« grands-pères »] par les pères dans les descendants; La Font., Eunuq., 1, 4, ibid. : Au rang que ses aïeuls [« ancêtres »] ont jadis su tenir); selon Rich. t. 1 1680, le plur. est dans les deux cas aïeux; selon Ac. 1694 il s'écrit aïeuls, mais se prononce aïeux; selon Ac. 1740 cette prononc. est la plus ordinaire, mais les deux graph. se rencontrent, aïeux surtout en poésie; 1762 (Ac. : [...] au plur. on dit aïeuls quand on veut désigner précisément le grand-père paternel et maternel [...] Hors de-là, on dit aïeux pour signifier généralement tous ceux de qui on descend). II.− Ca 1180 aiuele « grand'mère » (Marie de France Fables, éd. Warnke, 45, 21 ds T.-L.). Du lat. vulg. *avíŏlus, avíŏla, dimin. euphémique du lat. class. avus (*avius), avia. Évolution vocalique rég. pour la syllabe finale : le suff. lat. -íŏlu est devenu par déplacement d'accent -yólu, puis diphtongaison rég. de l'ǫ, d'où aiuel. La chute de la labiale w devant y fait difficulté (selon H. Rheinfelder, Altfr. gram., 2eéd., 1953, § 533, il s'agirait d'un fait de prononc. enfantine; cf. aussi *atavia > a. fr. taie « grand-mère », *atavione a. fr. taion « grand-père »). Fouché t. 2 1958, p. 232 et t. 3 1961, p. 906. La forme du cas régime plur. aieux (a. fr. aiues, aieus) est phonét. rég.; le plur. aieuls est refait sur le sing. et a servi à distinguer les deux sens.
STAT. − Fréq. abs. litt. : 1 608. Fréq. rel. litt. : xixes. : a) 3 019, b) 3 158; xxes. : a) 2 600, b) 1 003.
BBG. − Bailly (R.) 1969 [1946]. − Bar 1960. − Bél. 1957. − Bénac 1956. − Boiss.8. − Bonnaire 1835. − Bruant 1901. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 6. − Dup. 1961. − Fér. 1768. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 151. − Guizot 1864. − Hanse 1949. − Kold. 1902. − Laf. 1878. − Lav. Diffic. 1846. − Pope 1961, § 187, 530, 531, 533, 554. − Sardou 1877. − Sommer 1882. − Synon. 1818. − Terracher (A.). Autour de l'Atlas lingüístic de Catalunya. R. Ling. rom. 1925, t. 1, pp. 447-454. − Thomas 1956.