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NATION, subst. fém.
A. − Vx. Groupe d'hommes dont les membres sont unis par une origine réelle ou supposée commune et qui sont organisés primitivement sur un territoire. Synon. gent1, tribu.Ces derniers [les Bitchys] habitaient plus au sud, mais peut-être à moins de sept à huit lieues: car ces nations, comme celles du Canada, changent de nom et de langage à chaque bourgade (Voy. La Pérouse, t.3, 1797, p.62):
1. Il est bon de prévenir le lecteur pour qu'il ne se laisse pas éblouir par l'expression imposante de nation [it. ds le texte]. Elle ne signifie rien autre chose que chaque tribu de sauvages, assujettie sous un même chef, dont la langue et quelques usages diffèrent un peu des autres; en sorte qu'une nation n'est souvent pas composée de deux mille individus, et qu'on rencontre des villages ou des nations beaucoup moins considérables. Baudry des Loz.,Voy. Louisiane, 1802, pp.20-21.
B. −
1.
a) Groupe humain, généralement assez vaste, dont les membres sont liés par des affinités tenant à un ensemble d'éléments communs ethniques, sociaux (langue, religion, etc.) et subjectifs (traditions historiques, culturelles, etc.) dont la cohérence repose sur une aspiration à former ou à maintenir une communauté. Esprit, génie, humeur, moeurs d'une nation; nation barbare, civilisée, cultivée, instruite, policée. Le caractère, les opinions, et surtout les langues, constituent l'unité des nations dans l'ordre moral; et, dans l'ordre physique même, elles sont dessinées par des caractères éminemment distinctifs (J. de Maistre,Corresp., t.3, 1810, p.482).L'historien et le philosophe cherchent une définition objective de (...) la nation : la nation est-elle fondée sur la langue commune ou sur les conceptions de la vie? (Merleau-Ponty,Phénoménol. perception, 1945, p.417):
2. ... l'idée même de nation en général ne se laisse pas capturer aisément (...). Le fait essentiel qui les constitue [les nations], leur principe d'existence, le lien interne qui enchaîne entre eux les individus d'un peuple, et les générations entre elles, n'est pas, dans diverses nations de la même nature. Tantôt la race, tantôt la langue, tantôt le territoire, tantôt les souvenirs, tantôt les intérêts instituent diversement l'unité nationale d'une agglomération humaine organisée. Valéry,Regards sur monde act., 1931, p.37.
Sagesse* des nations.
Rem. 1. Il convient de distinguer en ce sens nation et état. Nation implique une idée de spontanéité, de communauté d'origine. État implique une idée d'organisation politique et administrative. Une nation peut être partagée, appartenir à plusieurs états, un état peut comprendre plusieurs nations. 2. Nation désigne un groupe humain envisagé sous le rapport de la communauté d'origine, de langue; peuple désigne un groupe humain envisagé du point de vue du gouvernement et des rapports politiques. Ces familles ainsi réunies en un corps, forment une nation sous le rapport de la communauté d'origine, un peuple sous le rapport de la communauté de territoire, un état sous le rapport de la communauté de lois (Bonald, Législ. primit., t.2, 1802, p.74).
b) En partic.
[Au Moy. Âge] Groupement de maîtres et d'étudiants à l'intérieur des universités, selon un découpage linguistique. La faculté des arts de l'université de Paris comprenait quatre nations: anglaise (incluant les Allemands), française (incluant Italiens et Espagnols), picarde (incluant les Flamands), normande (FédouMoy. Âge1980).
Au plur. [Dans l'Ancien Testament] Peuples idolâtres, ceux qui ne font pas partie du peuple élu. Synon. gentil1.Toute (...) guerre est une guerre sainte dans laquelle Jahvé intervient nécessairement pour porter secours à son peuple et anéantir les nations et leurs divinités (Allmen1956).
c) Synon. de nationalité (v. ce mot B 1).Le port est encombré de vaisseaux de toutes nations et de différents tonnages (Gautier,Tra los montes,1843, p.12).Dans l'intimité les Américains se laissent aller quelquefois à dire: «Nous sommes la nation qui a la peau la plus blanche du globe!» Et cette conviction les amène à traiter les hommes de toutes les autres nationalités blanches comme des nègres (Goncourt,Journal,1879, p.53).
MAR. Pavillon de nation. Signe distinctif de la nationalité hissé à la corne des navires. (Dict. xixeet xxes.).
2. Groupe humain stable, établi sur un territoire défini constituant une unité économique, caractérisé par une auto-conscience ethnique (marquée par l'idée de la communauté d'origine et de destinée historique), une langue et une culture communes, formant une communauté politique personnifiée par une autorité souveraine et correspondant à un stade évolué du mode et des rapports de production. Des colonnes de conscrits, de soldats et de volontaires se croisaient, se mêlaient bruyamment (...). Madame de Béranger avait peur de ces rencontres fréquentes (...). Les volontaires criaient souvent Vive la nation! et elle se croyait en 93 (Sand,Hist. vie, t.2, 1855, p.414).Aucune [personne humaine] ne doit être privée des moyens positifs de travailler librement, sans dépendance servile à l'égard de qui que ce soit. C'est donc dans la nation que le droit de tous les individus, aujourd'hui, demain et toujours, trouve sa garantie (Jaurès,Ét. soc., 1901, p.132):
3. L'étude de la nation française nous a montré un cas où la plupart des composantes de la nation (marché national constitué ou en voie de constitution, langue nationale développée, unification politique, État centralisé) se trouvaient en place sans que pour autant puisse se créer la nation. Celle-ci ne put apparaître, en tant que telle, à la surface des rapports sociaux, qu'au moment où se cristallisèrent les contradictions de classes, où elles nécessitèrent l'intervention directe des masses populaires. R. Martelli,La Nation, Paris, Éd. soc., 1979, p.69.
SYNT. Nation commerçante, exportatrice, importatrice, industrialisée, industrielle, maritime; nations alliées, bélligérantes, ennemies; nations voisines; nations européennes, germaniques, latines, occidentales; nations civilisées, développées, en voie de développement; grandes nations.
Rem. À partir de la Révolution nation prend un sens politique précis et désigne une forme d'organisation sociale spécifique. Conjointement à cette acception, nation s'applique encore à cette époque à des groupes humains ayant eu des expériences d'organisation politique autonome, groupes qui ont en partie survécu à leur intégration dans le royaume de France avant 1789. Ces organisations possédaient les traits caractéristiques de toute ethnie et formaient un ensemble spécifique qui à la fin de l'Ancien Régime était désigné par province. La nation provençale (...) n'auroit pu céder les Avignonois au pape. La reine Jeanne le pouvoit-elle, contre les réclamations mêmes de la nation provençale? Non; les Avignonois sont donc toujours restés de droit une portion intégrante de la Provence, et par conséquent, de la nation françoise à laquelle la Provence a été incorporée (Robesp., Discours, Pétit. peuple avign., t.6, 1790, p.588).
DR. INTERNAT. Clause de la nation la plus favorisée. Clause insérée dans un traité international et stipulant que l'État signataire s'engage à accorder aux ressortissants de son cocontractant tous les avantages déjà accordés ou qui pourront être accordés à un pays tiers. La nouvelle note iranienne annoncera la dénonciation de cet accord aux termes duquel l'Angleterre jouissait de la clause de la nation la plus favorisée (Le Monde, 19 janv. 1952, p.3, col. 4).La clause de la nation la plus favorisée crée des compétitions entre les divers pays, qui sont généralement tous désireux de l'obtenir, et par là, contribue à l'abaissement des tarifs douaniers et à l'extension des accords de réciprocité entre les pays. Mais par ailleurs, elle soude les économies de pays associés et contribue à la formation de «blocs» économiques opposés les uns aux autres (Bouv.-Ibarr.1975).
Société* des Nations. Organisation* des Nations Unies.
3. P. méton. Territoire occupé par ce groupe humain. Synon. patrie, pays.Une nation est une grande association séculaire (...) entre des provinces en partie congénères formant noyau, et autour desquelles se groupent d'autres provinces liées les unes aux autres par des intérêts communs (Renan,Réf. intellect., 1871, p.202).
C. − [Désigne un ensemble de pers.]
1. Ensemble des personnes qui composent ce groupe (B2). Il traita de la paix, mais avec le consentement unanime de sa nation. Quelques révoltés, il est vrai, refusèrent de ratifier le traité; mais quel poids pouvoient avoir leurs réclamations après le voeu contraire, exprimé librement par la masse entière du peuple! (Genlis,Chev. Cygne, t.1, 1795, p.176).Quand on n'a pas pour soi l'opinion publique, c'est-à-dire la nation... on peut susciter des troubles, des complots, on peut faire des révoltes, mais non pas des révolutions! (Scribe,Bertrand, 1833, i, 6, p.134).Il tenait en profond mépris le gros de la nation française, ce ramassis de paysans et de manoeuvres qu'on appelle le peuple, ou la vile multitude (About,Nez notaire, 1862, p.8).
2. [Désigne un ensemble de pers. appartenant à une catégorie partic.]
Vieilli ou littér. Ensemble des personnes formant un groupe homogène, qui ont des traits caractéristiques (physiques, psychiques, comportementaux, etc.) communs. Nation des poètes. C'est un coup-d'oeil charmant que toute cette nation citadine réunie sous l'ombrage d'arbres magnifiques et sur les gazons dont le Danube entretient la verdure (Staël,Allemagne, t.1, 1810, p.118).À peine ces trois rangées de maisons de la place Royale furent-elles dressées (...) que la nation des gens de justice envahit la place entière (Nerval,Nouv. et fantais., 1855, p.182).Toute la nation littéraire s'ordonnait en un petit nombre de tribus, selon les lois naïves des contrastes que l'on croyait exister entre l'art et la nature (Valéry,Variété IV, 1938, p.12).
HIST. [Pendant la Révolution française] Ensemble des personnes formant le Tiers État. Le Tiers embrasse donc tout ce qui appartient à la nation; et tout ce qui n'est pas le Tiers ne peut pas se regarder comme étant de la nation (Sieyès,Tiers état, 1789, p.32).Au fur et à mesure que s'approfondissent les luttes révolutionnaires, la nation tend, dans le langage du temps, à s'identifier au peuple révolutionnaire qui a abattu la monarchie (R. Martelli,La Nation, Paris, Éd. soc., 1979, p.22).
Vieilli. Ensemble des personnes appartenant à une même nation qui vivent dans un pays étranger. Synon. colonie.Toutes les «nations» de l'hôtel montrent beaucoup de gentillesses (Barrès,Amit. fr., 1903, p.51).
D. −
1. [Désigne une collectivité p. oppos. à un individu, une classe, un groupe] Collectivité nationale. Intérêts de la nation. Il ne faut plus nous dire continuellement: la France est un état monarchique; et faire découler ensuite de cet axiôme les droits du roi, comme la première et la plus précieuse partie de la constitution; et secondairement la portion de droits que l'on veut bien accorder à la nation (Robesp.,Discours, Contre veto, t.6, 1789, p.88).Pour lui, il n'était de joli départ pour les frontières qu'après avoir nettoyé le pays de la gangrène réactionnaire qui rongeait les forces vives de la nation (Aymé,Jument, 1933, p.89).La nation garantit l'égal accès de l'enfant et de l'adulte à l'instruction, à la formation professionnelle et à la culture (Constitution du 27 oct.1946,préambule).
2. DR. CONSTIT.
a) ,,Élément de l'État constitué par le groupement des individus fixé sur un territoire déterminé et soumis à l'autorité d'un même gouvernement. La nation est la substance humaine de l'État`` (Cap. 1936). L'idée de consulter la nation était lancée dans la circulation et s'associait à l'idée de liberté (Bainville,Hist. Fr., t.2, 1924, p.22).
b) [Dans la théorie classique issue de la Révolution française] ,,Personne juridique constituée par l'ensemble des individus composant l'État, mais distincte de ceux-ci et titulaire du droit subjectif de souveraineté`` (Cap. 1936). L'homme de leur choix sera constamment celui qui, à tous égards, offrira le plus de garanties comme administrateur local, et comme électeur des députés dont le mandat doit émaner de la nation entière (Lamennais dsL'Avenir,, 1831, p.277).Il tordait dans sa main le collet brodé du député de l'Aisne. «Le peuple me connaît. Il ne vous connaît pas. Je suis l'élu de la nation. Vous êtes les délégués obscurs d'un département» (A. France,Lys rouge, 1894, p.42).Dans la doctrine française, telle qu'elle a été exprimée dans nos constitutions de l'époque révolutionnaire et de 1848, la nation est le titulaire originaire de la souveraineté. La nation est une personne avec tous les attributs de la personnalité, la conscience et la volonté. La personne nation est, en réalité, distincte de l'État; elle lui est antérieure (L. Duguit,Traité de dr. constit., t.1, 1927, p.607 ds Rob.).
Prononc.: [nasjɔ ̃], [nɑ-]. Martinet-Walter 1973 [-a-], [-ɑ-] (11/6). Étymol. et Hist. 1. a) 1remoitié xiies. naciuns «les païens, p. oppos. aux juifs (dans la Bible)» (Psautier Oxford, éd. F. Michel, ps. 109, 7 [= 110, 6], p.171); b) ca 1175 nascion «ensemble d'êtres humains caractérisé par une communauté d'origine, de langue, de culture, etc.» (Chronique Ducs Normandie, éd. C. Fahlin, 11969); 2. a) ca 1470 nation «division de l'université de Paris» (Georges Chastellain, Chron., éd. J. Kervyn de Lettenhove, t.1, p.347: les quatre nations); b) 3equart xves. «personnes d'une même nation se trouvant dans un pays étranger, colonie» (Id., ibid., t.2, p.280: les nations des marchans de la ville de Bruges); c) 1765 «division territoriale de l'ordre de Malte» (Encyclop. t.9, p.951b); 3. a) 1651-57 p.ext. «catégorie d'individus unis par une communauté d'intérêts, de profession, etc.; engeance» (Scarron, Roman com., éd. E. Magne, p.25: [les] provinciaux, la plus incommode nation du monde); b) 1668 «espèce animale» (La Fontaine, Fables, IV, 6); 4. a) 1789 dep. la Révolution: «personne juridique constituée par l'ensemble des individus composant l'État... (Cap. 1936)» (Arrêté du 23 juil. ds Réimpr. de l'anc. Moniteur, t.I, p.197b ds Ranft, p.99: crime de lèse-nation); b) ca 1899 dr. internat. clause de la nation la plus favorisée (Gde Encyclop.). Empr. au lat. natio (dér. de nasci «naître») «naissance; ensemble d'individus nés en même temps ou dans le même lieu, nation», lat. chrét. nationes plur. «les nations païennes (p.oppos. au peuple de Dieu)», lat. médiév. natio au sens 2 a (1245 ds Nierm.). Fréq. abs. littér.: 9391. Fréq. rel. littér.: xixes.: a) 26999, b) 7144; xxes.: a) 6332, b) 9261. Bbg. Dub. Pol. 1962, p.350. _Eskenazi (A.). Peuple et nation ds l'Esprit des lois. Ét. sur le 18e s. Clermont-Ferrand, 1979, pp.41-45. _Merk (G.). L'Étymol. de Race. Rapp. entre generatio, ratio et natio. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1969, t.7, pp.177-188. _Muller (Fr. W.). Zur Geschichte des Wortes und Begriffes «nation» im frz... Rom. Forsch. 1947, t.58-59, pp.247-321. _Quem. DDL t.11, 14. _Rabotin (M.). Le Vocab. pol. et socio-ethnique à Montréal de 1829 à 1842. Paris-Bruxelles, 1975, p.71,73. −Siccardo (Fr.). Nationalisme. Contributo linguistico. Contributo storico-letterario. Gênes, 1984, pp.23-45. _Vardar Soc. pol. 1973 [1970], p.271.